Entretien du Cercle Henri Lagrange avec Jacques Sapir [économiste, Directeur d’Études à l’EHESS , directeur du Centre d’Études des Modes d’Industrialisation (CEMI-EHESS) et du groupe de recherche IRSES à la FMSH, coorganisateur avec l’Institut de Prévision de l’Economie Nationale (IPEN-ASR) du séminaire Franco-Russe sur les problèmes financiers et monétaires du développement de la Russie]
culture et histoire - Page 1145
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[Cercle Henri Lagrange] Le souverainisme : genèse et perspectives (entretien avec Jacques Sapir)
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Louis de Bonald, l’antimoderne oublié, le retour du Vicomte
9 juillet 2016 Causeur
Louis de Bonald ! Voici un nom qu’on n’a plus l’habitude de lire, à part dans les manuels d’histoire des idées où les auteurs lui consacrent quelques lignes, à la rubrique des contre-révolutionnaires. Le plus souvent, on associe Bonald à son contemporain Joseph de Maistre, l’autre héraut francophone de la critique des Lumières et de la Révolution. Hélas, aussi bien Maistre a la réputation d’écrire merveilleusement, aussi bien Bonald a celle d’écrire laborieusement, sans éclat ni génie. C’est pourquoi l’un continue d’être lu et figure toujours dans les librairies (Pierre Glaudes a réuni ses principaux textes dans un volume de la collection « Bouquins », en 2007), tandis que l’autre n’intéresse plus que les spécialistes et n’a quasiment pas été réédité.
Une douloureuse réputation littéraire
De fait, qui serait assez courageux pour se plonger aujourd’hui dans des volumes engageants comme Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social(1800), Théorie du pouvoir politique et religieux (1796) ou Démonstration philosophique du principe constitutif de la société (1830), tous longs de plusieurs centaines de pages ?
Et pourtant, ces textes austères sont la source majeure de la pensée traditionaliste du XIXe siècle. « Ce n’est pas Joseph de Maistre, ni, encore moins, Châteaubriand ou Lamennais, qui ont été les vrais inspirateurs de la pensée antidémocratique du siècle dernier, mais bien Louis de Bonald », dit Koyré dans ses Etudes d’histoire de la pensée philosophique. Taine, Comte, La Tour du Pin, Maurras, tout ce pan de la culture politique vient en ligne droite du Vicomte de Millau, dont la douloureuse réputation littéraire a fait oublier l’importance. Bien conscients de sa place majeure dans l’histoire, les savants continuent de lui consacrer des recherches, en France comme en Europe, ainsi qu’en témoigne leBonald de l’historien piémontais Giorgio Barberis. Clair, bien conçu, ce livre est peut-être la meilleure introduction disponible à la pensée de Bonald. Barberis y montre bien comment le rejet bonaldien de la Révolution, loin d’être une réaction éruptive de barbon d’Ancien Régime, est la conséquence d’un système intellectuel solide où s’articulent une métaphysique, une anthropologie, une théologie, une conception de l’histoire.
De Bonald à Rivarol
Evidemment, vu de 2016, la pensée politique de Bonald – un ordre instauré d’en haut, appuyé sur la religion, organiciste et antilibéral – a quelque chose d’extraterrestre. Mais justement : c’est cette distance avec nous qui lui donne son actualité, le point de vue le plus éloigné de nos façons de penser étant le meilleur pour bien les comprendre. Sur ce plan, cette belle traduction (où on ne déplore que deux ou trois fautes de syntaxe – « la théorie dont il avait fait allusion », « une conception à laquelle s’ensuit »...) n’a pas qu’une utilité historique ou documentaire, elle permet aussi de mettre en perspective des notions comme le progrès, l’individualisme, le pouvoir, la légitimité, etc. Quant au procès fait à Bonald sur son style, les nombreux extraits cités par l’auteur indiquent qu’il est peut-être abusif et que le vieux Vicomte, pour n’avoir pas la plume facile, n’en était pas moins capable parfois de bonnes formules.
Je profite de cet article pour dire aussi un mot d’un contemporain de Bonald (à un an près), Antoine de Rivarol : Maxence Caron réédite en effet ses Œuvres complètes dans un épais volume de la collection « Bouquins » où, par souci sans doute de le rendre plus digeste et plus attrayant, il l’associe aux aphorismes de Chamfort et à ceux Vauvenargues (je dis « réédite », il faudrait dire « édite » : la plupart des tentatives précédentes d’éditer Rivarol ont apparemment comporté des lacunes). D’une certaine façon, au plan du style, Rivarol est l’anti-Bonald : ce dernier compose des traités pesants, laborieux, répétitifs, alors que Rivarol virevolte et sautille sans jamais finir un livre, disséminant ses réflexions dans des textes courts, légers, ironiques. Bonald est besogneux et grave, Rivarol, facile et drôle ; cette différence des tempéraments se retrouve au plan des idées politiques. Tous deux critiquent en effet la Révolution, mais pas de la même manière ; à l’idéologie révolutionnaire, Bonald oppose l’idéologie théocratique – système contre système ; Rivarol, lui, y oppose un rejet de l’idéologie, une méfiance à la Burke pour les délires abstraits. Chantal Delsol explique tout cela dans une préface lumineuse de 40 pages, qui justifie à elle seule l’acquisition de ce superbe volume. •
Louis de Bonald, ordre et pouvoir entre subversion et providence, Giorgio Barberis, traduit de l’italien par André Questiaux, Desclée de Brouwer, 2016.
