culture et histoire - Page 1263
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Passé Présent n°73 - La guerre des Boers
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1942 & 2015: les mêmes décombres?
Relire Lucien Rebatet
Sorti en 1942, Les Décombres de Lucien Rebatet (deuxième titre majeur après Les deux étendards) viennent d’être réédités chez Robert Laffont. Cinq mille exemplaires épuisés dès le premier jour, l’éditeur a lancé un deuxième tirage à trois mille.
Si les « heures les plus sombres de notre histoire » sont cadenassées par le système oligarchique en place (interdisant même l’étude historique), le peuple reste friand et curieux de son histoire, et de points de vue interdits.
Rebatet nous présente une France, au cœur de l’action politique furieuse de la fin de l’Entre-deux-guerres, dans un état similaire au nôtre. « On avait pu reconnaître la fragilité de la carcasse parlementaire. Mais elle s’était révélée encore plus ferme que tous ses ennemis. Les Parisiens, des camelots du roi aux communistes, avaient prouvé qu’ils étaient encore capables d’un beau sursaut de colère et même de courage. Mais leur élan inutile était brisé pour longtemps. »
Ces lignes, écrites il y a plus de soixante-dix ans, nous prouvent, une fois de plus, que l’histoire est un éternel recommencement : « Nous ne faisions pas la guerre. Nous la singions », comme François Hollande, caporal-chef de guerre pour l’oligarchie mondialiste en Afrique et au Moyen-Orient. Avec les mêmes faux-amis : « L’aide des Anglais – ils ne nous le cachaient pas – serait de pure forme. Nous serions réduits à nos seuls moyens, un contre deux, trois peut-être bientôt si l’Italie s’en mêlait. »
La finance de Wall Street soutenait Hitler en sous-main 1 et les soubresauts du peuple, par des partis alternatifs (aujourd’hui décrits comme extrémistes, fascistes ou nazis par les tenants de ladite oligarchie) ou des manifestations n’eurent aucun effet sur les événements politiques et économiques. « Il n’y avait aucun risque que le prolétariat s’insurgeât contre la guerre. Ses maîtres, décidément beaucoup plus forts que nous, étaient parvenus à lui faire confondre le grand soir avec l’abattoir. […] Il était dit que l’imbécillité suraiguë remplacerait le typhus dans cette guerre et que sa contagion n’épargnerait personne. C’était à notre tour de jouer les justiciers avec nos sabres de paille. »
La nouvelle montée des tensions voulue par les élites mondialistes (écho de Bagatelles pour un massacre de Louis-Ferdinand Céline) se fait, à nouveau, sous couvert du vernis craquelé de la démocratie. « Pour imposer silence aux vieilles cliques sans idées, incapables d’imaginer et de faire la paix avec nos voisins, il faut une poigne solide. Nous demeurons dans la situation paradoxale d’août 1939. Ce sont les mous, les hésitants, les « modérés » qui poussent à de nouvelles tueries guerrières, par débilité intellectuelle ou sentimentale. Ce sont les forts, les violents, puisant leur énergie dans leur intelligence, qui veulent la paix, parce que la paix seule peut être vraiment révolutionnaire, tandis que la guerre revancharde ne pourrait être que hideusement conservatrice. » Les mêmes causes produisent les mêmes effets…
- Wall Street et l’Ascension de Hitler
, Antony C. Sutton
- Wall Street et l’Ascension de Hitler
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Le royalisme est-il crédible aujourd'hui ? Partie 2 : Mouvements et journaux royalistes, quelle crédibilité intellectuelle ?
Depuis la Révolution française existent plusieurs formes de royalisme qui ne cohabitent pas toujours harmonieusement : entre les monarchiens de 1789 favorables à une monarchie constitutionnelle et les « ultras » de la Restauration, entre les chouans et les notables évoqués par Daniel Halévy, entre l'Action Française et les « maorassiens » des années 1970, etc., que de différences, de contrastes, voire d'hostilité et de violentes querelles ! L'un des premiers duels de Maurras, en 1904, fut avec Eugène Godefroy, l'un des fondateurs de la Jeunesse Royaliste des années 1890, et le ressentiment entre Léon Daudet et Arthur Meyer, directeur du quotidien Le Gaulois et monarchiste convaincu, ne fut jamais dépassée par leur fidélité commune au duc d'Orléans... Le royalisme est aussi divers et divisé, somme toute, que le républicanisme qu'il est censé combattre ! Il suffit de faire un bref état des lieux des mouvements et journaux monarchistes de 2105 pour s'en convaincre, comme l'a encore fait récemment la revue Les Entretiens, publiée par la Conférence Monarchiste Internationale cet été.
Est-ce un élément de discrédit que cette dispersion des forces royalistes lorsque les monarchistes insistent a contrario sur le fait que « la Monarchie c'est l'unité » ? Pas vraiment, bien au contraire, car, au regard de l'histoire capétienne, l'unité n'est pas l'uniformité, et cela montre la diversité qui est nécessaire à toute vie politique saine et libre. Mais cela peut l'être quand les associations ou journaux monarchistes se cherchent (et se trouvent...) violente et irréductible querelle sur des sujets qui peuvent sembler bien loin de la question monarchique elle-même et des moyens pour parvenir à la Monarchie, ou quand les conceptions de celle-ci semblent trop éloignées les unes des autres selon les partisans des différents engagements monarchistes, mais surtout quand ceux qui font profession de royalisme oublient la mesure (celle que privilégiaient les capétiens quand ils disaient « savoir raison garder ») et l'intérêt commun de leur propre vocation politique.
Le paysage royaliste est complexe et bigarré : la Nouvelle Action Royaliste représente la tradition démocratique du royalisme conjuguée à une exigence gaullo-capétienne autant sociale que diplomatique, tandis que l'Action Française revendique l'héritage maurrassien et un « nationalisme intelligent » autant qu'« insurrectionnel » ; l'Alliance Royale, qui ne se prononce pas sur la question dynastique, représente un royalisme électoral plutôt « souverainiste de droite » quand le Groupe d'Action Royaliste (auquel j'appartiens...) incarne surtout la défense environnementale et les luttes sociales, dans la ligne du royalisme de La Tour du Pin et du catholicisme social ; sans oublier des associations spécifiquement liées à l'attachement à l'un des prétendants au trône, ou des bulletins, des sites sur la toile, des cercles d'études, etc., qui eux aussi participent à cette diversité monarchiste.
