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culture et histoire - Page 1146

  • Chronique de livre : Nicolas Bonnal "Le Paganisme au cinéma"

    Nicolas Bonnal, Le Paganisme au cinéma (Dualpha, 2015)

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    Des livres sur le cinéma, il en a été suffisamment écrit pour remplir les salles du château de Minas Tirith ! Pléthore de dictionnaires, de biographies de réalisateurs ou d'acteurs, d'études thématiques, tout a été écrit sur le sujet. Simplement, il suffit de réactualiser au gré des nouvelles sorties en salles. Tout a déjà été écrit ou plutôt presque tout. Dans son très intéressant ouvrage intitulé Le Paganisme au cinéma. Mondes païens, épopées, contes de fées..., paru aux Editions Dualpha, Nicolas Bonnal ouvre grandes les portes d'un monde cinématographique qui n'avait été que trop peu exploré jusqu'à présent.

    Chacun aura vu Excalibur ou Le Seigneur des anneaux. Si on ne peut parler de cinéma païen stricto sensu, Nicolas Bonnal, déjà auteur de plus d'une quinzaine d'ouvrages, dont quatre sur le cinéma, a le bonheur d'évoquer plutôt la présence d'éléments païens dans l'art cinématographique. Et bien évidemment, la liste des films s'allonge !

    La Nouvelle Droite a depuis longtemps démontré la persistance d'un substrat, hérité de notre plus longue mémoire, qui a survécu jusque dans le médiocre crépuscule matérialiste de nos sociétés du Troisième millénaire et demeure présente dans notre imaginaire et nos fêtes et traditions populaires. Il n'est donc guère étonnant que ces survivances païennes se retrouvent chez des cinéastes aussi différents que Fritz Lang, Akira Kurosawa ou dans certains Walt Disney.

    Choisissant la difficulté, Nicolas Bonnal opte, pour le plus grand bonheur du lecteur, à une étude chrono-thématique des principales productions nationales plutôt que s'essayer à la constitution d'un simple dictionnaire des œuvres cinématographiques incorporant tout ou partie des anciennes cosmogonies, et d'ailleurs, plus ou moins consciemment parfois. Cela suppose évidemment des choix arbitraires. Aussi, l'auteur exclut-il le péplum. Et l'on regrettera l'absence du mythique Wicker Man de Robin Hardy. Il est à ne pas confondre avec l'ignoble remake de Neil LaBute dont le crime artistique justifierait que le réalisateur connaisse la même fin que l'austère inspecteur protestant de l'œuvre originale. Oubli sans conséquence et largement compensé par la longue évocation de l'art du cinéaste russo-ukrainien Alexandre Ptushko, totalement inconnu en Occident.

    Divisé en cinq chapitres nationaux, Nicolas Bonnal explore le Septième art anglo-saxon, allemand, français, russe et japonais à l'aune des traditions, mythes et mythologies païens. Dans cette confrontation analytique entre ces cinémas nationaux, l'auteur opère une distinction fondamentale entre le cinéma à connotation païenne de l'Occident et le cinéma à intention païenne pratiqué en Russie et au Japon.

    Numériquement la plus importante, la production cinématographique anglophone est la plus grande pourvoyeuse de films contenant des éléments païens. Très certainement, le caractère spectaculaire des contes et légendes colle-t-il au mieux à la tradition de l'art filmé anglo-saxon. De nombreuses réussites certes mais aussi l'exercice du prisme déformant d'Hollywood. Il y a naturellement à voir et à venger.

    Et la France dans tout cela ? Cette fille ainée de l'Eglise que le démon républicain offre en dot à l'hydre du Monde moderne, dont les victoires sont nos renoncements... Tandis que le cinéphile païen piaffe d'impatience à l'annonce du tournage prochain de La Morsure des Dieux de Cheyenne Carron, a-t-il existé un cinéma français paganisant ? Chacun sera tenté de répondre par la négative de prime abord, à quelque exception près... Eric Rohmer peut-être. Aussi, le lecteur sera-t-il étonné d'être confronté à une liste bien plus nombreuse de cinéastes dont certaines œuvres incorporent nombre d'éléments païens en leur sein. Marcel Pagnol, Jean Renoir, Julien Duvivier, Jean Cocteau, Maurice Tourneur ou plus proche de nous, Jean-Jacques Annaud. Moins convaincu après lecture, il suffira pourtant de s'essayer à un nouveau visionnage de certaines œuvres mises en avant, et c'est un nouveau Champ des possibles qui s'ouvre et emporte l'adhésion. La magie analytique de Bonnal l'Enchanteur opère.

    Moins connu du profane, le cinéma soviétique puis russe constitue un indéniable jalon de l'art cinématographique auquel l'auteur livre un vibrant hommage, de même qu'une plaisante initiation, en filigrane, aux paganismes slaves. Nicolas Bonnal ne fait nullement mystère de son attachement à la culture russe. Tout aussi passionnants sont les chapitres consacrés au paganisme dans le cinéma allemand et japonais, concernant lequel l'auteur hisse de précieuses passerelles entre le pays du Soleil levant et l'imaginaire européen.

    Ça-et-là, l'auteur se livre à de courtes digressions qui offrent quelque évasion et permettent de reprendre son souffle parmi l'évocation de ces centaines de titres et de noms de réalisateurs.

