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culture et histoire - Page 1074

  • Nicholas Spykman — Le père de la géopolitique américaine

    Entretien avec Olivier Zajec, directeur du cours de géopolitique de l’École de guerre, maître de conférences en science politique à l’Université Jean Moulin Lyon III.

    49NMowf7nL6D_gx6JLcNt5qw_FA.pngNicholas Spykman (1893-1943) a beau être l’un des plus grands noms de la géopolitique états-unienne — inspirateur de la stratégie d’endiguement sous la guerre froide —, un certain mystère entoure le personnage parti des Pays-Bas dans les années 1920 pour accoster outre-Atlantique. Nulle biographie n’était venue éclairer les contours de ce destin intellectuel. Une lacune qu’Olivier Zajec, maître de conférences à Lyon III, a brillamment comblée.

    [Ci-contre : couverture de la biographie consacrée à Nicholas J. Spykman qui a développé la théorie géopolitique du rimland censée garantir les équilibres du monde d’après-guerre. Cet ouvrahe, issu de sa thèse de doctorat, rappelle qu'au-delà de quelques topoï, peu de choses sont néanmoins approfondies le concernant. Une recherche bibliographique systématique permet d’établir que 80% de ses écrits n’ont pas été étudiés ; à la vérité, ils ne sont pas même connus. Il n’existe aucune biographie de Spykman à ce jour, même aux États-Unis, ce qui peut être regardé comme une anomalie, s’il est vraiment l’inspirateur du containment. Ce travail de recherche permet de combler une lacune de l’historiographie américaine, en réévaluant la place d’un théoricien central mais mal connu, à l’aide de nombreuses archives inédites. Cette thèse éclaire l’histoire de la formalisation de la théorie des Relations internationales aux États-Unis, et des rapports fonctionnels qu’entretient depuis ses origines la puissance américaine avec la notion polysémique de la “sécurité nationale”]

    ◊◊◊◊◊

    • En plus d’être passionnante, votre biographie intellectuelle du géopoliticien Spykman aborde son caractère, sa carrière d’agent secret, vous décrivez le dandy, l’aventurier, un homme à l’image des « Pikkendorff des romans de Jean Raspail ». Qui était-il réellement ?

    — OZ : Il y a deux Spykman. L’officiel, d’une part : un politiste de premier rang, éminent professeur de Yale, mentionné dans tous les manuels comme l’un des grands fondateurs anglo-saxons de la géopolitique, avec Mackinder et Mahan. Et puis il existe un Spykman inconnu, auquel personne ne s’était jamais intéressé, dont les traits sont extrêmement surprenants.

    Ce que l’on retient généralement du géopoliticien, c’est la théorie du rimland, les « terres du bord du monde » qu’il s’agirait de contrôler pour empêcher que ne se réalise le cauchemar des stratèges anglo-saxons, de Mackinder àBrzezinski, à savoir l’accès du Heartland continental eurasiatique à « l’océan mondial ». À la formule de Mackinder — « Qui contrôle l’Europe de l’Est domine le Heartland ; qui contrôle le Heartland. domine l’Île mondiale ; quiconque domine l’Île mondiale domine le monde » — répond le supposé renversement de perspective de Spykman, à la fois contradictoire et complémentaire, exprimé en des termes tout aussi définitifs : « Qui contrôle le rimland domine l’Eurasie. Qui domine l’Eurasie contrôle les destinées du monde ». Cette dernière formule met l’accent sur l’importance du potentiel de puissance des marges eurasiatiques, et sur la nécessité pour les États-Unis d’empêcher leur unification sous la férule d’une seule puissance, sous peine d’un “encerclement” du Nouveau Monde.

    Avec America’s Strategy in World Politics, livre publié en 1942 qui lui apporta la célébrité, Spykman a marqué le débat stratégique de manière profonde, en réfutant l’isolationnisme américain, et en se faisant l’avocat de la géographie politique comme nouvelle méthode d’analyse de politique étrangère. Dans ses écrits sur les origines de la guerre froide, Geoffrey R. Sloan juge que les enseignements de Spykman, mort en 1943, inspireraient le NSC 68, document d’orientation de la politique étrangère américaine rédigé en 1950 par Paul Nitze au National Security Council, et l’une des premières articulations militarisées du containment. La chute du Mur n’aurait pas mis fin à cette influence souterraine : l’importance des conceptions de Spykman a été rappelée lorsqu’il s’est agi pour les chercheurs d’analyser la vision géopolitique des intellectuels néo-conservateurs entre 2000 et 2008. On aurait tort de croire que les théories dites de “l’endiguement” appartiennent au temps révolu de la guerre froide. La crise ukrainienne de 2014, les déclarations d’Obama en avril 2016 à propos d’un “front” qui passerait de nouveau entre Europe de l’Est et la Russie, les manœuvres américaines actuelles de contention géo-économique aux extrémités du rimland eurasiatique (partenariats de libre-échange transpacifique et éventuellement transatlantique, destinés à bloquer Chine et Russie) donnent une actualité évidente à ce schéma géopolitique.