Certes, cela peut nuire à la « compréhension immédiate » du projet monarchique dans le sens où celui-ci ne revêt pas les mêmes formes et formules selon l'un ou l'autre des mouvements ou groupes, et que chacun le comprend et le défend selon des idées qui sont d'abord les siennes, alors que le curieux va surtout s'intéresser aux arguments pour la Monarchie plus qu'aux différences de sensibilité...
Néanmoins, il me semble important qu'il y ait plusieurs « chapelles » dans la Maison du Roi, et celles-ci, d'ailleurs, ont toutes leurs originalités qui permettent d'être entendus de publics différents et de mener ceux-ci, autant que faire se peut, vers la Monarchie. Cela en fait-il des « partis crédibles », pour reprendre l'expression de départ de cette brève réflexion ? Leurs échecs électoraux, leur petite taille politique, leur faible visibilité publique ne sont-ils pas les preuves de leur incrédibilité au regard de l'opinion publique, moins exigeante sur les idées que sur les suffrages exprimés ?
En fait, la crédibilité ne peut se mesurer uniquement aux chiffres électoraux, et c'est un argument qu'il faut rappeler et marteler : l'histoire, y compris récente et proche, nous montre à l'envi que, si l'on voulait reprendre la formule moqueuse de Pierre Juhel, les grands nombres sont aussi ceux qui comptent le plus de zéros...
En revanche, si l'on ouvre les revues royalistes, que cela soit La Nouvelle Revue Universelle, L'Action française, Libertés (jadis ASC) ou Royaliste, on est parfois surpris par la qualité de certains articles ou entretiens, et leur apport intéressant aux débats en cours, même si l'on peut être plus critique sur le positionnement de chacune de ces publications selon ses propres références ou préférences idéologiques. Mais chacun peut y trouver son compte, et le lecteur de Gérard Leclerc ou d'Hilaire de Crémiers est souvent bienheureux de sa lecture. De plus, la véritable crédibilité intellectuelle, c'est de participer, en tant que royaliste, aux débats intellectuels du temps, et de ce point de vue, les revues royalistes apparaissent honorablement crédibles, même si elles pèchent parfois par leur certitude d'avoir raison quand il faudrait, aussi, le prouver aux autres... et si certains domaines ont été longtemps négligés (comme les questions sociales, agricoles ou environnementales).
La crédibilité intellectuelle des publications royalistes est confirmée par les personnalités, parfois fort éloignées de l'engagement monarchiste, qui acceptent de répondre aux sollicitations de cette presse royaliste : sur ce point, c'est sans nul doute Royaliste (et ses « Mercredis », conférences hebdomadaires souvent de grande qualité) qui apparaît le plus en pointe, avec des invités qui, sur une quarantaine d'années, forment un véritable bottin du monde des idées et des débats, de Maurice Clavel à Jacques Julliard, de Pierre-André Taguieff à Jacques Sapir, de Régis Debray à Edgar Morin, etc. Mais L'Action française elle-même, à travers quelques colloques ou cercles récents, a aussi montré qu'elle pouvait attirer à elle quelques « belles plumes », souvent polémistes, comme Eric Zemmour ou Philippe de Villiers, quand l'Alliance Royale, elle, peut être citée avec empathie par Denis Tillinac dans ses articles de Valeurs Actuelles.
Cela étant, cette double crédibilité intellectuelle est-elle suffisante ? Apparemment non, car, s'ils y participent, les royalistes ne semblent guère peser par eux-mêmes sur les débats d'idées du moment. Si Maurras est régulièrement cité dans la presse et sous la plume des éditorialistes, principalement de gauche, c'est comme repoussoir et non comme référence sympathique : qui veut étrangler son adversaire le traite de maurrassien, sans plus d'explications, le qualificatif suffisant, apparemment, pour faire cesser tout débat... D'autre part, on ne peut, et c'est d'ailleurs heureux, limiter le royalisme à Maurras, ni à Bernanos d'ailleurs, ce dernier étant désormais devenu une référence obligée du courant des Veilleurs et de la Décroissance malgré son irréductible royalisme. Alors ? Y a-t-il de nouveaux penseurs royalistes issus de mouvements se revendiquant tels ou indépendants de toute structure partisane, qui pourraient regagner une place pour le royalisme sur la scène intellectuelle et politique ? Et si oui, comment leur donner visibilité et, donc, une efficace crédibilité aux yeux des intellectuels contemporains et du public pensant ? Des questions qui méritent, me semble-t-il, d'être posées...
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Souvenons-nous de Lépante le 7 octobre 1571 : l’islam n’est pas invincible !
Le 7 octobre prochain, la chrétienté est appelée à fêter le Saint Rosaire dont le rite fut institué en action de grâces pour la victoire navale remportée sur les Turcs à Lépante le 7 octobre 1571, le jour même où se déroulaient les processions des confréries du Saint Rosaire. Certes, quatre cent quarante-quatre ans, ce n'est pas un anniversaire qui tombe rond, mais l'actualité, dominée plus que jamais par la menace islamique, devrait obliger, si la situation de l'Église était normale, tous les baptisés catholiques à se remémorer ce grand événement - l'une des plus grandes batailles navales de l'Histoire - et à en rappeler la leçon sur les moyens par lesquels la victoire fut obtenue. Cela montre ce qu'ont de dérisoire les essais de dialogue inter-religieux et les petites frappes que fait lancer François Hollande sur DAECH..
