par Philippe Rosenthal
Le nombre d’électeurs de l’AfD augmente quand l’Allemagne s’enfonce dans la crise et continue d’aider l’Ukraine. Berlin vient de promettre 9 milliards d’euros à Kiev par an. Cette décision donne des voix électorales à l’AfD. Le basculement politique du pays s’annonce aussi.
«L’Allemagne entend soutenir l’Ukraine à l’avenir avec un montant de 9 milliards d’euros par an», rapporte la presse allemande. Il est précisé que Berlin a réduit la somme prévue à Kiev : «Selon ce rapport, le ministère de la Défense a informé le ministère fédéral des Finances (BMF) en juin qu’il avait besoin de 15,8 milliards d’euros pour l’année à venir et de 12,8 milliards d’euros pour 2027 afin de fournir un soutien militaire à l’Ukraine. Cependant, seuls 9 milliards d’euros ont été approuvés pour ces deux années, dont 500 millions d’euros de remboursements de fonds européens». Mais, ces 9 milliards par an destinés à Kiev agitent le sentiment de colère vis-à-vis d’un gouvernement allemand qui dépense toujours trop pour un conflit qui ne les concerne alors que surtout le pays traverse une crise historique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
«L’Allemagne traverse actuellement sa plus longue période de faiblesse économique depuis la fondation de la République fédérale», souligne l’Agence fédérale pour l’éducation civique (bpd), précisant : «2025 sera probablement la troisième année consécutive au cours de laquelle l’économie ne connaîtra pas de croissance, mais pourrait même connaître une nouvelle contraction». «Les effets de la longue récession en Allemagne sont importants : les revenus stagnent, le chômage augmente progressivement et les finances publiques sont sous pression car moins de cotisations sociales et d’impôts affluent dans les caisses publiques que prévu», continue la bpd.
Même si la situation ne va pas bien en Allemagne, le chancelier allemand, Freidrich Merz, a annoncé l’effondrement du modèle de l’État-providence. «Le chancelier Merz a déclaré que le système social n’était plus viable financièrement», rapporte l’ARD. Cette déclaration tombe au moment où les citoyens allemands sont appelés à faire des sacrifices pour nourrir les ambitions de Zelensky, ce qui fait augmenter la colère sociale dans le pays et fait monter la popularité de l’AfD, mais aussi de l’extrême gauche. Le contexte politique tend à rappeler celui de l’époque de Weimar.
Le gouvernement allemand a appelé à une révision du système de prestations sociales dont les dépenses ont atteint l’an dernier le montant record de 47 milliards d’euros. Ce système comprend un large éventail de prestations : allocations logement et familiales, allocations chômage et autres aides. Cela concerne le Bürgergeld qui apporte un soutien financier aux personnes en difficulté et qui a été introduit en 2023 pour remplacer le Hartz IV. Une personne seule percevra un montant forfaitaire de 563 euros en 2025, tandis qu’un couple vivant en communauté de bénéficiaires recevra 1012 euros. Ces montants restent inchangés depuis 2024. Le montant forfaitaire de l’allocation citoyenne n’a pas été augmenté au 1er janvier 2025. À la fin de l’année 2024, près de 5,5 millions de personnes en Allemagne percevaient l’allocation citoyenne en Allemagne (Bürgergeld). Selon les statistiques de l’Agence fédérale pour l’emploi, ce nombre s’élevait à 5 421 522, annonce le Südkurier. L’économie allemande stagne actuellement, tandis que les dépenses sociales augmentent en raison du vieillissement de la population et de la montée du chômage.
Dans ce contexte, l’AfD arrive en tête des sondages. «L’AfD gagne un soutien massif en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Elle apparaît également comme le parti du moment à l’échelle nationale», note le Handelsblatt. «Depuis sa création au printemps 2013, l’AfD a gagné en popularité. Les populistes de droite affichent une avance considérable dans les sondages, et le parti remporte un succès électoral significatif».