    Quoi qu’il en soit, le deuxième Spykman, que je m’attache à faire apparaître, nuance très fortement le simplisme de ce premier portrait. C’est là que se justifie la comparaison avec les Pikkendorf des romans de Raspail, dont la devise est « Je suis d’abord mes propres pas ». Ancien journaliste, un temps agent de renseignement aux Indes néerlandaises, sociologue, polyglotte, globe-trotter, caustique et brillant, Spykman est, foncièrement, un original. C’est surtout un penseur profond. Pour le comprendre, il faut éclairer ce qui était resté dans l’ombre, c’est-à-dire la période inaugurale de sa vie, une parenthèse néerlandaise et cosmopolite de trois décennies qui s’étend de 1893 à 1928, date de sa naturalisation américaine. Avant d’aborder aux rivages de Californie, un matin de 1920, pour s’inscrire en thèse de sociologie à Berkeley, Spykman a arpenté le monde, de la Vieille Europe aux Indes néerlandaises en passant par l’Égypte. Cela lui donne une connaissance de la complexité du monde qui le placera en marge du milieu universitaire américain de l’entre-deux-guerres.

    Contrairement à ce que l’on a pu écrire, Spykman ne correspond pas du tout au troisième âge de la géopolitique selon la classification de John Agnew, celui de l’ère idéologique. Mackinder et lui ne sont pas seulement différents ; ils sont opposés. La théorie de l’histoire de Mackinder repose sur une opposition métaphysique surplombante entre Terre et Mer, et tend vers la bipolarité. La théorie sociale de Spykman, issue de sa thèse de doctorat consacrée en 1923 au sociologue allemand Georg Simmel, s’apparente à une sociologie des relations internationales centrée sur l’équilibre des voisinages régionaux, et tend vers l’oligopolarité. Par ailleurs, Spykman est anti-messianique et opposé aux croisades exceptionnalistes américaines. Dans le domaine de la “géopolitique” comme de la théorie des relations internationales, tout se passe comme s’il proposait une vision anticipée, non de la parenthèse politico-idéologique que l’histoire baptisera “bipolarisme”, mais bien du multipolarisme actuel.

    • Comment expliquez-vous qu’aucune biographie pas même aux États-Unis, n’a jamais été consacré à Nicholas Spykman, alors qu’il est considéré comme l’un des pères de la géopolitique américaine ?

    Si Spykman est aussi important — ne serait-ce que par son lien avec le containment —, il est effectivement étonnant qu’en 70 ans, nul n’ait jamais fait le lien entre le parcours personnel, la structure intellectuelle et la formalisation progressive des théories de ce Néerlandais né en 1893 et naturalisé Américain en 1928 seulement. Cette situation incongrue s’explique par la sociologie de la recherche universitaire. Qu’est-ce qui rend souvent intéressante — ou du moins visible — une thèse d’histoire ? Le plus souvent, l’existence attestée d’un fond d’archive inédit. Le chercheur sait qu’en “plantant un drapeau” sur cette source, il s’assurera d’un intérêt de la part de ses pairs et — s’il a de la chance et un certain talent de conteur — d’un éditeur et de quelques lecteurs. Or, il n’existe aucun “fonds Spykman” répertorié en tant que tel. Ni à Yale. ou il enseigna durant dix-neuf années. ni à Berkeley ou il étudia et enseigna trois ans et passa son doctorat, ni à Chicago ou il fit publier sa thèse, ni dans aucune autre institution, ce que j’ai méthodiquement vérifié. Sa bibliothèque, confiée par sa veuve Elisabeth à l’université Yale, a été peu à peu dispersée. II faut sans doute imputer à ce manque cruel de sources primaires le fait que personne ne se soit jusqu’ici essaye à bâtir une biographie de Spykman, y compris aux États-Unis ou aux Pays-Bas, son pays d’origine. Tout simplement, le rapport coût-bénéfice aurait été trop défavorable. Il est assez épuisant de courir après les fantômes…

    • Dans ce cas, pourquoi vous êtes-vous engagé dans cette entreprise ? Sur quelles sources vous êtes-vous appuyé ?

