Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1149

  • L’IDÉAL SPARTIATE : L’APPEL DE TYRTÉE À L’ARETÉ

    La volonté qui fit de Sparte une grande nation vit encore dans les élégies de Tyrtée. Cette volonté eut pour résultat la formation d’un idéal sublime qui dura bien plus longtemps que la Sparte historique – à vrai dire, il n’a pas encore disparu – et dont les élégies en question constituent le témoignage le plus suggestif. La communauté spartiate, telle qu’elle est connue dans l’histoire à une époque éloignée de sa création, apparaît à beaucoup d’égards comme quelque chose de transitoire et d’excentrique. Mais l’idéal qui inspira ses citoyens et vers lequel tendirent avec une constance farouche tous les efforts, est impérissable parce qu’il représente un instinct fondamental de l’humanité.

    Bien que la société qui lui donna naissance nous semble avoir été partiale et bornée dans ses conceptions, cet idéal demeure vrai et valable. Platon lui-même qualifiait d’étroite l’idée que se faisait le Spartiate des devoirs et de l’éducation civiques, mais il ajoutait que ces vues, immortalisées par les poèmes de Tyrtée, forment une des bases immuables de la vie politique. D’autres, d’ailleurs, partagèrent cette opinion : en réalité, le philosophe exprima simplement l’impression générale de la Grèce au sujet de Sparte. Les Grecs de son temps n’approuvèrent pas sans réserve Lacédémone et son système ; tous, néanmoins, admirent la valeur de son idéal. Dans toute cité il y eut un parti favorable à Sparte, qui se faisait une idée très optimiste de la constitution de Lycurgue. La majorité ne partageait pas cette admiration sans bornes. Pourtant, la place réservée par Platon à Tyrtée dans son système éducatif demeura indiscutée chez les Grecs des périodes ultérieures et devint un élément indéfectible de leur culture. Il appartient à Platon d’arranger et de systématiser l’héritage spirituel de l’Hellade : dans sa synthèse, les divers idéaux que posséda le peuple grec furent objectivés et situés selon leur parenté réelle. Depuis lors aucune modification importante n’y a été opérée, et durant deux millénaires, l’idéal spartiate a gardé dans l’histoire la place que le grand philosophe lui avait assignée.

    Les élégies de Tyrtée ont une portée éducative très grande. L’appel qu’elles font au sacrifice personnel et au patriotisme des Spartiates était certainement justifié par les circonstances au moment où elles furent écrites – Sparte était alors près de succomber sous le poids écrasant de la guerre de Messénie. Mais elles n’auraient pu faire l’admiration des époques subséquentes, en tant qu’expression suprême de la volonté qui fit oublier aux Lacédémoniens leur intérêt personnel au profit de celui de leur patrie, si elles n’avaient conféré à cet idéal une valeur éternelle et immuable. Les modèles qu’elles proposent pour tous les actes et pour toutes les pensées des citoyens ne furent pas conçus en un sursaut momentané de patriotisme guerrier : ils formaient les fondements mêmes et la raison d’être du monde spartiate. Rien dans la poésie grecque ne montre plus clairement combien le poète trouve la source de son inspiration dans la vie de la société à laquelle il appartient. Tyrtée n’est pas un génie poétique individuel au sens moderne du mot ; il est la voix du peuple, il exprime la foi de tous les citoyens bien pensants. Voilà pourquoi il parle le plus souvent à la première personne du pluriel : « combattons ! » crie-t-il et « mourons ! ». S’il dit parfois « je », ce n’est ni pour donner libre cours à sa personnalité ni pour s’imposer en autorité supérieure (comme le pensèrent les Anciens qui le qualifièrent souvent de général) ; ce « je » est un « je » universel, celui que Démosthène appelait la « voix unanime de la patrie ».

