Il est toujours contre-productif voire stupide de se mettre des œillères, essentiellement pour tout ce qui touche aux comportements humains. Pourquoi, ne serait-ce que politiquement parlant, avons-nous souvent des difficultés à entrer en contact avec certaines personnes, ou à les intéresser ? Une partie de la réponse se trouve dans le titre de cet article : car elles n’ont le goût de rien.
Il est essentiel de le réaliser : la majorité de nos contemporains ne sont pas intéressés par quoi que ce soit de véritable. Ils s’occupent, tout simplement. Ils occupent leur temps libre par besoin de faire quelque chose, pas par intérêt réel. Parlez autour de vous, avec vos collègues, certains membres de votre famille etc. N’avez-vous jamais constaté ce vide de leurs êtres, leur attachement à parler de tout ce qui est le plus plat, le plus insipide, le plus minable ? Ils n’ont aucune conversation pour la simple et bonne raison que rien ne les intéresse (ou ne les touche) réellement. Quelle aubaine pour que le système perdure ! Des cerveaux vides, on peut les remplir de tous les ersatz possibles. Foot, shopping ? De l’occupationnel instigué par le système. Le fait de regarder la télé et de rabâcher bêtement les inepties de notre époque ? Le système encore ! Qui utilise le peu de cerveau encore disponible à cette fin. On a fait des gens de véritables zombies, incapables de réaliser qu’on les enterre peu à peu. Fatigués de tout, découragés et pleutres, les problèmes et enjeux réels de leur époque ne peuvent les toucher, hormis quand cela atteint leur porte-monnaie… La politique ? Laissons cela aux autres. Militer pour des idées, dénoncer le système ? Dangereux et à quoi bon perdre son temps d’occupationnel à cela ? Esclaves oui, mais volontaires par paresse. Se laisser porter par les douces ondes du système est leur seule attente réelle ; on pense et on agit pour moi vu que mon état lymphatique me va très bien ou alors je branche la perfusion de « plaisirs » que le même système me propose pour oublier qu’il me détruit.
Ce goût de rien conduit irrémédiablement –à plus ou moins long terme- à l’indifférence et à l’individualisme quand ce n’est pas à la drogue, à l’alcool et à la dépression et ses variantes, qui nécessiteront fatalement force médicaments incapacitants et addictifs, enrichissant toujours davantage l’une des grandes puissances de notre époque : le lobby pharmaceutique. La chute de l’individu lambda est implacable : il s’affaiblit… et à tous les niveaux (intellectuel, physique, moral, social…). Bien que l’homme moderne soit lobotomisé, une petite part de lui vient toujours lui rappeler que sa vie est finalement bien merdique et qu’elle ne poursuit aucune autre quête que celle des chimères de cette époque vide de sens. Ce mal-être généralisé, que les gens n’ont même plus la décence de cacher tant la surenchère de la complainte est devenue la norme de toutes les conversations, constitue du pain béni pour le système. Cette magnifique société étouffe encore plus toute résistance d’un peuple qui, humainement égoïste, va avant tout penser à remontrer sa propre pente (généralement en vain…merci les psys collabos) et donc être bien loin de réaliser que son salut ne pourrait venir que d’une opposition réelle et collective… mais encore faudrait-il avoir envie de faire quelque chose…
Le système s’attaque justement au peuple dès sa plus tendre enfance en faisant voler en éclat son insouciance, puis redouble d’énergie chez l’adolescent, là où justement l’enfant est le plus vulnérable psychologiquement. Il prolonge ainsi son mal-être jusqu’à l’âge adulte et plus encore, ayant réussi à piétiner toute flamme, toute ardeur, toute rébellion chez un individu qui ne pourra se tourner que vers ce que lui propose une société qu’il est urgent de détruire : du vide, rien que du vide sous un masque d’abondance, de « culture » et de bonheur virtuel. Victime du néant de son époque, et ce, du berceau à la tombe, le peuple est rendu dépendant par un système qui fournit les remèdes factices aux maladies qu’il génère et reste dans la passivité la plus totale quant à son sort et à sa destinée.
