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culture et histoire - Page 1144

  • La Démocratie au Moyen Âge !

    En dépit de la vague romantique qui, au XIXe siècle, va entreprendre une réhabilitation partielle et souvent mythique du récit « historique » de cette longue époque (un millénaire) que les érudits de la renaissance ont reléguée au rang de « moyen-âge », l’imagerie commune en garde encore des idées complètement fausses : le moyen-âge, pour beaucoup, c’est l’époque où le petit peuple, ignorant et analphabète, est soumis au diktat implacable d’un ordre politique militaire monarchique, et d’un ordre spirituel clérical séculaire et dogmatique ; c’est l’époque des seigneurs, de l’inquisition, des sorcières et des bûchers ; c’est l’époque des guerres incessantes, des croisades sanglantes et de la peste ; en résumé, le moyen-âge serait une époque obscure, sombre, « gothique ». Voici ce que nous en dit Michel FRAGONARD :

    « (…) l’histoire représente, au XIXe siècle, un enjeu « politique » essentiel (en témoigne d’ailleurs l’attention des gouvernements, dont l’action d’un Guizot, lui-même historien, est le meilleur exemple) : sa promotion est inséparable de l’affirmation du sentiment national, fruit à la fois de la Révolution française et des courants romantiques allemands ; et l’un des enjeux essentiels est la question des origines nationales. On comprend alors l’intérêt des historiens, initiateurs et propagateurs de cette conscience nationale, pour le Moyen Age, aux fondements de la nation. Intérêt non dépourvu de considérations idéologiques : au moment où, en France, conscience nationale et aspiration démocratique sont intimement liées dans une mystique du « peuple » (notion combien ambiguë), l’œuvre d’Augustin Thierry (Récits des temps mérovingiens, Essais sur la formation et les progrès de l’histoire du Tiers État) est sous-tendue par une thèse historico-ethnique (les origines proprement « gauloises » du peuple français, à contre-pied d’une historiographie « aristocratique » insistant sur les origines franques). Dans cette quête historique d’un Moyen Age où se trouvent les sources de la nation, l’exemple le plus illustre, en France, est celui de Michelet, qui consacre six volumes de sa monumentale Histoire de France (inachevée) au Moyen Age et qui, dans ses autres ouvrages, revient régulièrement sur la période (voir la Sorcière). »

    Il nous suffit de voir à quoi ressemble ce mouvement culturel « gothique » né dans les années 1990, qui mêle à la fois l’imagerie mythique de ce moyen-âge du XIXe siècle et les idées les plus noires que le quidam se fait de cette ère. Vêtus et maquillé de noir ou de sombre, visages tristes ou désespérés, véhicules « morts-vivants » d’un romantisme lui-même sombre, noir et désenchanté.

    Que dire alors de l’idée que l’on se fait au sujet de la politique au moyen-âge ? A l’évocation d’une démocratie au moyen-âge, la plupart vont faire les yeux ronds et se dire « mais de quoi parle-t-il ? ». Moyen-âge et démocratie sont deux termes que la plupart considèrent antinomiques. Or, la réalité est bien différente. La démocratie était plus vivace durant la majeure partie du moyen-âge et de la renaissance, qu’elle ne le fut depuis la Révolution. En fait, c’est la Révolution qui va éteindre un ensemble de pratiques démocratiques populaires qui perdurera jusqu’au XVIIIe siècle.

    Ce que je découvre, en parcourant l’excellent livre de Francis Dupuis-Déri « Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France », est entre autre une déconstruction radicale de ce moyen-âge obscurantiste que l’élite contre révolutionnaire et le « siècle des Lumières » a durablement imprimé dans nos esprits. Permettez-moi de partager avec vous les quelques passages de ce livre qui nous éclairent sur cette activité démocratique vivace au moyen-âge.