    Il y a dix ans, alors que je travaillais dans un cabinet de conseil privé spécialisé dans le domaine de la défense, j’ai été amené à collaborer avec Hervé Coutau-Bégarie, directeur d’études à l’École pratique des hautes études dans le cadre de la revue Stratégique, puis à reprendre à sa demande une partie de ses cours de stratégie à l’École de guerre. C’était un plaisir permanent de discuter avec ce savant, qui est devenu un ami. Coutau-Bégarie joignait à une érudition époustouflante une réelle gentillesse et une vraie modestie, chose rare dans l’Université. Il s’était mis en tête que je réalise une thèse sous sa direction. Je n’avais de mon côté aucune intention de suivre la voie universitaire. J’ai éludé pendant plus de trois ans. Mais il pouvait être très insistant. Un jour, j’ai fini par céder, en me disant que cela m’occuperait — le conseil peut être monotone — mais je lui ai demandé de me donner un sujet “difficile”. Il a alors sorti de ses armoires un petit dossier froissé, extrêmement mince, timbré de l’étiquette “N. J. Spykman, 1893-1943”. Puis il m’a dit à peu près la chose suivante : « Vu le nombre de biographies “inédites” de Jeanne d’Arc, de Napoléon et de Louis XIV commises par nos collègues américains, il ne serait pas illogique de leur renvoyer la pareille concernant l’une de leurs figures majeures, en l’occurrence l’inspirateur du modèle géopolitique de l’endiguement ». Cette haute ambition, exprimée en des termes assurés, emporta mon adhésion. Mais après avoir accepté, mon étonnement fut sans borne lorsqu’à ma question de pure forme relative à la localisation des archives de ce Nicholas Spykman, il me répondit avec onction… qu’on les cherchait précisément depuis 50 ans. Et sans succès. Sur quoi, après m’avoir rappelé que Napoléon ne demandait qu’une seule chose à ses généraux — « qu’ils eussent de la chance » — il mit fin à l’entretien avec un petit sourire agaçant. C’était au printemps de 2000. Ce fut le début d’un engrenage à accélération rapide. En grec, histoire signifie “enquête”, on le sait depuis Hérodote. Mais jamais, jusqu’alors, je n’avais véritablement saisi à quel point cette étymologie est douloureusement réelle…

    Pour ce qui est des sources, ma chance a été de retrouver, après un jeu de piste assez long, la trace de la famille de Nicholas Spykman, c’est-à-dire de ses deux filles, Angelica et Patricia, âgées de 6 et 8 ans lorsque leur père disparut en 1943. Elles ont bien voulu ne pas se laisser rebuter par la demande étrange d’un Français inconnu, et m’ont reçu extrêmement gentiment chez elles, près de New Haven dans le Connecticut. C’était la première fois qu’elles confiaient ainsi leurs souvenirs et leurs archives sur leur père, ce qui m’a permis de mettre en lumière des épisodes inconnus du parcours de Spykman, de sa jeunesse hollandaise à sa carrière de créateur et directeur du département des Relations internationales de l’université Yale. De mon côté, grâce à l’exploitation d’autres archives dispersées, j’en suis arrivé à révéler à ses filles un certain nombre d’épisodes de la vie de leur père qu’elles ignoraient à peu près complètement.

    Mais l’aspect le plus étrange de cette recherche est d’ordre personnel. Car si j’ai littéralement eu l’impression de redonner vie à ce personnage, il se trouve qu’en contrepartie il a changé la mienne : en trois ans et demi, entraîné par mes recherches, j’ai passé l’agrégation externe d’histoire en candidat libre, soutenu ma thèse, démissionné du privé et suis devenu maître de conférences en science politique et relations internationales à l’université de Lyon III. Comme quoi, soutenir un pari intellectuel avec Hervé Coutau-Bégarie peut mener assez loin. Ce dernier est mort en 2012, sans avoir lu la fin de cette recherche, mais compte tenu du résultat, qui est que les Américains redécouvriront Spykman en français, il s’amuse sans doute là-haut…

    • Vous écrivez que Spykman était beaucoup plus théoricien des relations internationales que géopoliticien et autant sociologue que politiste. Pourquoi ne pas vouloir définir comme un géopoliticien ? Pour le dédouaner de ses influences trop “allemandes” ?

    Non. Il n’y a pas lieu de dédouaner qui que ce soit, et par ailleurs, le déterminisme que l’on prête à Haushofer et Ratzel a largement été surévalué. Spykman a bien été influencé par les Allemands… mais pas ceux qu’on croit ! La clé, c’est véritablement sa thèse de sociologie sur Georg Simmel, écrite en 1923. Spykman a été l’un des premiers à s’intéresser vraiment aux cinq propriétés spatiales spécifiques du chapitre IX de la grande œuvre de Simmel,Soziologie, publiée en 1907 : l’exclusivité, la limite ou frontière, la localisation, la distance et la mobilité. La question — centrale selon moi — est bien de comprendre comment, tout au long de sa carrière, le futur “géopoliticien” Spykman assimile cette intelligence des distances socio-spatiales. Et je pense montrer que dans son œuvre géopolitique, on ne cesse précisément de retrouver en filigrane les rémanences de cette imprégnation. Pour moi, la géopolitique de Spykman tendait donc, dès sa conception des années 1920, vers ce que l’on pourrait appeler une géo-sociologie, et non une géopolitique organiciste de type ratzélien. La géopolitique n’est pas pour lui une science, mais une méthode d’approche, un révélateur de régularités signifiantes dans la trame des interactions homme-environnement. Pour comprendre cette originalité, il fallait confronter le parcours du “premier Spykman” (le plus connu, celui de Yale, que l’on a associé un peu vite à l’endiguement) et celui d’Amsterdam et de Berkeley, le sociologue, qui était resté inconnu.

