culture et histoire - Page 1360
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Turreau et les colonnes infernales
Malgré les préparatifs fébriles en vue de commémorer le 200ème anniversaire de la Révolution Française, malgré l'unanimisme des partis politiques français autour des "acquis" de 1789, un certain nombre de travaux tentent encore et toujours de cerner l'histoire de cette révolution, non d'une point de vue républicain, partisan et politicien mais d'un point de vue analytique, objectif et historique. L'ouvrage d'Elie FOURNIER, que nous évoquons ici, tente de nous expliquer ce que fut réellement, sur le plan du vécu, la Révolution française, après les brèches ouvertes ces dernières années par des historiens comme François FURET ou Pierre CHAUNU. Il ne s'agit pas de la Révolution de Paris ni de celle des membres du Club des Jacobins ni celle des "représentants du peuple" à la Convention, mais celle des peuples qui constituaient alors l'ancien royaume de France, présentement transformé en "République une et indivisible".
Le cas de la Vendée est exemplaire. Mais il n'est pas unique. D'autres provinces connurent alors des mouvements de révoltes populaires face aux exigences et à la tyrannie des comités de gouvernement. La révolution fut en effet transformée en révolte sous-tendue par les intérêts d'une certaine classe, la bourgeoisie. Et le pouvoir parisien, appuyé sur des forces armées recrutées dans les grandes capitales (Paris mais aussi Marseille, Grenoble, Lyon, Toulouse, etc...) exerça une répression féroce contre des citoyens qui refusaient le vieux principe jacobin de la "République ou la mort!".
Des hommes et des femmes, pour la plupart attachés à leurs prêtres, mais aussi aux premières réformes de la révolution (notamment la suppression d'un certain nombre de privilèges) furent massacrés au nom des valeurs neuves de la "Liberté" et de "l'Egalité". FOURNIER prend ici comme exemple le véritable génocide (le mot n'est pas trop fort!) perpétré par les généraux républicains au nom du pouvoir central sur les populations de la Vendée et des territoires limitrophes. Le décor est planté: 23 décembre 1793, juste après la défaite des troupes royalistes, accompagnée de 100.000 morts sur les routes de Normandie et de Bretagne. Pour réduire définitivement les séditions royalistes, la Convention prend la décision, sur la proposition des "patriotes" vendéens représentés à cette même Conven- tion, de supprimer froidement et systémati- quement tous les "brigands" vendéens. D'ailleurs, pour mieux marquer cette volonté d'en finir, on modifie le nom de cette région en "Vengé"...
Effacement des gens, effacement des souvenirs. Il faut extirper toute trace de vie sur ces terres, interdire par la terreur toute révolte contre la République. De fait, la République peut puiser dans le passé récent: l'exemple est là, celui des grandes répressions opérées par les troupes de l'Ancien Régime en Corse. Dans une lettre écrite le 14 juin 1794 par le Général VIMEUX au Comité de Salut Public, on peut lire à propos de la campagne de Vendée: "La guerre et le brigandage de Vendée finiront, mais comment et avec quels moyens? Avec ceux qu'on employa en Corse, après de grosses dépenses et bien des années d'erreur"... Déclaration qui rejoint par ailleurs celle du Général HUCHE, l'un des organisateurs les plus "consciencieux" et les plus patriotes de la guerre de Vendée.
Et cette terreur que connut la Vendée, terreur dont les pouvoirs centraux furent les inspirateurs, déléguant par décrets et proclamations (le plus célèbre de ces décrets étant celui du 1er août 1793) aux généraux et aux représentants du peuple le soin d'accomplir "l'extermination" (mot utilisé dans les textes légaux) des "brigands" vendéens (entendez non seulement les combattants chouans sous les ordres des chefs royalistes Charette, Stofflet, de la Rochejacquelain, etc. mais aussi tous les habitants de la Vendée sans considération d'âge ou de sexe). Cette "extermination" fut une réédition de celle qu'avait appliquée un MARBEUF à la république paoline corse quelques décennies auparavant. La tactique était simple: détruire systématiquement tous les "repaires" des habitants de la région révoltée. Autrement dit, la politique de la terre brûlée, pratiquée à une échelle collective.