Les êtres les plus intéressants sont pour la plupart des passionnés, à un titre ou à un autre, à partir du moment où ils croient en quelque chose, qu’ils poursuivent un idéal avec foi. Et ces passionnés-là sont acteurs de leur vie et sont ceux qui veulent combattre, résister et changer les choses. A partir du moment où l’on décide de déchirer la sordide couverture qui nous tient sournoisement chaud mais qui nous gratte et nous étouffe, mais également de se rassembler entre êtres conscients, volontaires et actifs, la dépression disparaît, la « grande santé » revient, et ce pour quoi nous sommes faits recouvre enfin tout son sens.
Ann et Rüdiger
http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/03/24/le-gout-de-rien-ou-comment-l-homme-se-perd-5327082.html
culture et histoire - Page 1608
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Le goût de rien ou comment l’Homme se perd…
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Liberté, égalité, fraternité (2)
II – Égalité
La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Égalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux.
Charles Maurras, Romantisme et Révolution, préface
Contradiction apparente
Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier, en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.
Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme sont complémentaires dans la mystique démocratique puisqu’ils relèvent du même principe faux, l’autonomie de l’individu.
Les conséquences de l’Égalité
Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.
Le pouvoir, en république, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre réglera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.
La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’État-providence.
En voulant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.
« Les libertés, cette énonciation est un non sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » (1) Le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya (2). C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le bien commun.
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2743 – du 5 au 19 mars 2008
(1) Je suis celui qui suis. Actes et Paroles, tome II.
(2) Léon Daudet, Fantômes et Vivants. -
Colloque: Europe-marché ou Europe-puissance - Samedi 26 avril - Paris
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2e journée régionale de Synthèse nationale - dimanche 13 avril 2014 - Lille
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In Memoriam - L'alchimiste
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AFE [Aix] Cercle du mardi 25 mars
L’AFE d’Aix annonce le prochain rdv du cercle Mistral, le mardi 25 mars 2014 à 18h00 sur le thème de "La Monarchie, une idée d’avenir ? " par Hussard.
Renseignements :
aix.etudiants@actionfrancaise.net
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Des Racines et Des Ailes : Château de Versailles - Le Nôtre, un génie français (reportage complet)
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Liberté, égalité, fraternité
I - LIBERTÉ
Il y a quelques mois, nous avons cité et commenté une page du Mythe de la Liberté où Sisley Huddleston montrait que cette mystique menait à l’oppression et à la terreur : « Le vrai symbole de la Liberté, écrivait-il, c’est la guillotine, et je voudrais qu’à l’entrée du port de New-York, à la place de la déesse à la torche, on mît l’échafaud où ont fini toutes les revendications humaines au nom de la Liberté. »
Dans la préface de Romantisme et Révolution, Charles Maurras consacre quelques pages aux trois termes de la devise républicaine. Il le fait dans une autre perspective en allant à l’essence même des principes. Ces pages capitales seront reprises dans Sans la muraille des cyprès… (J. Gilbert, Arles, 1941).
« Des trois idées révolutionnaires que nous avons inscrites sur nos murs, la première, le principe de la liberté politique, constitutif du système républicain, a tué le respect du citoyen, je ne dis pas seulement pour les lois de l’État qu’il considère comme de banales émanations d’une volonté provisoire (comme l’est toute volonté), mais aussi et surtout pour ces lois profondes et augustes, leges natae, nées de la nature et de la raison, où les volontés du citoyen et de l’homme ne sont pour rien : oublieux, négligent, dédaigneux de ces règles naturelles et spirituelles, l’État français perdit prudence, exposé ainsi à fléchir. »
La liberté politique posée comme principe absolu rend les lois de l’État révocables par le suffrage des élus ou le suffrage de tous les citoyens. Elles ne sont plus que des règlements provisoires qu’on observe sans les respecter ; si on ne les approuve pas, on prend son mal en patience en militant pour un changement de majorité au prochain scrutin.