    Il parle donc au nom de sa patrie, et dès lors, son jugement sur ce qui est « honorable » et « honteux » acquiert une portée et une autorité bien plus grandes que s’il s’agissait de l’opinion subjective d’un quelconque rhéteur. Même à Sparte, cette relation étroite entre la volonté de l’Etat et celle de l’individu pouvait devenir en temps de paix assez peu effective pour le citoyen ordinaire. Mais en période de crise, la force de l’idéal se manifestait brusquement, en un élan irrésistible : la redoutable épreuve d’une guerre longue et indécise – qui n’en était alors qu’à ses débuts – devait donner à l’Etat spartiate sa structure d’airain. A cette heure tragique, les Lacédémoniens éprouvèrent le besoin de disposer non seulement d’une direction ferme à la fois politique et militaire, mais encore d’une expression universellement valable des vertus nouvelles que la guerre, avec ses durs combats, venait de forger. Depuis des siècles les poètes grecs étaient les hérauts de l’areté ; un héraut semblable apparut alors en la personne de Tyrtée. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler, la légende déclare qu’il fut envoyé par Apollon – confirmation frappante de cette croyance bizarre qui veut que lorsqu’un chef spirituel est nécessaire, il survienne immanquablement. Tyrtée vint pour exprimer en une poésie immortelle les vertus civiques indispensables en période de danger national.

    Lire la suite

  • Les Ducs et Duchesses de Bretagne (Philippe Tourault)

    Philippe Tourault est un historien spécialiste de la Bretagne et de l’Anjou.

    ducs-duchesses-bretagne-183x300.jpgCet ouvrage tente de dégager les lignes de force du pouvoir ducal de la Bretagne, du Xe au XVIe siècle.

    Après une naissance difficile en 936, à l’issue d’une éphémère monarchie de Bretagne et des invasions vikings, la période ducale se prolonge en Armorique jusqu’en 1532, soit près de six siècles. Elle connaît un âge ingrat jusqu’au début du XIIIe siècle, puis son affermissement et son rayonnement jusqu’aux années 1450, avant son apogée jusqu’à la fin de l’Etat breton dans la seconde moitié du XVe siècle et au début du XVIe siècle.

    Car c’est bien un Etat breton que forme le duché cent ans avant sa chute : l’ancienne Armorique est gouvernée par de véritables souverains qui développent, en toute indépendance, une idéologie et des structures de gouvernement adaptées. Mais l’auteur nous montre que cet Etat breton finit par attiser la convoitise de la France.

    Un ouvrage passionnant et un sujet méconnu et peu traité. 

    Les ducs et duchesses de Bretagne, Philippe Tourault, éditions Perrin, collection Tempus, 406 pages, 10 euros

    A commander en ligne sur le site de l’éditeur

    http://www.medias-presse.info/les-ducs-et-duchesses-de-bretagne-philippe-tourault/56765

  • Les racines chrétiennes dans la terre de France : découverte d'une église paléochrétienne à Nîmes

    Lu ici

    6a00d83451619c69e201b8d1fcf9a8970c-300wi.png"Une église paléochrétienne datant du Ve siècle a été découverte par une équipe de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) lors de fouilles menées sur le terrain d'un particulier qui habite dans le quartier des Amoureux. 130 tombes dont les datations s'échelonnent entre la fin de l'Antiquité et le haut Moyen-Age ont également été trouvées lors d'une campagne débutée le 30 décembre dernier et achevée le 22 avril dernier.

    L'imposante fondation d'une abside semi-circulaire de l'édifice religieux, bâti avec des remplois antiques monumentaux, a été mise au jour. L'intérieur de l'abside accueille de nombreuses sépultures. Au sein du cimetière, ont été découverts des sarcophages en plomb datant d'autour du IIIe siècle. Les autres tombes sont construites avec des pierres, tuiles ou bois. Il faudra de nombreux mois de travail avant la remise du rapport de fouilles probablement pour la fin de l'année prochaine".

    Vidéo ici.

    Lahire http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Salan (Jean-Paul Angelelli et Bernard Zeller)

    Jean-Paul Angelelli est né à Alger en 1934. Historien et journaliste, il est aussi vice-président de l’association des amis de Raoul Salan.