    Il était une fois un livre qui manquait à l'Histoire du cinéma...

    Virgile / C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/le-cercle-non-conforme/

  • De César à Trump : petite histoire du «populisme»

    Après le Brexit, les mots «peuple», «populisme» et «référendum» font florès. Retour avec l'historien Christophe de Voogd sur ces mots polysémiques et souvent paradoxaux.
    Docteur en Histoire, ancien élève de l'École normale supérieure, Christophe de Voogd enseigne à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris et collabore au blog de la Fondapol: Trop libre.
     Depuis le référendum britannique sur le Brexit, le mot peuple est dans toutes les bouches. Certains le prononcent avec mépris tandis que d'autres s'en revendiquent. Mais au fond, qu'est-ce que «le peuple»?
    Vaste sujet et vaste débat qui occupe la pensée politique depuis la «démo-cratie» athénienne! Impossible donc ici de donner du «peuple» une définition consensuelle. Mais on peut relever trois usages principaux du mot: son sens sociologique, désignant les classes les moins fortunées de la société, la moitié de la population qui se situe en dessous du revenu médian pour prendre un critère simple. Ensuite son sens dans la philosophique politique: l'ensemble des citoyens en tant qu'impliqués dans l'exercice du pouvoir (démocratie antique) ou dans sa source (démocratie moderne). Un troisième sens, médiatique celui-là, semble se dessiner avec l'équivalence croissante peuple/opinion publique. Dernier usage enfin: dans le débat public lui-même où le «peuple» est invoqué comme ressource politique par de nombreux acteurs. C'est ce que j'appellerai l'usage polémique du mot qui remonte sans doute en France à la dialectique de Sieyès du Tiers-Etat contre les ordres «privilégiés», qui hante toutes les grandes crises de notre histoire et qui bat à nouveau son plein de nos jours. Polémique d'autant plus furieuse et confuse que justement l'on ne parle pas du même «peuple», et à dessein: voyez comment le gouvernement et la CGT s'écharpent sur la «démocratie» dont ils prétendent être l'un et l'autre le champion. 

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  • Carl Schmitt : le nomos de la terre ou l’enracinement du droit

    Dans Le Nomos de la Terre (1950), Carl Schmitt montre qu’il ne peut exister d’ordre sans enracinement. Contre la pensée positiviste et l’idéal cosmopolitique, il en appelle à la terre, substrat élémentaire de toute société, pour comprendre le rapport de l’humanité au monde.
    [Article initialement paru dans la revue PHILITT #2 consacrée à la terre et à l’enracinement.]
    Grande figure de la Révolution conservatrice allemande, Carl Schmitt s’oppose aux héritiers du positivisme d’Auguste Comte, et plus spécifiquement au positivisme juridique dont Hans Kelsen (d’ailleurs contradicteur de Schmitt) est le théoricien le plus célèbre. Celui-ci, dans sa Théorie pure du droit, n’étudie et ne reconnaît comme tel que le droit en vigueur édicté par l’homme, que l’on appelle droit positif, occultant l’origine profonde de ces normes et rejetant l’idée même d’un droit naturel qui serait fondé sur des valeurs éminentes. À l’inverse, s’attachant à en retrouver la source, Schmitt ressuscite la conception d’un droit inhérent à la terre. Si la localisation, l’espace géopolitique délimité, prime dans son étude des rapports de force, sa philosophie du droit nous invite à une lecture très organique, à la connotation écologiste. Alors, sans même invoquer de quelconques valeurs morales, que les positivistes qualifient d’extrinsèques à la matière juridique pour mieux les mépriser, Le Nomos de la Terre met la logique de ces légalistes à l’épreuve du bon sens du paysan : « En premier lieu, la terre féconde porte en elle-même, au sein de sa fécondité, une mesure intérieure. Car la fatigue et le labeur, les semailles et le labour que l’homme consacre à la terre féconde sont rétribués équitablement par la terre sous la forme d’une pousse et d’une récolte. Tout paysan connaît la mesure intérieure de cette justice. »

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  • Du carton plein d’Orlando à la loi Travail : Michel Foucault présent ! par Thierry DUROLLE

    À la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, la désormais célèbre « Nouvelle Droite » se postait en première ligne du combat des idées. Ses animateurs avaient compris toute l’importance d’un tel combat mais surtout le fruit de ses victoires. En effet, le camp d’en face qui avait, comme souvent à l’époque, un coup d’avance, comptait une pléthore de penseurs et théoriciens ayant pignon sur rue.« Putain » de Saint Foucault. Archéologie d’un fétiche de François Bousquet, rédacteur en chef-adjoint de la revue Éléments, dans une démarche quasi-« zemourienne » de « déconstruire les déconstructeurs » s’attaque à l’un des penseurs les plus représentatifs de la gauche libérale-libertaire en la personne de Michel Foucault.