Un arrêté du Général Louis Marie TURREAU donne d'ailleurs la liste, non exhaustive, des communes proscrites. Les deux "colonnes agissantes" seront responsables du massacre de plusieurs dizaines de milliers de paysans, de citoyens des villes accusés de mollesse ou de modération patriotique et même d'élus communaux pourtant favorables à la République. Ainsi, le 28 février 1794 eut lieu le massacre des Lucs, au cours duquel furent assassinés 110 enfants âgés de 7 ans et moins!
Le livre de FOURNIER nous dévoile d'autre part les causes réelles de cette politique de génocide perpétrée par les comités parisiens. Le règne de la Terreur est moins une période républicaine au sens politique du terme qu'une période morale, celle du règne de la vertu robespierriste!
Les personnages de ROBESPIERRE et de SAINT JUST, relayés en province par les délégués CARRIER à Nantes ou TALLIEN à Bordeaux symbolisent ce passage de la révolution à la construction d'une cité vertueuse. Il s'agit ici d'une nouvelle guerre de religion, au cours de laquelle s'opposent les partisans minoritaires du culte de l'Etre Suprême, ersatz de l'ancien culte catholique accomodé aux valeurs nouvelles de 1789 et les anciens tenants du culte chrétien, catholique apostolique et romain. D'ailleurs le levier des révoltes populaires paysannes en Vendée fut beaucoup moins la défense du trône que celle de l'autel. Le royalisme militant resta le fait d'une minorité consciente et l'attachement aux rites catholiques le principe de la dynamique chouanne.
Une fois de plus, il était utile de rappeler une certaine réalité de la révolution française. L'image idyllique colportée par les institutions républicaines d'éducation nationa- le, appuyée sur les travaux de MICHELET, est aujourd'hui de plus en plus remise en cause. Moins par des historiens partisans de l'Ancien Régime que par des universitaires désireux de mieux reconnaître, derrière les masques de la propagande et des idées toutes faites, la réalité historique. Au total, le livre de FOURNIER est un excellent ouvrage. A lire pour apprendre que l'histoire ne se déroule pas selon un mécanisme manichéen mais consiste en un choc perpétuel de contradictions.
Ange SAMPIERU.
Elie FOURNIER, Turreau et les colonnes infernales, Albin Michel, Paris, 1985, 89 FF.
http://vouloir.hautetfort.com/archive/2015/05/01/turreau-et-les-colonnes-infernales-5593614.html
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Quel monde après les sanctions contre la Russie ?
L'institut pour la démocratie et la coopération, dont nous avons déjà plusieurs fois relaté les activités de soutien aux combats pour la vie et aux causes chrétiennes (ici et là, et là par exemple), communique:
Sanctions, traité transatlantique, crise de confiance ...
Quelles nouvelles règles pour le commerce
et les relations internationales?
mercredi 20 mai 2015 de 9h à 18h
Salle de l’Horticulture 84 rue de Grenelle, Paris 7e.
Les détails du programme et la liste des intervenants, ainsi que les modalités d'inscription, sont sur ce site.
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HENRI VINCENOT Bourgogne département de la Côte d'Or
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Conférence à Paris: "Dominique Venner, soldat politique" par Basile Cérialis le 21/05/15
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"L'idéal cosmopolite contemporain s'est complètement effondré"
Le philosophe Jean-François Pradeau (1) publie "Gouverner avec le monde: Réflexions antiques sur la mondialisation" aux éditions Les Belles Lettres, où il montre combien il est nécessaire de connaître notre histoire pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Occasion pour La Tribune de l'interroger sur la mondialisation, le cosmopolitisme, la manière de penser et de vivre dans l'antiquité par rapport à notre époque, la démocratie, la politique, l'Union européenne ou encore l'enseignement du latin et du grec au moment où se prépare une réforme du collège.
La Tribune. Dans votre livre, vous réhabilitez la notion de cosmopolitisme, en opérant un détour historique par l'Antiquité, car elle nous permettrait de mieux comprendre le phénomène actuel de la mondialisation. Pourquoi ?