L'Empire ottoman, qui régnait sur d'immenses territoires, dont une partie de l'Europe orientale (Albanie, Serbie, Bulgarie, Bosnie, Monténégro), paraissait invincible à vue humaine. Ses soldats d'élite, appelés janissaires et désignés souvent comme les « tueurs de sept », car un seul en valait sept, étaient des as dans l'art de manier l'arquebuse, le cimeterre et le poignard , leur force, leur adresse et leur détermination étaient légendaires , indifférents au danger, ils peignaient, dit-on, leur visage en rouge avant le combat, pour ne pas montrer leurs blessures ou leurs cicatrices. C'étaient souvent de enfants des pays soumis, arrachés très jeunes à leur famille, contraints de renier la foi chrétienne et de subir une "rééducation" de sept ans.
Depuis 1453, date à laquelle Constantinople, vieille capitale de l'Empire latin d'Orient, tomba aux mains des Turcs, la « Sublime Porte », à coups d'incursions et de conquêtes, accompagnées d'actes de piraterie, d'enlèvements, et de missions dites diplomatiques, avait étendu son pouvoir sur la Méditerranée, convoitant les îles qui résistaient encore à ses assauts.
Déjà, les Turcs visaient à prendre l'île de Malte, où les chevaliers de l'Ordre du même nom lançaient des appels désespérés aux princes chrétiens. Ceux-ci se faisaient tirer l'oreille, même Philippe II, roi d'Espagne, sans parler du roi de France, Charles IX, accaparé par la guerre civile que menaient les chefs protestants et dont le grand-père François 1er, acculé à défendre, contre l'expansionnisme de Charles Quint, l'existence même de la France par tous les moyens, avait cru devoir se lier en 1526 par une alliance avec la Sublime Porte, recevant toutefois en contrepartie la reconnaissance pour notre pays de ses droits de protecteur des chrétiens d'Orient
La Sainte Ligue
Le pape Pie V était pleinement conscient du pouvoir qu'il avait reçu pour défendre la chrétienté. À ceux de ses conseillers qui pensaient que le secours est principalement dans la prière, il rétorquait que la prière est nécessaire avant le combat pour demander la grâce de la victoire, mais qu'elle ne dispensait personne de l'action. Et surtout il préconisait que les catholiques, tous unis, fissent une armure sans faille. Or les rois, les princes, les ducs ne parlaient pas d'une même voix : la République de Gênes et le duc de Florence manquaient de galères ou de soldats ; le roi du Portugal était aux prises avec une épidémie de peste ; Tordre de Malte venait de perdre trois vaisseaux ; le roi Philippe II d'Espagne ne pouvait donner que cinquante galères alors qu'il en fallait cent ; la République de Venise était tentée par une entente avec les Turcs, afin de sauvegarder son commerce florissant. Et la France n'était pas au rendez-vous comme nous l'avons vu, mais cela n'empêcha pas quelques seigneurs français, notamment bourguignons ou savoyards, de vouloir s'enrôler.
Finalement, quand il apprit que les Turcs faisaient voile sur Chypre, le pape envoya un projet d'alliance à tous les Etats chrétiens. Puis il nomma Grand Amiral de la Flotte le prince d'à peine vingt ans, don Juan d'Autriche - un fils naturel de Charles Quint, plein d'enthousiasme et d'ardeur, donc un demi-frère de Philippe II.
Les interminables discussions entre Occidentaux pour parvenir enfin au traité qu'on appela la Sainte Ligue leur avaient fait perdre un temps précieux, laissant en face le sultan Selim II mûrir ses décisions. Celui-ci ne redoutait guère d'affronter les galères chrétiennes ; la foi inébranlable de Pie V, l'ascendant qu'il avait sur les âmes lui paraissaient autrement redoutables. C'est pourquoi Selim donna l'ordre de frapper fort et vite.
Ce fut ainsi que l'on apprit l'assaut de Chypre par ces Barbares, lesquels, en dépit des prodiges de vaillance de la garnison vénitienne, écrasèrent les défenseurs de l'île sous leur nombre. Les chrétiens qui avaient pu échapper aux janissaires cherchaient refuge dans la forteresse avec le gouverneur, le général Marc-Antoine Bradagino, prêt à se défendre jusqu'à la mort, mais déjà bien des habitants de l'île affichaient la faiblesse de croire qu'ils auraient la vie sauve en échange de leur soumission...
Le piège de la « soumission »
Pendant des semaines, la forteresse de Chypre avait résisté à l'assaut de quatre-vingt mille Ottomans, aux canonnades, aux tirs ininterrompus des archers, des arquebusiers et des arbalétriers. Mais elle était toujours debout, semblant imprenable... Pressés d'en finir, les Turcs acceptèrent de négocier avec le gouverneur et proposèrent de garantir aux habitants la possibilité de quitter l'île ou d'y rester sans risque pour leurs biens ou leurs vies, disaient-ils... Cela ne les empêcha pas de ligoter le général et ses officiers, puis de les soumettre à la torture.
L'armée chrétienne coalisée, venue des quatre coins de l'Europe avec des formations militaires très différentes, était donc placée sous le commandement suprême du prince don Juan d'Autriche, avec, à ses côtés, le non moins jeune Alexandre Farnèse, duc de Parme. Dès qu'avait été signé le traité de la Sainte Ligue, cette armée multicolore, brandissant ses bannières rutilantes, avait quitté Madrid, puis traversé Barcelone en liesse, puis touché Gênes où moult banquets et bals les attendaient, puis avait dû lutter contre les éléments déchaînés - ce qui lui fit prendre du retard et favorisa les rixes que le moindre désaccord déclenchait sur les bateaux entre ces soldats venus d'horizons multiples. Don Juan rétablissait le calme et redonnait à tous la confiance perdue.
Bientôt les orages s'apaisèrent et l'on se dirigea vers Messine où toutes les escadres devaient se rassembler en une seule et même grande flotte, à la recherche d'un ennemi dont on ne savait pas encore où il se trouvait. A Naples, on apprit l'effroyable nouvelle de la chute de la forteresse de Chypre. L'étendard musulman de soie verte brodé de fil d'or de versets du Coran, flottait sans doute déjà sur le château de Buffavento. On sut aussi que, trahissant leurs promesses, les Turcs avaient été d'une cruauté sans précédent, les janissaires n'épargnant ni le gouverneur, ni ses officiers, ni femmes, ni enfants. Un vrai carnage !