    Bernard Zeller, fils du général André Zeller, a fait carrière dans les industries spatiale et de défense. Il a présidé l’association des amis de Raoul Salan de 2004 à 2015.

    Salan-qui-suis-je.jpgCe livre interroge. Qui était Salan ? Rarement une personnalité a suscité autant de questions et de jugements abrupts et contradictoires. Sa réserve naturelle, son passage dans les services de renseignement, son manque d’aisance en public, ont pu y contribuer.

    Pour décrire qui était le général Salan, les deux co-auteurs de ce livre prennent soin d’éviter l’écueil qui consisterait à le réduire à son rôle de chef de l’OAS et à occulter le reste de sa vie.

    Or son existence s’écrit en parallèle de l’apogée, du déclin et de la chute de l’Empire français. Raoul Salan (1899-1984) est un homme qui a vécu, sur le front, la fin de la guerre de 1914-18 et, en prison, la fin de la « plus grande France « . Qui s’est battu pour son pays le long de l’Euphrate, qui a administré une province perdue du Haut-Laos, qui a vécu la défaite de 1940 et qui a participé à la victoire de 1945. Qui a assumé les plus lourdes responsabilités en Indochine et en Algérie avant de se dresser contre le gouvernement du pays qu’il avait servi plus de quarante ans au risque de sa vie.

    Suivre le destin de Raoul Salan, c’est aussi vivre l’Histoire de France au vingtième siècle. 

    On conseillera cet excellent ouvrage à ceux qui n’ont pas connu ces événements et qui voudraient se faire une opinion honnête sur cet officier qui ne peut laisser indifférent. 

    Salan, Jean-Paul Angelelli et Bernard Zeller, éditions Pardès, collection Qui suis-je ?, 128 pages, 12 euros

    A commander en ligne ici

    http://www.medias-presse.info/salan-jean-paul-angelelli-et-bernard-zeller/56902

  • Et la politique ?

    Les seules idées politiques que nous tenions pour consistantes se trouvent dans Catholica, la Revue universelle et surtout l’Action française dont la rédaction, notablement rajeunie, se montre combative, grâce à Aristide Leucate et François Marcilhac, lesquels s’expriment aussi sur le site Boulevard Voltaire de Robert Ménard, examinant toute chose dans la perspective du bien commun français dont la monarchie, si elle renaissait, serait le plus solide garant.

    Les livres et internet ont permis aux opinions divergentes de percer. Ensuite, certaines émissions de radio et de télévision destinées au grand public ont dû les relayer, car les médiatiques dominants ont compris qu’ils se couperaient d’une partie de leur public s’ils continuaient à dédaigner ou à passer sous silence quelques méchants sires. Pour de simples raisons de rentabilité, il n’était plus possible de bavarder entre bien-pensants.

    Bien que l’ambiance médiatique libérale-libertaire règne encore, ses serviteurs prennent peur, leur position est menacée. Il faut s’attendre à un durcissement de la caste en place, à l’élaboration de lois réprimant plus sévèrement le racisme supposé, le sexisme, l’homophobie, voire le spécisme, et limitant une liberté d’expression désormais infestée de « dérapages » incorrects.

    Nous avons parlé de « dissidents », mais il n’y a pas de commune mesure entre les résistants au communisme ou au nazisme et les rebelles d’aujourd’hui. Un Eric Zemmour court infiniment moins de risques que Soljénitsyne en son temps. Le traitement plutôt doux réservé aux élèves turbulents va-t-il durer ? Nul ne sait… [....]

    La suite sur la Ligue Vaudoise

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Et-la-politique

  • Les idées à l'endroit - Pierre Manent :"Vers un nouveau contrat social avec les musulmans ?"