Jean-François Pradeau.- La raison en est double. Elle tient d'abord au fait que les questions philosophiques et politiques actuelles ont une histoire ancienne. Pour comprendre la mondialisation et les débats actuels sur la place des nations ou sur la construction européenne, il m'a semblé nécessaire d'en connaître les origines, qu'elles soient grecques, romaines ou européennes. Et là, lisant les anciens, on s'aperçoit que la notion de cosmopolitisme est centrale.
L'autre raison est ensuite plus politique. Le cosmopolitisme est, depuis une quinzaine d'années, perçu négativement - c'est ce que résume le terme de « mondialisation », qui est employé en mauvaise part. Or, tous les mouvements d'émancipation, depuis les années 1950 jusqu'à la fin des années 1990 étaient cosmopolites, c'est-à-dire « internationalistes ». Il me semblait donc intéressant de comparer les différentes conceptions du cosmopolitisme dans l'Antiquité, en poursuivant par l'héritage monothéiste puis également en évoquant la conception moderne du cosmopolitisme, telle que l'expose notamment Kant au moment où la révolution française bouleverse l'Europe. C'est d'ailleurs par un chapitre sur Kant que commence mon ouvrage, avant de s'intéresser aux Présocratiques, aux Stoïciens, puis à Platon et enfin à Philon d'Alexandrie et à Saint Augustin.
Dans l'Antiquité, ce sont les Stoïciens (2) qui accordent une place majeure au cosmopolitisme...
En réalité, toute la pensée grecque ancienne est cosmopolite. Toutes les écoles philosophiques, des Présocratiques aux Stoïciens, en passant par Platon et Aristote, considèrent l'existence humaine et sociale dans la Cité comme un certain rapport au monde. Mais s'ils sont tous cosmopolites, ils le sont de manière différente.
Ainsi, les Stoïciens pensent l'homme comme une partie du monde parce que chacun de nous est animé par la raison cosmique, ce « logos », qui désigne la raison chez les Grecs. La tradition platonicienne, elle, considère le monde comme la forme de vie la plus parfaite, la plus divine qui soit. Et selon Platon, c'est en imitant le monde, qui est un vivant parfait et divin, que l'homme et la Cité peuvent atteindre la perfection dont ils sont capables. Le présupposé commun est que l'homme est l'être qui a la capacité de penser le monde et de l'habiter pleinement, en connaissance de cause. C'est du reste très exactement l'objet de la philosophie, qui se présente comme une explication rationnelle de la totalité du réel. Sur le terrain éthique et politique, c'est toujours dans un tel rapport au monde que l'homme peut atteindre l'excellence, la « vertu » dont il est capable.Lire la suite
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Hommage à Vercingétorix
Pour tous les peuples la reconquête de la liberté commence par un éveil de la mémoire. À l'inverse, la destruction volontaire de celle-ci équivaut à un projet fort clair. La liquidation de l'identité des nations.
L'ex-compagnon de Valérie Trierweiler persiste à nuire, par ses fausses réformes comme par ses vraies reculades. Cela durera jusqu'en 2017 et, s'il est réélu, au-delà.
Cette triste évidence reçoit ces temps-ci une confirmation supplémentaire par la faute d'une soi-disant ministre de l'Éducation. Mme Vallaud-Belkacem, nullité notoire, de l'aveu même de Ségolène Royal qui l'employa naguère, peut se montrer agressive à ses heures sous un masque doucereux. On vient ainsi d'apprendre par ce personnage que, désormais les "candidats professeurs seront évalués sur les valeurs de la République." Cette évidente menace pour la liberté d'opinion n'est énoncée d'ailleurs qu'incidemment, tel un simple dommage collatéral accompagnant la refonte des programmes scolaires. Cette opération d'ensemble est destinée à abaisser encore les enseignements du latin, du grec, de l'allemand ou de l'histoire. De telles matières sont jugées par les fous pédagogistes trop élitistes, trop identitaires, et, sans doute, au dire des cancres, trop difficiles.
Trop ardu se révélerait aussi l'apprentissage essentiel de notre langue dans les classes primaires.