    L’influence de Michel Foucault est considérable bien qu’elle s’exerce principalement dans le domaine du sociétal : comment ne pas penser au lobby LGBT, à la théorie du genre ou à la défense des minorités lorsque l’on parle du chef de file de la « French Theory » ? On ne sait plus si Foucault et son œuvre sont le reflet de la société actuelle ou si c’est la société actuelle qui est le reflet de l’homme et son œuvre. Ce dernier est sujet à une véritable fascination de la part de certains : un « putain » de saint pour les uns, un « putain » de damné pour les autres, à commencer par l’intéressé lui-même… Instable, changeant, toujours sur la brèche, l’homme fut comme au centre d’un vortex à l’allure de chaos primordial : « Le sens flotte sans accrocher au réel, victime de sa propre entropie. Cela s’appelle le chaos. Le jeune Foucault y succomba. » Dans son esprit tout est chamboulé, tout est renversé, inversé; la seule norme c’est l’anomie, serait-on tenté de croire. « Au moment où l’ethnologie allait chercher aux antipodes de l’Autre de la rationalité occidentale, lui le découvrait dans les asiles et les maisons d’arrêt. L’Autre, le Tout Autre, l’altérité radicale – le rebut de la société, dans lequel il célébrait le retour du refoulé dionysiaque. » Cet univers où se mêle surveillance et punition, est « de l’ordre de la névrose obsessionnelle » chez Foucault. Son leitmotiv ? « Jouir sans entraves mais le corps entravé » comme le formule si bien François Bousquet.

    L’auteur de Surveiller et Punir effectua par la suite un virage néo-libéral, « sujet si sensible qu’elle donnera naissance, après sa mort, à un courant négationniste parmi ses disciples ». Ce tournant néo-libéral coïncide chez Foucault avec sa période « américaine » où il écumera les bars queer de San Francisco. Émerveillé par le pays de l’Oncle Sam, « un Nouveau Monde qui ne brûle plus ses sorcières, mais les transforme en stars hollywoodiennes ». Son évolution est en réalité somme toute logique : la détestation des limites est l’axiome indépassable du libéralisme, qu’il soit économique ou sociétale. Les limites, « il les détruit toutes, au rouleau compresseur de la dérégulation, inexorablement. Peu importe qu’elle affranchisse les plus riches de leurs obligations ». Ainsi  éprouve-t-il « une phobie pour le Léviathan étatique ». En fin de compte le libéralisme pour Foucault « se présente comme le plus prometteur des chantiers : terra incognitaexpérimentale et bouillon de culture hostile à tout encadrement, toute restriction, tout principe de précaution »; il lui offre sur un plateau d’argent « une promesse d’atomisation sociale, d’insécurité culturelle, de désordre. Entropie et chaos – il ne pouvait rêver mieux. Foucault retrouve dans ce système et ces vertus de “ destruction créatrice ” schumpétérienne l’équivalent économique du travail de destruction-déconstruction qu’il mène dans le champ philosophique. Un mélange détonnant débridée, de déconstructionnisme échevelé et de constructivisme forcené ».

    Comprendre l’œuvre de Foucault constituera une aide précieuse lorsqu’il faudra opérer à l’autopsie du monde dans lequel nous vivons. Nous pouvons cependant observer les dégâts qu’elle a déjà provoqués, mais aussi les levées de boucliers salutaires. Ce pamphlet est un pavé de plus balancé à la gueule des rejetons de Foucault, mais un pavé en marbre de luxe, taillé avec précision, aérodynamique et qui ne manque pas sa cible. François Bousquet, nous le savions déjà, est quelqu’un de grand talent; son style est un véritable régale. Il n’est ni  prétentieux, ni timide mais toujours limpide, concis, et subtil. Une prose d’escrimeur. On se régale certes, mais on apprend aussi beaucoup de choses sur cet homme complexe que fut Michel Foucault. « Putain » de Saint Foucault. Archéologie d’un fétiche est aussi efficace qu’un AR-15, plus facile à dissimuler en boîte de nuit et tout aussi puissant, voire plus !

    Thierry Durolle

    • François Bousquet, « Putain » de Saint Foucault. Archéologie d’un fétiche, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 105 p., 15 €.

    http://www.europemaxima.com/

  • Gueniffey : « Robespierre incarne de façon chimiquement pure l'idée de la table rase »

    Nous l'avons déjà évoqué, dans Lafautearousseau :  Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche, a récemment formulé le vœu qu'une rue de Paris porte le nom de Maximilien de Robespierre. Mais qui était-il ? Dans un intéressant entretien donné à Figarovox [20.06], l'historien Patrice Gueniffey souligne, notamment, la responsabilité que le révolutionnaire porte dans la Terreur.  LFAR

    Quelle place Robespierre occupe-t-il dans la mémoire républicaine ?

    Le consensus républicain sur la Révolution française, au début de la IIIe République, s'est fondé sur l'exclusion de Robespierre du Panthéon des grands hommes de la décennie 1789-1799. Cette interprétation, forgée par les Thermidoriens dès le lendemain de la chute de Robespierre, a été popularisée par les manuels scolaires canoniques (Lavisse, Malet et Isaac) de la Belle Epoque. La IIIe République acceptait tout de 1789 à la chute des Girondins (juin 1793), et triait dans la période qui commence en juin 1793. Elle acceptait Danton et Carnot, qui représentaient la défense nationale, et refusait Robespierre, qui incarnait la guerre civile et la Terreur. Par ailleurs, le culte de l'Etre suprême cher à l'Incorruptible était suspect aux yeux de ces anticléricaux. C'est à l'occasion du centenaire de la Révolution, en 1889, qu'est érigée la statue de Danton place de l'Odéon à Paris. Le représentant de cette sensibilité parmi les historiens de l'époque, c'est Alphonse Aulard.