  • Boualem Sansal : « L'ordre islamique tente progressivement de s'installer en France »

    Ce qui nous intéresse ici ce n'est pas le personnalité controversée et ambiguë de Boualem Sansal. Mais son analyse en tant que telle. Après les meurtres de policiers à Magnanville par un islamiste, il compare ici [Figarovox 17.06] la situation actuelle de la France à celle de l'Algérie au début de la guerre civile. Les perspectives qu'il trace, en effet, glacent le sang.  LFAR

    Depuis un an, sur fond de tensions culturelles, la France vit au rythme des attentats. Dernier en date, l'assassinat à coups de couteau, revendiqué par l'État islamique, d'un policier et de sa compagne dans leur maison. Que vous inspire ce nouvel acte de terreur ?

    Ca me glace le sang. Voici venu le temps du couteau et de l'égorgement. Il est à craindre que cette méthode fasse florès, car un hadith célèbre prête au prophète Mahomet cette terrible sentence adressée aux mécréants: «Je suis venu à vous avec l'égorgement». On a vu combien Daech a pris ce hadith à la lettre et combien de milliers de personnes ont été égorgées comme des moutons, avec tous les raffinements que des esprits malades peuvent inventer pour exalter leur soif de cruauté. C'est le deuxième cas en France: en juin 2015, en Isère, un islamiste avait égorgé et décapité son patron puis accroché sa tête au grillage d'une usine. La méthode va certainement inspirer beaucoup de jeunes islamistes. Au couteau, eux ajouteront la caméra qui démultiplient l'horreur. Ils filmeront leur crime et balanceront le film sur les réseaux sociaux. Le terrorisme islamiste en Europe n'en est qu'à ses débuts, nous verrons avec le temps combien il sait être inventif: l'égorgement, le viol, l'empalement, l'éventrement seront au menu, comme ils le sont au Daech et comme ils l'ont été en Algérie à grande échelle, pendant la guerre civile. Au Daech comme en Algérie, les terroristes sont très fortement endoctrinés et encadrés: ce sont des soldats de la terreur, ils exécutent des ordres. En Europe, une telle organisation n'est pas possible, pas encore. C'est pourquoi les commanditaires et les stratèges du terrorisme islamiste mondialisé poussent à l'ubérisation du terrorisme, les instructions sont dans la toile à la disposition de qui veut devenir djihadiste et martyr.

    Peut-on vraiment comparer la France et l'Algérie?

    L'islamisme sait s'adapter, il se fiche de la culture du pays, il veut la détruire et imposer la sienne, et comme il a trouvé des recrues en Algérie il trouvera des recrues en France. Aujourd'hui, il les sollicite, les prie, demain il les forcera à assumer leurs devoirs de soldats du califat, et le premier de ces devoirs est de libérer l'islam de la tutelle de l'Etat mécréant qu'est la France. En Algérie, les maquis islamistes étaient pleins de jeunes qui ont été forcés de faire allégeance à l'émir de leur village, de leur quartier: c'était rejoindre le maquis ou se faire égorger ainsi que toute sa famille. S'il s'évade c'est la famille, voire tout le village, qui paie.

    Derrière le terrorisme, existe-t-il un problème plus large d'islamisation de la France ?

    C'est le but même de l'islam conquérant, gagner la planète, convertir toute l'humanité. Le terrorisme n'est qu'une méthode pour conquérir des territoires, soumettre leurs populations et les convertir par force, comme il l'a fait au Daech avec les communautés chrétiennes. C'est la méthode des islamistes radicaux, les djihadistes. Les islamistes modérés et les musulmans pacifiques récusent cette méthode, ils préfèrent la voie douce, la da'wa, l'invitation à écouter le message d'Allah, ou la prédication publique. Entre les deux méthodes, la conquête militaire et la da'wa, il y a tout ce que l'intelligence humaine a pu inventer pour convertir et enrôler. La France est un terrain très favorable à l'islamisation par la voie douce et par le moyen de la violence: elle est inquiète, divisée, épuisée, dégoutée. Les retours à la pratique religieuse se multiplient chez les musulmans et les conversions explosent.