La langue française, trop subtile, viendra bientôt rejoindre celles qui représentent ses racines, au cimetière des langues mortes.
Que cela puisse échouer, on doit, bien entendu, le souhaiter et tout faire pour en enrayer le processus mortifère.
Mais même si les protestations, qui se multiplient, devaient aboutir à une reculade, la seule tentative qu'elle développe suffit en elle-même à nous éclairer sur ce qui se prépare. La ministre actuelle ne fait office que de porte-parole de la bureaucratie scolaire. Si, donc, elle-même se trouvait déplacée lors d'un remaniement prochain les nuisances demeureraient intactes au sein des ateliers administratifs de la démolition culturelle.
Remontons donc plus haut.
L'Europe est entrée dans une phase accélérée d'autodestruction.
Ainsi, au sujet de la vague croissante d’arrivées par la Méditerranée de migrants non voulus, un récent affrontement a opposé Mme Theresa May, ministre de l'Intérieur britannique à Mme Federica Mogherini. Celle-ci théorise le plan d’action de la Commission [anti] européenne. Dans le Times du 13 mai, son interlocutrice s'exprimait au nom du gouvernement conservateur vainqueur des élections en Grande-Bretagne.
À un tel titre, Mme May réaffirmait l'évidente nécessité pour son pays de pouvoir les renvoyer chez eux. La politicienne italienne du "parti démocrate", – transmutation "politiquement correcte" du vieux parti communiste, – ose, au contraire, formuler le principe selon lequel "pas un seul réfugié ou migrant intercepté en mer ne sera renvoyé contre son gré".
Ce personnage, hélas, est entré en fonction le 1er novembre 2014 en tant que "haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité."
Tant que son influence pourra ainsi s'exprimer les gentils organisateurs du processus en cours peuvent persister dans leur odieux trafic.
Or, si la suite des siècles, sur tous les continents, a vu les assauts successifs des invasions étrangères, toutes ne se sont pas montrées positives, loin de là. Puisque l'on prétend nous inculquer de force ces "valeurs de la république", jamais sérieusement définies, qu'on se contente de relire les paroles de la Marseillaise, hymne national selon l'article 2 de la Constitution. "Quoi ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers…" s'interroge et s'indigne son rédacteur qui s'exclame "Liberté liberté chérie combats avec tes défenseurs".
Si l'Histoire, en effet, peut s'écrire comme une suite de développement des empires, si certains ont joué un rôle civilisateur, tel bien sûr celui de Rome (1)⇓, la lutte légitime contre l'envahisseur, quel qu'il soit, fait elle aussi partie des principes de santé.
Le jeune chef arverne n'était pas confronté à François Hollande mais au plus grand conquérant de tous les temps en la personne de Jules César : celui-ci ne rencontra pas d'adversaire plus coriace.
Héros fondateur de l'Histoire de France, Vercingétorix (2)⇓ne luttait pas contre une Union européenne branlante mais contre un Empire romain en pleine expansion. Du reste les Gaulois, vaincus, allaient y prendre toute leur place et partager pendant cinq siècles les destinées de Rome.
Vercingétorix réussit un exploit : celui d'unifier les tribus divisées, et diverses, de la Gaule indépendante. (3)⇓ Il sut mener une guerre très dure et son souvenir est demeuré constitutif de la conscience nationale. N'acceptons pas son effacement.
