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Un entretien avec Eric Zemmour sur le coup d’État judiciaire dans le JDD

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Le JDD. Plus que la proximité de Richard Ferrand avec Emmanuel Macron à la tête du Conseil constitutionnel, c’est la continuité idéologique de l’institution qui, selon vous, entrave le politique, notamment sur l’immigration. Pourquoi ?

Éric Zemmour. Richard Ferrand va succéder à Laurent Fabius. Un socialiste en remplace un autre. Comme toujours. Le Conseil d'État est aussi dirigé par un socialiste, M. Tabuteau. La Cour des comptes ? Un socialiste, M. Moscovici. Partout, les grandes institutions judiciaires sont entre leurs mains. La vraie question est ce qu’est devenu le Conseil constitutionnel. Il est aujourd’hui l’épicentre du gouvernement des juges. Il ne se contente plus d’interpréter le droit, il fait la loi. Il s’est arrogé un pouvoir qui n’était pas le sien, il a court-circuité l’exécutif et muselé le législateur. De Gaulle ne l’avait jamais voulu. Michel Debré l’avait dit sans ambiguïté : le Conseil constitutionnel n’a pas le droit de juger une loi sur le fond. Or, depuis plus de cinquante ans, il viole cette règle fondamentale. Le Conseil constitutionnel fonctionne sur un coup d’État.

Un coup d’État ? N’est-ce pas excessif ?

Un coup d’État de droit, oui. Au fil des décennies, le Conseil constitutionnel a accumulé une jurisprudence qu’il a sacralisée, au point de l’élever au rang de la Constitution. C’est le « bloc de constitutionnalité ». On entend souvent : « C’est contraire à la Constitution. » Faux. C’est contraire à ce que le Conseil constitutionnel a décidé un jour et imposé depuis. Et il n’agit pas seul. Il s’inscrit dans une immense toile d’araignée judiciaire : Conseil d’État, Cour de justice de l’UE, Cour européenne des droits de l’homme. Ces institutions se consultent, se couvrent et verrouillent toute réforme en s’appuyant sur leurs propres décisions. Ils appellent ça le dialogue des juges. Cette mécanique confisque le pouvoir et gouverne à la place du peuple.

Vous dites que l’immigration est le domaine où le Conseil constitutionnel bloque le plus les réformes, vous avez des exemples ?

C’est flagrant. Souvenez-vous comment la loi de décembre 2023 avait été sabrée par le Conseil constitutionnel. Rappelez-vous il y a quarante ans, en 1986, l’affrontement entre Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, et Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur. Plus récemment, le Conseil constitutionnel a carrément décrété que le principe de fraternité permettait d’absoudre ceux qui facilitent l’entrée ou le maintien de clandestins en France : il a légalisé l’aide à l’immigration illégale. Comment voulez-vous reprendre le contrôle ?

Un référendum serait-il la solution ?

On l’entend souvent. Mais pourquoi ? Parce qu’en 1962, lorsque de Gaulle a utilisé l’article 11 pour instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel – une réforme très contestée à l’époque, et même juridiquement discutable –, le Conseil constitutionnel a refusé d’intervenir : un texte validé par le peuple échappait à son contrôle. Mais depuis les années 2000, le Conseil prétend désormais juger de la légitimité des questions soumises à référendum. Autrement dit, il s’arroge le droit de décider ce qui peut ou non être soumis au peuple. Là encore, c’est un coup d’État de droit. Il faut donc prévoir un mécanisme pour que le Parlement ait le dernier mot en cas de blocage par le Conseil constitutionnel. Peut-être en exigeant une majorité qualifiée – des trois cinquièmes, des deux-tiers ou par un autre dispositif –, mais il est impératif d’encadrer ce pouvoir.

La loi nationale devrait-elle primer sur les jurisprudences européennes ?

Il faut changer l’article 55 de la Constitution : les traités internationaux resteraient supérieurs aux lois, sauf si une loi est votée après la signature du traité. Autrement dit, une loi postérieure primerait sur un traité antérieur. C’était la tradition juridique française, ce qu’on appelait la loi écran, jusqu’en 1989. Et il faut aussi supprimer la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui déstabilise l’ordre législatif et donne un pouvoir exorbitant au Conseil constitutionnel. Il est urgent de réduire son influence et de redonner au législateur, et donc in fine au peuple, la maîtrise de la loi.

Lors de la présidentielle de 2022, vous vous étiez opposé à Laurent Fabius, alors président du Conseil constitutionnel, sur cet excès de pouvoir.

En pleine campagne, Laurent Fabius avait annoncé que le Conseil constitutionnel bloquerait tout référendum sur l’immigration. Au moins, les choses étaient claires. J’ai réagi immédiatement. Et si j’avais été au second tour, j’en aurais fait un enjeu majeur car c’est une question fondamentale : voulons-nous restaurer la démocratie ou rester soumis à une oligarchie juridico-médiatique qui impose ses valeurs à un peuple qui n’en veut pas ? Comme sous la Troisième et la Quatrième République, le peuple est redevenu ce « souverain captif » que dénonçait alors André Tardieu ; cependant, son geôlier n’est plus le Parlement, mais le juge. Il faut donc le libérer de nouveau.

À vous entendre, le problème vient des juges mais aussi des lois elles-mêmes ?

Regardez l’affaire de l’influenceur algérien Doualemn. Elle a exaspéré les Français et le ministre de l’Intérieur. Pourtant, le juge administratif de Melun n’a fait qu’appliquer la loi, notamment un article interdisant l’administration de délivrer une OQTF à un étranger dont elle a retiré la carte de résident de dix ans. Cette disposition a été ajoutée par la loi immigration adoptée fin 2023. Souvenez-vous de son adoption mouvementée. Les sénateurs LR, menés par Bruno Retailleau, en revendiquaient la paternité. Marine Le Pen, qui l’a votée, plastronnait en parlant de « grande victoire idéologique ». Seul, je clamais que cette loi serait pire que rien. Elle entérinait une nouvelle régularisation des clandestins pour les métiers en tension. Et je savais que le Conseil constitutionnel annulerait les rares dispositions visant à freiner l’immigration, ne laissant que celles qui l’aggravent. C’est exactement ce qu’il s’est passé. Rien de surprenant : c’est la logique de toutes les lois immigration depuis cinquante ans.

De quelle logique parlez-vous ?

Elle est très simple : chercher à tout prix un texte équilibré, avec le sempiternel « ferme mais humain ». Une version du en-même-temps adoptée par la droite, la gauche, et désormais le RN. Résultat ? La fermeté passe à la trappe, ne restent que les mesures humanistes. Cette mécanique infernale a commencé en 1975 : Giscard d’Estaing, face à la crise, arrête l’immigration de travail… mais, pour compenser, il instaure le regroupement familial. Depuis, tous les présidents ont suivi cette logique délétère, multipliant droits et protections, empêchant l’expulsion des clandestins et interdisant toute réduction de l’immigration légale. C’est parce que je veux briser cet équilibre mortel que toute la classe politique, du RN à LFI, en passant par Macron, LR et le PS, me traite d’extrémiste.

Source JDD cliquez ici

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2025/02/17/un-entretien-avec-eric-zemmour-sur-le-coup-d-etat-judiciaire-6535803.html

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