    • “Immoral”, “défaitiste”, les noms d’oiseaux n’ont pas manqué à la parution, en 1942, de La stratégie de l’Amérique dans la politique mondiale. Pourquoi cette hostilité ?

    En proposant ses analyses géopolitiques fondées sur la nécessité d’un équilibre régionalisé des puissances mondiales, Spykman a été très imprudent, parce qu’il a sous-évalué la passion du manichéisme moral propre à sa nouvelle patrie. C’est ce que montre par exemple la condamnation sans appel de Ladis Kristof, professeur à l’Université de Chicago, qui revient en 1960 sur les origines de la géopolitique : selon lui, America’s Strategy in World Politics « valut à son auteur le titre mérité de Haushofer américain — non tant à cause du sujet traité qu’en raison de l’esprit qui l’animait. De fait, Spykman pulvérise tous les records de Haushofer en matière d’immoralité ».

    En réalité, Spykman est très différent des géopoliticiens allemands, mais son réalisme tranché suffira à rendre furieux certains analystes américains, qui retiendront surtout les passages où il dénonce le moralisme aveugle qui caractérise parfois la psyché stratégique américaine. L’agnostique Néerlandais touchait à quelque chose de profondément enfoui dans l’inconscient politico-philosophique américain : la conviction d’une destinée manifeste, la bonne conscience morale et facilement moralisante justifiée par le “fardeau de guider le monde libre confié par Dieu aux États-Unis”, revendication entraînant une relative difficulté à comprendre en profondeur la complexité des cultures, de l’histoire et du réel chez les autres peuples. Ce crime de lèse-majesté, “unamerican”, de la part d’un naturalisé de fraîche date, lui vaudra un procès d’amoralisme foncier.

    On lui reprochera d’acclimater aux États-Unis, sous couvert de géopolitique, la logique de la Machtpolitikbismarckienne et le pessimisme de Hobbes. En fait, le réalisme de Spykman doit moins à une théorie de la nature humaine — importée dans le nouveau Monde par les réfugiés des années 1930 — qu’à un empirisme tempéré par la sociologie historique, la longue durée et le sens du tragique. Spykman est un Néerlandais cosmopolite, un Européen universel, au sens quasi-XVIIIe de cette expression. Et il est arrive aux États-Unis en 1920 : il ne fuyait aucune persécution, contrairement à la vague plus tardive des intellectuels réfugiés aux États-Unis, de Morgenthau à Knorr en passant par Kissinger. Il faudrait sans doute différencier “émigrés” et “réfugiés” pour y voir plus clair. On peut admettre que Nicholas Spykman (le Spykman “réel”, et non l’avatar longtemps figé par l’historiographie du réalisme classique) représente une sensibilité très singulière à l’intérieur même du réalisme américain de l’entre-deux-guerres.

    • Que reste-t-il aujourd’hui de ce “géant de la géopolitique” ?

    Que reste-t-il de Spykman ? Pour moi, une synthèse extrêmement originale qui nous permet de mieux penser la politique étrangère et la notion de puissance. La vision de Spykman est en effet celle d’un équilibre entre société internationale et anarchie internationale. Selon lui, l’État, même dans le cadre d’une structure de coopération, ne doit jamais se placer volontairement à la merci d’autres acteurs : il faut être puissant pour être protégé, ou se résigner à être protégé par un puissant. S’il le faut, Spykman écrit et proclame qu’à la soumission il faut préférer la guerre, mais que cette dernière doit rester une option extrême.

    C’est pourquoi la structure de coopération géopolitique qu’il recommande aux États-Unis en Eurasie doit s’organiser selon des configurations spatiales qui puissent déboucher sur une coalescence sociale suffisamment dense et fluide pour engendrer un équilibre pacificateur. Logiquement, il ancre son “régionalisme” dans ce rapport dialectique agi par les fonctions socio-spatiales de distance et de nombre, faisant écho au deuxième chapitre de Soziologie, où Simmel pose que la question des nombres dans un groupe détermine la solidité de ce dernier. Trop de membres, ou des membres trop distants géographiquement et culturellement, et l’affectio societatis s’affaiblit.

    C’est ce que ne comprennent pas les thuriféraires des “élargissements” jumeaux de l’OTAN et de l’UE. En s’insinuant dans tous les débats européens, en divisant le continent entre Vieille et Nouvelle Europe par le biais d’une politique dépassée d’opposition et de provocation envers la Russie, les Américains ne se contentent pas de participer aux équilibres du rimland européen, comme le recommandait Spykman, mais organisent tout au contraire le déséquilibre du Vieux Monde, pour mieux y conforter une hégémonie dangereuse. Protestant contre le traitement hostile réservé à Spykman, John Chamberlain écrivait en 1942 :

    « Le livre du professeur Spykman, qui aurait pu s’intituler L’Écologie des nations, suggère que la vraie sagesse en matière de plans de paix consiste à équilibrer les forces des membres de groupements régionaux. […] L’avantage le plus évident de ce livre est son rappel que les plans de paix à venir devront être fondés sur un modus vivendi qui devra satisfaire les aspirations diverses des Russes, des Chinois et des Indiens autant que celles des Anglo-Saxons. Tout ceci entraîne la nécessité d’un nouveau système de Metternich à l’échelle du globe, avec un équilibre de puissance de niveau régional comme fondement ».