JG Malliarakis
"Une passion pour la Gaule"
- cf. "La Gaule dans l'empire romain" par Camille Jullian⇑
- cf. "Vercingétorix" par Camille Jullian⇑
- cf. "La Gaule avant César" par Camille Jullian ⇑
- http://www.insolent.fr/
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Jean-Pierre Le Goff : "Cette réforme du collège signe la mise à mort de l’école républicaine"
Marianne : La réforme du collège portée par Najat Vallaud-Belkacem n'en finit pas de susciter la polémique. Les cours de latin, de grec et les classes bilangues vont être supprimés. Dans les nouveaux programmes d'histoire, la chronologie est abandonnée, l'enseignement de l'islam devient obligatoire tandis que le christianisme médiéval et les Lumières sont optionnelles. Que vous inspirent ces réformes très critiquées parmi les professeurs, dans les milieux intellectuels, mais qui semblent également susciter la méfiance chez les parents ?Jean-Pierre Le Goff : Je suis pour la défense de ces langues car l’héritage grec et romain est essentiel à la connaissance de notre civilisation européenne, il en va de même pour l’héritage chrétien et les Lumières. En histoire, l’effacement de la chronologie au profit des thèmes relève d’une démarche semblable : l’inscription dans une temporalité historique, dans un temps long, s’efface au profit d’approches thématiques et transversales à plusieurs entrées qui rabattent tout sur le même plan. Le récit historique global tend à s’effacer au profit de récits pluriels et discontinus. La thématique de la « transversalité » et de la « pluridisciplinarité », alors que les connaissances de base des jeunes élèves font souvent défaut, me paraît une aberration. Elle ne peut que renforcer la confusion et la superficialité ambiantes. Tout cela ne date pas d’aujourd’hui, mais cette réforme du collège m’apparaît comme une sorte de paroxysme d’un processus de déculturation dont on a encore du mal à prendre la mesure.C’est-à-dire ?Le mouvement que je décrivais dans La Barbarie douce est en train d’aboutir.Cette réforme du collège s’inscrit dans un processus de déconstruction de l’école républicaine et signe sa mise à mort avec le développement du pédagogisme et de la psychologisation dans l’enseignement qui s’est institutionnalisée depuis les années 1980 où il fallait déjà « mettre l’élève au centre » et « apprendre à apprendre ». Et encore, Claude Allègre et ceux qui le soutenaient – que j’ai beaucoup critiqués à l’époque –, n’avaient pas grand-chose à voir avec les « petits idéologues » incultes, moralistes et bien-pensants qui gravitent autour de Najat Vallaud-Belkacem et se servent de l’école pour tenter d’instaurer un « meilleur des mondes » à leur mesure. Une des clés pour comprendre ce qui se passe depuis trente ans réside dans le croisement entre une culture post-soixante-huitarde abâtardie et une « modernisation » qui consiste à adapter l’école à la mondialisation. D’où ce mélange curieux de thèmes soixante-huitards d’origine libertaire avec un langage managérial et ses multiples méthodologies et boîtes à outils. Cette sous-culture s’est développée et s’est reproduite par le biais de multiples stages de formation avec sa nouvelle langue de bois ou plus précisément « de caoutchouc » ; elle a envahi l’école comme l’ensemble des sphères d’activité. Impossible désormais d’échapper à l’« évaluation des compétences » au « contrat d’objectif », au « contrat partagé » au « parcours personnalisé »... L’« autonomie », la « responsabilité », le « savoir-être » sont devenus des leitmotivs d’un nouveau modèle de bon comportement, auxquels s’ajoutent désormais la « citoyenneté », le « vivre-ensemble », la « chasse aux stéréotypes », le « développement durable » et une kyrielle de bons sentiments qui couvrent les pratiques les plus diverses et servent d’argument d’autorité dans les débats. C’est le règne de la confusion et de l’inculture qui s’affirme comme tel au plus haut sommet de l’État.Cela vous étonne-t-il de voir la gauche achever ce processus ?La gauche a joué depuis les années 1980, il faut le dire, un rôle d’avant-garde dans la déstructuration culturelle. N’ayant plus de projet ni de vision de l’avenir, elle a surfé sur les évolutions problématiques de la société et du monde, tout en affirmant qu’elle n’avait pas changé. Une partie des parents d’élèves et des syndicats, avec le ministère, a appuyé et suivi ce mouvement avec l’idée du « droit à la réussite pour tous » qui remplace l’effort et le mérite, la nouvelle pédagogie tenant lieu d’« outil-miracle ». On a reporté sur l’école un ensemble de problèmes que les politiques et la société se sont montrés incapables de résoudre : emploi, socialisation, lutte contre les incivilités et les violences… Les réformes, les décrets, les circulaires se sont empilés au fil du temps, faisant de l’enseignement une mission et un métier impossibles. La finalité essentielle de l’école s’est érodée, les exigences et la qualité du contenu de l’enseignement ont été de fait « secondarisées » et revues à la baisse. Il existe encore de beaux restes ici ou là qui dépendent de la façon dont des responsables et des enseignants conçoivent