    « Au Moyen Age et pendant la Renaissance européenne, des milliers de villages disposaient d’une assemblée d’habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les « communautés d’habitants », qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d’administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées. Les autorités monarchiques ou aristocratiques ne s’ingéraient pas dans les affaires de la communauté, qui se réunissait en assemblée pour délibérer au sujet d’enjeux politiques, communaux, financiers, judiciaires et paroissiaux[1]. »

    Voilà déjà qui tranche avec les images d’une monarchie omnipotente et omniprésente, gérant, en collaboration avec l’Église, tous les faits et gestes de leurs sujets. En réalité, l’aristocratie nobiliaire avait bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper des affaires du peuple, et elle laissait donc volontiers à ses gens le soin de s’occuper de leurs propres affaires. Le peuple disposait donc de fait d’une large autonomie, autrement plus grande que nous n’en disposons actuellement sous le régime prétendument représentatif. Et cette autonomie s’étendait sur des domaines importants et essentiels, comme nous allons le voir.

    « On discutait ainsi des moissons, du partage de la récolte commune ou de sa mise en vente, de la coupe de bois en terre communale, de la réfection des ponts, puits et moulins, de l’embauche de l’instituteur, des bergers, de l’horloger, des gardes-forestiers, parfois même du curé, des gardiens lorsque sévissaient les brigands, les loups ou les épidémies. On y désignait ceux qui serviraient dans la milice, on débattait de l’obligation d’héberger la troupe royale ou de l’utilité de dépêcher un notable pour aller soumettre à la cour des doléances au nom de la communauté. »

    Imaginez que, dans votre ville ou votre commune, de nos jours, vous puissiez, par le biais d’une assemblée communale publique, décider en commun de la répartition de la récolte commune ou de sa mise en vente (alors qu’aujourd’hui, les paysans – souvent les « serfs » modernes de l’industrie agro-alimentaire – se voient imposer leur cotât de production, les prix de vente, le cahier des charges et jusqu’aux semences qu’ils peuvent utiliser), la réfections ou l’édification des ouvrages d’art (routes, voiries communales, ponts, éoliennes, barrages, écluses, etc.), de qui, parmi les habitants, servira dans la police municipale (qui est maintenant un corps centralisé au service de l’Etat, et non du peuple). Impensable, n’est-ce pas ? Pourtant, les assemblées d’habitants étaient dynamiques.

    « Il y avait environ dix assemblées par an, parfois une quinzaine. Elles se déroulaient sous les arbres (le chêne), au cimetière, devant ou dans l’église, ou encore dans un champ. Bref, dans un lieu public, car il était interdit de tenir l’assemblée dans un lieu privé, pour éviter les magouilles. Une étude statistique de quelque 1500 procès-verbaux indique que ces assemblées comptaient en moyenne 27 participants, soit une représentation d’environ 60% des foyers des communautés, et pouvaient même accueillir jusqu’à quelques centaines d’individus, dont 10 à 20% de femmes. Mais à l’époque, dix personnes suffisaient pour former « un peuple » et tenir une assemblée. La participation à l’assemblée était obligatoire et une amende était imposée aux absents quand l’enjeu était important. Un quorum des deux tiers devait alors être respecté pour que la décision collective soit valide, par exemple celle d’aliéner une partie des biens communs de la communauté (bois ou pâturage). Il était si important que la communauté s’exprime que même lorsque la peste a frappé dans la région de Nîmes, en 1649, l’assemblée a été convoquée dans la campagne sur les deux rives d’une rivière, pour permettre de réunir à la fois les personnes ayant fui la ville et celles qui y étaient restées. En général, le vote était rapide, à main levée, par acclamation ou selon le système des « ballote » distinguant les « pour » des « contre » par des boules noires et blanches. Lorsque la décision était importante, les noms des personnes votantes étaient portés au procès-verbal. »