    Une serveuse musulmane a été giflée à Nice parce qu'elle servait de l'alcool durant le ramadan…

    L'ordre islamique tente de s'installer en France, c'est un fait patent. En maints endroits, il est déjà installé. Dans un pays musulman, cette serveuse aurait été arrêtée et jetée en prison par la police. Durant le ramadan, la folie s'empare du monde musulman et fait commettre d'horribles choses. La faim et la soif ne sont pas seuls responsables, il y a que ce mois est sacré (c'est pendant le ramadan que Mahomet a reçu le coran, apporté à lui par l'archange Gabriel), les gens sont pris dans la ferveur et la bigoterie. Durant ce mois, certains imams sont littéralement enragés.

    Comment les islamistes s'y prennent-ils pour accroître leur influence ?

    La force des islamistes et des prédicateurs est la patience. Ils inscrivent leur action dans la durée. Une autre qualité est l'inventivité et leur capacité maîtriser les instruments à leur portée: les chaines satellitaires, Internet, les réseaux sociaux, les outils marketing, les techniques de communication, la finance islamique, le cinéma, la littérature, tout est mobilisé pour atteindre la plus grande efficacité. Dans les pays du sud, les islamistes n'ont que les moyens traditionnels pour avance, ils convoquent les vieilles recettes de charlatanisme, la sorcellerie, la magie, le maraboutisme, ils investissent les mosquées, les souks, les stades, les fêtes religieuses, les hôpitaux. L'action sociale n'a pas de secrets pour eux. Dans tous les cas, ils n'ont aucun souci d'argent, les donateurs généreux et intéressés ne manquent pas.

    Bombarder Daech peut-il régler la question ?

    Elle n'est une solution que si elle est accompagnée d'une intervention militaire au sol menée par les pays arabes. Pour compléter, il faut ensuite installer à demeure une mission onusienne pour reconstruire la région, disposant d'une force armée capable d'empêcher les représailles.  

    Boualem Sansal est un écrivain algérien censuré dans son pays d'origine à cause de sa position très critique envers le pouvoir en place. Son dernier livre 2084, la fin du monde est paru en 2015 au éditions Gallimard. 

    Alexandre Devecchio

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • À la rencontre d'Érasme

    Aimé Richardt brosse le portrait d'un prêtre de la Renaissance affligé par la médiocrité du clergé, un pacifiste invétéré prêchant la paix et la tolérance dans un monde où régnait la guerre.

    Après avoir dressé de Luther et de Calvin des portraits attentifs et pénétrants, notre ami Aimé Richardt est allé à la rencontre d'Érasme 1, autre grande figure, apparemment plus paisible, de ce que l'on a appelé la Renaissance. Né à Rotterdam en 1469, orphelin de bonne heure, ordonné prêtre à Utrecht en 1492, Érasme connut à travers l'Europe une existence quelque peu errante. D'abord Paris où la Sorbonne lui laissa le dégoût de la philosophie scolastique, puis l'Angleterre où il découvrit chez les humanistes plus de culture et de liberté d'esprit, puis de nouveau entre Paris et Orléans où il publia Les Adages (1500), pour faire goûter à tous la sagesse pratique des Anciens, ce qui lui ouvrit le chemin de la gloire littéraire.

    Humaniste et réformateur

    Ensuite, nouvelles pérégrinations à travers la Hollande et la Belgique, avant un nouveau passage en Angleterre et un voyage en Italie où Rome le déçut par le spectacle d'une papauté triomphante et d'une Église anémiée par des moeurs dissolues. Puis retour en Angleterre où son Éloge de la folie (1511) fit grand bruit - un véritable brûlot, où, pour dire leur fait aux papes guerriers, aux prêtres négligents, aux théologiens routiniers, aux moines paresseux, aux princes égoïstes et autres puissants de ce monde, il mettait en chaire la "Folie" qui pouvait tout dire, sans avoir l'air d'y toucher, comme les "fous du roi"... Sur sa lancée il osa publier à Bâle un écrit satirique contre le pape Jules II « interdit au Ciel » (1513). Ce qui ne l'empêcha pas de devenir en 1515 conseiller du jeune roi d'Espagne, le futur empereur Charles Quint, dédiant alors à celui-ci son Institution du prince chrétien.

