Un multirécidiviste « libéré Covid »
Le visage de la victime, celui d’un jeune homme de 23 ans, bosseur, rieur et passionné de trottinette, est longtemps resté dans l’ombre. À l’époque, en mai 2020, les médias ont les yeux rivés sur la famille Traoré et sa tentative d’importer le mouvement Black Lives Matter en France. L’agression violente subie par Thomas dans la nuit du 9 au 10 mai 2020 et sa mort survenue un mois plus tard passent sous les radars. Ce jour-là, Thomas fête la fin de son contrat chez un ami. Vers 20 heures, il descend à l’épicerie et croise une connaissance qui l’invite chez lui. Là, il rencontre son agresseur, alors âgé de 39 ans, accompagné d’une femme. Vers minuit, alors que Thomas quitte les lieux, Akim T. le suit et l’agresse. Jalousie ? Mauvais regard ? Alcool ? Les causes de sa soudaine agressivité restent sombres. Frappé à plusieurs reprises notamment à la tête, Thomas parvient tout de même à appeler au secours. L’un de ses amis arrive et tente de dissuader l’agresseur mais, déjà, celui-ci reprend les coups. Au total, Thomas aura essuyé huit coups de couteau, lui infligeant cinq blessures à la cuisse, au thorax et à l’abdomen. Malgré l’intervention des secours et de nombreuses opérations, il décédera le 11 juin 2020 des suites de ses blessures.
Rapidement, la famille de Thomas dénonce les « dysfonctionnements de la justice ». En cause, le profil de l’agresseur, un multirécidiviste, déjà condamné en 2005 pour viol et extorsion pour des faits qui remontaient au mois de mai 2000. Mais plus grave, selon plusieurs de nos confrères, l’agresseur de Thomas aurait bénéficié d’une remise en liberté anticipée en raison de la crise sanitaire. Une politique de réduction des peines et de libération de plusieurs milliers de détenus, orchestrée par Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux, afin d’éviter la propagation du virus dans les établissements pénitentiaires et, par la même occasion, décharger certaines prisons. Contactée pour vérifier cette information, l’une des avocates de la famille de Thomas n’a pas répondu à nos sollicitations.
Face aux sénateurs, le désormais ministre de l’Éducation nationale assurait que l’opération de libération anticipée des détenus n’avait connu que « peu d’échecs ». « Nous n’avons qu’une trentaine de réincarcérations alors que 6.600 personnes ont été libérées de manière anticipée avant la fin de leur peine », se félicitait alors Nicole Belloubet. Des éléments de langage repris par son successeur, Éric Dupond-Moretti, qui, interrogé à ce sujet, notait, quelques semaines après, que l’exécutif « [avait] bien fait de le faire » et avait ainsi « limité la casse ».
Des propos inaudibles pour les proches de Thomas qui ne considèrent sûrement pas la libération du meurtrier de leur fils comme une réussite. Et malheureusement, Thomas n’est pas la seule victime de ce laxisme. Le 24 octobre 2020, Anne-Lise (le prénom a été changé, NDLR) vit un véritable calvaire. La jeune fille, alors mineure, passe la soirée chez des amis. Un inconnu la menace, l’incite à boire, la drogue et finit par la violer. Anne-Lise porte plainte et apprend alors que son agresseur présumé a bénéficié d’une « libération Covid ». Si le parquet et le ministre de la Justice nient le motif sanitaire de cette libération conditionnelle, Valeurs actuelles avance une autre version des faits tirée de la lecture d'une partie du jugement : « Au vu de ces éléments et de la situation sanitaire […] nécessitant que le taux d’occupation de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, habituellement de 130 %, soit réduit afin de limiter les conséquences d’une éventuelle propagation du virus […], il convient de considérer que les conditions d’octroi d’une libération conditionnelle sont réunies », indique ainsi le juge d’application des peines. Une décision incompréhensible pour la famille de l’adolescente. « Comment un individu qui compte huit mentions au casier judiciaire, qui purge quatre ans d’emprisonnement ferme pour agression sexuelle, séquestration et violences sur son ex-compagne (cent vingt jours d’ITT) peut-il être libéré après deux ans de détention, sans le moindre débat contradictoire, au motif d’une crise sanitaire ? » interroge maître Fabien Rajon, avocat de la famille qui a décidé, en 2021, d’assigner l’État en justice pour faute grave. Thomas et Anne-Lise ne sont malheureusement pas les seules victimes de ces « libérés Covid ». À Gap, un homme a ainsi été blessé au couteau (plaie de 12 cm) par un certain Angelo G., le premier détenu à avoir bénéficié d’une libération anticipée.
Est-ce donc pour la récompenser de son laxisme qu’Emmanuel Macron a décidé de faire revenir Nicole Belloubet dans son gouvernement et de la nommer à l’Éducation nationale ?
Clémence de Longraye
https://www.bvoltaire.fr/thomas-victime-du-laxisme-de-nicole-belloubet/