    Pourtant, Clemenceau et Jaurès revendiquaient « l'Incorruptible » ?

    Oui, mais l'un était radical et l'autre socialiste, donc beaucoup plus à gauche que les « pères fondateurs » de la IIIe République (Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon, etc.). Après eux, le PCF va batailler pour réintégrer Robespierre dans la mémoire glorieuse de la Révolution. L'historien Albert Mathiez est l'interprète de cette thèse à l'université. Il célèbre l'Incorruptible en raison même de la Terreur, instrument, à ses yeux, de l'égalité sociale projetée par Robespierre. Et il est vrai que celui-ci préconisait un impôt progressif sur le revenu, idée qui révulsait jusqu'aux Montagnards respectueux de la propriété privée.

    Les pétitionnaires qui demandent une rue Robespierre à Paris reprennent donc une revendication classique des communistes ?

    En effet, mais sans l'assumer. Le PCF, du temps de sa puissance, réclamait une rue Robespierre à Paris (il y en a, et même une station de métro, dans les anciens bastions communistes) en se fondant sur son action, laquelle incluait la Terreur. Aujourd'hui, leurs épigones demandent une rue Robespierre en alléguant qu'il n'était pour rien dans la Terreur. C'est le paradoxe: ces pétitionnaires rabaissent le rôle historique de l'Incorruptible afin de le défendre. Ils le rapetissent pour le rendre plus présentable. En somme, c'est une réhabilitation de la Terreur qui n'ose pas se revendiquer comme telle, avec des arguments sommaires. Une sorte de Nuit Debout appliquée à l'interprétation de la Révolution.

    Sur le fond, Robespierre était-il responsable de la Terreur ?

    Robespierre est l'un des responsables, parmi d'autres, de la Terreur qui a débuté en 1793. A l'époque, d'autres (Fouché, Tallien, Barras), envoyés en mission en province, sont beaucoup plus directement responsables de massacres. En revanche, Robespierre est le principal responsable de la Terreur pendant la période qui va de l'exécution de Danton en avril 1794 à sa propre chute en juillet. La loi du 22 Prairial (10 juin 1794), la plus terroriste de la Révolution, est son œuvre et inaugure la Grande Terreur. Elle supprime les rares garanties procédurales encore accordées aux accusés. Et le tribunal révolutionnaire n'a qu'une alternative: l'acquittement ou la mort. Dès lors, la guillotine fonctionne à une cadence exponentielle. Jusqu'alors, les partisans de la Terreur l'avaient justifiée par les circonstances exceptionnelles (la nécessité de punir les ennemis intérieurs et extérieurs). A partir de Prairial, et par la volonté directe de Robespierre, la Terreur devient consubstantielle à la Révolution. La Terreur n'a plus d'objectif précis ni de fin assignée. Son objectif est de paralyser toute opposition, mais elle multiplie aussi les adversaires de Robespierre, qui ont peur pour leur tête. C'est une période où il n'y a plus ni lois ni règles. Le seul enjeu, pour les conventionnels, c'était de rester en vie.

    Diriez-vous que la Grande Terreur a été une expérience proto-totalitaire ?

    Oui, cette période a vu l'invention du phénomène idéologique tel qu'on le verra ensuite dans d'autres révolutions. Du reste, Lénine s'en est inspiré pour élaborer sa théorie de la conquête du pouvoir et de la terreur comme instrument au service de la révolution. Pour que l'hécatombe se transforme en un massacre sans exemple dans l'histoire, il ne manquait rien: il y avait une idéologie, une rhétorique du bouc émissaire, la paranoïa révolutionnaire, le culte du chef (l'Incorruptible), des comités, des tribunaux d'exception, un système de surveillance et de délation généralisé. Il ne manquait qu'une chose: le parti. Les jacobins, malgré leurs efforts, n'ont jamais réussi à former un parti homogène et centralisé. Heureusement. Ce qui fait le grand intérêt de Robespierre, c'est précisément la responsabilité, en grande partie, de la Terreur. Il incarne, d'une façon presque «chimiquement» pure, l'idée moderne de la révolution et de la table rase.  

    Grand historien de la Révolution française et de l'Empire, Patrice Gueniffey, ancien élève de François Furet, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Parmi ses ouvrages qui ont le plus marqué figure « La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794 » (Fayard, 2000) . Son dernier livre, « Bonaparte » (Gallimard, 862 p., 30€), a reçu le grand prix de la biographie historique 2013.

    Guillaume Perrault

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Quand le consul Marius a sauvé la civilisation face aux barbares il y a 21 siècles

    Une méditation pour le temps présent, où nous sommes, comme jadis, menacés par les barbares et par une nouvelle barbarie...

    En évoquant ce haut fait romain d'il y a vingt et un siècles, l'exploit du consul Caïus Marius, on parle aussi, en réalité, d'aujourd'hui, de notre présent et de ses immenses dangers....

    De sorte qu'en racontant ce qui s'est passé hier, c'est une allégorie de notre aujourd'hui qui transparaît.

    Notre aujourd'hui réel : inquiétude(s), doute(s), angoisse(s), défaitisme.

    Et notre aujourd'hui rêvé, et possible : l'espérance inébranlable, la foi en nos valeurs, la lutte et... la victoire !

    Cette évocation a été faite aux Baux, en public et en plein air, dans le cadre d'unRassemblement Royaliste, dans les années 1990.