Les républiques antérieures à la Révolution avaient leurs tares, mais elles avaient également leurs freins : la loi naturelle (leges natae), « les lois divines et humaines », comme dit Cicéron, devant lesquelles le Conseil ou le Sénat, les assemblées populaires de l’Agora ou du Forum ne pouvaient que s’incliner avec respect. Au-dessus de la Cité régnait la Loi qui la gardait et la protégeait.
Frénésie destructrice
Avisant un jour dans une galerie de son palais une personne qu’il ne connaissait pas, Henri IV, voulant savoir de quel grand seigneur dépendait ce simple gentilhomme, lui demanda à qui il appartenait. « À moi-même » répondit l’homme avec une certaine impertinence. « Vous avez là un bien sot maître », répliqua le Béarnais. Le citoyen de la République française dépend lui aussi d’un bien sot maître, sa volonté, capricieuse, fluctuante, influençable et malléable.
Pendant longtemps, le poids du passé préserva la République de l’exercice complet de la Liberté, les lois naturelles furent respectées malgré de sérieuses entorses sociales et morales, parce qu’on ne pensait pas à les violer par principe. Mais depuis plusieurs dizaines d’années la démocratie est entrée au plus intime des moeurs ; elle atteint et dépasse le niveau de la démocratie politique. Une frénésie de bafouer, de détruire a saisi notre société. Les lois les plus élémentaires de la famille, les lois fondamentales de la Vie et de la Mort sont remises en cause. Après avoir désacralisé le mariage, par exemple, la liberté politique absolue veut le faire descendre au-dessous de l’accouplement des animaux. Ne sollicitons pas un texte de Maurras au-delà du raisonnable ; il n’a pas pensé au PACS ou au mariage entre personnes du même sexe, mais il a bien discerné que la Liberté, dans son essence, menait à la ruine et à la mort : « Il ne faut pas dissimuler que l’on court le risque de voir ainsi s’éteindre l’homme même, l’homme politique et l’homme raisonnable, l’homme artiste et l’homme chanteur. Qui prolonge la double courbe romantique et révolutionnaire ouvre à l’Esprit une ample liberté de mourir. »
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2742 – du 21 février au 5 mars 2008 -
La "Révolution Orange" et ses conséquences chaotiques
Georges Feltin-Tracol - Réflexions à l'Est - Si près de l'Ours - L'Ukraine, un État par défaut ? - La "Révolution Orange" et ses conséquences chaotiques - p. 88 à 90
Des trois cofondateurs slaves de la C.E.I., l'Ukraine est l’État qui a subi les désordres politico-économiques les plus constants. Au contraire du Bélarus qui, dés 1994, restaura l'ordre avec le président Alexandre Loukachenko, et de la Russie à partir de 1999 avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine , l'Ukraine pâtit toujours de l'incurie d'une classe politique kleptocratique inféodé aux oligarques locaux venus des centres industriels de l'Est (Dniepropetrovsk par exemple). Ce désordre chronique semble néanmoins compensé par une vitalité civique plus élevée chez les Ukrainiens que chez leurs cousins russes ou bélarussiens quand bien même reste fort un sentiment individualiste replié sur la seule cellule familiale. Ainsi, en février et mars 2001, après que la police eut retrouvé le cadavre du journaliste Guéorgui Gongadzé qui enquêtait sur la corruption, des milliers d'Ukrainiens manifestèrent en plantant des tentes sur le place Maïdan de Kyiv. Ils réclamaient la démission du président Léonid Kouchma. Par delà son échec, ce vaste mouvement de protestation préfigurait la célèbre "Révolution Orange" de l'hiver 2004-2005.
On a beaucoup glosé sur cette révolution de couleur paradigmatique des actions similaires survenues en Serbie, en Géorgie et au Kirghizistan. Des observateurs avisés y ont vues les manœuvres d'officines para-institutionnelles étasuniennes ainsi que la main du magnat de la finance apatride internationale, George Soros. C'est juste, mais pas tout à fait exact. La "Révolution Orange" provient de la convergence d'une échelle aspiration populaire au changement, d'un ras-le-bol général à l'encontre de Kouchma et de son dauphin, Viktor Ianoukovytch, et de l'appui discret - et efficace - d'organismes semi-clandestins subventionnés par l'Occident. En effet, des cénacles atlantistes jugeaient l'occasion appropriée pour évincer un "pion" de Moscou, refouler durablement l'influence russe de cet "étranger proche" et placer au pouvoir un dirigeant plus sensible aux sirènes euro-atlantistes... Soumis à la fois à une pression populaire considérable et à l'action des diplomaties occidentales, Kouchma organisa un troisième tour de scrutin présidentiel qui vit la victoire du nationalisme modéré anti-russe Viktor Iouchtchenko sur Ianoukovytch.