L'Armée du Rosaire
Don Juan apprit aussi que, dans toutes les villes d'Europe, d'innombrables chrétiens se mobilisaient à l'appel du pape et que, dans les églises, des centaines de milliers de fidèles récitaient sans relâche le chapelet pour attirer sur la flotte le secours de Dieu. Il y avait donc une autre armée, en prière, et les combattants des galères chrétiennes pouvaient communier avec cette immense foule. Savoir cela interdisait à quiconque de se laisser aller au découragement !
L'armée flottante quitta Messine le 16 septembre. Trois jours plus tard, l’on apprit par des pêcheurs de Céphalonie que les Ottomans s'étaient embusqués devant Lépante, à l'entrée du golfe de Corinthe. Sans perdre un instant, don Juan donna l’ordre de mettre le cap sur Petala, dernière étape avant Lépante. Le ciel et la mer avaient pris une couleur livide, l'hiver approchait, alors qu'allait se livrer Tune des plus formidables batailles navales de l'Histoire.
L'affrontement eut lieu le 7 octobre un peu avant midi ; la flotte chrétienne arborait, sur sa gauche, la Capitane menée par les Vénitiens avec cinquante-trois galères ; sur sa droite, la Capitane menée par le Génois Jean Andréa Doria et ses cinquante-six galères ; au centre, le corps de bataille conduit par don Juan, Grand Amiral, à bord de la Réale, entourée de la fine fleur de la Sainte Ligue dont Marc-Antoine Colonna sur la Capitane de Sa Sainteté, des évêques et des confesseurs. Le corps de réserve était constitué de trente galères menées par le marquis de Santa Cruz et sa Capitane de Naples. Les six redoutables galéasses vénitiennes se trouvaient en avant-garde.
La flotte ottomane montrait, à gauche, les navires turcs et barbaresques comprenant soixante et une galères et trente-deux galiotes ; à droite les cinquante-quatre galères et les deux galiotes menées par le pacha d'Alexandrie ; au centre le corps de bataille conduit par Ali Pacha sur sa galère-amirale la Sultane, entourée de quatre-vingt-sept galères et de huit galiotes ; le corps de réserve comprenait cinq galères, vingt-trois fustes et deux galiotes. Cette flotte n'avait encore jamais été vaincue.
Tout ce monde se mit en position de combat et bientôt un fracas de tonnerre roula sur la mer, qui allait bientôt n'être plus qu'un entassement de navires accrochés les uns aux autres, la surface de l'eau se couvrit de débris et de cadavres flottant sur des épaves...
Jusqu'au dernier moment, les Turcs harcelèrent les galères chrétiennes, mais, bien vite, quand la Réale de don Juan s'approchait, les Infidèles comprenaient que le salut n'était plus que dans la fuite. La mer se couvrait de corps sans vie, de turbans dénoués, de robes de bure. Au loin, dans une lumière de fin du jour, on voyait les voiles d'Ali Pacha s'estomper...
Sur les 88 000 hommes d'Ali Pacha, 25 000 étaient morts, 8 000 faits prisonniers. Leurs 12 000 esclaves furent libérés ; 190 de leurs galères étaient tombées aux mains des chrétiens. Une multitude de pachas et de beys moururent au combat.
Des 84 400 chrétiens de la Sainte Ligue, on dénombra 7 650 tués et 7 784 blessés.
À cinq heures de l'après-midi, la victoire des galères chrétiennes était totale !
Saint Pie V
À Rome, le pape Pie V ne connaissait pas encore la nouvelle de la victoire ; il recevait même des lettres très pessimistes faisant état de l'exaspération et du découragement des troupes de don Juan.
Or le 7 octobre, vers cinq heures de l'après-midi, alors qu'il travaillait avec quelques prélats, il ouvrit la fenêtre toute grande vers l'est, son visage s'illumina et il contempla des choses que lui seul pouvait voir. Il fut ainsi averti à l'instant même de l'événement extraordinaire ; la confirmation de la nouvelle ne parvint que plusieurs jours après.
Dieu avait ainsi tenu à récompenser le saint pape qui avait su entretenir l'élan de foi sans lequel rien n'aurait été obtenu.
Nous sommes hélas à des années-lumière de ce temps-là.
Michel Fromentoux Rivarol du 1er octobre 2015
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Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie
Ex: http://nietzscheacademie.over-blog.com
Julien Rochedy est l'auteur d’un essai d’inspiration nietzschéenne Le Marteausous-titré Déclaration de guerre à notre décadence, auteur d’un mémoire universitaire sur Nietzsche et l’Europe et ancien directeur national du FNJ.
Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?
Julien Rochedy - Une importance fondamentale puisque je pense véritablement, sans pathos, qu'il a changé ma vie. Sa lecture, précoce, a fait office d'un baptême, d'une sorte de renaissance. Je l'ai lu si tôt (entre 14 et 17 ans) qu'on ne peut pas dire qu'il s'agissait de lecture à proprement parler, avec le recul et la distance que cela suppose. Je l'ai littéralement ingurgité, je l'ai fait mien, sans aucune interface entre ses livres et le jeune « moi » qui était en pleine formation. Dès lors, quoique je lise, quoique j'entende, quoique je voie ou quoique j'ai envie de faire, je ne peux l'appréhender qu'avec le regard nietzschéen qui me fut greffé si jeune.
N.A. - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?