    Caïus MARIUS from Lafautearousseau on Vimeo

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • L'université fabrique de la pensée clonée

    Interrogé dans L'Homme Nouveau à propos de son dernier ouvrage La Guerre civile qui vient, Ivan Rioufol explique d'où vient l'absence de liberté d'expression :

    6a00d83451619c69e201bb09198144970d-200wi.jpg"C’est le fruit d’un lent mais efficace processus de subversion idéologique d’essence marxiste dont on trouve la source dans le principe de la cooptation mis en place dans les universités placées sous tutelle communiste dans l’immédiat après-guerre par Charles De Gaulle. La cooptation, qui permet les promotions des universitaires et des chercheurs sur des critères corporatistes et politiques, a privilégié la pensée « progressiste » au détriment de la pensée autonome. Cet entre-soi a fait des dégâts considérables en marginalisant des pensées dissidentes. L’ahurissant conformisme des sociologues, qui ne veulent rien voir des mutations dérangeantes de la société, est un exemple parmi d’autres des aberrations produites par ce système.

    Bien des esprits libres ont ainsi été écartés de cette fabrique de la pensée clonée qu’est devenue l’université. La porosité de ce monde avec celui des médias a consolidé le poids du politiquement correct. C’est lui qui cadenasse la pensée au point d’empêcher bien des intelligences de se confronter au réel. Vouloir comprendre ce qui se passe en France et en Europe, cette crise civilisationnelle inédite que les « élites » cherchent à mettre sous le tapis, oblige à sortir de ce piège."

    Michel Janva

  • POLYBE : LA RÉVOLTE DES MERCENAIRES (241-238 AV. J.-C.)

    Le traité de paix conclu et ratifié, Amilcar conduisit l’armée du camp d’Eryce à Lilybée, et là se démit du commandement. Gescon, gouverneur de la ville, se chargea du soin de renvoyer ces troupes en Afrique ; mais prévoyant ce qui pouvait arriver, il s’avisa d’un expédient fort sage. Il partagea ces troupes, et ne les laissa s’embarquer que partie à partie, et par intervalles, afin de donner aux Carthaginois le temps de les payer à mesure qu’elles arriveraient et de les renvoyer chez elles avant que les autres débarquassent.

    Les Carthaginois, épuisés par les dépenses de la guerre précédente, et se flattant qu’en gardant ces mercenaires dans la ville, ils en obtiendraient quelque grâce sur la solde qui leur était due, reçurent et enfermèrent dans leurs murailles tous ceux qui abordaient. Mais le désordre et la licence régnèrent bientôt partout ; nuit et jour on en ressentit les tristes effets. Dans la crainte où l’on était que cette multitude de gens ramassés ne poussât encore les choses plus loin, on pria leurs officiers de les mener tous à Sicca, de leur faire accepter à chacun une pièce d’or pour les besoins les plus pressants, et d’attendre là qu’on leur eût préparé tout l’argent qu’on était convenu de leur donner, et que le reste de leurs gens les eussent joints. Ces chefs consentirent volontiers à cette retraite ; mais comme ces étrangers voulurent laisser à Carthage tout ce qui leur appartenait, selon qu’il s’était pratiqué auparavant, et par la raison qu’ils devaient y revenir bientôt pour recevoir le paiement de leur solde, cela inquiéta les Carthaginois. Ils craignirent que ces soldats réunis, après une longue absence, à leurs enfants et à leurs femmes, ne refusassent absolument de sortir de la ville, ou n’y revinssent pour satisfaire à leur tendresse, et que par là on ne revît les mêmes désordres. Dans cette pensée ils les contraignirent, malgré leurs représentations, d’emmener avec eux à Sicca tout ce qu’ils avaient à Carthage. Là cette multitude vivant dans une inaction et un repos où elle ne s’était pas vue depuis longtemps, fit impunément tout ce qu’elle voulut, effet ordinaire de l’oisiveté, la chose du monde que l’on doit le moins souffrir dans des troupes étrangères, et qui est comme la première cause des séditions. Quelques-uns d’eux occupèrent leur loisir à supputer l’argent qui leur était encore dû, et, augmentant la somme de beaucoup, dirent qu’il fallait l’exiger des Carthaginois. Tous se rappelant les promesses qu’on leur avait faites dans les occasions périlleuses, fondaient là-dessus de grandes espérances, et en attendaient de grands avantages. Quand ils furent tous rassemblés, Hannon, qui commandait pour les Carthaginois en Afrique, arrive à Sicca ; et loin de remplir l’attente des étrangers, il dit : que la république ne pouvait leur tenir parole ; qu’elle était accablée d’impôts ; qu’elle souffrait d’une disette affreuse de toutes choses, et qu’elle leur demandait qu’ils lui fissent remise d’une partie de ce qu’elle leur devait. A peine avait-il cessé de parler, que cette soldatesque se mutine et se révolte. D’abord chaque nation s’attroupe en particulier, ensuite toutes les nations ensemble ; le trouble, le tumulte, la confusion tels que l’on peut s’imaginer parmi des troupes de pays et de langage différents.

    Si les Carthaginois, en prenant des soldats de toute nation, n’ont en vue que de se faire des armées plus souples et plus soumises, cette coutume n’est pas à mépriser ; des troupes ainsi ramassées ne s’ameutent pas sitôt pour s’exciter mutuellement à la rébellion, et les chefs ont moins de peine à s’en rendre maîtres. Mais d’un autre côté, si l’on considère l’embarras où l’on est quand il s’agit d’instruire, de calmer, de désabuser ces sortes d’esprits, toutes les fois que la colère ou la révolte les agite et les transporte, on conviendra que cette politique est très mal entendue. Ces troupes une fois emportées par quelques-unes de ces passions, dépassent toutes bornes : ce ne sont plus des hommes, ce sont des bêtes féroces ; il n’est pas de violence qu’on n’en doive attendre. Les Carthaginois en firent dans cette occasion une triste expérience. Cette multitude était composée d’Espagnols, de Gaulois, de Liguriens, de Baléares, de Grecs de toute caste, la plupart déserteurs et valets, et surtout d’Africains. Les assembler en un même lieu, et là les haranguer, cela n’était pas possible ; car comment leur faire entendre ce que l’on avait à leur dire ? Il est impossible qu’un général sache tant de langues : il l’est encore plus de faire dire quatre ou cinq fois la même chose par des interprètes. Reste donc de se servir pour cela de leurs officiers, et c’est ce que fit Hannon. Mais qu’arriva-t-il ? souvent ou ils n’entendaient pas ce qu’il leur disait, ou les capitaines, après être convenus de quelque chose avec lui, rapportaient à leurs gens tout le contraire, les uns par ignorance, les autres par malice. Aussi ne voyait-on qu’incertitude, que défiance, que cabale partout. D’ailleurs ces étrangers soupçonnaient que ce n’était pas sans dessein que les Carthaginois, au lieu de leur députer les chefs qui avaient été témoins de leurs services en Sicile et auteurs des promesses qui leur avaient été faites, leur avaient envoyé un homme qui ne s’était trouvé dans aucune des occasions où ils s’étaient signalés. La conclusion fut : qu’ils rejetèrent Hannon ; qu’ils n’ajoutèrent aucune foi à leurs officiers particuliers, et qu’irrités contre les Carthaginois, ils avancèrent vers Carthage au nombre de plus de 20.000 hommes, et prirent leurs quartiers à Tunis, à 26 stades de la ville.

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  • Najat Valaud-Belkacem rallume la guerre scolaire

    Le ministre de l'Éducation dite nationale, Najat Valaud-Belkacem, rallume la guerre scolaire, en s'en prenant, cette fois, aux écoles hors contrat et à l'éducation à domicile : les établissements hors contrat devraient, dès la rentrée 2017, être soumis à un régime d'autorisation préalable d'ouverture, et non plus à un simple signalement aux autorités après ouverture ; quant à l'enseignement à domicile, il serait plus étroitement contrôlé, les parents pouvant être soumis à des contrôles écrits ou oraux de la part des rectorats.

    Pour le ministre, il s' agit officiellement d'empêcher que ces formes d'enseignement soient l'occasion d'un « repli communautaire » et favorisent la radicalisation des jeunes de religion islamique. Mais la vérité est que le gouvernement, ayant vu d'un bien mauvais œil la progression de l'éducation à domicile depuis 2014, date de l'introduction de la théorie du genre à l'école (de 19 000 enfants à 25 000 actuellement !), veut relancer le combat laïciste et reprendre en mains tous les enfants français. II s'agit donc d'une mesure éminemment liberticide que la dame ministre entend imposer par ordonnances afin d'aller vite et d'esquiver tout débat parlementaire.

    Les parents sont donc réellement agressés et dresseront sans doute une levée de boucliers qui ne manquera pas de faire du bruit. Ils ne se laisseront pas déposséder de leurs droits et de leurs devoirs concernant leurs enfants, dont ils sont, par nature, responsables devant Dieu et devant les hommes. L'on risque fort de voir réapparaître le climat irrespirable des années 1981 à 1984. La république a besoin de se retremper périodiquement dans ses sources terroristes...

    Rapt d’enfants

    Les socialistes n'ont rien appris ni rien oublié depuis le fameux plan dit Lange-vin-Wallon de 1947. Ce texte d'inspiration communiste était très clair : « Ce sont, les services dépendant du ministère de l'Éducation nationale qui ont en charge les responsabilités de l'enseignement et de l’éducation à tous les niveaux et sous tous les aspects... C'est à l'Éducation nationale qu'incombe la mission de l'éducation pour tous les enfants. »

    Voilà pourquoi la république socialo-communiste doit être considérée comme une vaste entreprise de rapt d'enfants !

    Tapis dans l'ombre et piaffant de n'être pas encore au pouvoir, les socialistes ont fortement influencé la politique scolaire sous la IVe république et au début de la V. Ils étaient déjà dans la place au ministère de la rue de Grenelle, et les ministres fantoches, prétendus de droite, ne manifestaient aucune volonté d'échapper à leur influence, si bien que la loi Debré du 31 décembre 1959, établissant un semblant de paix scolaire par le régime des contrats, s'en ressentit : Charles De Gaulle avait trop besoin du soutien de la gauche pour perpétrer son mauvais coup contre l'Algérie française...

    Mais les socialistes, sentant que le pouvoir allait un jour tomber dans leurs mains comme un fruit mûr, multipliaient alors les textes annonçant leur volonté de rallumer la guerre scolaire. Dans le Plan socialiste de l'Éducation, Louis Mexandeau, futur ministre des PTT de François Mitterrand, disait vouloir utiliser le système éducatif « pour la stratégie de rupture avec le capitalisme », afin qu'il soit « un lieu privilégié  d'apprentissage de la démocratie autogestionnaire », une « école de front de classe », un « facteur d'émancipation et de contestation » et, comme tel, « se trouvant en convergence avec la classe révolutionnaire antagoniste de la classe dirigeante, [il sera] l'un des terrains et l'un des enjeux de la lutte des classes. » Et il ajoutait : « les socialistes refusent un dualisme scolaire qui consacrerait l'installation permanente de deux systèmes parallèles et concurrents, tous deux financés par l'État. » C'était très clair : on pouvait deviner à quelle sauce allaient être mangés les enfants français, avant même l'âge de six ans, sacrifiés sur l'autel de l'idéologie officielle.

    Les socialistes fauteurs de guerres scolaires

    L'on vit dès l'arrivée à l'Elysée de François Mitterrand en 1981 que les socialistes étaient bien décidés à appliquer leur programme d'assassinat de l'école libre. Ils rallumèrent sciemment, et farouchement, la guerre scolaire, sans même venir offrir à leurs adversaires l'honneur de tirer les premiers.

    Le parti socialiste était, et est toujours, un parti essentiellement et intrinsèquement éducateur. Il agit et agira toujours au nom d'une vision de l'homme et visera toujours à une refonte de l'homme et de la société. Pour réussir, il importe moins à ce parti de résoudre la crise économique, ou le problème du chômage, que d'amener les Français à se débarrasser de l'idée même d'un destin personnel, d'un salut personnel, d'une finalité que chacun accomplit au sein de sa famille, de sa profession, d'une responsabilité propre à chacun. Le socialisme réduit l'homme à sa seule fonction sociale, à sa seule dimension économique, il supprime tout ce qui relie l'homme personnellement à quelque chose de plus haut que l'organisation rationnelle et égalitaire des biens d'ici-bas. Quiconque refuse de se laisser ainsi réduire est un ennemi de classe, un bourgeois...

    Pour changer la société, il faut changer la mentalité du peuple. Il faut donc s'emparer de tout ce qui touche à la culture et mettre l'enseignement, depuis la maternelle jusqu'au supérieur, sous la dépendance du pouvoir de l'État. Si le quinquennat de François Hollande fut minable sur le plan économique et social, il aura quand même bien mérité du parti socialiste, car il aura réussi, semble-t-il, à changer les mentalités sur le mariage homosexuel, sur le divorce, sur l'école et sur mille choses qui tournent le dos à l'ordre naturel.

    Les grands ancêtres contre la famille

    Les grands ancêtres des socialistes d'aujourd'hui sont en fait les "philosophes" du XVIIIe siècle. Pour eux, il n'existait plus que l'individu seul, détaché de tout ce qui le caractérise : sa famille, son passé, sa région, son métier, sa religion. Cet individualisme forcené se dressait contre la tradition, contre le catholicisme, contre l'autorité, et même contre l'Histoire. On imaginait déjà la destruction de tous les organismes naturels - corporations, provinces, paroisses, religion - qui avaient toujours encadré l'homme et soutenu les individus ; de telles théories n'accordaient évidemment que très peu de place à la famille et au rôle de celle-ci dans la transmission des mœurs. Puisque tous les citoyens doivent se ressembler, libres et égaux, puisqu'il s'agit de les "libérer" des traditions qui créent entre eux des différences, mieux vaut que l'éducation soit confiée à l'État...

    C'est ainsi que ce siècle prétendu libérateur fut celui de l'exaltation de l'étatisme. Le rêve des philosophes était le « despotisme éclairé » et un Denis Diderot (1713-1784) écrivait à l'impératrice Catherine de Russie qu'elle devait se réserver le contrôle total de l'instruction publique. L'État devait en quelque sorte devenir directeur de conscience.

    Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) alla plus loin encore : il s'agissait de débarrasser l'individu de ses contrefaçons de civilisé. L'homme est né bon ; s'il y a des coquins, c'est parce que la civilisation, développant la propriété, donc l’égoïsme et les inégalités, a corrompu cet homme bon. Il faut donc régénérer l'individu, l'obliger à briser ses chaînes et remettre à l'État le soin de définir et de promouvoir la liberté. L'éducation aura pour but principal de développer la vertu chez l'enfant - entendez l'état de nature - et l'on trouve sous la plume de Jean-Jacques dans l’Encyclopédie : « On doit d'autant moins abandonner aux préjugés des pères l'éducation de leurs enfants qu'elle importe à l’État plus qu'aux pères. L'Éducation publique, sous les règles prescrites par le gouvernement et sous les magistrats établis par le souverain est donc une des maximes fondamentales du gouvernement légitime et populaire. »

    La croyance en un individu libre, partout égal à lui-même, ne devant rien ni à Dieu ni à la société, s'érigea vite en dogme qu'il fallait répandre comme on propage... une religion ! Et cette religion allait avoir ses dogmes définis et surveillées par une espèce de haute autorité agissant comme un clergé. Ce fut la franc-maçonnerie qui s'y employa dès la seconde partie du siècle, se posant comme le véritable pouvoir culturel, organisant ses universités et ses sociétés de conférences où, évidemment, étaient débattues les questions relatives à l'éducation.

