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  • La race : parlons-en

    Chronique de Thomas Grillot, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, docteur en histoire de l’EHESS., chargé de recherche au CNRS et rédacteur en chef à la La Vie des idées. Ce texte est accompagné de plusieurs renvois à des articles particulièrement intéressants autour de ce grand concept qui divise encore philosophes, biologistes, ethnographes, anthropologues, généalogistes, géographes…
    Polémia

    « Aussi bien, on peut en être certain, n’avons-nous pas fini de parler du concept de race. »

    Objet d’étude, catégorie d’analyse, voire concept guidant la recherche, la race est présente partout, dans les sciences sociales comme dans les sciences du vivant. A travers recensions, essais et entretiens, ce dossier propose d’interroger la présence historique et les usages contemporains de cette idée qui est loin d’être simplement, comme on le dit trop souvent, un héritage du passé.

    « Surtout n’en parlons pas » se promettait une famille bien élevée au moment de passer à table, au plus fort de l’affaire Dreyfus. Las ! Ils en parlaient pourtant et n’avaient pas assez de toutes leurs fourchettes pour s’embrocher, si l’on en croit les dessins satiriques de Caran d’Ache [voir images]. Et en effet, comment ne pas en parler, quand tout le monde en parlait ?

    La famille des sciences sociales a déjà, quant à elle, beaucoup parlé de la race (sur La Vie des idées, voir par exemple iciici, et ici). Alors pourquoi rouvrir le débat ?

    Un consensus domine en France : la race n’est pas une réalité biologique, mais sociale. Assignation, condition, catégorisation subie, et parfois appropriée par ceux qu’elle opprime, elle n’aurait rien à voir avec la biologie. Ce consensus des chercheurs en sciences sociales, professionnel et politique, est défendu comme une garantie contre le racisme, une condition de justice et de paix sociales. Il n’est pourtant pas exempt de points d’achoppement, comme la question des statistiques ethniques et raciales, déjà discutée dans La Vie des idées(voir ici et  et ceci). La question – morale, politique, cognitive – est la suivante : le juste opprobre qui pèse sur les comportements racistes, déjà fort mis à mal depuis quelque temps, peut-il survivre si on remet de surcroît en avant la notion même de race ?

    La philosophe Magali Bessone fait pour sa part la proposition qu’on ne peut efficacement combattre les inégalités et discriminations raciales (et le racisme) sans utiliser la notion elle-même (voir la recension de Dominique Schnapper). L’antiracisme lui-même doit être repensé de manière critique : le livre de Daniel A. Gordon, Immigrants and Intellectuals. May’ 68 and the Rise of Anti-Racism in France, recensé par Emmanuel Debono, permet par exemple d’examiner son « moment 68 », entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la marche des Beurs, et de mettre en évidence le chemin qui reste à parcourir pour comprendre mieux la trajectoire historique du phénomène.

    Au-delà de la question de l’opportunité d’un usage stratégique de la notion de race, il faut aussi souligner que le consensus sur lequel s’appuie une grande partie de la recherche en sciences sociales sur la race repose sur un déni : car la race est bel et bien un objet de recherche pour la biologie. Mieux (ou pire), la recherche sur les origines de l’homme et la diversité biologique des populations humaines a été refondée avant même la Deuxième Guerre mondiale sur une base qui n’excluait pas le concept de race. Un des pères fondateurs de la génétique des populations, Theodosius Dobzhansky, s’est élevé dès les années 1950 contre ce qu’il considérait comme l’entreprise tyrannique des sciences sociales, en particulier de l’anthropologie culturelle américaine : la négation de l’existence de races humaines. Dès 1950, de nombreux généticiens évolutionnistes se sont mobilisés aux côtés des anthropologues physiques pour contester la prétention de l’UNESCO à délégitimer la notion de race. La fronde a été si forte que l’institution internationale a dû permettre à ces contestataires de publier sous son égide un démenti à sa première « déclaration sur la race » où ils nuançaient fortement la thèse selon laquelle la race n’était qu’une construction sociale. Or les contestataires n’appartenaient pas tous, loin de là, au camp des crypto-racistes bien décidés à fournir des armes aux ségrégationnistes américains ou sud-africains. Au contraire, derrière Dobzhansky, ils clamaient à la fois la nécessité de lutter contre le racisme et celle de maintenir la race comme catégorie d’analyse du vivant humain. Ils ont à la fois contesté la validité des entreprises défendant l’idée d’une inégale intelligence des races (The Bell Curve, 1994) et soutenu des programmes de recherche fondés sur l’idée de collecter des patrimoines génétiques de populations « pures » comme l’Human Genome Diversity Project (HGDP) conçu par Luigi Luca Cavalli-Sforza.

    Autrement dit, la race est bien restée une catégorie biologique, parce qu’elle a continué à être utilisée par les biologistes. Elle est donc à la fois, en même temps, de manière inextricable, biologique et sociale – et son utilisation en biologie est loin d’être réductible au racisme : au contraire, à l’image de Dobzhansky, la majorité des chercheurs en biologie humaine qui l’utilisent professent des convictions antiracistes.