J.R. - Je tiens Nietzsche pour une paire de lunettes. Il est, pour moi, avant tout une façon de regarder le monde. Une grille de lecture. Un filtre d'exactitude et, surtout, de sincérité. C'est s’entraîner à percevoir ce qui se mue et s'agite autour de soi en se débarrassant des grilles de lectures morales (le bien et le mal) ou idéalistes (au sens de la primauté de l'Idée). C'est donc regarder les choses et les hommes par delà bien et mal, par le prisme des valeurs aristocratiques ou des esclaves (le sain et le malade, le bon et le mauvais), en s'attardant plutôt sur la psychologie, et en fin de compte, la physiologie(l'importance du corps comme heuristique de l'esprit) pour comprendre les idées d'un homme, au lieu de se mentir sur la capacité « raisonnante » et abstraite des humains. Et c'est aussi sentir profondément ce qui appartient au nihilisme, au déclin, au mensonge vénéneux, à la maladie et à la mort, plutôt qu'à la vie, à la grande vie et l'immense « oui » qui va avec.
Je vous parlai de sincérité à propos de ce que nous oblige Nietzsche. Avec lui, après lui, on ne peut plus se mentir à soi-même. S'il m'arrive par exemple d'avoir une idée pour m'économiser, même si mon cerveau se met à fonctionner, comme de mise chez tous les hommes, pour me trouver une justification, morale ou raisonnable (toute « idée » est une justification de soi), je sais qu'en réalité cette idée ne fait que découler de ma faiblesse. Tout le reste est prétexte.
N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?
J.R. - Je ne recommanderai pas un livre en particulier, même si « Par delà bien et Mal » et, bien sûr, « Zarathoustra », surnagent. Je recommanderai plutôt une succession de livres pour celui qui voudrait se lancer dans Nietzsche. D'abord Généalogie de la morale, qui suscite directement un immense doute sur ce que l'on croyait établi sur la nature du bien et du mal. Puis Par delà bien et mal, pour approfondir. Ensuite Zarathoustra, l'apothéose poétique de sa philosophie. Après, l'ordre compte moins. Je conseillerai toutefois particulièrement les œuvres de Nietzsche de l'après Zarathoustra, c'est à dire à partir de 1883, car j'ai toujours pensé qu'il y avait un Nietzsche, à la fois en tant qu'auteur (le style) et philosophe (la puissance), avant son Zarathoustra et après son Zarathoustra. L'auteur du Gai Savoir est encore un peu académique. Celui de Crépuscule des Idoles est pur génie.
N.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?
J.R. - Tout dépend bien sûr de ce que l'on entend par droite et gauche. Ces concepts peuvent signifier tellement de choses différentes selon les personnes qu'il est difficile d'enfermer Nietzsche dans des espaces si vagues. Toutefois, en me permettant de les prendre d'un point de vue philosophique, si toutefois ce point de vue peut exister, je dirais bien entendu que Nietzsche est de droite. L'importance qu'il donne à l'inégalité, aux valeurs aristocratiques, au goût raffiné, à la sélection et à la force, ainsi que son mépris souverain pour la populace, les valeurs égalitaires, la féminisation, la démocratie, le matérialisme grossier, etc, font que Nietzsche ne peut évidemment pas être reconnu comme un auteur de gauche.
N.A. - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?
J.R. - Je pourrai vous faire une liste non exhaustive, de Drieu à Jünger en passant par London, mais ça n'aurait pas vraiment de sens, dans la mesure où ces auteurs peuvent être nietzschéens pour différentes raisons, et que des auteurs, nés avant Nietzsche, pourraient être considérés comme nietzschéens. Les grecs par exemple, Héraclite, Alcibiade, Périclès, sont des nietzschéens avant l'heure. Encore une fois, Nietzsche est une façon de voir le monde, et cette façon fut partagée mille fois dans l'Histoire, la plupart du temps par les hommes les plus grands, les plus intelligents et les plus honnêtes avec eux mêmes.
N.A. - Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?
J.R. - Avec une lecture simple, mais tout de même pas trop mal, je pourrais vous répondre : c'est lekalos kagathos des Grecs, l’homme idéal, celui qui a la vie la plus remplie et dont la santé débordante s'enrichit de toujours plus de passions et d’aventures, de pensées, de force et de beauté. Mais ce serait bien trop banal. Le surhomme est celui qui accepte le tragique, le destin, et qui l'accepte en riant. C'est le Dieu Thor qui va à la guerre en riant aux éclats dans sa barbe rousse. Le monde n'a manifestement pas de sens, la vie est précaire, je suis imparfait, rien ne vaut rien, mais je cours au charbon quand même. Le pied dansant. Et là, à ce moment là, tout trouve son sens : la vie n'a comme seule justification qu'elle même. C'est le pessimiste actif dont parle Heidegger dans ses écrits sur Nietzsche.
N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?
J.R. - Je n'en ai pas une en particulier, mais laissez moi vous raconter une anecdote :
Un jour que j'étais dans un bar et que je réfléchissais, avant de l'écrire, à mon livre le Marteau (d'inspiration largement nietzschéenne comme vous l'avez rappelé), je vois un grand gaillard venir s'accouder à côté de moi. Et sur l'un de ses avants bras, je vois tatoué « Amor fati ». J'exulte. Je vois cela comme un signe. Je me mets à délirer en mon for intérieur. Je lui fais signe et lui dit, bêtement, un truc du genre « aux nietzschéens ! » en levant mon verre. Il me répond, interloqué : « quoi ? ». Je lui répète et m’aperçois qu'en réalité il ne connaît pas Nietzsche. Il s'était tatoué ça juste « parce que ça sonnait bien ».
Alors finalement, je vous répondrai « amor fati ». Ça résume tout.
Et en plus ça sonne bien.
