Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1401

  • Gabriele Adinolfi présente son livre "Années de plomb et semelles de vent"


    Gabriele Adinolfi présente son livre "Années de... par kontrekulture

  • La République contre les travailleurs (article paru dans L’Action Française 2000, 05 mars 2015)

    Le 2 mars 1791, l’Assemblée constituante abolissait les corporations, à travers le décret d’Allarde. Le 14 juin suivant, la loi Le Chapelier interdisait la reformation de toute coalition professionnelle. Ainsi s’ouvrit l’ère “Le Chapelier”, dans laquelle toute représentation professionnelle fut bannie, jusqu’à son abolition en 1884. Il s’agit d’une page méconnue et pourtant centrale de l’histoire de la Révolution, dont les héritiers répètent ad nauseam qu’elle fut faite au nom du peuple, n’a pas hésité à priver le monde du travail de structures séculaires qui organisaient sa défense tout en garantissant un contrôle de la production en termes de qualité.

    Ce triste anniversaire est une excellente occasion pour rappeler que Révolution, République et libéralisme sont un. Depuis le XIIIe siècle, l’artisanat et une partie de l’industrie se déployaient pour une large part dans le cadre corporatif. Une corporation réunissait l’ensemble des artisans d’un même métier de la même ville, selon une organisation hiérarchisée : maîtres, compagnons et apprentis. Ces métiers bénéficiaient d’un statut, accordé par le roi ou une municipalité, leur donnant une personnalité juridique, définissant leurs privilèges et leurs devoirs. Le respect de la règle du métier, la défense de celui-ci – face aux autorités et à la concurrence – et la formation des apprentis étaient la responsabilité des maîtres. La principale fonction de la corporation était de soumette ses membres à une stricte discipline professionnelle collective dans le but de fabriquer un produit de qualité au prix juste. Au XVIIIe siècle, les corporations mènent un combat désespéré contre la montée du capitalisme marchand. En effet, le grand combat des libéraux, tels Vincent de Gournay ou Turgot, a été, tout ce siècle durant, de détruire les corporations, au nom de la sacrosainte “liberté du travail”.

    L’avènement du libéralisme

    La Révolution, avènement du libéralisme, ne pouvait manquer de jeter à bas ces obstacles au libre marché, en privant au passage les travailleurs de structures pour se défendre. À travers le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier, se lit une volonté des nouveaux maîtres de la France d’empêcher les travailleurs de défendre leurs intérêts. L’État républicain naissant voit en effet dans les corporations un dangereux contre-pouvoir. Entre la défense de la liberté du travail et celle des salariés, la Révolution bourgeoise avait fait son choix. La République ne reconnaissant que les individus et l’État, sans intermédiaire, la liberté d’association, d’ailleurs absente de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, constituait une atteinte à la liberté individuelle. Ainsi, l’idéal du marché unifié autorégulateur, fondé sur l’offre et la demande et la libre concurrence entre producteurs, ne souffre aucun corps intermédiaire : il implique, au contraire, la liberté du marché, passant par l’universalisation des droits, l’uniformisation et la liquéfaction des sociétés. Il fallut donc supprimer toutes les barrières, d’où une lutte contre les privilèges, y compris ceux qui protégeaient certaines catégories populaires. Dans le même temps, le libre contrat devait devenir la base des rapports sociaux. La relation professionnelle devint un simple face à face sans arbitre, supposément égalitaire, entre le salarié et l’employeur. L’ouvrier devint suspect pour l’ordre public, comme l’illustra la mise en place du livret ouvrier, sous l’Empire (1803).