    Ainsi, le peuple, au moyen-âge, parvenait à s’autogérer sur tout un ensemble de domaines considérés non comme « privés », mais comme publiques, car à l’inverse de nous, les « modernes » atomisés par une culture du chacun pour soi (la culture individualiste que nous devons à l’origine aux physiocrates du XVIIIe siècle et à leurs successeurs libéraux et capitalistes du XIXe et du XXe siècle), nos ancêtres « médiévaux » avaient conscience de l’interdépendance mutuelle dans laquelle ils étaient, et la majeure partie des ressources produites par la terre étaient considérées comme un ensemble de richesses communes, non comme des richesses privées. Cela n’empêchait pas le commerce, l’artisanat, ni même une certaine forme d’industrie. Ils parvenaient, en dépit de leurs intérêts individuels, à s’entendre et à gérer eux-mêmes ces ressources en commun, chose qui nous semblent aujourd’hui hors de portée – il suffit, pour s’en convaincre, de voir les commentaires récurrents qui décrient l’apathie populaire et considère, aujourd’hui, la masse comme incapable de débattre et de décider communément de ses propres intérêts. Ainsi, il serait impossible aux hommes « modernes » de ce XXIe siècle de faire ce que les paysans « incultes » du moyen-âge faisaient couramment ? Si cela est vrai, pouvons-nous encore parler de « progrès de la modernité » ? Ne devrions-nous pas plutôt faire le terrible constat de la régression imposée par cette « modernité » ?

    « La démocratie médiévale, bien vivante alors, mais aujourd’hui si méconnue, permettait au peuple de traverser de longs mois sans contact direct avec des représentants de la monarchie, une institution qui offrait finalement très peu de services à sa population composée de sujets, non de citoyens. En d’autres termes : un territoire et une population pouvaient être soumis à plusieurs types de régimes politiques simultanément, soit un régime autoritaire (monarchie pour le royaume, aristocratie pour la région) et un régime égalitaire (démocratie locale ou professionnelle). »

    On rêverait, de nos jours, de disposer de cette autonomie et de ce régime égalitaire, rien qu’au niveau local de nos villes ou de nos communes. Or, même cela nous est refusé, et cette simple idée fait se dresser un mur de défit et de mépris qui, au moyen-âge ou à la renaissance, aurait donné lieu à une « jacquerie », une révolte justifiée du peuple contre l’oppression d’un pouvoir par trop dictatorial et jugé tyrannique. En Espagne, les autorités gouvernementales ont mis leurs institutions judiciaires en marche pour détruire cette expérience unique d’autogestion réussie dans la petite ville andalouse deMarinaleda, dont le succès jette une lumière crue sur l’échec de la politique libérale nationale. Décidément, les « élites » libérales, de gauche comme de droite, n’aiment pas la démocratie, et ils le montrent de façon brutale. Cet événement récent montre ce qui se produisit à la Révolution et qui signa durablement le glas de l’expérience démocratique populaire.

    « Les communautés d’habitants et les guildes de métiers perdent peu à peu de leur autonomie politique non pas en raison d’un dysfonctionnement de leurs pratiques démocratiques, qui se poursuivent dans certains cas jusqu’au XVIIIe siècle, mais plutôt en raison de la montée en puissance de l’État, de plus en plus autoritaire et centralisateur. [...] Or, si la démocratie locale peut bien s’accommoder d’un roi et même l’honorer, c’est dans la mesure où il se contente de rendre justice et de vivre surtout des revenus de ses domaines. De nouveaux prélèvements fiscaux et l’élargissement de la conscription militaire sont perçus dans les communautés comme le résultat de mauvaises décisions du roi ou de ses conseillers, et comme une transgression inacceptable et révoltante des coutumes et des droits acquis. L’assemblée d’habitants est alors un espace où s’organise la résistance face à cette montée en puissance de l’État. »

    Voilà ce que l’élite contre-révolutionnaire – les « patriotes » et les « pères fondateurs » du XVIIIe siècle, ont très bien compris, et voilà pourquoi ils se sont attaché à décrier cette population agissante. Jugeons donc de cette sentence de ce procureur de la république qui este contre Babeuf dans un procès en trahison – et l’accuse par ailleurs d’être un « anarchiste » :

    « Qui oserait calculer tous les terribles effets de la chute de cette masse effrayante de prolétaires, multipliée par la débauche, par la fainéantise, par toutes les passions, et par tous les vices qui pullulent dans une nation corrompue, se précipitant tout à coup sur la classe des propriétaires et des citoyens sages, industrieux et économes ? Quel horrible bouleversement que l’anéantissement de ce droit de propriété, base universelle et principale d’ordre social ! Plus de propriété ! Que deviennent à l’instant les arts ? Que devient l’industrie ?[2] »

    Que voulait Babeuf ? Selon lui, la société était divisée en deux classes aux intérêts opposés, soit l’élite et le peuple. Chacune voulait la république, mais l’une la voulait bourgeoise et aristocratique, tandis que l’autre entendais l’avoir faite populaire et démocratique. Populaire et démocratique ? Vous n’y pensez pas !

    L’interdiction de s’assembler est alors justifiée par un discours qui relève de l’agoraphobie politique : on présente les assemblées comme tumultueuses et contrôlées par les pauvres. En 1784, l’intendant de Bourgogne explique ainsi que : « ces assemblées où tout le monde est admis, où les gens les moins dociles font taire les citoyens sages et instruits, ne peuvent être qu’une source de désordre ». Le ton est donné. Ce genre de discours, nous ne le connaissons que trop, encore aujourd’hui. Pourtant, l’historien Antoine Follian écrit qu’il « n’y a probablement pas plus de  »tumultes » au XVIIIe siècle qu’au XVIe siècle. Soit les autorités s’offusquent de choses qui n’en vallent pas la peine, soit ce n’est qu’un prétexte pour servir une politique de resserrement des assemblées sur les  »notables » ».

    Parfois, le rejet des principes démocratiques sont moins virulents, tout en étant pourtant suffisamment catégoriques pour en rejeter l’idée même. Ainsi Bresson écrit dans ses Réflexions sur les bases d’une constitution, par le citoyen[3] :

    « Je sais fort bien ce qu’est une république démocratique ; mais je ne peux concevoir une constitution démocratique pour un pays qui ne peut être une république démocratique. Dans une république démocratique, le peuple en corps a le débat des lois, adopte ou rejette la loi proposée, décide la paix ou la guerre, juge même dans certaines circonstances. Cela est impossible, physiquement impossible en France ; ainsi la France ne peut être une république démocratique : c’est mentir à la nature même des choses que de la nommer ainsi[4]. »

    De l’autre côté de l’Atlantique, dans les États-Unis émergeant de leur propre révolution, d’autres expriment la même idée, pour les mêmes raisons, ainsi par exemple le fédéraliste Noah Webster qui explique :

    « Dans un gouvernement parfait, tous les membres d’une société devraient être présents, et chacun devrait donner son suffrage dans les actes législatifs, par lesquels il sera lié. Cela est impraticable dans les grands États ; et même si cela l’était, il est très peu probable qu’il s’agisse du meilleur mode de législation. Cela a d’ailleurs été pratiqué dans les États libres de l’Antiquité ; et ce fut la cause de malédictions innombrables. Pour éviter ces malédictions, les modernes ont inventé la doctrine de la représentation, qui semble être la perfection du gouvernement humain. »

    On voit bien, aujourd’hui, la damnation à laquelle nous a mené, en un peu plus de deux siècles de « perfection du gouvernement humain », la représentation ! son bilan à lui seul réduit en miette les sophismes des pères fondateurs et révèle surtout que leur dialectique avait essentiellement pour vocation le service de leurs intérêts de classe sociale dominante, et que ces arguments étaient très certainement fondés… pour décrier l’aristocratie bourgeoise !

    De  nos jours, les mêmes sophismes et les mêmes raisonnements antidémocratiques, exprimant une agoraphobie politique(détestation de la démocratie dite « directe ») culturellement imposée depuis deux siècles à l’inconscient collectif, se retrouvent jusque dans la conception populaire qui, comme par une sorte de syndrome de Stockholm collectif, se fait elle-même, parfois, défenseur de cette rhétorique qui peut se résumer en quatre points, comme le synthétise Francis Dupuis-Déri dans son livre :

    « 1) le « peuple », poussé par ses passions, serait déraisonnable en matière politique et ne saurait gouverner pour le bien commun. »

    > Je ne dirais pas les choses autrement au sujet des gouvernements prétendument représentatif et de cette « élite » oligarchique qui nous gouverne depuis deux siècles. Pour le dire autrement : « c’est c’ui qui dit qui est » (désolé, mais c’est vraiment là qu’on en est !).

    « 2) conséquemment, des démagogues prendraient inévitablement le contrôle de l’assemblée par la manipulation. »

    > En conséquence, des lobbys financiers et industriels prennent inévitablement le contrôle de l’assemblée par la corruption et la manipulation, tandis que les démagogues divisent les peuples dans de faux enjeux politiques de façade, laissant libre court en coulisses aux magouilles politiques les plus scandaleuses.

    « 3) l’agora deviendrait inévitablement un lieu où les factions s’affrontent et la majorité impose sa tyrannie à la minorité, ce qui signifie généralement qu’en démocratie (directe), les pauvres, presque toujours majoritaires, opprimeraient les riches, presque toujours minoritaires. »

    > L’agora devient le lieu où des factions s’affrontent sur des enjeux factices (au travers les affrontement des partis politiques pour accéder ou conserver le pouvoir), permettant toujours aux minorités (généralement les plus riches) de l’emporter sur la majorité (généralement les plus pauvres ou les moins bien nantis).

    « 4) enfin, la démocratie directe peut être bien adaptée au monde antique et à une cité, mais elle n’est pas adaptée au monde moderne, où l’unité de base est la nation, trop nombreuse et dispersée pour permettre une assemblée délibérante. »

    > Dès lors, l’oligarchie (travestie en pseudo démocratie « moderne ») est bien adaptée au gouvernement des États modernes libéraux, et toute forme de démocratie, même locale, est une entrave inacceptable à la main mise des marchés sur les ressources et à l’exploitation des travailleurs actifs, toujours majoritaires, par la minorité rentière passive, toujours minoritaire. Francis Dupuis-Déri est très clair sur un point essentiel :

    « L’idée et l’idéal de « république » a déterminé en grande partie la formation du régime électoral libéral que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « démocratie ». Donc, l’idée de « démocratie » n’a pas joué de rôle déterminant dans l’instauration des démocraties modernes libérales pour la simple et bonne raison que les patriotes les plus influents et leurs partisans étaient animés par un idéal républicain. La république représentait le régime modèle de patriotes notoires [...]. »

    C’est donc dire – et là je m’adresse tout spécialement à vous, amis français (je suis Belge) – que la république fut, a toujours été, et est encore l’enterrement définitif de tout projet de (vraie) démocratie. En ne cessant, comme une antienne, de vous référer à « la République »[5], vous vous faites défenseur d’un régime qui dès l’origine et à toutes les époques fut instauré pour empêcher la démocratie et imposer le dictat d’une minorité possédante et dominante sur une majorité dépossédée et dominée. Si j’étais français, je ne militerais donc certainement pas pour une « VIème République », mais bien pour une « Première Démocratie ».

    Au minimum, il nous faut reconquérir cette précieuse et vitale autonomie communale que même la vile engeance monarchique accordait aux gueux que furent nos ancêtres, et que nous refusent avec force et obstination nos prétendus représentants « démocratiquement élus » (cherchez l’erreur). Si nous ne nous en montrons pas capable, alors que la malédiction de la tyrannie oligarchique et ploutocratique continue à s’abattre implacablement sur nous et qu’elle étouffe à jamais nos plaintes et nos cris !

    Nous pourrons alors à nouveau aller crever dans les tranchées en chantant avec Jacques Brel « Oui not’ Monsieur, oui not’ bon Maître ».

    Comme en ’14…

    Morpheus


    [1] Henry Bardeau, « De l’origine des assemblées d’habitants », Droit romain : du mandatum pecuniae – Droit français : les assemblées générales des communautés d’habitants en France du XIIIe siècle à la Révolution, Paris, Arthur Rousseau, 1893, p. 63.

    [2] Gérard Walter, op. cit., p. 230-231.

    [3] Où l’on peut voir que l’idée de Étienne Chouard n’a rien de neuf et fut bel et bien menée – et tuée dans l’œuf – au moment de la Révolution.