    Pour condamner le racisme, on ne peut donc se prévaloir d’un consensus scientifique qui montrerait l’inexistence des races. Sans doute, comme le montre Bertrand Jordan dans son entretien avec Claude-Olivier Doron et Jean-Paul Lallemand, l’argument scientifique est-il même inutile dans la lutte contre le racisme. C’est bien plutôt la manière dont la notion est utilisée qui doit faire l’objet de recherches. Dans quelles conditions les études mettant en œuvre la notion de race sont-elles réalisées ? Comment construit-on les échantillons de populations qui servent à ces études ? Quelles tractations s’opèrent entre pouvoirs publics, chercheurs, associations, consommateurs sur l’usage de la notion ? Comment, en somme, continue-t-on de parler de race ? Enfin, quelles sont les différences entre l’usage actuel du concept dans la génétique des populations et l’anthropologie physique d’avant-guerre ? Le champ d’application de ces questions est gigantesque, tant les avancées génomiques, et leur mise à disposition du public et des Etats, bouleversent notre rapport à notre différence biologique. Tests et analyses génétiques sont utilisés aujourd’hui pour formuler des probabilités l’occurrence de maladies rares liées à des populations (maladie de Tay-Sachs pour les Juifs ashkénazes, par exemple, ou drépanocytose pour les Afro-américains), mais aussi pour déterminer l’appartenance des ancêtres d’un individu à un groupe de population géographiquement situé, ou l’appartenance d’un individu vivant, ou même des restes d’un squelette, à un groupe racial préalablement défini. Doron et Lallemand, dans leur essai bibliographique, montrent de quelle manière les sciences sociales interrogent depuis quelques années l’existence des races comprises comme des faits biologiquement et génétiquement établis.

    Il serait tentant de ramener le phénomène à l’histoire spécifique des Etats-Unis, au « problème racial » américain, et aux catégories de recensement qui en ont découlé. Ce serait pourtant mal fondé. D’abord parce que la race est autant une réalité française qu’américaine : comme le montre le livre de l’historienne américaine Alice Conklin, In the Museum of Man Race, Anthropology, and Empire in France, 1850–1950(recensé en anglais par Julia Clancy-Smith), la profession anthropologique a investi la notion avec autant d’ardeur dans notre pays qu’aux États-Unis – universalisme républicain ou pas. Bien d’autres pays, d’ailleurs, comme Israël, ont mêlé la notion de race à leur vie publique (voir la recension de The Genealogical Science : The Search for Jewish Origins and the Politics of Epistemology, de Nadia Abu El-Haj, par Audrey Kichelewski).

    Mais surtout, l’offre pour une médecine personnalisée, le souci de connaître ses ancêtres à travers des tests génétiques, de vendre des médicaments à certaines catégories de consommateurs, ou de faire payer des assurances plus chères en agitant l’épouvantail de populations « à risque », sont loin d’être des réalités sociales uniquement américaines. Naissent ainsi de nouvelles manières de lier le sens commun racial (« les races existent, on le voit bien », « ils ne sont pas comme nous, nous n’avons pas les mêmes corps ») à un nouveau type d’évaluation de la différence et de l’appartenance qui se traduit par de nouvelles pratiques sociales – et commerciales.

    Sans doute n’y aura-t-il pas assez d’un dossier pour régler la question – aussi bien, on peut en être certain, n’avons-nous pas fini de parler du concept de race.

    Thomas Grillot, 17/02/2014

    Source : La Vie des idées

    http://www.laviedesidees.fr/La-race-parlons-en.html

    http://www.polemia.com/la-race-parlons-en/

  • La twittosphère, triste symbole de la dégradation du débat public

    Je commence à avoir une idée assez précise des ombres et des lumières de ce formidable moyen de communication.   

    Au mois d’octobre 2013, Jean Bordeau, assistant parlementaire du sénateur Jean-Pierre Michel, tweetait que Marion Maréchal-Le Pen était « une conne » et une « salope ».

    Poursuivi pour le délit d’injure publique, il a soutenu, le 24 octobre, qu’il visait « l’élue et non la femme » et s’est défendu d’être « sexiste ou misogyne ». Son conseil, Maître Charrière-Bournazel, a plaidé, sans surprise, la relaxe au nom de la liberté d’expression et parce que l’empoignade s’inscrivait dans le cadre d’un « combat politique » – l’élection cantonale partielle de Brignoles dans le Var, remportée en définitive par le FN.

    Le jugement sera rendu le 28 novembre et il est probable que le tribunal correctionnel de Paris suivra les réquisitions du ministère public en faveur de la condamnation du prévenu.