    Aimé Richardt suit son héros dans ses voyages avec une réelle sympathie. Toutefois ses audaces lui attiraient des inimitiés, notamment quand il se mit à traduire le Nouveau Testament et à exprimer des opinions discutables sur le célibat des prêtres. Mais ce pacifiste invétéré qui prêchait la paix et la tolérance dans un monde où régnait la guerre, savait envelopper d'humour et d'ironie ses affirmations et ses critiques les plus sévères, ce qui était de moins en moins le cas de Luther lancé dès 1517 dans la querelle des Indulgences. En 1522, c'est à Érasme que le pape Adrien VI demanda de condamner les hérésies nouvelles.

    Écrivant encore bien d'autres livres, il dut quitter Bâle pour Fribourg. Dans les débats du temps (le libre arbitre, la grâce, la prédestination), il chercha toujours à prendre de la hauteur - de nombreux passages cités par Aimé Richard l'attestent. L'échec de la confession d'Augsbourg (1530), qui marqua à jamais la division du monde chrétien, fut pour lui une douleur atroce. Il ne se sentait plus compris que par Rabelais ! En 1536, juste après s'être réjoui de l'élection du pape Paul III, il célébra la messe de Pâques « le corps tordu par la souffrance », puis s'alita jusqu'au 12 juillet où il rendit son âme à Dieu.

    Opinions aventureuses

    Aimé Richardt ne range évidemment pas Érasme parmi les Pères de l'Église. Certaines de ses opinions étaient aventureuses sur la notion même du sacerdoce. Dans ce grand courant d'affranchissement par rapport à la tradition qui marqua la Renaissance, tout discours était périlleux. Et comme, au même moment, l'Église, en se sclérosant et en donnant des fâcheux exemples d'abus, n'était guère en état de jouer son rôle, qu'admirait tant Maurras, « d'arche de salut des sociétés », les esprits les meilleurs étaient livrés à eux-mêmes et ne mesuraient pas toujours la portée de leurs propos. Jacques Ploncard d'Assac, dans L'Église occupée, cite un moine de Cologne : « Érasme a pondu les oeufs, Luther va les faire éclore. » C'est sans doute excessif, mais cela aide à comprendre que le concile de Trente en 1563 mît à l'index les livres d'Érasme. Si le concile avait eu lieu plus tôt, notre humaniste eût été rappelé à la prudence, lui qui fut l'ami de toujours de l'Anglais Thomas More lequel, également soucieux de réformer l'Église, fut mené au martyre par son refus de transiger avec la vérité (1535)... Des réformateurs pleinement catholiques comme le cardinal espagnol Ximenes de Cisneros, futur grand inquisiteur de Castille, comptent parmi ceux qui refusèrent longtemps de censurer les livres d'Érasme.

    Prince de la paix

    Ce grand sage européen fut essentiellement un homme de paix, plus qu'un doctrinaire. Mgr Huot-Pleuroux, dans sa préface, ne voit pas pour autant en lui un précurseur de l'oecuménisme d'aujourd'hui. Rappelant que François Ier était prêt à offrir à Érasme une chaire au Collège de France, le prince Jean de France, duc de Vendôme, rapproche le « prince de la paix » du roi Henri IV, aimant « conquérir les coeurs et gagner la paix ». Louons Aimé Richardt d'avoir mis en relief dans ce livre élégamment présenté, un homme qui, dans ces temps où les guerres de religion allaient commencer, sut voir avec perspicacité ce qui rapprochait ses semblables plus que ce qui les divisait. Aujourd'hui comme hier, ce genre d'homme ne court pas les rues...

    Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 4 au 17 novembre 2010

    1 Aimé Richardt : Érasme, une intelligence au service de la paix ; éd. Lethielleux-François Xavier de Guibert, 232 pages, 18 euros.