Mais, très rapidement, les jeux politiciens les plus stériles recommencèrent avec, au sommet, une lutte violente à trois entre le président Iouchtchenko et ses premiers ministres successifs, Ioula Timochenko et Viktor Ianoukovytch, ce qui plongea l'Ukraine dans une forme particulière de cohabitation mouvementée et délétère...
L'incompétence du gouvernement de Iouchtchenko, ses atermoiements, ses louvoiements, son inconsistance politique et sa volonté d' "ukrainiser" au plus vite l'Est russophone avivèrent les tentions entre les deux parties principales de l'Ukraine. Les polémiques s'aggravèrent, alimentées par les querelles mémorielles autour de l'Holodomor (le génocide - famine de 1932 - 1933) , du rôle de la résistance nationaliste ukrainienne pendant la Seconde Guerre mondiale (alliée objective des forces de l'Axe ou hostile à la fois aux Allemands, aux résistants polonais et aux Soviétiques ?) et de la figure controversée (et si attachante) de Stepan Bandera.
Aux élections présidentielles de 2010, la division du camp "Orange" entre le président sortant Iouchtchenko et son Premier ministre Timochenko, favorisa la victoire relative du "pro-russe" Ianoukovytch (5). Favorable à Ioula Timochenko, Andriy Okara estime que "l'élimination de Viktor Iouchtchenko ouvre de formidables perspectives pour le développement de l'identité ethno-culturelle ukrainienne. Mais, contrairement à ce que le président a voulu faire en cinq ans, cette identité doit être forte, sans complexes, plutôt que geignarde (6)". L'Ukraine n'intégrait-elle pas l'Union douanière eurasienne avec le Bélarus, la Russie et le Kazakhstan ? En effet, si Ianoukovytch et son Parti des régions bénéficient d'une audience maximale dans les zones russophones, il ne faut pas percevoir le nouveau président ukrainien comme l'agent de Moscou à Kyiv. Ianoukovytch est soutenu par l'homme le plus riche d'Ukraine (et 148efortune au monde), Rinat Akhmetov, le président de S.C.M. Holdings. Dans son sillage suivent d'autres oligarques dont les intérêts économiques et financiers ne correspondent pas à ceux de leurs homologues russes. Les oligarques russes aimeraient reconstituer à leur profit les anciens combinats soviétiques. Les oligarques ukrainiens, tout russophones qu'ils soient, regardent avec gourmandise le fructueux partenariat à venir avec l'Union européenne. Il est intéressant de noter qu'à peine investi président, Ianoukovytch fit sa première visite officielle non pas ua Kremlin, mais à Bruxelles auprès de la C omission européenne. il n'hésita pas à apparaitre très europhile aux médias occidentaux. Dans le même temps, les fragiles armatures étatiques ukrainiennes sont rongées par une corruption généralisées qui entrave lourdement les dynamisme économique. La corruption se révèle néanmoins indispensable pour survivre face à une législation touffue, inextricable et inapplicable qui étouffe toute véritable activité marchande. Les plus pénalisés en sont les P.M.E., les entreprises artisanales et les épiceries. Sans craindre d'asphyxier tout secteur privé véritable, les oligarques et leurs affidés cherchent à s'emparer des branches économiques les plus dynamiques, les plus prospères et les plus juteuses d'Ukraine. Mutatis mutandis, on retrouve à Kyiv, Kharkiv, Odessa ou Sébastopol une situation comparable à la Tunisie de Ben Ali d'avant la "Révolution de jasmin".