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Rebatet : « J’aspire à la dictature »
Lucien Rebatet est né le 15 novembre 1903 dans une famille bourgeoise et catholique de Moras-en-Valloire, un village du nord de la Drôme. Son père est notaire. Il a des origines italiennes par sa mère dont le nom de jeune fille est Tampucci et compte parmi ses ancêtres Hippolyte Tampucci, un grand ami de Gérard de Nerval, qui participa au mouvement romantique. Très tôt il est fasciné par l'armée, en ces années où la France rêvait de revanche. Rebatet va poursuivre ses études secondaires, notamment à Saint-Chamond, chez les Pères Maristes. Il gardera un souvenir très sombre de « ces années d'exil moral et physique dans un pays affreux ». Malgré son éducation catholique, il exècre cette atmosphère religieuse et supporte mal la discipline très sévère qu'imposent les Pères. Mais il va découvrir Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, la peinture et la musique. La révélation de Wagner et des autres grands musiciens allemands va lui faire oublier ses sentiments anti-Boches. Après le baccalauréat, il commence des études de droit et prépare une licence de philosophie. Il va séjourner deux ans et demi à Paris où il vivra, dira-t-il, « les années les plus riches de son existence »
Etudiant pauvre, assoiffé de liberté et de culture, il survit en assurant des surveillances dans des lycées. La politique ne l'intéresse pas encore vraiment, mais il lit L'Action française qu'il définit comme « le seul journal lisible ». Il loue « le grand bon sens de Machiavel » qui voyait l'humanité telle qu'elle est, contre les divagations du progrès continu et les quatre vents de l'esprit. En 1924, Rebatet écrit à un de ses amis n'avoir « jamais eu dans les veines un seul globule de sang démocratique » et il ajoute : « Nous souffrons depuis la Révolution d'un grave déséquilibre, parce que nous avons perdu la notion du chef... J'aspire à la dictature, à un régime sévère et aristocratique ». En 1927, il effectue son service militaire en Allemagne comme deuxième classe. C'est le bonheur. Il retrouve son goût pour l'armée et l'art de la guerre. Sa conscience politique se développe. Le voici abonné à L'Action française. Il admire Mussolini, méprise les partis de gauche et participe à plusieurs actions des Camelots du Roi. Et puis, il lit Nietzsche... Installé à Paris, il fréquente les peintres, les cinéastes, les écrivains, les musiciens.
REBATET JOURNALISTE
Il entre en journalisme dans le quotidien de Charles Maurras pour y tenir une petite rubrique musicale. Et puis, il se voit aussi confier la critique cinématographique qu'il écrira en usant du pseudonyme de François Vinneuil. Il est très vite reconnu comme l'un des critiques les plus brillants et les plus influents de Paris. Nommé secrétaire de rédaction des pages littéraires, il côtoie Charles Maurras, Robert Brasillach et Thierry Maulnier. Il va épouser en 1933 une jeune étudiante roumaine, Véronique Popovici. Leur mariage, qui durera jusqu'à la mort de Rebatet, sera « parfaitement heureux ». Véronique Rebatet fera preuve d'un courage, d'une fidélité, d'une ténacité extraordinaires durant les années de prison vécues par Lucien. Ce dernier, en plus de l'Action française, collabore à d'autres journaux et revues dont Candide, La Revue universelle et surtout, à partir de 1932, à Je suis partout où il tient la rubrique cinématographique. Il effectue en même temps ses premiers reportages politiques et apparaîtra rapidement comme l'un des rédacteurs les plus en vue, des plus virulents. Rebatet se montre déçu par Charles Maurras, sa germanophobie, sa désinvolture, faisant, paraît-il, des mondanités avec des duchesses décaties quand Paris était à feu et à sang le 6 février 1934. On lira dans Les Décombres des pages extraordinaires dans lesquelles Rebatet ne se montre guère tendre avec le maître de Martigues. Et puis, les événements se précipitent.
REBATET FASCISTE
Tout contribue à orienter Rebatet vers le fascisme et l'antisémitisme. Il est séduit par la politique hardie de Mussolini, l'incroyable rétablissement de l'Allemagne nationale-socialiste. Il est révolté par le "bellicisme" des juifs et leur place démesurée dans la vie politique, commerciale, artistique et intellectuelle de la France. Rebatet est très marqué par la lecture de Bagatelles pour un massacre de Céline. Il découvre lors de plusieurs visites en Allemagne et en Europe centrale, les réussites des nationaux-socialistes et la crasse des ghettos juifs.
Bref, Rebatet est devenu le spécialiste de la « question juive » et apparaît comme le plus antisémite des journalistes de Je suis partout, ce qui n'est pas peu dire. Brasillach le décrit ainsi : « Toujours justement irrité, le plus opiniâtre et le plus violent d'entre nous. Il est un des plus remarquables polémistes que je connaisse : car il a tout, la verve, le style, la verdeur, le don de voir, le talent de caricaturer, et même parfois le sentiment de justice. Toujours en colère contre les hommes, les choses, le temps, la nourriture, le théâtre, la politique, il établit autour de lui un climat de catastrophe et de révolte auquel nul ne résiste ». Rebatet est, par ailleurs, un conférencier hors pair, usant de sa voix de stentor et de son élocution facile.
LES ANNEES 1940-1945
Arrivent la guerre et l'armistice. Il va se retrouver à Vichy où il adhère au « Comité de constitution du parti national unique », créé par Marcel Déat. Mais il ne tarde pas à déchanter. Il est rapidement « écœuré par les intrigues de cette cour ridiculement balnéaire, par le gaullisme qu'y affichent en toute impunité maints hauts personnages, par les inspecteurs des finances et les gens du Comité des Forges aussitôt installés aux postes de commande pour bloquer toute velléité de révolution ». Il rentre à Paris et devient chef du service politique et chroniqueur théâtral au Cri du peuple, le journal de Jacques Doriot. En février 1941, Je suis partout reparaît enfin. Rebatet rejoint évidemment l'équipe et se plonge dans l’écriture des Décombres. Je suis partout connaît un succès extraordinaire. Il va tirer jusqu'à 300 000 exemplaires en 1943 ! Rebatet y reprend ses fonctions d'avant-guerre , écrit les éditoriaux, tient la rubrique cinéma et publie des reportages politiques dont la plupart sont dirigés contre le gouvernement de Vichy. L'entrée des troupes allemandes en Russie enflamme Rebatet. Le voici un collaborateur des plus actifs. Il se situe « nettement à la gauche de la collaboration, anticlérical, antivichyste, antisynarchiste ». En avril 1942 paraissent chez Denoël les Décombres, son pamphlet extraordinaire qui va rencontrer un succès phénoménal qui fera de lui « la vedette de la saison littéraire 1942-1943 ». Il y règle notamment ses comptes avec Maurras, intitulant un des chapitres « Au sein de l'Inaction française », dépeignant ainsi le vieil homme : « Maurras, catholique sans foi, sans sacrements et sans pape, terroriste sans tueurs, royaliste renié par son prétendant, n'avait été, en fin de compte, que l'illusionniste brillant de l'aboulie ». Je ne m'étendrai pas davantage sur Les Décombres, car nous consacrerons prochainement une page dans RIVAROL à ce monument qui va être réédité dans la collection Bouquins chez Robert Laffont.