leur mission et leur métier. Mais le modèle d’ensemble de l’école républicaine est en train de partir en morceaux. L’enseignement structurant et de qualité est et sera de plus en plus réservé à une élite qui abandonne déjà l’école publique. La gauche n’a cessé de dénier le problème au nom d’une lutte contre les inégalités qui a versé dans la démagogie et l’égalitarisme. Elle renforce au contraire les inégalités et délaisse la formation des élites issues du peuple, qui est une des missions essentielles de l’école républicaine.La ministre de l’Éducation justifie régulièrement sa réforme par la nécessité de développer chez les enfants les « compétences du monde actuel ». Vous n’êtes pas sensible à ce type d'arguments ?Au nom d’« ouverture » et de « modernité », on entend tout simplement adapter l’école à la « mondialisation » actuelle, c’est-à-dire à un monde des plus chaotiques et à une période critique de notre histoire. Désormais, le souci est que les élèves ne « s’ennuient pas à l’école » et les nouvelles technologies de l’information et de la communication exercent une véritable fascination, au détriment des fondamentaux que sont l’écriture, la lecture et le calcul. On met à bas les missions fondamentales de l’école républicaine que sont l’enseignement d’un contenu structuré de connaissances, le recul réflexif, la formation de l’autonomie de jugement qui renvoient à une certaine conception de l’homme et du citoyen et qui sont essentiels pour faire face aux nouveaux défis du présent.On est en train de préparer des générations de bavards, capables de parler superficiellement de beaucoup de choses, tout en n’étant plus structurés de l’intérieur par une culture humaniste qu’on a mis en morceaux et que l'on a recomposée en compétences étroitement adaptatives. Les études que j’ai menées sur le management montrent, au contraire, que la différence en matière d’excellence dans ce domaine renvoie précisément à une éducation première structurante et à une solide culture générale. C’est sur cette base que l’acquisition de compétences directement opérationnelles et d’outils peut ensuite se faire et produire des effets. On fait tout l’inverse. On « fétichise » les méthodologies et les « boîtes à outils » les plus divers et on dénature la culture générale.Avant les attentats de Charlie Hebdo, le débat sur l’école portait sur la question assez superficielle des ABCD de l’égalité, mais après les attentats, on a cru brièvement que l’école pourrait redevenir un enjeu politique majeur. Or la question n’est en rien le rôle de l’école mais une énième refonte des programmes au nom de la pédagogie…Il faut prendre la mesure du décalage des idéologues et des responsables de l’Éducation nationale avec la réalité. Avant les attentats de janvier, la lutte contre les « stéréotypes sexués ancrés dans l’inconscient collectif » et la suppression des notes pour les remplacer par des couleurs occupaient leur esprit… Une morale de bons sentiments liée à une vision angélique des droits de l’homme, le féminisme et l’écologie transformées en nouveau moralisme tiennent de plus en plus lieu d’instruction morale et civique. Pendant un court moment, on a pu effectivement croire que l’Éducation nationale allait changer de discours et de pratiques. Les grandes déclarations générales et généreuses sur la République, le discours incantatoire sur l’« esprit du 11 janvier » ne peuvent masquer la réalité d’une déstructuration de l’école et du terreau éducatif qui ne date pas d’aujourd’hui. La « refonte des programmes » est un pis-aller, en même temps qu’il prolonge ce processus de déstructuration. Nous sommes arrivés à un point limite où le discours sur la modernisation et les réformes qui s’entassent ne sont plus crédibles et audibles par une bonne partie de la population, ce qui n’empêche pas les responsables de faire comme s’il n’en était rien. On ne s’en sortira pas par une « énième réforme » en continuant à charger l’école de multiples objectifs. C’est l’ensemble du système éducatif et de l’enseignement qui est à reconstruire, comme cela s’est fait au lendemain de la guerre, autour de grands axes que sont la socialisation, le développement de l’apprentissage et de l’enseignement professionnel, la culture générale qui allie les connaissances scientifiques et techniques avec une claire définition de l’enseignement des « humanités » aujourd’hui, en redonnant toute sa place à la littérature, à l’histoire, à la philosophie... C’est cet ensemble qu’il s’agit de rendre clair et cohérent, ce dont se montrent incapables les nouveaux idéologues de l’Éducation nationale. -
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« L’essence de la France »
« Vouloir s’en prendre à une église, c’est s’en prendre à un symbole de la France, c’est l’essence même de la France qu’on a sans doute voulu viser. » Il est assez rare que Manuel Valls prononce une vérité pour qu’on le signale. Hélas, qui sera dupe des manœuvres électoralo-sécuritaires d’un premier ministre qui dit tout et son contraire selon les saisons, trop seulement mû par l’amour du pouvoir, comme son modèle « de droite » Nicolas Sarkozy ?