Conscient d'avoir été mal élu et du marasme économique, Viktor Ianoukovytch tente de restreindre les libertés publiques, dont celle de la presse. on sait peu que Ianoukovytch a nommé le patron d'une puissante chaîne de télévision privée à la direction des services secrets... L'actuel président essaye d'imposer une "verticale du pouvoir" à la Poutine. Mais l'Ukraine n'est pas la Russie. Le tropisme européen y est plus grand. En réponse à ces manœuvres grossières, la populations ukrainienne réagit parfois avec virulence quand elle est aidée par les mouvements nationalistes autonomes. Alors, demain la révolution ?
Des commentateurs se le demandent en prétextant de la double nature de l’Ukraine. Si, à Oujhorod et à Lviv, l'atmosphère est encore mitteleuropéenne avec une forte prégnance hasbourgeoise, à l'Est, en revanche à Donetsk ou à Louhansk, le visiteur se sent déjà dans les plaines eurasiennes. Le destin de l'Ukraine est-il l’éclatement en une Galicie (ou Ukraine occidentale) de langue ukrainienne et en une Ukraine orientale russophone plus ou moins rattachée à la Russie ? Probablement pas, car, malgré leurs différences, les Ukrainiens sont attachés à l'unité nationale. En 1991, lors du référendum sur l'indépendance entérinée à 90%, de nombreux russophones votèrent oui. Ce tiraillement entre l'Est et l'Ouest peut être dépassé par un attrait vers le Sud correspondant à la monté en puissance régionale de la Turquie.
L'Ukraine, la Turquie, l'Union européenne (avec la Roumanie et la Bulgarie) et à la Russie sont les grandes puissances du pourtour de la Mer Noire. On peut imaginer que, soucieuse de na pas choisir entre l'Europe et la Russie, l'Ukraine accepte en dernière analyse une forte aspiration avec la Turquie et se serve dans cette nouvelle perspective la présence en Crimée des Tatars pour en faciliter cette orientation la mise en œuvre. Cette orientation vers le Sud, ne lui éviterait toutefois pas de reconsidérer ses apports avec la Russie.
Source : L'heure Asie : http://lheurasie.hautetfort.com/archive/2014/03/21/la-revolution-orange-et-ses-consequences-chaotiques-5327940.html
Georges Feltin-Tracol http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAVupZAulevNdwnET.shtmlLien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
« La Quatrième Guerre mondiale » de Costanzo Preve
« L’Europe n’a donc devant elle que deux voies, comme Hercule à la bifurcation du chemin : ou bien accepter l’hégémonie absolue (le leadership) des Etats-Unis et en devenir un appendice touristique et “humanitaire”, ou bien chercher la voie d’une autonomie stratégique réelle, eurasiatique ou même euro-centrique (…) »
« La première opération symbolique à accomplir dans cette Quatrième Guerre mondiale doit donc viser, du moins en ce qui concerne l’Europe, à remplacer la manipulation “politique” gauche/droite par la nouvelle opposition bien explicite entre partisans de l’euro-atlantisme et de l’empire américain, d’une part, et partisans de l’eurasisme qui résistent à cet empire, d’autre part. » Changer de paradigme, voici ce que propose l’auteur de « La Quatrième Guerre mondiale (*) » : une analyse originale des événements historiques du dernier siècle et qui décrit la tentative de l’empire américain de s’étendre à l’ensemble du monde. Un livre à mettre en parallèle avec « Le Siècle de 1914 » de Dominique Venner (**).
Polémia.
Costanzo Preve (1943-2013) est un philosophe italien qui se définissait comme un marxiste « hérétique » et qui était un très fin connaisseur de la philosophie de Marx mais aussi de celle d’Aristote lequel était, à son sens, le maître penseur de la communauté. Costanzo Preve a écrit une centaine de livres dont seuls quelques-uns ont été traduits en français. Un de ses ouvrages, intitulé Eloge du communautarisme, a été publié en 2012 par les éditions Krisis, tandis que les éditions Armand Colin avaient publié son Histoire critique du marxisme en 2011. Les éditions Astrée viennent de faire paraître La Quatrième Guerre mondiale qui est un livre récent publié en Italie en 2008 dans lequel Preve fait une analyse de la montée en puissance de l’ « empire occidental » et de l’extension de sa domination culturelle au cours du siècle écoulé.