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  • Livre : Parution : La gauche en soutien au capital , Comprendre la domination Libérale

    Charles Robin offre, avec La gauche du capital, un regroupement de ses études sur la généalogie du libéralisme libertaire. Sa thèse est connue des lecteurs de Jean-Claude Michéa. Il n’y a pas un « libéralisme » économique, de « droite », qui s’oppose à un « libertarisme » sociétal, de « gauche ». Il y a un seul mouvement qui transforme la société, et passe par des acteurs socio-politiques qui se partagent le travail mais font, précisément, le même travail. Le libéralisme est en d’autres termes toujours en phase avec le libertarisme car il s’agit de déconstruire tous les liens, tous les enracinements, toutes les communautés pour aboutir à un homme nu, donc désaliéné selon l’extrême gauche, mais aussi totalement ouvert au libre marché, à la consommation mondiale unifiée, selon les libéraux. C’est le même homme suradapté à un monde de plus en plus intégralement marchandisé, postpolitique qui convient aux libéraux (dits de droite) et aux libertaires (dits de gauche). 

    Le travail de désencastrement de l’homme, de désincarnation (au profit de sa liquéfaction), de « libération » de toutes les valeurs et de tous les liens, est convergent, qu’il soit opéré par la droite « libérale avancée » ou par la gauche « libérale-libertaire », et concourt à un même résultat. Car, de fait, l’homme sans liens devient homme sans qualité, sans spécificité, sans identité culturelle, sans classe, sans syndicat, et est livré au marché, et celui qui est livré au marché est bel et bien « libéré », comme le rêve l’extrême gauche, de la famille, de la durabilité, de la transmission, de la « patrie », de la « solidarité de tribu » (ou de métier), du sexisme, du machisme, au profit de la consommation hédoniste de la sexualité et du relationnel en général (les « amis » que l’on a sur Facebook…).

    Résumons. Le libéralisme n’est pas conservateur, il n’y a rien de plus révolutionnaire. Quant à la gauche elle n’est pas socialiste, elle est « la gauche du capital », elle est la pointe avancée de la déconstruction des peuples. Qui profite à qui ? Au capital.

    Voilà notamment ce que développe, rigoureusement, Charles Robin. Autant dire que son livre est essentiel.

    Pierre Le Vigan

    notes : Charles Robin, La gauche du capital, ed. Krisis, 244 pages, 18 €

    source :Metamag :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EuEuulEEppKoiQJcAe.shtml

  • Polygamie, répudiation de la femme par son mari, droit réduit de la femme en matière de succession… La charia au Royaume-Uni

    Hier, nous évoquions la charia en Grèce. Au Royaume-Uni, la charia peut également faire son apparition de façon insidieuse, en raison de la politique des “accommodements” qui institutionnalise un système juridique parallèle fondé sur la foi et les coutumes des immigrants. Au nom du multiculturalisme, le Royaume-Uni a développé la validation du communautarisme.
     
    La communauté pakistanaise du Royaume-Uni peut ainsi compter, au nom de l’antiracisme et de la lutte contre les discriminations, sur un système légal britannique qui s’adapte à ses pratiques religieuses et culturelles. Or les Pakistanais sont majoritairement musulmans et les jeunes générations de Pakistanais installés au Royaume-Uni affirment cette identité islamique et se réfèrent à la charia.
     
    Quelles sont les différences de traitement perceptibles ? Il y a, par exemple, la dispense accordée aux enfants de moins de quinze ans des familles pakistanaises concernant les cours d’éducation sexuelle dans les écoles publiques. Question logique : pourquoi faut-il être un parent musulman pour avoir le droit de ne pas envoyer ses enfants suivre de tels cours ? Ce droit devrait naturellement être conféré à n’importe quel parent.
     
    La règlementation britannique autorise également les élèves musulmans des écoles publiques à se référer à leurs propres usages concernant le sport, l’uniforme et la prière.
     
    Mais “l’accommodement” le plus significatif concerne la polygamie. Approuvée par le Coran et autorisée par le Pakistan, la polygamie est bien tolérée “de fait” au Royaume-Uni à la suite de l’immigration massive de populations musulmanes. 
     
    Le plus hallucinant, c’est que c’est l’Archevêque de Canterbury qui, en février 2008, avait prôné l’adoption de certains éléments de la charia dans la législation britannique, soutenu dans cette folie par un ancien Lord Chief Justice qui affirma qu’autoriser les musulmans à choisir, dans certains cas, s’ils veulent être gouvernés par la charia, n’était pas en contradiction avec les lois britanniques.

  • Ernst Jünger: "La Paix" du Guerrier

    Que pensez-vous des nationalités?». Interrogé par ses tra­duc­teurs italiens MM Antonio Gnoli et Franco Volpi dans leur livre Les prochains Titans, paru chez Grasset en 1999, Ernst Jünger ré­pondait: «Les nations sont à mon avis un phénomène de tran­si­tion (...) Nous assistons à une lutte entre diadoques qui, tôt ou tard, débouchera sur l’Etat universel». Une opinion aujourd’hui cor­roborée par les faits, mais défendue par l’anarque de Wilf­lingen depuis 1941, alors qu’en pleine apogée des armées du IIIe Reich, et au cœur de Paris, Jünger écrivait son essai La Paix, qui devait tant influencer Rommel dans sa participation au com­plot du 20 juillet 1944.