    [4] Jean-Baptiste Marie-François Bresson, op. cit., p. 2-3.

    [5] Prenez donc, s’il vous plaît, un peu de recul et montrez-vous, juste un moment, autocritique, et vous verrez à quel point ce mot de « république » vous empoisonne l’esprit et obscurcit ce que votre discernement pourrait éclairer : les républiques n’ont jamais été des démocraties, mais au contraire, furent toujours des oligarchies.

    http://vouloir.hautetfort.com/archives/category/tradition/index-20.html

  • Conférence : Hilaire de Crémiers à Nancy le 30 septembre

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    Notez dès maintenant la date de cette réunion - 30 septembre - et diffusez cette invitation sans modération.  

    Amicalement 

    Philippe SCHNEIDER

    Président de l'U.S.R.L

    UNION DES SECTIONS ROYALISTES LORRAINES
  • Les Cahiers de l'université d'été de l'Union des Cercles Légitimistes de France

    Les Cahiers de l'université d'été de l'UCLF de la session 2016 sont désormais en ligne sur Vive le Roy à cette adresse (pdf, 167 pages). Table des matières :

    • Le roi sous l’Ancien régime, par François BLUCHE
    • De la souveraineté, par Louis de BONALD
    • Mgr de Ségur, l’autorité politique et la démocratie
    • Machiavel, le pape Alexandre VI et Louis XIV, Modernité ou Tradition ?
    • Projet de Charte de la légitimité
    • Petit catéchisme des révélations privées
    • Christine de Pisan
    • Dante, Jean de La Fontaine et Emmanuel Macron : pour le roi
    • Principe du moteur de la Révolution
    • Leçon de démocratie par Aristophane et un fondateur du Parti Socialiste
    • Le combat légitimiste

    Michel Janva

  • Gabriele Adinolfi sera présent à la Xe Journée de Synthèse nationale, dimanche 2 octobre à Rungis (94)

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  • Algérie 1830. Bacri s’enrichit sur la France.

    Algérie 1830. Bacri s'enrichit sur la France. from Ulysse Fenster on Vimeo.

  • Rémy, un héros fourvoyé en politique

    Gilbert Renault entra dans la légende, lors du second conflit mondial, sous le nom du colonel Rémy.

    Portrait d'un homme honnête et courageux, dont le général De Gaulle se détacha après qu'il fut devenu un émissaire trop zêlé. Il fut Raymond, Jean-Luc, Morin, Watteau, Roulier, Beauce, mais c'est sous le nom du colonel Rémy que Gilbert Renault entra dans l'Histoire. Un goût pour les masques donc, un proto James Bond, propre à donner du rêve aux petits garçons. Toute une jeunesse d'après guerre a vibré au récit de Rémy comme à celui du Grand Cirque de Pierre Clostermann, aviateur français engagé dans la Royal Air Force.

    Sympathisant d'AF

    Rémy, ou Gilbert Renault, appartenait à ce que la Bretagne donna de mieux à la mère patrie, à la suite des Duguesclin, Cadoudal ou Chateaubriand. Né à Vannes en 1904 et décédé à Guimgamp en 1984, il a vécu aux limites de la Bretagne française dite gallo et de la Bretagne bretonnante. Mais celui qui allait devenir l'un des plus fameux agents secrets de la France occupée pendant la Seconde Guerre mondiale pensait comme Maurras. Sympathisant d'Action française, sans avoir toutefois jamais milité, il concevait les républiques sous le roi et l'amour de la grande patrie au travers de la petite.

    Aîné d'une famille de neuf enfants, fils d'un professeur de philosophie converti assez tôt à l'inspection générale d'une compagnie d'assurances, élevé chez les Jésuites, il poursuivit des études de droit. Il était l'héritier d'une famille catholique et nationaliste, et sa vie pouvait sembler tracée, mais il y eut la guerre, la "drôle" pour commencer, avant l'invasion du printemps 1940. Rares sont les vies où tout bascule. Clostermann, à dix-neuf ans, de Rio de Janeiro grimpa dans un cargo à destination de la Tamise. Gilbert Renault est plus âgé, mais c'est avec un enthousiasme tout aussi juvénile qu'il monte à bord d'un chalutier, en compagnie d'un de ses frères, pour quitter nuitamment le port de Lorient, et cela dès juin 1940.

    Rémy fut l'un des rares agents à avoir acquis une certaine aura après la guerre : il a su se faire le principal ordonnateur de sa propre légende à travers une oeuvre littéraire pour le moins prolifique où, à côté d'ouvrages d'inspiration religieuse, il multiplia des livres-souvenirs sur la Résistance.

    Dans la nuit du 18 au 19 juin 1940 Rémy traversait donc la Manche. Il quittait cinq enfants, un parcours professionnel chaotique qui l'avait mené de la Banque de France, à l'exploitation forestière au Gabon, puis comme son père aux assurances. Il s'était même lancé dans la production cinématographique, avec peu de bonheur : l'échec commercial du J'accuse d'Abel Gance en 1936 ne l'avait pas découragé puisqu'il avait tourné pendant l'hiver 1939-1940 un Christophe Colomb en Espagne. Disons le tout net, peu de chefs d'oeuvre mais un beau carnet d'adresses, et un passeport témoignant de déplacements nombreux et peu soupçonnables.

    Naissance d'un héros

    Voilà pourquoi Rémy, après avoir rencontré le colonel Passy, chef du BCRA, à Londres, regagna la France dès le mois d'août 1940. Un héros allait naître. Dès la fin de l'été, il créa son premier réseau de renseignement, Confrérie-Notre-Dame, qui devint en 1944 CND Castille. Il couvrait toute la France, ainsi que la Belgique. Gaulliste de la première heure, quoiqu'à éclipses jusqu'en 1943, Rémy était d'abord une tête brulée qui mena plus de 1 500 agents en territoire occupé. Compagnon de la Libération par décret du 13 mars 1942, il prépara les attaques de Bruneval et Saint-Nazaire. Le grand projet était tout de même de préparer les esprits à la prise du pouvoir par le général De Gaulle. Rémy tenta de rallier à sa bannière toutes les forces disponibles contre l'occupant. Il mit en contact le PCF avec la France libre et se rendit à Londres avec Fernand Grenier en janvier 1943.

    À son retour en France, la Gestapo lui fit la chasse, arrêta sa mère et ses soeurs. On fusilla son jeune frère et trois autres membres de sa famille, mais lui restait insaisissable. Cependant, à l'heure de la Libération, cet homme de l'ombre entra dans la lumière parce qu'il savait écrire, parce qu'il était bon orateur. On s'arrachait les livres de Rémy, on courrait à ses conférences. Tout de même, ce gaulliste alors sincère et orthodoxe dissimulait comme il pouvait un manque de discernement politique. Il le reconnut volontiers lui-même : le socialiste Pierre Brossolette, en le mettant en relation, pendant la guerre, avec des groupes syndicaux et politiques avait pallié cette faiblesse. Mais en 1945, ce Rémy médiatisé allait servir les intérêts du général De Gaulle. Jusque-là utilisant les autres, il allait être à son tour utilisé.

    L'opération se déroula en trois temps. Il y eut d'abord la volonté farouche du général De Gaulle de reprendre le pouvoir après sa démission de janvier 1946. Cela par la voie électorale, avec donc la nécessité d'un organisme partisan, pourtant la bête noire du général, un parti ! Lequel prit pour nom, le 14 avril 1947, Rassemblement du peuple français (RPF). Reste que, très vite, ce "rassemblement" recruta surtout à droite. En pleine Guerre froide, il devint même le réceptacle de la famille nationaliste. Alors se fit jour le pragmatisme indiscutable du général. Puisque la reprise du pouvoir était à ce prix, De Gaulle allait envoyer, à certains pétainistes, des signaux de ralliement. Le rideau de fer qui s'était abattu sur l'Europe rapprochait d'ailleurs gaullistes et pétainistes.