Première et Deuxième Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale a été l’occasion pour la jeune puissance américaine de s’inviter sur la scène européenne et elle lui a permis de prendre le leadership de nations européennes exténuées auxquelles elle a imposé sa vue du monde. Cette guerre marque donc le début d’un processus de domination géopolitique, économique et culturelle du monde qui n’est pas encore achevé et qui a pour objectif d’imposer la création d’une société mondiale uniformisée dans laquelle s’épanouira un capitalisme absolu (la logique de ce que Preve appelle « capitalisme absolu » est celle de l’incorporation intégrale de la décision politique dans la pure reproduction capitaliste).
« Quant à la deuxième guerre (…), elle ne fut en rien pour les Etats-Unis une guerre “antifasciste”, selon la fable politiquement correcte, mais une guerre géopolitique pour la conquête permanente de l’Europe et du Japon », conformément aux analyses des géopoliticiens anglo-saxons pour lesquels la puissance qui contrôle le heartland eurasiatique, c’est-à-dire le centre du continent qui s’étend de l’Atlantique au Pacifique, domine le monde (théorie énoncée par Halford Mackinder au début du siècle dernier). En conséquence, les Etats-Unis se devaient d’empêcher la conquête de cet espace par l’Allemagne, indépendamment de la nature de son régime politique.
Troisième Guerre mondiale
La période qui débute en 1945 et s’achève en 1991 correspond à ce qu’on appelle la guerre froide mais Costanzo Preve souligne que ce fut aussi une période de guerres chaudes ; pendant cette période il y eut presque en permanence des conflits au cours desquels les protagonistes étaient soutenus, les uns, par les Américains, et les autres par les Soviétiques.
Cette Troisième Guerre mondiale, faussement froide, s’inscrit en fait dans la continuité de la Deuxième, laquelle prolongea la Première. C’est parce que les Etats-Unis n’acceptaient pas que son allié soviétique de la veille dominât le heartland eurasiatique qu’ils menèrent cette guerre d’un genre inédit de 1946 jusqu’à l’écroulement de l’adversaire en 1989.
Quatrième Guerre mondiale
Au cours des années 1990, les Etats-Unis ont cru que leur domination allait pouvoir s’étendre non seulement à tous les pays du centre et de l’est de l’Europe, mais aussi à l’ancienne Union soviétique. Le livre de Zbigniew Brzezinski intitulé Le Grand Echiquier, publié en 1997, traduit parfaitement le sentiment et les intentions américaines. Brzezinski, qui pensait alors que les Etats-Unis avaient atteint l’objectif fixé par Mackinder, n’avait pas imaginé qu’un homme, Vladimir Poutine, allait renverser la table et changer le cours de l’histoire (lire à ce sujet les analyses d’Aymeric Chauprade). Depuis l’an 2000, Vladimir Poutine a restauré l’Etat russe et a redonné des couleurs à sa puissance militaire et à son système économique, ce qui déplaît terriblement aux Etats-Unis et à tous leurs « vassaux » (dixit Brzezinski). La renaissance d’une Russie patriotique et très conservatrice, réfractaire à l’idéologie et à la culture occidentales, constitue un obstacle majeur pour le projet « messianique » d’unification de l’humanité.
Pour Preve, la caractéristique la plus intéressante du messianisme états-unien est d’être :
…un messianisme dépourvu de véritable promesse messianique. Les promesses messianiques regardent en général le présent comme une réalité imparfaite, inepte, corrompue, qui doit être « rachetée » par l’avènement final d’une autre réalité, qui restaurera en quelque sorte le monde originel. Il n’y a rien de semblable dans le messianisme des Etats-Unis. Il est vrai que ce messianisme se fonde sur un projet d’homogénéisation globale du monde entier, qui est justement l’objet de l’actuelle Quatrième Guerre mondiale ; il est vrai aussi que cette homogénéisation n’a pas encore été réalisée, et qu’il s’agit de la mener à terme ; mais son projet suit son cours, il est présent sous nos yeux, il est déjà manifeste, c’est « La maison sur la colline », visible de partout dans le monde entier : l’impérialisme des Etats-Unis.