L’art de l’insolence, Rivarol, Chamfort, Vauvenargues, Robert Laffont, « Bouquins », 2016.
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L'événement : Jean-Pax Méfret sur TV Libertés
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Le n°43 (été 2016) de Synthèse nationale sortira la semaine prochaine
Au sommaire :
P 2 : EDITORIAL - Roland Hélie
P 6 : BREXIT - Le peuple contre les élites Patrick Parment
P 12 : BREXIT - Cauchemar ou bénéfice pour les vrais FrançaisDr Bernard Plouvier
P 17 : BEZIERS - Et alors ? Georges Feltin-Tracol
P 24 : HALAL - Le Business tourne à plein régime Arnaud Raffard de Brienne
P 32 : AUTRICHE - Le vent du boulet Pierre Vial
P 34 : AUTRICHE - Un entretien avec Roland Hélie avecPhilippe Randa
P 35 : MEDIA - EuroLibertés, Radio Libertés... le groupe Libertés étend son audience...
P 36 : ITALIE - Comment la Droite nationale fût assassinée ?Massimo Magliaro
P 43 : ITALIE - Etat des décombre du MSI Guirec Sèvres
P 47 : BOUSQUET SUR FOUCAULT - Quand on déglingue une idole de la gauche Patrick Parment
P 51 : 1966 - 1968 Approche historique de la chienlit occidentale Dr Bernard Plouvier
P 60 : SOCIETE Emasculation de la société française Charles-Henri d'Elloy
P 65 : ECONOMIE N'était-ce pas mieux avant ? Pieter Kerstens
P 69 : Le GRAND REMBARQUEMENT Entretien avecEmmanuel Albach
P 73 : LES PAGES DU MARQUIS la chronique de Jean-Paul Chayrigues de Olmetta
P 82 : LES LIVRES AU CRIBLE Georges Feltin-Tracol
P 102 : SPORT FOOT ET MOI LA PAIX Charles-Henri d'Elloy
P 108 : SYNTHESE NATIONALE PRESENT PARTOUT
Ainsi que de nombreuses autres rubriques...
118 pages - 12 €
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Sortie prévue le 22 juillet.
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Enquête sur la monarchie, de Charles Maurras
Point besoin de présenter Charles Maurras. On sait qui est l’homme, on sait sa qualité de figure indépassable du courant monarchiste, et l’on sait qu’il vaut mille théoriciens et penseurs politiques contemporains. On reconnaitra sans mal qu’à notre époque, plus de cent cinquante ans après le renversement du dernier roi de France (ou, plus spécifiquement dans son cas, des Français), le monarchisme peut sembler quelque chose de parfaitement vain, et pour certains, un vœu pieux. Mais le monde dans lequel nous vivons est dans un état si catastrophique, au point de connaître pour la première fois une réelle menace d’extinction, qu’il serait malavisé de négliger toute voie, y compris celle-ci, si impraticable la restauration semblât-elle. Après tout, l’Histoire est remplie de surprises...
Félix Croissant, pour le SOCLE
C’est sur Enquête sur la Monarchie, le huitième livre de Charles Maurras, publié en 1900, que se penche le présent article. En 1924, Maurras, alors au sommet de son influence et de sa gloire, se lamente que l’on réimprime ce "vieux livre" : pour lui, sa réimpression "accuse la longueur de la crise et l’ignorance du seul topique approprié". Les gigantesques bouleversements du premier quart du 20ème siècle et leurs millions de morts n’ont pas "fait varier d’un iota le problème central de la vie publique française, sa faiblesse de direction". En résumé, la dégringolade institutionnelle continue (et elle continue encore de nos jours, réduisant l’écart susmentionné entre nos époques !), et il n’y a personne pour éteindre le moteur. Il va sans dire que Maurras, déjà partisan du rétablissement de la monarchie, en sort davantage persuadé de l’inanité des gouvernements républicains, paralysés par le jeu politique, et donc de la capacité de la République, mais aussi de la démocratie républicaine, à garantir l’ordre et la sécurité du peuple français face aux bouleversements à venir, dont il ne doute pas un seul instant. "En fait, on se demande toujours, et de plus en plus : oui ou non, l’institution d’une monarchie n’est-elle pas de salut public ?"
Après le limpide Mes idées politiques, on tient là la pierre angulaire de la pensée politique de Maurras. Car l’homme propose un système. De nombreux intellectuels de l’époque le voyaient d’ailleurs comme le seul homme de droite dont le positionnement se caractérisait par AUTRE CHOSE que son opposition systématique à la gauche — inspirant au Socle la nécessité de la critique positive qui caractérise son action. Le passé et le présent continuent de se confondre : cette droite en crise d’identité, ne la connaissons-nous pas par cœur, aujourd’hui ? Cette droite que l’on a tendance à chercher, à la substance oblitérée, tout comme à gauche, par l’idéologie sociale-libérale ? [....]
La sute sur Le Socle
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Enquete-sur-la-monarchie-de