    La guerre froide gèlera la question. Mais en 1991, alors que cet équilibre général aurait pu être reforgé, les États-Unis, influencés par des penseurs comme Brzezinski, choisiront Mackinder plutôt que Spykman et tenteront, à l’encontre de toutes les leçons de ce dernier, de prolonger leur hégémonie en contenant Chine, Russie, et en continuant à confondre leur culture propre et le sens de l’Histoire.

    Le New “World Order” est resté un “New World” Order : nous sommes encore prisonniers de ce schéma. L’étude et la découverte de Spykman peuvent permettre aux Européens d’aujourd’hui de comprendre qu’il existe d’autres voies géopolitiques d’équilibrage et de puissance. D’autres voies d’autonomie. À eux de les saisir. Ou d’autres le feront. L’actuel Premier ministre turc, Ahmet Davutoglü, passionné de géopolitique, a étudié et commenté Spykman. À la manière dont la Sublime Porte manœuvre les négociateurs européens, je me dis qu’il n’a pas oublié ses lectures.

    ♦ Olivier Zajec, Nicholas John Spykman, L’invention de la géopolitique américaine, PUPS (Presses de l’Université Paris-Sorbonne), 604 p., 29 €.

    ► Propos recueillis par Pascal Eysseric, éléments n°160, 2016.

    [magazine bimestriel actuellement disponible en kiosque ou via leur site]

    ♦ Sur l'auteur : Olivier Zajec, 38 ans, est maître de conférences en science politique à l'université Jean Moulin Lyon III. Saint-cyrien, diplômé de Science-Po Paris, agrégé et docteur en histoire (Paris IV, 2013), il est directeur du Cours de géopolitique de l’École de guerre (Direction de l'enseignement militaire supérieur) depuis 2011, où il enseigne également la théorie de la stratégie.

    Ses recherches portent sur la stratégie et la guerre, la transformation des appareils militaires des grandes puissances, les politiques et stratégies nucléaires, la géopolitique théorique, et le réalisme classique en théorie des relations internationales. Voir cette conférence filmée sur la défense française.

    Il a notamment publié : Les secrets de la Géopolitique (Tempora, 2008) [recension] [consultation] [version numérique], La Nouvelle Impuissance américaine : Essai sur dix années d’autodissolution stratégique (Éd. de l’Œuvre, 2011) [recension 1 / recension 2], Introduction à l'analyse géopolitique (Argos, 2013) [recension].

    Cf. aussi son article : « “Je ne crois pas que l’on puisse diviser le monde en bons et en méchants” : Nicholas Spykman et l’influence réelle du codage géopolitique sur la stratégie américaine de containment », in : Relations internationales n°162, 2015.

    http://www.archiveseroe.eu/recent/11

  • Éducation nationale, la chute finale

    Le système d’enseignement français a touché le fond avec le règne ubuesque de Mme Vallaud-Belkacem à la tête de ce qui fut l’honorable Instruction Publique devenue Éducation Nationale. Comment cette personne a-t-elle pu être supportée par les corps constitués de cette institution qui suscita naguère l’admiration du monde entier ?

    En 1980, un directeur de l’ENS Ulm fut nommé par Raymond Barre, alors Premier Ministre de la France. Ce nouveau directeur (appelons le X) était un archicube scientifique, mais dont la renommée dans sa partie n’était notoirement pas à la hauteur du prestige de la grande ENS Ulm, à l’autorité unanimement reconnue bien au-delà de l’Hexagone. Une sourde protestation feutrée courut dans la sphère maths-physique. Des pétitions circulèrent, la presse à scandales fut discrètement sollicitée.

    L’écho de ce désordre parvint à Raymond Barre qui prit conscience, que sa propre fonction pouvait en sortir ternie, et que le président Giscard d’Estaing lui-même risquait d’en être éclaboussé à 18 mois des élections présidentielles !

    Alors Raymond Barre fit le nécessaire pour éteindre l’incendie près de s’emballer. Il obtint que s’effaçât X, qui accepta un poste de compensation convenable, loin des projecteurs médiatiques.

    Pourtant, étant aussi diplômé que ceux qui exigeaient son départ, sa position était juridiquement forte et il aurait pu résister. Il était trop intelligent pour s’abaisser à cela. A sa place fut nommé un directeur à l’autorité scientifique incontestée, et personne ne parla plus jamais de l’affaire.

    Avec Mme Vallaud-Belkacem, nous tombons dans un tout autre univers. Pour le cas précédent, nous étions dans Le Misanthrope de Molière, dans le grand monde de la haute noblesse d’épée, Oronte n’est ni Vadius ni Trissotin.