    «Ce n’est pas dans l’équilibre bourgeois, mais dans le tonnerre des apo­calypses que renaissent les religions» (Walter Schubart, L’Europe et l’Ame de l’Occident ).

    On avait failli l’oublier. Submergé par les rééditions chez Bourgois de ses premiers récits guerriers et la parution chez Grasset de son en­tre­tien-testament Les prochains Titans, et malgré sa présence à la Ta­ble Ronde en collection Vermillon depuis 1994, on avait failli ou­blier l’existence de La Paix. Pourtant ce petit essai, écrit par Ernst Jün­ger à l’Hôtel Majestic, en plein Paris occupé par une armée alle­man­de dont il a lui-même revêtu l’uniforme feldgrau, «en somme dans le ventre du Léviathan» (E.J.), La Paix, en rupture avec ses pré­cé­dents écrits, «peut être (dixit le résumé en quatrième de cou­ver­tu­re) considéré comme une contribution théorique à l’attentat manqué de 1944 contre Hitler. La plupart des auteurs du complot trouvèrent la mort; Jünger fut l’un des rares à y échapper». Ironie du sort, il aura fall­u en France la publication par Michalon en 1998 du livre La ten­ta­tion allemande; ramassis hystérique, signé Yvonne Bollmann, de soi-disant preuves des prétentions gouvernementales allemandes à la res­tauration du Reich, quatrième du nom, pour qu’on redécouvre La Paix. Un phantasme germanophobe bien d’actualité, mais que n’au­rait pas désavoué un Déroulède, et immédiatement confondu par F. G. Dreyfus dans Historia.

    Que vient faire Jünger dans ce déballage d’inepties? Laissons Mme Boll­mann nous le dire: «Un essai comme celui-ci, qui alors était dan­ge­reux et à écrire et à lire, peut très bien, aujourd’hui, donner l’im­pres­sion que le vaincu veut donner une leçon de conduite aux vain­queurs» (E.J.). «Mais, lui rétorque-t-elle, il n’est que la caricature de l’"al­liance pacifique", de la "fédération d’Etats libres" voulue par le phi­losophe. Ce traité illustre bien plutôt l’une des maximes de so­phiste, qui guident, selon Kant, le pauvre savoir-faire d’une politique im­morale: Fac et excusa - Agis d’abord et excuse-toi ensuite». Au con­traire, la lecture posée de ce petit texte limpide, ruisselant de mé­di­tations fécondes, dévoile un Jünger européen, homo metaphysicus cer­tes, mais inscrit dans les tumultes de son temps, auxquels il en­tre­voit peut-être des perspectives grandioses, la paix recouvrée. La Paix du guerrier bien sûr.

    Jünger, «intellectuel dégagé»

    Si vis pacem, para bellum. De l’acuité de la maxime romaine, Jünger est convaincu, qui lui a sacrifié ses années de jeunesse. Mais à pré­sent que la guerre dégénère en une auto-reproduction du système ca­pitaliste, Jünger, «intellectuel dégagé», pressent que des formes de la cessation des hostilités dépendra la régénérescence de la civili­sation, ou sa mort. «Deux voies s’ouvrent aux peuples. L’une est celle de la haine et de la revanche; comment douter qu’elle conduise après un moment de lassitude, à un regain de lutte plus violente encore, pour s’achever dans la destruction générale? La vraie voie, par contre, mène à la civilisation. Les forces qui s’anéantissaient en s’op­posant doivent s’unir pour un nouvel Ordre, pour une vie nou­velle. Là seulement se trouvent les sources de la paix véritable, de la ri­chesse, de la sécurité, de la puissance». Il faut être, Mme Bollmann, bien mal intentionné, ou ignorant du personnage, pour prêter aux pro­pos de Jünger des ambitions de «nazisme inversé». Poursuivons. Quel nouvel Ordre Jünger oppose-t-il dès 1941 à l’Ordre nouveau a­lors à son zénith?

    «En d’autres termes, les anciennes frontières ont à cé­der devant des alliances nouvelles qui uniront les peuples en de nou­veaux et plus vastes empires. C’est la seule voie par laquelle puis­se se terminer, en équité, et avec profit pour chacun, cette que­relle fratricide». Folle utopie, désir insatiable de justice et de fra­ter­nité, son incompréhension, ou sa fin de non-recevoir, des con­sé­quen­ces idéologiques est manifeste. «Mais en vérité la déclaration d’in­dépendance de l’Europe est un acte plus spirituel encore. Elle sup­pose que ce continent s’affranchisse de ses conceptions pé­tri­fiées, de ses haines invétérées, faisant de la victoire un bienfait pour tous (...) Peu importe le vainqueur: au triomphe des armes il incombe une lourde responsabilité. La logique de la violence pure doit aller jus­qu’au bout pour qu’apparaisse la logique supérieure de l’Alliance». Dos au mur, l’Allemagne nazie doit céder pour que rejaillisse l’Alle­ma­gne éternelle dont il est, avec Mann, Hesse et quelques autres, dis­sé­minés entre la Suisse et les Etats-Unis, l’ultime héritier. Re­staurée dans son identité, donc fédérale, impériale, revenue de 1806, l’Al­lemagne préfigurera l’Europe qu’il appelle de ses vœux. Son pre­mier devoir sera «moins de venger les victimes que de rétablir le droit, et surtout la notion de droit (...)

    La volonté de justice doit être di­ri­gée vers l’ordre, vers l’assainissement». Car rien n’est plus distant du droit international qui naîtra des procès de Nuremberg que l’idée jün­gerienne du droit: «Or la main qui veut aider l’homme et le tirer de l’a­veuglement, doit être elle-même pure de tout crime et de toute vio­len­ce». «Aussi importe-t-il non seulement pour les vaincus, mais pour les vainqueurs, que la guerre se termine par des traités solides et du­ra­bles, élaborés non par la passion, mais par la raison». Un appétit mé­taphysique que ne respecteront nullement les signataires du traité de Yalta. Et pour cause, le document entérinant un déplacement des puis­sances dominantes contraire aux aspirations formulées dans La Paix: «Or à considérer sans passion l’enjeu de cette guerre, on con­state qu’elle soulève presque tous les problèmes qui agitent les hom­mes (...) La première est celle de l’espace, car il y a des puissances d’agression, ou totalitaires (...) Pour durer, la paix doit donc apaiser ce trouble d’une manière équitable. Encore faut-il que de telles exi­gen­ces, fondées sur le droit naturel, soient satisfaites sur un plan su­pé­rieur, par des alliances, des traités, et non par des conquêtes».

    «Car la matière nationale des peuples s’est consumée en d’ultimes sacrifices»

    La mobilisation totale et L’état universel annonçaient la dissolution des états. Avec le conflit gigantesque qui s’abat sur le monde, les na­tions désormais sont promises à pareil destin. «Car la matière des peu­ples s’est consumée en d’ultimes sacrifices, impossibles à renou­ve­ler sous cette forme. Le bienfait de ce drame est qu’il ébranle les vieill­es frontières et permet la réalisation de plans spirituels dé­pas­sant leurs cadres (...) Dans ce sens, aucune des nations ne sortira de la guerre telle qu’elle y est entrée. La guerre est la grande forge des peu­ples comme elle est celle des cœurs».

    Déterminismes géopolitiques, libération des peuples de leurs entra­ves stato-nationales, et relativisation postmoderne des certitudes ra­tio­nalistes sont les trois piliers qui soutiennent son Union Euro­péen­ne, sa vision prophétique. Prophétique comme l’est son emphase; une emphase qui ne s’emporte jamais sur la vague de la facilité intel­lectuelle mais rebondit toujours sur une idée nouvelle. Une dia­lec­ti­que parfaite de maîtrise qui nous remémore que le théoricien lucide du totalitarisme technicien fut aussi l’interlocuteur privilégié de Hei­deg­ger.

    «Et les nations qui naquirent alors des dynasties et des éclats de vieux royaumes sont aujourd’hui en demeure de fonder l’Empire. Les exemples abondent, d’ailleurs, d’Etats où s’amalgament les races, les langues, les peuples les plus divers: que l’on pense à la Suisse, aux Etats-Unis, à l’Union Soviétique, à l’Empire britannique. Ils ont cristal­lisé, dans leurs territoires, une grande somme d’expériences po­li­tiques: il n’est que d’y puiser. En fondant la nouvelle Europe, il s’agit de donner à un espace divisé par l’évolution historique, son unité géo­politique. Les écueils se trouvent dans l’ancienneté des traditions, et dans le particularisme des peuples».

    Aussi, comment déborder l’obstacle? Par la constitution, si l’on se sou­vient de ce qui a été dit précédemment, mais un droit et une con­sti­tution de nature sacrale, et non plus seulement contractuelle. «La paix ne saurait se fonder uniquement sur la raison humaine. Simple con­trat juridique conclu entre des hommes, elle ne sera durable que si elle représente en même temps un pacte sacré. Il n’est d’ailleurs pas d’autre moyen de remonter à la source la plus profonde du mal, is­su du nihilisme».

    Ni autoritaire ni libérale, puisque de leur arbitraire a découlé la guerre mon­diale, la constitution doit délimiter strictement les attributions éta­ti­ques. Un état à dimension européenne donc, soucieux de «satis­faire à deux principes fondamentaux, unité et diversité», sans quoi l’al­liance virera à la coercition, à l’indifférenciation mortifère. «Uni dans ses membres, le nouvel empire doit respecter les particularités de chacun».

    L’homme nouveau, dépositaire et gardien de l’alliance

    «La constitution européenne doit donc être assez habile pour faire la part de la culture et celle de la civilisation». Notons ici que Jünger opère à la manière de Thomas Mann une distinction entre la culture, qui concerne la sphère intérieure propre à tout homme, et la civi­li­sa­tion, qui la prolonge et l’éprouve dans l’action». «L’Etat, symbole su­prême de la technique, rassemble les peuples sous son égide, mais ils y vivent dans la liberté. Alors l’histoire se poursuit en s’enrichissant de valeurs nouvelles. L’Europe peut devenir une patrie sans détruire pour autant les pays et les terres natales». L’homme nouveau pres­senti par Jünger, dépositaire et gardien de l’alliance, n’est déjà plus la figure du Travailleur, ni encore tout à fait celle de l’anar­que. C’est un être complet, étroitement relié aux forces tellu­ri­ques et cosmiques. Organiciste et patriote, il se sait être la mail­lon d’une chaîne spatio-temporelle communément appelée com­mu­nauté. Mystique aussi, l’homme de l’alliance est un moine-sol­dat pénétré de ses devoirs envers la Cité, serviteur de son Dieu. Croisé d’une ère nouvelle —petite et grande guerres sain­tes réunies—, sa paix intérieure découle de sa mission cheva­le­resque. «[c’est pourquoi] l’unité de l’occident, prenant corps pour la pre­mière fois depuis l’Empire de Charlemagne, ne saurait se borner à réu­nir les pays, les peuples et les cultures, mais elle doit aussi res­sus­citer dans l’Eglise (...) La véritable défaite du nihilisme, condition de la paix, n’est possible qu’avec l’aide de l’Eglise. De même que le lo­yalisme de l’homme, dans l’Etat nouveau, ne peut reposer sur son internationalisme, mais sur sa fidélité nationale, son éducation doit se fonder sur sa foi et non sur son indifférence. Il faut qu’il soit l’homme d’une patrie, dans l’espace et dans l’infini, dans le temps comme dans l’éternel. Et cette initiation à une vie qui embrasse la totalité de l’homme, doit se fonder sur une certitude supérieure à celle que l’Etat donne dans ses écoles et ses universités.»

    Réconciliant science et théologie («la théologie, reine des sciences»), mythos et logos, comme Hesse avant lui dans Le jeu des perles de verre, Jünger insiste sur la nécessité de fonder une élite théolo­ga­le de kshatriya pratiquant «le culte de l’Univers».

    Car le message que nous délivre Jünger est celui-ci: vous ne sau­ve­rez l’Occident qu’en sauvant son âme, vous ne sauverez l’Occident qu’en le sauvant de lui-même.

    Révolution conservatrice

    Libre à chacun aujourd’hui de juger la justesse de son propos, son de­gré de prescience, les limites de son pacte. Reconnaissons-lui néan­moins, en des temps de cataclysmes, le courage rare, lui le guer­rier, d’avoir su se réconcilier avec le monde et, plus encore, avec lui-même.

    Et pour Mme Bollmann, qui, manifestement, par engagement anti­fasciste n’a pas poussé le vice jusqu’à lire l’introduction de La Paix, citons cette courte confession jüngerienne: «Mais un homme qui ne s’était jamais menti, ne connaissant de la passion que ses flammes, non le rayonnement noir de la haine et du ressentiment (...) Cet hom­me-salamandre, capable de se livrer aux bêtes et aux flammes sans lais­ser entamer en lui la part divine de l’homme, ne pouvait pas re­con­naître dans l’Allemagne hitlérienne, fondée sur le désespoir des mas­ses et la puissance surnaturelle du mensonge d’un névrosé, l’i­ma­ge de ses premières amours viriles».

    Noblesse oblige.

    notes

    La Paix, Ernst Jünger, La Table Ronde, 1994.

    Ernst Jünger aux faces multiples, Banine, L’Age d’Homme, 1989.

    Les prochains Titans, Antonio Gnoli et Franco Volpi, Grasset, 1999.

    La tentation allemande, Yvonne Bollmann, Michalon, 1998.

    http://vouloir.hautetfort.com/archive/2014/09/19/ej-la-paix.html

  • [Aix] Le Café Actualités d’Aix se demande : "Que faire ?"

    Après avoir montré dans les réunions précédentes les aspects de la crise actuelle, le Café Actualités d’Aix-en-Provence va poser la question : "QUE FAIRE ?". Antoine de CRÉMIERS tentera d’y répondre

    Mardi 4 novembre, de 18 h 45 à 20 h30 au Café "Le Festival", 1 cours Mirabeau.

    Antoine de Crémiers, animateur du « café d’actualités », est conférencier, conseiller éditorial de la « Nouvelle Revue Universelle et collaborateur régulier ou occasionnel de diverse publications.

    Le monde qui est aujourd’hui le nôtre, dont nous avons l’habitude de dire qu’il est « en crise » étrange euphémisme, qui vise à rassurer, n’est autre qu’un formidable basculement de civilisation dont nous sommes les spectateurs rageusement impuissants. Nous voilà contraints de reconsidérer nos « logiciels d’analyses, formatés par des siècles de Tradition et de Modernité, l’une et l’autre disparues corps et biens dans un même naufrage. Ce monde « immonde » se présente comme ectoplasme, protéiforme, insaisissable, qui inaugure une nouvelle cage de fer, celle du totalitarisme de la dissolution et d’un retour de la fatalité. Est-ce irréversible ? et n’aurions-nous donc que le choix entre la guerre civile et le meilleur des mondes ?

    Terrible alternative ! qui mérite toute notre attention et notre réflexion.

    Soyez présents.

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Aix-Le-Cafe-Actualites-d-Aix-se

  • Leur Europe, la notre

    Zone de plus faible croissance au monde, économiquement non viable, mais maintenue au bord du gouffre par pure idéologie, la zone euro a-t-elle encore un avenir ? Le président de la Banque centrale européenne (BCE), le très mondialiste Mario Draghi, a exhorté vendredi les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro à un effort commun. « En 2011-12, nous avons évité l’effondrement de la zone euro grâce à un effort commun. Nous devrions à nouveau nous atteler à agir en commun pour éviter une rechute en récession ».  Pendant ce temps, en marge du Conseil européen à Bruxelles, le Premier ministre britannique de David Cameron a tapé du poing  sur la table…soucieux de ne pas donner davantage de grain à moudre au courant eurosceptique qui ne cesse de prendre de l’ampleur outre-manche. Sommé par la Commission européenne, au titre de la révision technique des contributions nationales pour 2014, de verser, avant le 1er décembre, une contribution supplémentaire pouvant atteindre 2,1 milliards d’euros, M. Cameron s’est fâché tout rouge.

     Boursier.com le souligne avec justesse, «cette rallonge  émane d’une révision technique statistique à laquelle procèdent chaque année les instances européennes. Cette fois, le calcul intègre à la richesse des pays les activités illicites comme le trafic de drogue et la prostitution.» On arrête pas le progrès… « Je ne paierai pas cette addition le 1er décembre » a  affirmé  David Cameron… qui n’ a donc pas dit qui ne la paierait pas après cette date…

     Le même jour Pierre Lellouche, député UMP de Paris,  faisait mine de s’indigner  sur France Info de la subordination de notre pays aux instances bruxelloises.  Evoquant la lettre envoyée par les gauleiters bruxellois  demandant des « précisions » sur le budget 2015 de la France,  il a déclaré qu’il est « très fort de café» que la Commission européenne veuille« retoquer le budget » qui relève de la « souveraineté nationale.»

     Le site du magazine Politis a eu beau jeu de noter que « les textes (traité, directives et règlements) qui autorisent cette immixtion dans nos débats budgétaires ne datent pas tous du quinquennat de François Hollande. Et tous ont été approuvé par les députés, sénateurs et députés européens membres de l’UMP, avec l’aval de Nicolas Sarkozy quand celui-ci était à la tête de l’État. ll est extrêmement improbable que Pierre Lellouche l’ignore, lui qui fut secrétaire d’État aux Affaires européennes dans le gouvernement Fillon II, du 23 juin 2009 au 13 novembre 2010 ».

     « On épargnera à Pierre Lellouche poursuit cet article le rappel des votes au Parlement européen des directives et règlements du  Six pack  et du  Two pack , ainsi que celui de la ratification du TSCG, qu’il a approuvé comme député. Les élus de l’UMP, comme la plupart de nos socialistes, ont tout avalé. De la même manière qu’ils ont adoubé les deux Commissions de Barroso, dont il déplore aujourd’hui qu’elles aient été  lamentables , après que Nicolas Sarkozy eut soutenu ce dernier pour un second mandat ».

    Dans une UE sous domination et au service de intérêts de Berlin,  nous nous en faisions l’écho sur ce blog en septembre dernier,  le voyage de Manuel Valls  a fait figure de symbole.  Il est allé humblement quémander à Angela Merkel un délai supplémentaire pour notre déficit public et des encouragements pour les réformes en cours.

     Nous n’allons pas reprocher à l’Allemagne de défendre ses intérêts mais il s’agit de regretter l’incapacité de nos gouvernements à défendre les nôtres, alors que la crainte d’une hégémonie allemande sur cette Europe là ne date pas d’hier. Le juriste et politologue Maurice Duverger, ancien du PPF,  décoré de la Francisque mais rapidement rallié au «camp du bien», s’inquiétait déjà dans «Le lièvre libéral et la tortue européenne » (1990) d’une Europe «dominée par la Pangermanie régnant sur l’espace vital que lui avait assigné les théoriciens du XIXème siècle ».

     D’autres, supputant une souterraine continuité géopolitique économique allemande, ont d’ailleurs rappelé que les origines véritables de l’idée de Communauté économique européenne (Die europaïsche Wirtschafsgemeinschaft) a été faussement attribuée à Jean Monnet,ses disciples et ses suiveurs,  mais qu’on l’a doit en réalité à Walther Funk, ministre de l’Economie du IIIe Reich.