On se souvient que certains avaient voulu voir dans l’ancien et peut-être futur président de la République le Bonaparte du temps, qui rendrait à la religion catholique ses lettres de noblesse et sa place véritable dans la société. On était même allé jusqu’à en faire l’inspirateur de la Manif pour tous… En vérité, ces deux-là, Valls comme Sarkozy, ont sans doute en commun avec l’Empereur de vouloir des religions à leur botte, simples instruments de manœuvre sociale, réduisant judaïsme, islam et catholicisme à des lobbies, au même titre que les associations de chasse ou de rollers, réservoirs électoraux dans lesquels on pioche selon les besoins. Un concordat, ce peut être une bonne idée originairement, meilleure en tout cas que la « séparation » qui n’a jamais fait la preuve depuis 1905 de ses bienfaits, le surnaturel et son cortège de rites, de cérémonies, d’art de vivre, cascade évidente d’une foi quand l’on connaît l’homme, revenant au galop comme l’on sait. La France crève de sa dénégation de ce que l’on nomme affreusement le « fait religieux », qui désigne en réalité la nourriture la plus immédiate, substantielle et nécessaire de l’être humain. On n’a jamais vu qu’aucun peuple vive sans religion, fors ceux que l’on soumet au totalitarisme, totalitarisme désignant très exactement ceci, l’absorption de la conscience dans les règles de l’État. En ce sens-ci, la « République » telle que l’invoquent nos politiques actuels, et cela vaut depuis Mélenchon jusqu’à Marine Le Pen en passant par Hollande-Valls et Sarkozy (qui s’est récemment excusé d’avoir causé d’identité dans son mandat précédent, quand, dit-il, seule la République nous rassemble), revêt de plus en plus une symbolique totalitaire.
Mais l’on nous fait accroire que parler d’abord et surtout de la France serait retomber dans le pétainisme ou la réaction, allergie athée qui se double d’une volonté de ne pas stigmatiser nos nouveaux concitoyens dont les racines auraient plus de poids que leur nationalité récente. Mais à force de n’en plus faire des Français, on n’en a pas fait non plus des « républicains ». Une République tout court, cela ne veut d’ailleurs rien dire, et l’on ne sait si l’on vit sous la Rome pré-impériale, dans l’Espagne anti-franquiste ou chez les fascistes de Salo, à prononcer le mot solitaire. Cela rappelle le mot du cinéaste Jean-Luc Godard sur les États-Unis disant que c’était un pays somme toute sans nom, tant on trouve d’« États-Unis » un peu partout dans le monde.
Bref, à seriner république toute la sainte journée, on perd le moyen de continuer une société cohérente, une nation dont les habitants se sentent liés. On peut arguer de la langue, des mœurs, de la cuisine, du vêtement, qui feraient du Français un être à part le reste du monde. Malheureusement, on ne le voit que trop, tout ceci est en train de passer à grande vitesse, l’islam venant s’enter là où il n’y avait plus rien, et l’on assiste à des prières sur tapis de jeunes têtes blondes, peuple perdu sans église qui très naturellement et très évidemment se tourne vers la seule communauté qui tienne et qu’il découvre en ouvrant sa porte. [....]
Jacques de Guillebon
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