Mais la guerre prend mauvaise tournure. Rebatet sait que la partie est perdue mais poursuit sa collaboration à Je suis partout par « pure bravade ». Lors du meeting des « pas dégonflés », en janvier 1944, il conclura son intervention sulfureuse en criant : « Mort aux j…s ! Vive la révolution nationale-socialiste ! Vive la France ! » Provocateur en diable, son dernier éditorial paru dans Je suis partout en juillet 1944, alors que les Anglo-Américains ont débarqué, a pour titre : « L'espérance est nationale-socialiste ! » Mais il faut fuir. Il quitte avec sa femme Paris en direction de l'Est dans un camion de la Wehrmacht qui fait partie d'un convoi de doriotistes et de miliciens. Direction Nancy, où ils ne restent que trois semaines avant de rejoindre Metz, puis Strasbourg puis Baden-Baden. Et puis, le 17 septembre, Rebatet va retrouver la crème de la Collaboration à Sigmaringen. Il va y passer l'essentiel des 8 mois suivants à travailler à ce roman qui sera son chef-d'œuvre, Les Deux Etendards. Le 8 mai 1945, il se livre à la Sécurité militaire de Feldkirch, en Autriche, et est transféré à la prison de Fresnes en début du mois d'octobre.
LA CONDAMNATION A MORT, PUIS LA PRISON
Le juge Zousmann aimerait qu'il soit exécuté le plus rapidement possible, mais la procédure prend du temps. Persuadé que ses jours sont comptés, il avance à marches forcées dans l’écriture de son livre. Le procès de Rebatet, ainsi que celui de ses compagnons de Je suis partout, Claude Jeantet et Pierre-Antoine Cousteau s'ouvre le 18 novembre 1946- On ne peut pas dire que, contrairement à Cousteau, il fit preuve d'un courage exceptionnel. Il chercha notamment à rejeter sur Maurras la responsabilité de ses premières actions politiques et confessera un certain nombre d'erreurs commises en tant que journaliste et pamphlétaire. Mais tel était Rebatet : d'un formidable courage intellectuel mais, disons, d'un courage physique tout relatif. L'auteur du livre ne raconte pas, et c'est un peu dommage, cet épisode hilarant qu'a narré Jean-Hérold Paquis, dans ses mémoires(Des Illusions, Désillusions! ), un livre extraordinaire qui est, à mon avis, avec Les Décombres, le meilleur livre de mémoires paru en cette période. Hérold Paquis sera condamné à mort et fusillé. Il raconte que le train qui transportait les fugitifs vers Strasbourg avait été survolé par des avions anglais. Le train stoppa et, à la stupeur générale, Rebatet sauta du train, se précipitant dans un champ de betteraves, cherchant à se camoufler en se couvrant la tête de fanes. L'hilarité fut générale...
Rebatet et Cousteau seront condamnés à mort par la Cour de Justice de Paris, le 23 novembre 1946. Rebatet passera les quatre mois et demi suivants dans la sordide section des condamnés à mort de Fresnes, les chaînes aux pieds et dans l'attente de son exécution ou de sa grâce. Il sera gracié par le Président de la République, Vincent Auriol, suite à la mobilisation d'intellectuels, dont Albert Camus, François Mauriac, Jean Paulhan et Paul Claudel qu'il avait pourtant, pour certains, durement vilipendés. Avant de quitter la section des condamnés à mort, il écrivit sur le mur de sa cellule les fameuses paroles de Mathilde de La Mole dans Le Rouge et le Noir : « Je ne vois que la condamnation à mort qui distingue un homme. C'est la seule chose qui ne s'achète pas. » Sa peine ayant été commuée en travaux forcés à perpétuité, le voici contraint de marcher « 25 kilomètres par jour à briser des souliers pour l'armée » ! Rebatet va enfin, après deux ans et demi de ce régime, pouvoir récupérer la dactylographie de son roman et y mettre le point final. En février 1952, Gallimard publie Les Deux Etendards, cet extraordinaire chef d'œuvre, dans l’indifférence quasi-générale. Pol Vandromme décrira ce livre comme « l'histoire d'amour la plus belle de toute la littérature contemporaine » et le journaliste Philippe Meyer raconte que « François Mitterrand divisait le monde en deux : ceux qui avaient lu Les Deux Etendards et ceux qui ne l'avaient pas lu... » Mais la parution de l'ouvrage contribue cependant à accélérer sa libération. Il est relâché le 16 juillet 1952, après sept ans et deux mois de prison.
UNE NOUVELLE VIE COMMENCE
Sa nouvelle vie est loin d'être facile. Il se retrouve interdit de séjour à Paris où réside pourtant sa femme. Il mène une « existence demi-misérable dans un pavillon de Montmorency » et connaît les pires difficultés à gagner sa vie. Mais il retrouve le journalisme, assurant, toujours sous le pseudonyme de François Vinneuil, la rubrique cinématographique de Dimanche-Matin, puis, plus tard, du Spectacle du Monde et de Valeurs actuelles. Et puis, motivé par les événements d'Algérie, il retrouve une tribune politique à RIVAROL où il écrira jusqu'à sa mort en 1972. Les idées qu'il défend dans notre hebdomadaire reflètent une évolution certaine de sa pensée et nous apparaissent, pour quelques-unes d'entre elles, comme fort contestables. Il se montre étonnamment progressiste sur la question de la décolonisation, qu'il juge "irréversible", dénonçant violemment le racisme des Blancs envers les populations colonisées. Farouchement opposé à De Gaulle, il soutient, comme Tixier au demeurant, Mitterrand au deuxième tour de l'élection présidentielle de décembre 1965. Il approuve l'Alliance atlantique, ce qu'il convient, certes, de situer dans le contexte de la menace soviétique. Plus étonnant encore, Rebatet soutient Israël pendant la guerre des Six-jours en juin 1967 et exprime son admiration pour le général Moshe Dayan, ce que nous ne pouvons évidemment approuver.