    Qui dit signal, dit émissaire. C'est là qu'intervint le colonel Rémy, à ses dépends. « Un soir d'hiver de l'année 1947, le général De Gaulle me fit l'honneur de me convier à dîner en sa compagnie et celle de son aide de camp Claude Guy dans le salon de son appartement 24-25 de l'hôtel La Pérouse, situé tout près de l'Étoile. L'obscurité lui semblant propice pour fouler librement l'asphalte de la capitale, il nous proposa en se levant de table une promenade sur l'avenue Foch. »

    Que la France ait deux cordes à son arc

    « Pendant notre promenade, la conversation porta sur le mois de juin 1940 où les jours semblaient si noirs bien que le ciel fût d'un bleu éclatant, et le général De Gaulle m'entendit parler du maréchal Pétain avec amertume. S'arrêtant soudain dans sa marche, il posa sa main sur mon bras par un geste tout à fait inhabituel de sa part. "Voyez-vous, Rémy ! dit-il. Il faut que la France ait toujours deux cordes à son arc. En juin 1940, il lui fallait la corde Pétain, aussi bien que la corde De Gaulle." La foudre fût tomber sur ma tête qu'elle ne m'aurait pas laissé plus étonné. » Et voilà ! On ne saluera jamais assez le grand comédien que fut le général De Gaulle, mais aussi le bon public que fut Gilbert Renault, alias le colonel Rémy, qui n'eut de cesse de communiquer dans les mois suivants la bonne nouvelle.

    Rémy, qui était membre du comité exécutif du RPF (il était en charge des voyages et des manifestations...), n'avait pas été choisi au hasard. Sa famille politique d'avant-guerre comptait beaucoup dans cette affaire. Il saurait parler aux "nationaux", du moins se faire entendre d'eux. Il allait leur expliquer que tout le monde, à sa manière, avait été résistant. Au besoin, De Gaulle appuierait cet émissaire de la réconciliation comme lors de sa conférence de presse au palais d'Orsay, en s'indignant juste ce qu'il fallait sur le sort de Pétain : « C'est un opprobre que de laisser en prison un homme qui va avoir quatre-vingt-quinze ans... »

    La justice et l'opprobre

    Tant de complexité allait cependant bouleverser le colonel Rémy qui dépassa la mesure, et le désir du chef. Il prit beaucoup trop d'initiatives, appelant publiquement, le 29 décembre 1949, à la révision du procès de Charles Maurras, après avoir salué Maurice Pujo. Son article retentissant publié dans l'hebdomadaire Carrefour du 11 avril 1950, intitulé « La justice et l'opprobre », où il reprenait les apparentes confidences faites en 1947 sur l'avenue Foch, causa sa rupture définitive avec De Gaulle. Dès le lendemain de sa parution, le communiqué du général leva les ambiguïtés, déroutant sans doute davantage encore le pauvre Rémy. De Gaulle disait : « Je ne puis admettre sur ce sujet l'opinion qu'exprime, à présent, le colonel Rémy. On doit le savoir depuis dix ans. l'estime que j'ai pour l'auteur de l'article ne saurait y changer. Certes, la clémence, à l'égard de ceux qui se sont trompés de bonne foi, est désormais d'utilité nationale. Mais rien ne saurait, dans aucune mesure, justifier ce qui fut la politique du régime et des hommes de Vichy, c'est-à-dire en pleine guerre mondiale, la capitulation de l'État devant une puissance ennemie et la collaboration de principe avec l'envahisseur. La nation a condamné cela. Il le fallait pour l'honneur et l'avenir de la France. »

    Ainsi Rémy connut-il le désaveu le plus retentissant. Il démissionna du RPF, s'installa au Portugal, continua d'écrire et finit par adhérer à l'ADMP, l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain. Comprit-il un jour ce qui s'était passé et ce que voulait De Gaulle ? Comme pour bien des partisans de l'Algérie française quelques années plus tard, celui-ci utilisa quelques bonnes volontés pour approcher des milieux qui lui étaient à première vue franchement hostiles, quitte à les désavouer très rapidement ensuite. À défaut de tête politique, il faut donc toujours saluer chez Rémy le courage du résistant.

    Marc Savina L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 2 au 15 décembre 2010