    Depuis Mme Vallaud-Belkacem, à la place d’Oronte, nous avons eu droit à Diafoirus et aux Fourberies de Scapin et ses peu glorieux coups de bâton, mâtinées des plus piètres, Précieuses Ridicules !

    Et malgré cette dégringolade où la dignité en prend un vieux coup, point de rébellion ! Point d’incendie qui menace à l’horizon ! Avec l’affaire X, l’orage en gestation ne venait que d’un conflit dans le champ clos de la Haute Science, un affrontement dans l’honneur entre une nouvelle noblesse de robe et une ancienne noblesse d’épée jalouse de ses prérogatives gagnées de haute lutte au fil de belles avancées scientifiques.

    Tandis qu’avec Mme Vallaud-Belkacem devenue ministre donc « grand maître (ou maîtresse ?) de l’université », on se retrouve brutalement dans la fosse aux farces de bas étage ! Le ridicule de cette nomination aurait dû tuer l’intéressée et rejaillir vilainement sur l’ensemble de l’auguste institution….

    Quand on pense que cette Mme Vallaud-Belkacem était la supérieure hiérarchique des membres de l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques, elle qui se distingua, devant un parterre peu choisi de spectateurs de petit niveau intellectuel, en avouant ne pas savoir ce qu’est une hypoténuse ! (et encore, le journaliste eut la délicatesse et le savoir-vivre de ne pas lui demander d’épeler le mot….). La plus cruelle des Maximes de notre grand moraliste venait toute seule à l’esprit :

    « Le ridicule déshonore plus que le déshonneur  »

    Et l’institution, ridiculisée, traînée dans la fange intellectuelle, qui ne réagit même pas ! Aucune voix ne s’éleva, ni dans la presse ni au sein de l’Académie des Sciences, pour dénoncer cette pantalonnade, la mascarade de cette pécore ignorante et inculte commandant à tous ces vénérables savants ! On ne pouvait pas ne pas penser à Mme Ceausescu qui, quelle que soit la discipline, se faisait systématiquement nommer docteur honoris causa de toutes les universités roumaines qu’elle visitait !

    Cette Institution qui avait déjà, toute honte bue, enduré en silence les dérisoires et débiles « Journées de la Jupe » et la bouffonnerie de la « théorie du genre » X aurait eu beau jeu d’opposer l’honorabilité de sa mésaventure au déshonneur de cette absence de réaction devant l’inacceptable, que dis-je, devant l’arrogance de l’ignorance revendiquée !

    Cette comparaison nous dispensera d’en dire davantage, et elle éclaire de la plus implacable logique la déconfiture de notre soi-disant éducation dite nationale dans les instances d‘évaluation à l’échelle internationale. On ne peut pas tomber plus bas. 

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  • Café Histoire de Toulon, 21 décembre : « Vote catholique et révolution conservatrice » ... A ne pas manquer !

    Le vote catholique aux primaires de la Droite est une des ondes de choc du grand élan de réaction de La Manif Pour Tous. Révèle-t-il la mise en place d'un mouvement d'opinion qualifié au mieux de « Révolution conservatrice » et au pire de « Au secours, Jésus revient ! » ? Comment la Droite catholique va-t-elle se reconnaître dans un programme libéral alors que l’antilibéralisme du pape François, si sensible dans son encyclique sur l’écologie, va à l’inverse des orientations d’une politique économique, dominée par les canons de l’orthodoxie financière ? Ce qui est sûr, c’est que la France a profondément changé ces dernières années et que l’on n’a pas fini d’en mesurer les conséquences.  

    Le Grall, Pub associatif des missionnaires de la Miséricorde (adhésion 1 €)
    377 avenue de la République , 83000 Toulon
    La soirée pourra se poursuivre autour d’une pizza (Participation aux frais)
    Contact : cafehistoiredetoulon@gmail.com

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • [Nantes] L’Action française présente lors de la « Grande Fête de Livre »

    L’Action française était de nouveau présente lors de la « Grande Fête de Livre » organisée par les Editions de Chiré.

    L’AF (AF de Loire-Atlantique et URBVM) est depuis longtemps partenaire avec Chiré via des actions conjointes avec la Librairie Dobrée sur Nantes, notamment pour l’organisation d’évènements (conférences) ou la tenue de stands où sont exposés nos journaux et diverses publications.

    Nous nous retrouvons logiquement sur des combats communs contre la déchristianisation de la France, contre le multiculturalisme idéologique, contre l’immigration qui menace notre identité et pour la défense des valeurs traditionnelles.

    La librairie Dobrée est bien connue des nantais et nous sommes heureux d’être à leurs côtés dans ce combat pour la renaissance de la France.

    Amaury De Perros

  • Tolkien et les idéaux du moyen âge (extraits)

    lesalut-tolkien_cov01.noreize-212x300.jpgTolkien a célébré comme personne la monarchie sacrée, les rois thaumaturges (Aragorn est guérisseur), les beaux liens féodaux, la libre paysannerie d’Angleterre (le monde hobbit), ainsi que le rapport à la nature, à la lumière, et au mal. Dans le cadre de la quête de ses récits, nourris par les combats eschatologiques, il a donné une image hiératique de la femme, héritière de nos saintes, de nos reines, de toutes nos dames initiatiques aussi. Tolkien nous fait aimer un autre monde recréé à partir de ce «moyen âge tel qu’il se rêvait » (Taine).

    Dans la Civilisation de l’Occident médiéval, voici ce que Jacques Le Goff écrivait, à propos de ses symboles si abondants (l’anneau, les silmarils, les arbres) dans l’œuvre de Tolkien :

    « Le symbole est signe de contrat. Il est la référence à une unité perdue, il rappelle et appelle une réalité supérieure et cachée. Or, dans la pensée médiévale, « chaque objet matériel était considéré comme la figuration de quelque chose qui lui correspondait sur un plan plus élevé et devenait ainsi son symbole ‘ » Le symbolisme était universel, et penser était une perpétuelle découverte de significations cachées, une constante « hiérophanie ». Car le monde caché était un monde sacré, et la pensée symbolique n’était que la forme élaborée, décantée, au niveau des doctes, de la pensée magique dans laquelle baignait la mentalité commune. »

    Ensuite Le Goff explique le rapport magique à la nature :

    « Le grand réservoir des symboles, c’est la nature. Les éléments des différents ordres naturels sont les arbres de cette forêt de symboles. Minéraux, végétaux, animaux sont tous symboliques, la tradition se contentant d’en privilégier certains : parmi les minéraux les pierres précieuses qui frappent la sensibilité à la couleur et évoquent les mythes de richesse, parmi les végétaux les plantes et les fleurs citées dans la Bible, parmi les animaux les bêtes exotiques, légendaires et monstrueuses qui flattent le goût médiéval pour l’extravagant. »

    Le Goff évoque ensuite le pouvoir guérisseur et purificateur des pierres et des fleurs :

    « Pierres et fleurs cumulent leur sens symbolique avec leurs vertus bienfaisantes ou néfastes. Les pierres jaunes ou vertes, par homéopathie colorée, guérissent la jaunisse et les maladies du foie ; les rouges les hémorragies et les flux de sang. La sardoine rouge signifie le Christ répandant son sang sur la Croix pour l’humanité, le béryl transparent traversé par le soleil figure le chrétien illuminé par le Christ. »

    On le rapprochera de ces lignes sublimes du Seigneur des Anneaux :

    « II est heureux que j’aie pu la trouver, car c’est une plante cicatrisante que les Hommes de l’Ouest ont apportée en  »erre du Milieu. Ils l’appelèrent Athelas, et elle croît à présent de façon très clairsemée et seulement près des endroits où ils résidèrent ou campèrent dans les temps anciens, et elle est inconnue dans le Nord, sauf de quelques-uns de ceux qui vagabondent dans les terres sauvages. Elle a de grandes vertus, mais, sur une blessure telle que celle-ci, ses pouvoirs de cicatrisation peuvent être maigres ».

    Parlons des animaux. Un des plus beaux personnages du Silmarillion est celui du chien de meute (hound en anglais : pas question de le comparer au dog) Huan. C’est le chef de meute de Valar qui l’ont donné à un elfe.

    Tolkien lui prête des traits humains, chevaleresques même :

    « Mais Huan, le chien de meute avait le cœur pur, il s’était pris d’amour pour Lúthien dès la première heure qu’il l’avait vue et souffrait de sa captivité. Il rabaissa son orgueil et permit à Lúthien de le monter comme s’il était un cheval, comme font parfois les Orcs avec les loups, et ils allèrent très vite, car Huan était un coureur rapide et infatigable. »

    Et voici comment Le Goff explique ce rapport d’un maître avec un animal :

    « Le symbolisme du chien est tiraillé entre deux directions, la tradition antique qui en fait une représentation de l’impureté, et la tendance de la société féodale à le réhabiliter comme animal noble, indispensable compagnon du seigneur à la chasse, symbole de la fidélité, la plus élevée des vertus féodales. Mais les animaux fabuleux sont tous sataniques, vraies images du Diable : aspic, basilic, dragon, griffon. »

    Passons au thème de la lumière, si essentiel dans le Silmarillion. Les Valar, les dames elfes comme Galadriel, une maia comme Melian produisent, irradient plutôt la lumière protectrice.

    « Au commencement Eru, l’Unique, que dans le langage des Elfes on appelle Ilúvatar, de son esprit, créa les Ainur, et devant lui ils firent une Grande Musique. Le Monde est issu de cette Musique, car Ilúvatar rendit visible le chant des Ainur et ils purent le voir comme une lumière dans les ténèbres. »

    Tolkien ajoute :

    « Sa beauté est trop forte pour être chantée par les mots des Humains ou des Elfes, car l’éclat d’Ilúvatar est encore sur son visage. Dans la lumière réside son pouvoir et sa joie. »

    Et Jacques Le Goff va nous expliquer ce rapport magique et spirituel à la lumière :

    « Derrière tout cela, il y a ce que l’on a appelé la « métaphysique médiévale de la lumière», disons plus généralement et plus modestement la quête de sécurité lumineuse. La beauté est lumière, elle rassure, elle est signe de noblesse. Le saint médiéval est à cet égard exemplaire : « Le saint est un être de lumière». »

    Dans les récits lumineux du début du Silmarillion, Tolkien décrit avec émotion :

    « À Valinor, il y avait ainsi deux fois par jour une heure paisible de lumière plus douce où l’éclat pâli des deux arbres mêlait les rayons d’or et d’argent. Telperion, l’aîné, fut le premier à grandir et à fleurir : la première heure qu’il répandit sa lumière, une blanche lueur d’aurore argentée, les Valar ne la comptèrent point dans la suite des heures mais l’appelèrent l’Heure Inaugurale».

    On a souvent souligné le caractère racial des récits de Tolkien. En réalité ils ont plutôt une touche médiévale. Tolkien oppose comme Chrétien le noble au vilain, le chevalier à l’homme des bois ! La blondeur a une connotation vite alchimique ou solaire. Or le moyen âge célèbre la beauté physique. Le Goff encore :

    « Le prestige de la beauté physique est tel que la beauté est un attribut obligatoire de la sainteté. Le Bon Dieu, c’est d’abord le Beau Dieu, et les sculpteurs gothiques réalisent l’idéal des hommes du Moyen Age. Les saints médiévaux possèdent non seulement les sept dons de l’âme (amitié, sagesse, concorde, honneur, puissance, sécurité et joie) mais aussi les sept dons du corps : beauté, agilité, force, liberté, santé, volupté, longévité… »

    Enfin sur la grande peur et ce sentiment d’inquiétude perpétuelle, qui est la marque du monde de Tolkien, Le Goff ajoute :

    « Cette annonce de la fin des temps par les guerres, les épidémies, les famines, elle semble proche aux hommes du Haut Moyen Age : les massacres des invasions barbares, la grande peste du vie siècle, les terribles famines se répétant de loin en loin entretiennent l’attente angoissée : crainte et espoir mêlés, mais d’abord et de plus en plus peur, peur panique, peur collective. L’Occident médiéval c’est, dans l’attente d’un salut espéré, le monde de la peur certaine. »

    Le retour du roi ? Voici ce qu’en dit encore Jacques le Goff :

    « La plupart des légendes forgées autour d’un personnage historique relèvent du mythe de « l’empereur assoupi », écho du mythe oriental de « l’émir caché ». Barberousse, Baudouin, Frédéric II dorment dans une caverne ou vivent déguisés en mendiants, attendant le moment de se réveiller ou de se révéler et de conduire l’humanité au bonheur. »

    Un beau chapitre du Silmarillion est celui de la révolte des Noldor conduits par Feanor. Il a des connotations nettement millénaristes. Le Goff :

    « Ainsi le temps médiéval devient un temps de la crainte et de l’espoir. Temps de l’espoir ; car le mythe millénariste se précise et se charge de rêves révolutionnaires. On l’a vu, il anime des mouvements populaires plus ou moins éphémères. »

    Tolkien :

    « Le cœur de Fëanor brûla d’une flamme nouvelle, un désir de liberté, de grands espaces… Fëanor déjà parlait ouvertement de révolte contre les Valar, criant très haut qu’il quitterait Valinor pour le monde extérieur et délivrerait les Noldor de la servitude s’ils voulaient bien le suivre. »

    Le monde de Tolkien est aussi marqué par le déclin et la dégradation. L’historien Michel Baschet, disciple de le Goff, écrit de Constantinople :

    « Malgré des succès temporaires, en particulier sous les premiers empereurs de la dynastie des Comnènes, le territoire byzantin se réduit comme une peau de chagrin. »

    Le culte du passé, caractéristique du monde nostalgique de Tolkien ? Une tendance médiévale. Baschet encore :

    « C’est dans le passé, jugé meilleur que le présent, que le Moyen Âge cherche son idéal… c’est l’ensemble du passé qui semble préférable au présent… Le passé est en effet le temps de la tradition, supérieur aux nouveautés dangereuses qu’apporte le présent. »

    Le Salut par Tolkien
    Eschatologie Occidentale et Ressourcement Littéraire
    Auteur : Nicolas Bonnal
    Prix : 22,00€
    Editeur : AVATAR Editions
    Date : 15/10/2016
    Collection : Les Inactuels
    Pages : 258
    Dimensions (cm) : 14,85 x 21
    ISBN : 9781907847370
    Format : Livre Imprimé

    Cet ouvrage est disponible ici : cliquer

    http://www.voxnr.com/7032/tolkien-et-les-ideaux-du-moyen-age-extraits