    Catholicisme social

    En réaction au régime “Le Chapelier”, dès le début du XIXe siècle, les milieux royalistes et catholiques proposèrent une alternative face à la paupérisation croissante des classes laborieuses. Ainsi naquit le catholicisme social, dans l’urgence de l’industrialisation galopante et de ses terribles conséquences sociales. Il déboucha sur une critique globale des structures sociales et économiques, des institutions et des mœurs du monde issu de 1789, dans un sens traditionnel, chrétien et corporatiste. Du fondateur de l’école sociale légitimiste, le vicomte Alban de Villeneuve-Bargemont, auteur d’une Économie politique chrétienne (1834), à Albert de Mun, en passant par René de la Tour du Pin ou encore Armand de Melun, Mgr Freppel, les milieux royalistes témoignèrent d’une sincère et constante volonté de protéger les travailleurs face au Capital libre. Cette lutte politique contre le libéralisme passa par la défense du dimanche chômé, la protection des femmes et l’interdiction du travail des enfants, la prévention contre les accidents du travail ou les aléas de la vie. Ce sont enfin ces catholiques sociaux qui furent les porteurs du principe corporatif à travers, entre autres mesures, la promotion du principe des retraites ouvrières et paysannes payées à partir de caisses corporatives autonomes. Nombre de leurs propositions essuyèrent le refus catégorique des républicains de gauche comme de droite, ou furent repoussées à l’après 1918.

    Proposer une alternative

    Aujourd’hui, la question corporative semble être passée au second plan ; cependant, la violence prédatrice du libéralisme n’a jamais été aussi visible. Alors que la non-civilisation libérale subit une nouvelle crise dont elle est coutumière, c’est à nous, nationalistes intégraux, qu’il convient de proposer une civilisation alternative, dont le socle reconnaîtrait la dimension organique de la société française : « Associons sans exception depuis les plus simples manœuvres, les suprêmes grands chefs, leurs collaborateurs de tous rangs, et, dans la vérité de la vie nationale, assurons-nous les occasions et les moyens de débattre l’ensemble et le détail de nos intérêts ! Cet organisme latéral doit devenir, soit aisément, soit difficilement, mais très sûrement, fraternel. Pourquoi pas ? L’Union du Syndicat est étroite et directe, elle le restera. Il peut y avoir une autre union large et durable aussi, comparable à ces unions territoriales qui rassemblent pauvres et riches, dirigeants et dirigés, dans le corps et le cœur d’une même patrie. Ce sera la Corporation. » (Charles Maurras, Mes Idées politiques, 1937)

    Charles Horace Action Française 2000

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?La-Republique-contre-les

  • Une CGT plus que centenaire

    À cet égard, et puisqu'on entre ici dans un débat plus que centenaire, certains événements doivent être rappelés.

    Le premier fut le vote de la Charte d'Amiens en 1906. Celle-ci définissait les rapports entre le syndicalisme français et les partis politiques. Pas question de s'inféoder à un quelconque parti politique. Or, la CGT actuelle est issue de la CGTU, c'est-à-dire d'une scission de la fondatrice. L'appareil de la CGTU n'était pas autre chose que celui du parti communiste apparu à partir du congrès de Tours de 1920 et de la bolchevisation.

    À la faveur de la seconde guerre mondiale les gens de la CGTU s'emparèrent de la vieille maison syndicale, au point que le secrétaire général de la CGT, Benoît Frachon puis ses successeurs siégèrent sans discontinuer, clandestinement d'abord, ouvertement ensuite, au bureau politique du Parti. Aujourd'hui le rapport des forces est devenu tel que l'on ppurrait presque se demander si ce n'est pas le PCF qui constitue une courroie de transmission de la centrale syndicale et de son homologue enseignante la FSU.

    Sa nouvelle grève, purement politique et socialement inutile, annoncée pour le 10 mars le prouve de façon surabondante. (1)⇓

    La liberté d'association "syndicale" avait été reconnue en 1884.

    Cette avancée sociale importante mettait un terme à la loi Le Chapelier votée en juin 1791. Celle-ci interdisait sous toutes ses formes la reconstitution des anciennes corporations. Les privilèges des vieilles jurandes remontant parfois au XIIIe siècle avaient été abolis par le fameux vote de principe de la Nuit du 4 août 1789, puis par le décret d'Allarde signé le 17 mars 1791 par Louis XVI. Mais au lieu de dresser un nouveau cadre légal aux organisations professionnelles ni la Convention ni le Code civil napoléonien ne voulurent permettre aux gens de métiers de se grouper pour défendre leurs "prétendus intérêts communs".

    Dès la première moitié du XIXe siècle par conséquent ce furent les adversaires du jacobinisme et du bonapartisme, mais aussi de l'orléanisme, qui se dressèrent les premiers contre cette interdiction. C'est ainsi que les premières protestations contre "l'exploitation manufacturière" et le vote des premières lois sociales vinrent de gens comme Armand de Melun ou Alban de Villeneuve-Bargemont (1794-1850) préfet du Nord, révoqué par Louis-Philippe puis député légitimiste. Cette tradition fut très présente dans la première révolte des canuts à Lyon en 1831.

    Proudhon-83423À partir de la révolution de 1848, un nouveau courant s'affirme sous le nom de socialisme. Celui-ci prend des formes antagonistes entre blanquistes, saint-simoniens, fouriéristes, proudhoniens etc. Marx, un peu tard-venu, développera une nouvelle école de pensée. Dès 1846 la rupture se consomme avec Proudhon qui le traitera de"ténia du socialisme". Dans une lettre du 17 mai 1846, Proudhon avait d'ailleurs exhorté son cadet Marx de façon prophétique :"après avoir démoli tous les dogmatismes a priori, ne songeons point à notre tour à endoctriner le peuple". Et il lui pose la question taboue par excellence : "Peut-être conservez-vous encore l'opinion qu'aucune réforme n'est actuellement possible sans un coup de main, sans ce qu'on appelait jadis une révolution, et qui n'est tout bonnement, qu'une secousse..."

    Proudhon meurt trop tôt, en 1865, année où est publié son dernier livre "De la Capacité politique des classes ouvrières". L'année précédente était née à Londres en 1864, la Première association internationale des travailleurs, d'où ses disciples seront peu à peu chassés par les adeptes de la secte marxiste.

    C'est donc en fait à la fois contre le marxisme et contre l'héritage révolutionnaire décrit plus haut (l'interdiction de reconstituer des associations ouvrières ou professionnelles) que se développera, à la même époque, dans les cercles catholiques ce qu'on appelle Doctrine sociale de l'Église.

    Chambord-15-03-05La filiation paradoxale de sa formulation part de la Lettre aux ouvriersdu comte de Chambord, texte de 1865, pour aboutir à l'encyclique fondatrice Rerum Novarum du pape Léon XIII en 1891. Entre-temps les cercles d'ouvriers et les travaux de La Tour du Pin vont étayer cette marche vers une doctrine qu'on présente comme "antilibérale", mais qui ne l'est que dans la mesure où par "libéralisme" on entendait à l'époque la politique des orléanistes, liés au "gros argent". (2)⇓

    Au bout du compte la liberté d'association constitue la revendication centrale. Elle n'aura rien à voir non plus avec le "corporatisme d'État" qui s'installera, de manière réglementaire et obligatoire, aussi bien dans l'Italie mussolinienne à partir de 1935 que sous le régime de la Charte du travail de 1941 dans la France occupée, et qui se prolongera dans les pratiques de planification de l'après-guerre.

     De ce point de vue le véritable antagonisme est celui qui oppose, et opposera de plus en plus, les libertés sociales aux économies étatistes, qu'elles se définissent elles-mêmes comme d'inspiration marxiste ou technocratique.

    Chrétiens et proudhoniens se retrouveront ainsi côte à côte, luttant pour la liberté humaine contre les continuateurs du culte de Moloch, de Léviathan ou du Veau d'Or. Et qu'ils ne s'inquiètent pas d'être qualifiés "ultra-libéraux". Leurs adversaires n'ont jamais cessé d'être des ultra-esclavagistes.

    JG Malliarakis       

    150305-latourdupinApostilles

    1.  cf. Chronique des événements courants du 5 mars : "CGT-SNCF  : la grève totalement politique du 10 mars"sur le site de l'Institut d'Histoire sociale 
    2.  On peut commander le livre de René de La Tour du Pin "Vers un ordre social chrétien", 440 pages, 25 euros : 
      - par internet sur le site des Éditions du Trident
      - ou par correspondance en adressant un chèque de 25 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris

    → Pour être tenu au courant de nos chroniques, il suffit de s'inscrire à la liste de diffusion de L'Insolent en adressant un message à : <courrier.insolent-subscribe@europelibre.com>

    http://www.insolent.fr/