Mais Rebatet reste à bien des égards le personnage qu'il a été. Il reste inflexible dans son anticommunisme et son mépris de la démocratie. Une « profession de foi » intitulée « Comment peut-on être fasciste ? » paraîtra après sa mort. Il y écrit : « Je reste un fiévreux du fascisme car je tiens le marxisme pour le fléau majeur de notre siècle ». Vers la fin de sa vie, Lucien Rebatet était devenu un homme aigri qui a « beaucoup trimé, pour un modeste profit, avec une résignation coupée d'accès de rage », s'indignant qu'on ait « conspiré à lui fermer le bec ». Robert Poulet le décrit ainsi. « Il a eu des torts, il n'était pas sympathique ; il grognait ou gueulait tout le temps. » Quant à Jean Paulhan, qui a beaucoup soutenu Rebatet, il a déclaré : « Il est toujours mécontent ». Robert Poulet l'avait dépeint ainsi, peu de temps après la disparition de l'homme des Décombres : « Un petit homme vif, le masque taillé pour l’invective, le vocabulaire poissard, qui, tout à coup, s'affinait d'une manière exquise, l'esprit toujours en éveil, le cœur dur et la peau ultra-sensible, une amertume affreuse, à cause de la "conspiration du silence", mais l'assurance d'avoir raison un jour de tous les muets-par ordre et des sourds-volontaires ». L'amertume de Rebatet s'explique aussi par ses problèmes de santé. Il souffrait de rhumatismes qu'il avait contractés en prison et qui n'en finissaient pas de s'aggraver. Le 24 août 1972, alors qu'il se trouve à Moras en vacances, il est foudroyé par un infarctus. Au moment de sa mort, il projetait d'écrire Une histoire de la peinture, qui aurait fait pendant à son Histoire de la musique, un livre exceptionnel qui est unanimement admiré, mais il travaillait surtout, depuis décembre 1970, à ses mémoires. Lucien Rebatet repose au cimetière de Moras-en-Vallore où l'a rejoint, en octobre 1988, sa fidèle épouse Véronique.
Notre temps manque cruellement de polémistes et de pamphlétaires du talent, du courage et de la force d'un Rebatet.
R.S. Rivarol du 1er octobre 2015
Lucien Rebatet, de Pascal Ifri, 120 pages, 17 euros port inclus ; collection Qui suis-je ? A commander dans nos bureaux.
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Bon vent au Commando Ponchardier !
Jusqu'alors au nombre de six (Trépel, Jaubert, Montfort, Penfentenyo, Hubert et Kieffer), les très prestigieuses unités de Commandos marine sont passées au nombre de sept, le 11 septembre dernier, avec la création d'un nouveau commando au nom particulièrement évocateur : le Commando Ponchardier.
« À la vie, à la mort ! »
Rappelons que le « Ponch' », Grand Officier de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec six citations, de Croix de guerre TOE avec 18 citations, de la Croix de la valeur militaire avec une citation, médaille de la Résistance et médaille des Evadés, est une des légendes de notre marine.
Héros des combats de 40 et de la Résistance, Pierre Ponchardier (1909-1961) avait, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pris le commandement d'un groupe de commandos parachutistes pour aller combattre en Indochine. Entre octobre 1945 et août 1946, au cours de plus d'une centaine de coups de main et d'opérations spéciales, Ponchardier et ses fameux « Tigres », fidèles à leur devise « A la vie, à la mort ! », allaient mener une vie d'enfer aux Viêts. Au point que le général Juin, citant son unité à l'ordre de l'Armée le 30 avril 1946, avait affirmé que « le commando Ponchardier restera pour la marine et les troupes coloniales un magnifique exemple des plus hautes qualités guerrières pratiquées dans l'union et l'enthousiasme le plus parfait ».
Plus tard commandant du porte-avions La Fayette (1954-1955), commandant de la demi-brigade de fusiliers-marins en Algérie, major général du port de Toulon (1957), commandant de l'Aéronavale en Méditerranée (1957-1958), sous-chef d'état-major général de la marine (1958-1960) puis commandant de la zone maritime de l'Atlantique sud et de la base de Dakar, l'amiral Ponchardier trouva la mort en janvier 1961 dans un accident d'avion au Sénégal.
En première ligne
Remettant officiellement le 11 septembre dernier au nouveau commando son fanion ainsi que les décorations héritées du groupement autonome Ponchardier, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, après avoir indiqué à ses hommes que, « désormais la mémoire de l'amiral Pierre Ponchardier guide vos pas », a expliqué que « cette création (...) intervient dans un contexte lourd de menaces directes pour la sécurité de la France et des Français - le terrorisme djihadiste étant la première d'entre elles » et que, dans ce contexte, « la force maritime des fusiliers marins et des commandos est plus que jamais au cœur de notre stratégie globale de défense. Elle est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. Que ce soit à l'offensive pour les commandos marine ou dans la défensive pour les fusiliers marins, qui assurent la protection de sites stratégiques ».
Emmenée par le capitaine de corvette Yann Guillemot, qui a pas mal roulé sa bosse et commandait jusque-là la base des fusiliers marins commandos de Lanester, cette septième unité de Commandos marine, forte de 150 personnes aux compétences multiples et projetables à tout moment, viendra sans nul doute rapidement épauler ses consœurs dans leurs missions « un peu spéciales ».
Franck Delétraz Présent du22 septembre 2015
franck.delétraz@present.fr
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Les Brigandes - France, notre terre
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07 Le Temps des Cathédrales - Le XIVe Siècle - (G Duby) 1978
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Renouveau Français formations à Paris