En tant que catégorie historique, la nation, en particulier sous sa forme moderne d’existence qui est celle de l’Etat-Nation, demeure inassimilable à l’Empire américain en tant que tel. Du moment que l’Empire américain trouve son origine dans un Etat-Nation particulier, les Etats-Unis, messianique et expansionniste, la destruction de toutes les autres nations du monde doit s’accomplir (…), en ruinant sur un plan géopolitique la souveraineté des autres, en ne conservant que certaines caractéristiques exotiques pour le seul marché touristique (…). Le processus prendra fin quand les nations ne seront plus que de simples ressources pour le marché touristique ; alors pourra commencer le dernier stade de leur existence, par l’adjonction de la langue anglaise obligatoire aux « dialectes nationaux » en voie de dépérissement.
L’hostilité que l’hyperclasse mondiale (pour laquelle les Etats-Unis sont le bras armé et le modèle) voue à la Russie est une conséquence du rejet par cette dernière du processus d’homogénéisation voulu par la première. La Russie apparaît de plus en plus clairement comme le principal môle de résistance au processus d’homogénéisation de l’humanité voulu par l’oligarchie occidentale, ce qui explique l’hostilité permanente et l’hystérie qui frappe fréquemment les « élites » et les médias occidentaux comme c’est le cas depuis quelques mois au sujet de l’affaire ukrainienne.
Vers un nouveau paradigme
« L’Europe n’a donc devant elle que deux voies, comme Hercule à la bifurcation du chemin : ou bien accepter l’hégémonie absolue (le leadership) des Etats-Unis et en devenir un appendice touristique et “humanitaire”, ou bien chercher la voie d’une autonomie stratégique réelle, eurasiatique ou même euro-centrique. »
La caste des politiciens qui tirent les ficelles, tant à Bruxelles que dans les capitales nationales, a choisi la première voie ; ainsi, en France, nous n’avons jamais connu un tel suivisme que celui de François Hollande, lequel prend clairement ses ordres à Washington. Mais, d’une part, de nombreux peuples européens ne partagent plus l’engouement de leurs « élites » pour les Etats-Unis (en France, en Espagne, en Allemagne… les opinions favorables aux Etats-Unis sont très minoritaires) et, d’autre part, le leader occidental donne des signes de faiblesse et de déclin, au moins relatif, ce qui permet d’envisager un futur retournement des peuples européens contre le projet d’uniformisation de l’humanité dans le cadre d’une société « capitaliste absolue » ; mais nous n’en sommes pas encore là, tant s’en faut.Pour combattre efficacement ce projet, il convient de ne pas se tromper sur le sens du combat qui doit être mené :
La première opération symbolique à accomplir dans cette Quatrième Guerre mondiale doit donc viser, du moins en ce qui concerne l’Europe, à remplacer la manipulation « politique » gauche/droite par la nouvelle opposition bien explicite entre partisans de l’euro-atlantisme et de l’empire américain, d’une part, et partisans de l’eurasisme qui résistent à cet empire, d’autre part.
En effet, le simulacre de démocratie que nous octroie l’hyperclasse est articulé autour de la compétition entre ce que les médias appellent la droite et la gauche, lesquelles ne sont que deux factions qui sont au service de son projet mondialiste. Pour Costanzo Preve, il est essentiel d’en finir avec cette opposition factice qui dissimule et, surtout, qui nous fait oublier les vrais enjeux.
Bruno Guillard, 19/03/2014
(*) Costanzo Preve, La Quatrième Guerre mondiale, éditions Astrée, 2013, 216 pages.
(**) « Le Siècle de 1914 / Utopies, guerres et révolutions en Europe au XXe siècle »
par Dominique Venner
http://www.polemia.com/la-quatrieme-guerre-mondiale-de-costanzo-preve/Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire