
Dans la culture et les médias, domaines où le pouvoir républicain entretient à grands frais sa position hégémonique, le monopole politiquement correct est sérieusement contesté. Ce n’est évidemment pas encore un basculement, mais des signaux confirment l’obsolescence du modèle. Analyse par Thierry DeCruzy, auteur de Démondialiser la musique.
Polémia
Baisse générale des subventions
Les associations se lamentent sur la baisse de leurs subventions. L’Etat et ses relais n’ont plus les moyens d’entretenir leurs clientèles. Malgré des budgets considérables, les médias échouent à mobiliser la population. Un exemple, en mai dernier, TF1 parrainait la Soirée de l’engagement dans les salons de l’Hôtel de ville de Paris, dorures, buffet, spectacle, personnalités « inspirantes », dont une ancienne ministre, avec Hapsatou Sy et Rokhaya Diallo, Nour… Jean-Luc Romero, président du Groupe SOS qui a fait fortune sur la nouvelle pauvreté des années Mitterrand, tenait un discours convenu sur l’accueil de l’autre, la lutte contre les discrimination et autres valeurs fortes. L’assistance ne dépassait pas les 400 personnes et au bout d’une heure aucune collecte de fonds n’avait encore été lancée, signe que ce n’était pas la priorité. Pourtant invitante, la maire de Paris ne s’était même pas déplacée. Cette débauche de moyens publics est à comparer avec les Nuits du Bien Commun organisées depuis 2017, dans 15 villes de France. A Paris, les donateurs sont réunis à l’Olympia (jauge 2000 places). Dénoncées, ces collectes de fonds sont les cibles de campagnes médiatiques largement relayées… qui n’ont jamais dissuadé les donateurs, bien au contraire. Le rapprochement est éloquent entre l’abondance de moyens d’Etat à l’Hôtel de ville de Paris et une opération sur des moyens privés.
Culture : financements privés mieux que subventions
Financé à l’origine par une de ces levées de fonds, le spectacle musical Notre-Dame de Paris a été lancé avec les bénévoles en 2023 au Palais des Congrès de Paris. Deux ans plus tard et pour répondre au succès, les bénévoles sont devenus professionnels et se produisent dans les Zenith de France, sans aucune subvention. Ces artistes formés au Puy-du-Fou montrent qu’il est possible de financer un spectacle sur des fonds privés, donnant ainsi une édifiante leçon à des professionnels de la culture qui ne vivent qu’accrochés à des subventions.
Le film Sacré-Cœur montre que le cinéma peut exister sans subvention et produire un film qui touche un public, malgré ou grâce aux attaques qui le visent : interdiction d’affichage dans les métros et les gares, interdiction de projection à Marseille condamnée par le Tribunal administratif. Les polémiques contribuent à pousser l’audience d’un film dénigré, voire ignoré des médias ordinaires. Ces crispations traduisent le désarroi de sentinelles idéologiques démunies face à la contestation de leur hégémonie.
Le phénomène est similaire pour les médias d’Etat. Régulièrement secoués par des scandales dont les responsables ne sont pas sanctionnés, inondés de subventions insuffisantes à maintenir leur train de vie, ils sont incapables de s’adapter aux évolutions de la clientèle. Il suffit d’observer comment les kiosques à journaux parisiens se sont transformés en magasins de souvenirs, reléguant la presse à un rôle d’accessoire.
Les familiers de Polémia se souviennent du Bobard d’Or décerné à l’AFP en 2025[1], avec un Bâillon d’Or pour l’ARCOM, « l’autorité publique indépendante garante de la liberté de communication », comme c’est indiqué sur son site[2].
Les chiffres officiels des audiences ne doivent pas tromper. Comptabiliser la clientèle des brasseries et des EHPAD dans lesquels sont installés des écrans peut entretenir l’illusion, mais il est des signes autrement révélateurs. Depuis la garde à vue de Delphine Ernotte en juin[3] et l’affaire Legrand-Cohen en septembre, les médias subventionnés sont entrés dans une zone de turbulences. En plus du rapport de la Cour des comptes[4], les indicateurs sont inquiétants, ainsi la chute d’audience de France Inter avec 500 000 auditeurs perdus en 1 an ou sur TF1 une baisse des recettes publicitaires de 10 à 15 %, de plus France Télévisions (budget de 3 milliards d’euros par an[5]) doit gérer pour 2026 une baisse de dotation publique actuellement annoncée à 65 millions d’euros, assortie d’un effort de 150 millions d’euros pour absorber le déficit 2025[6]. Les salariés ont de quoi s’inquiéter. Du côté de la dissidence, Pierre-Alexandre Bouclay, président de Radio Courtoisie, révélait que 10 millions d’euros lui avaient été proposés pour racheter la radio[7], car son audience ne cesse de progresser, même avec ses fréquences limitées. Les chiffres n’ont rien de comparable, mais ils éclairent les tendances.
Médias : la créativité est dans la dissidence
En effet, la dissidence fait preuve de créativité dans un contexte économique particulièrement défavorable. De nouveaux titres ont lancé des formules innovantes, uniquement sur des financements privés. Bolloré et Stérin sont régulièrement dénoncés, alors que de nombreux projets s’appuient en réalité sur une multitude de petits donateurs privés qui ont montré leur résilience à les soutenir. Un exemple de ces formules, le trimestriel de 150 ou 180 pages relayé par des vidéos en ligne et des sites d’actualités. L’argent ne coule pas à flots, les moyens sont comptés, mais les journalistes sont motivés et ne ménagent pas leurs peines. Les lecteurs, et les abonnés, suivent, délaissant les formules dépassées. Question de s’adapter, les subventionnés sont à la peine.
Dans les médias on ne joue pas à armes égales, car les administrations donnent souvent l’impression de sortir de la neutralité de rigueur. Très en pointe, la Commission paritaire des agences de presse, un service dépendant du ministère de la Culture, délivre une attestation indispensable pour accéder aux tarifs postaux de presse, être distribué dans les points de vente et bénéficier de la défiscalisation des dons. Ses décisions sont opaques et pourraient relever de la sanction politique. Ainsi France-Soir avait déjà perdu sa reconnaissance comme organe de presse en septembre 2023, il la récupère en justice pour la reperdre en juillet 2024, une procédure de contestation est toujours en cours. Autre cas, suite à des plaintes de SOS Racisme et SOS Homophobie (classées sans suite), La Furia a perdu la sienne en juillet dernier, excluant le titre de nombreux points de vente. Une question écrite d’un député RN à la ministre de la Culture début novembre est en attente de réponse. Hors cadre réglementaire, ce couperet est devenu à périodicité variable, anciennement délivré pour 5 ans, il est maintenant accordé pour 1 an ou plus, c’est selon.
Si cela ne suffisait pas, les banques interviennent sournoisement en fermant arbitrairement les comptes bancaires. C’est pratique, aucune justification n’est requise. Les titres les plus exposés sont devenus performants dans ce nouvel exercice de la recherche d’une banque d’accueil, délai 1 mois maximum.
Sortie du tunnel en vue ?
Ces artifices échouent à museler les journalistes dissidents et mieux encore ne dissuadent même pas des jeunes de s’engager dans le combat périlleux pour la liberté d’expression. En 2005, l’ancien dissident soviétique Vladimir Boukovski comparait l’Union européenne à l’Union soviétique[8]. Comme le montrent les quelques exemples présentés, les autorités françaises sont contestées dans leurs bastions historiques que sont la culture et les médias. La veille de la chute du Mur, personne ne voulait y croire. Le nouveau Mur est en train de tomber.
Thierry DeCruzy 02/12/2025
[1] https://www.polemia.com/bobards-dor-2025-lafp-france-tv-et-larcom-recompenses
[2] https://www.arcom.fr/
[3] https://www.polemia.com/de-quoi-delphine-ernotte-est-elle-le-nom/
[4] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-09/20250923-S2025-1126-1-France-Televisions.pdf
[5] https://abp.bzh/vos-impots-financent-france-televisions-gaspillage-bureaucrati-72300#:~:text=audiovisuel%20lourdement%20d%C3%A9ficitaire.-,Avec%20un%20budget%20annuel%20qui%20d%C3%A9passe%203%20milliards%20d’euros,Cour%20des%20comptes%20est%20accablant.
[6] Le Parisien, 30/11/2025, p.34.
[7] https://www.youtube.com/shorts/DdahnXeRGUQ
[8] https://www.youtube.com/watch?v=KHOuc12J4W4&t=142s
https://www.polemia.com/culture-et-medias-la-fin-du-monopole-politiquement-correct/