     Au-delà de l’hégémonique omnipotence allemande c’est bien la question du  déficit démocratique de l’UE qui est posée. Le site Polemia a mis en ligne un article de  Arnaud Dotézac, directeur des rédactions, market magazine (Genève) qui la résume parfaitement.

     « La souveraineté des États membres est aspirée au bénéfice des institutions européennes par l’effet de suprématie absolue du droit européen. Le principe de suprématie des constitutions nationales, qui traduit normalement l’expression la plus haute des souverainetés populaires, s’est depuis longtemps laissé dissoudre dans un droit conçu et contrôlé par des experts, eux-mêmes irresponsables politiquement et protégés diplomatiquement. Au peuple souverain se sont substitués des fonctionnaires qui produisent ce droit n’émanant que d’eux-mêmes, générant un modèle autocratique au sens propre du terme. Les valeurs qui sous-tendent le projet européen sont issues d’une idéologie qui méprisait le modèle démocratique et d’une puissance étrangère (les Etats-Unis, NDLR)  qui défendait ses propres intérêts stratégiques (…)».

     Comme le notait plus largement déjà Michel Rocard  en 1973 (!) dans « Le Marché commun contre l’Europe », « ce que l’on a appelé la construction européenne s’est faite en réalité…contre l’Europe, au profit de la libre entreprise, au profit par conséquent du capitalisme en général, quelle que soit sa nationalité, et plus encore au profit de celui qui n’en  a pas.»

     Nous l’avons souvent dit, ce projet européen transnational, le FN s’y  oppose  au nom de sa défense de l’Etat nation,  d’une Europe des patries, de la libre-coopération. Mais ledit projet impérial aurait pu puiser sa justification dans une vision enracinée de notre civilisation européenne, en s’abreuvant  à la source de son génie propre, dans le respect et la défense de l’identité commune des peuples de notre continent.

     Or pour ses concepteurs,  l’idée de l’unification européenne ne constitue pas une fin en elle-même, le sommet d’une hiérarchie de valeurs et d’identités  héritées de l’histoire des peuples du vieux continent, elle est plutôt une marche vers le gouvernement mondial de l’humanité. Dans ses « Mémoires »,  Jean Monnet rappelle que  la «Communauté (européenne, NDLR) elle-même n’est qu’une étape vers les formes d’organisation de demain ». Son acolyte Robert Schumann expliquait dans « Penser l’Europe » (1963), que l’idée d’Europe doit être «le mot d’ordre pour les jeunes générations désireuses de servir l’humanité enfin affranchie de la haine et de la peur, et qui réapprend la fraternité chrétienne».

     Maurice Duverger cité plus haut, ne masquait pas ce message humaniste sous le vernis de la  fraternité chrétienne sans frontières mais  nous donnait à son  tour une définition de ce qu’est l’Europe et sa mission, à savoir un simple relais d’une conscience planétaire, qui est largement partagée actuellement  par les élus  de gauche et de droite qui dominent le Parlement européen, les officines et la technostructure européistes. «Il y a une civilisation européenne écrivait-il, qui a enseigné les droits de l’homme et de la démocratie, valeurs supérieures à toutes les autres, et qui doivent l’emporter sur les cultures encore rétives à leur universalité.»

     Cette réduction de la civilisation européenne au totalitarisme des droits de l’homme  va de pair  avec une Europe qui subordonne le politique à l’économique, qui se construit sur la dépouille des Etats souverains. La dérive de cette Europe là avait été parfaitement anticipée  par Julien Freund dans «La fin de la Renaissance» (1980) : « on s’en prend aux nationalismes, sources de guerres intra-européennes qui auraient été, durant ce siècle (le XXe siècle, NDLR), des guerres civiles européennes. Mais en réalité c’est l’Etat qui est visé dans sa substance.»

     Au  plus fort du débat sur l’adhésion de la Turquie dans l’UE il y a dix ans, le refus de réaffirmer les racines  helléno-chrétiennes de l’Europe,  d’en faire un «club chrétien» comme le notait pour s’en offusquer  le premier ministre Turc Erdogan et  chez nous  la quasi totalité  du microcosme politico-médiatique, répondait   bien  sûr à un objectif.

     Bruno Gollnisch le soulignait alors, «si l’Europe se définit par l’adhésion à des valeurs communes laïques qui sont celles en gros de l’individualisme libéral et des droits de l’homme , alors effectivement à ce compte il n’y a pas de raison de ne pas l’étendre jusqu’au Zaïre le jour où ce pays pratiquera la démocratie parlementaire ! C’est là qu’on voit bien, sans déformation et sans exagération, que dans l’esprit de ces gens là, l’Europe n’est qu’une espèce de plate-forme commune qui a vocation à s’entendre de plus en plus, dans laquelle, à condition de respecter une règle sacrée qui est celle de l’ouverture et du métissage, n’importe quel pays pourrait finir  par entrer ». Alors non, décidemment non, leur Europe n’est pas la notre.

    http://gollnisch.com/2014/10/28/europe-notre/