    Puis, après 1789, vint le temps des discours grandiloquents. Sous la Constituante et sous la Législative, l'enseignement fut totalement désorganisé. Arriva alors la Convention qui créa un comité de vingt-quatre membres pour s'atteler à une « tâche éducative » : en firent partie des ennemis de la religion comme le chimiste Antoine-François Fourcroy (1755-1809) qui rêvait de réaliser le vœu de Voltaire « d'écraser l'Infâme », ou Anacharsis Cloots (1755-1794), un Prussien qui se déclarait « l'ennemi personnel de Jésus-Christ », ce qui n'était pas se prendre pour n'importe qui et qui ne l'empêcha pas de passer à la guillotine ! On entendit aussi cette phrase "inspirée" de Rabaut-Saint-Etienne (1743-1793), ce pasteur nîmois qui avait été l'un des principaux rédacteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme : « L'enfant qui n'est pas encore né appartient déjà à la Patrie » (sic).

    Robespierre eut aussi des idées sur le sujet : « Les enfants sont la propriété de l'Etat, les parents n'en sont que les dépositaires. » (sic) Et de préconiser de mettre tous les enfants à l'école de l'État de cinq à quinze ans pour les garçons, de cinq à onze ans pour les filles. Mais l'œuvre éducative de la Convention fut lamentable et bien vite instituteur fut synonyme d'ivrogne, car on en trouvait rarement qui sussent lire.

    Les conventionnels affirmaient que l'enseignement était libre en France, mais la guillotine était là pour expliquer comment cela devait s'entendre. Dame Valaud-Belkacem ose, comme eux, déclarer que ses mesures contre l'école hors contrat et contre l'école à domicile respectent la liberté d'enseignement. Le mensonge est, cette fois, beaucoup trop gros pour dissuader les familles de se mobiliser...

    Michel Fromentoux Rivarol du 16 juin 2016

  • Maurice G. Dantec : Suite et pas fin

    “Je ne suis pas un écrivain de café pour fleuriste. Je ne fais pas de storyboard dont je remplis les cases à l’avance. C’est le roman qui dicte ses conditions. Je suis un vecteur, un médiateur, j’suis un translateur. C’est tout ce que je suis. Je suis là pour donner une voix à des gens – je dis bien à des personnes – qui demandent à exister. Qui demandent à avoir la parole, car avoir la parole aujourd’hui, c’est devenu un luxe. Il faut donc des gens qui portent la voix, et ben… c’est mon job.”

    Maurice G. Dantec a pris l’autre chemin.

    Dantec avait franchi le dernier pont le reliant au “Vieux Continent” à 39 ans, afin de rejoindre l’Amérique du Nord. Une rupture tout à la fois contrainte, consentie et vécue comme une renaissance ou une mutation. Il fallait traverser l’Atlantique, comme le baptisé doit s’immerger dans l’eau pour revenir à la vie. Partir à presque quarante ans, avec sa femme et son enfant, n’est pas, pour un survivant du prolétariat post-communiste francilien, un voyage d’agrément. C’est déjà mourir. La fraîcheur qui nimbe la terre natale ne trouve pas de seconde vie sur une terre étrangère qui reste, pour toujours, désenchantée. Il manque les souvenirs qui posent leur empreinte sur l’âme et le cœur.

    Maurice était un auteur “destroy”, bricolant, tentant des spéculations, parfois dans la confusion. Son catholicisme amusait parce que ce converti, venu des ruines de la banlieue rouge, pouvait se laisser aller au hasard du bavardage. Mishima disait qu’à un certain point, les mots rongent et que l’action leur est préférable. Mais dire de sa conversion qu’elle était un artifice identitaire serait erroné.

    Il y a la conversion de ce rescapé de la banlieue rouge qui coïncide avec son départ vers l’Amérique. Il y a l’exil et l’exil intérieur. Désapprendre et apprendre, quitte à errer.

    Partir, pour Dantec, c’était abandonner l’Europe et la France où il avait grandi. En 2004, exilé depuis six ans au Canada français, il écrit, probablement par désespoir, au Bloc Identitaire :

    “Votre combat, sans doute bien difficile, pour empêcher la dissociation de la France, l’Islamisation de l’Europe, la dissolution de l’Occident (le vrai), me touche profondément, car veuillez m’excuser de ce pessimisme spenglerien, j’ai franchement l’impression que ce qui fut mon pays (et l’est encore à bien des égards) est FOUTU.”

    Dantec, c’est essentiel à comprendre, estime dès cette époque et, par évidence bien avant, que “ce qui fut son pays” est “foutu”. Ce regard pessimiste sur un pays qu’il a quitté explique bien des choses.

    Dantec n’est pas un politique ni un doctrinaire. Les attaques dont il a été l’objet, généralement pour son soutien aux USA de George W. Bush ou d’Israël, occultaient une différence essentielle entre lui et ceux qui le dénonçaient, depuis la France : la conscience du rôle déterminant de la culture dans l’histoire en lieu et place d’un structuralisme victimaire partagé par la gauche et la droite hexagonales. Structuralisme qui s’était cristallisé à l’époque dans une haine irrationnelle, pulsionnelle, névrotique de l’Amérique, d’un bloc.

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