Les élections fédérales du 23 février dernier ont été un succès historique pour l’AfD. «Avec 20,8%, elle a doublé son score par rapport aux élections précédentes. C’est la première fois dans l’histoire de la République fédérale qu’un parti majoritairement d’extrême droite devient la deuxième force politique au parlement. Aux élections régionales, les résultats de l’AfD n’ont affiché qu’une seule tendance : la hausse. En Thuringe, en Saxe et dans le Brandebourg, le parti a obtenu des résultats d’environ 30% l’an dernier», poursuit le quotidien financier germanophone.
Le Handelsblatt souligne : «Des progrès sont également réalisés au niveau local. En Allemagne de l’Est, c’est le cas depuis un certain temps. À l’Ouest, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie pourrait désormais constituer une étape décisive pour l’implantation de l’AfD dans ce pays et dans d’autres Länder». Le Monde fait savoir que «lors des élections de dimanche dernier, l’AfD a obtenu près de 15% des voix en Rhénanie-du-Nord-Westphalie» alors qu’en 2020, ce parti politique «n’avait recueilli que 5% dans ce bastion industriel qui concentre près d’un quart de la population du pays» car c’est le Land le plus peuplé d’Allemagne avec 22% de la population. La montée de l’AfD est fulgurante. Les mentalités en Allemagne changent et la politique du gouvernement allemand de vouloir financer le conflit de Zelensky contre la Russie en est une grande explication : les Allemands ne veulent pas de ce conflit ukrainien et surtout pas envoyer l’argent dont ils ont besoin pour vivre pour des armes.
Le FDP, la CDU, la CSU, le SPD soutiennent ces dépenses pour un pays étranger. En le faisant, ils ont détruit leur confiance auprès des électeurs et c’est naturellement l’AfD qui remporte leurs voix dans cette course au pouvoir politique. Avec le conflit en Ukraine, il y a la politique migratoire en question que ces mêmes partis politiques de l’establishment soutiennent et qui a fait augmenter la statistique de la criminalité. Car l’AfD dénonce le conflit contre la Russie, les aides à Kiev et l’invasion migratoire.
De plus en plus d’Allemands abandonnent les partis traditionnels (de l’establishment), note le Handelsblatt, stipulant : «Lors des dernières élections fédérales, l’AfD était deux fois plus forte parmi les jeunes hommes que parmi les jeunes femmes» ; «Les jeunes s’intéressent davantage aux débats et conflits sociopolitiques et culturels actuels».
Une étude de l’Institut des sciences économiques et sociales (WSI) de la Fondation Hans Böckler d’août dernier constate que «les partis anti-immigration et anti-démocratiques sont en plein essor dans le monde entier» et qu’«en Allemagne, l’AfD a doublé sa part de voix lors des dernières élections fédérales». L’étude parle de «l’avancée» de l’AfD dans de nouvelles couches sociales en dehors de son électorat radical de droite. «Les sentiments de désavantage et la peur du déclin, associés à l’insécurité, jouent un rôle important». Ces nouveaux électeurs de l’AfD exigent un salaire minimum plus élevé. Selon l’étude, «l’immigration demeure le problème numéro un et les électeurs de l’AfD expriment également peu de sympathie ou de volonté de soutenir les personnes ayant fui la guerre en Ukraine». En outre, «La solidarité avec les réfugiés d’Ukraine a également considérablement diminué parmi les électeurs d’autres partis». «Les préoccupations concernant le niveau de vie avec la forte augmentation des prix en raison du conflit en Ukraine», sont un point central des électeurs de l’AfD.
Aussi, la décision du gouvernement allemand de continuer à donner 9 milliards d’euros à Zelensky fait basculer l’Allemagne dans l’extrême droite avec le refus des réfugiés ukrainiens et ceux d’autres pays, le refus de financer Zelensky pour un conflit qui n’est pas celui des Allemands. En outre les électeurs de l’AfD ont une image positive de la Russie et de la politique de Poutine. Pour le média du SPD, les électeurs de l’AfD ne sont pas des patriotes, mais des «idiots utiles» de Poutine et de Trump.
source : Observateur Continental