culture et histoire - Page 1604
-
Vae victis - Ce soir...
-
L'antisémitisme, maladie ou conséquence ?
-
Apprendre à penser à l'école du réel
Jean de Rouen vient de publier une initiation à la philosophie (tome 1). Voici l'avant-propos :
"Le premier tome de cette initiation à la philosophie, Tout passe. Ne faut-il pas que quelque chose demeure ? comprend trois parties distinctes :
A la découverte de la philosophie introduit le lecteur à la science philosophique : il y découvre que la philosophie est une connaissance dans ce qu’elle a de plus élevé et de plus ultime. L’esprit du philosophe épouse en effet la richesse et la densité du réel ; il s’introduit dans son intimité, pénètre ses secrets et le rejoint finalement dans ses principes les plus hauts et dans ses causes les plus profondes.
Origine, balbutiements, essor de la philosophie : histoire et cheminement de la pensée grecque fait observer au lecteur, à travers les premiers bégaiements de la pensée, le questionnement et la recherche philosophique prendre forme et aboutir en s’inscrivant dans la trame et les méandres du temps, en s’immisçant dans les vicissitudes de l’histoire. Genèse et développement d’une pensée qui, trois siècles durant, va mûrir un trésor intellectuel dans lequel puisera abondamment l’âme de notre civilisation européenne.
Le christianisme lui-même assumera finalement les ressorts de la pensée grecque, tant il est vrai que toute théologie repose sur une structure de pensée philosophique et que la Révélation s’adresse à une intelligence formée et disposée à la recevoir. Comme la grâce se greffe sur la nature et la chrétienté s’enracine dans l’ébauche d’une cité temporelle, la Révélation suppose l’intelligence à laquelle elle s’adresse et dont elle sollicite moins l’abdication que l’adhésion. Nous admirerons en quoi et comment la philosophie grecque, portée à son achèvement par Aristote, s’avérera être le terreau intellectuel providentiellement le plus favorable et le plus fécond pour recueillir avec fruit le joyau de la Révélation chrétienne.
La démarche intellectuelle du philosophe : logique et méthodologie exposera les exigences intellectuelles requises pour construire et mener à son terme une réflexion philosophique. La méthodologie ainsi étudiée, qui se conforme à la démarche de l’intelligence qui opère, s’enracine dans la logique dévoilée par Aristote, laquelle sera par conséquent esquissée. Quelles dispositions l’intelligence doit-elle adopter face à une question philosophique ? L’étudiant trouvera dans cette partie les armes intellectuelles pour réaliser une dissertation ou un commentaire de texte.
Quant au deuxième tome à venir, dans le prolongement de celui-ci, il consistera dans une approche notionnelle et thématique :
Car la philosophie jette les plus hautes lumières de la raison naturelle sur l’ensemble des réalités, des plus communes aux plus ultimes. Elle répond ainsi aux questions fondamentales que se pose l’intelligence humaine à propos, tout aussi bien, de la nature, de l’homme, de Dieu, de la vérité, de la morale, de la politique, ou encore de l’art.
L’ouvrage soulèvera alors les grandes problématiques que rencontre et formule l’intelligence lorsqu’elle affronte ces différentes réalités. Ces problématiques sont l’expression de l’étonnement et du questionnement de l’homme face au réel : car l’homme, fondamentalement en quête de sens, cherche à comprendre.
L’ouvrage exposera ensuite les pistes de réflexions qu’apportent les différents courants philosophiques, ainsi que les divergences qui les distinguent : c’est précisément dans la confrontation des idées qu’apparaissent avec davantage d’évidence, et que sont révélés avec plus de clarté, les problèmes philosophiques.
Viendra enfin le temps d’éclairer la résolution des problèmes à la lumière de la tradition philosophique européenne dont la sagesse puise ses racines dans la Grèce antique.
Se dessinent alors, à travers l’étude de ces différentes notions, les grandes structures de pensée, sous-jacentes aux différents positionnements, ainsi que la vision dernière de l’homme et du monde sur laquelle elles reposent."
Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, plus ou moins philo, tradition 0 commentaire -
Faits & Documents n°374 du 1er au 15 avril 2014 – Portrait : Alain Finkielkraut
Le nouveau numéro de Faits & Documents du 1er au 15 avril 2014 vient de paraître, avec (entre autres) un portrait d’Alain Finkielkraut.
Le 10 avril, l’ancien militant maoïste libertaire devenu un philosophe néo-cons (pro-américain, ultra-sioniste), à l’instar de son maître Benny Lévy, succédera sans doute au fauteuil de Félicien Marceau à l’Académie française. Positionné au cœur de l’intellocratie française, ce familier des plateaux de télévision et animateur de Répliques sur France Culture a su conquérir une large partie du public conservateur à l’aide de formules brillantes (« l’antiracisme est le communisme du XXIe siècle »). Exaltant aujourd’hui les racines de la France (« j’ai la nostalgie de la France »), il en fut pourtant l’un des contempteurs, participant largement à la destruction des valeurs identitaires. Comme quoi, les donneurs de leçons d’un jour seront les donneurs de leçons de demain, bien que s’étant plus que souvent trompés.
Faits & Documents n°374 du 1er au 15 avril 2014 – Portrait : Alain Finkielkraut
Je suis très nostalgique de la gauche mendésiste »
Alain Finkielkraut, Le Point (10 octobre 2013).« Il appartient à la gauche sioniste qui ne supporte pas qu’on attente au rêve d’Israël »
Philippe Gumplowicz, Le Nouvel observateur (17 octobre 2013).« Il fait honneur à l’intelligence française »
Nicolas Sarközy, 4 décembre 2005.« Pour Finkielkraut, défendre la France revient à défendre Israël et vice-versa »
Le Figaro Magazine (23 août 2013).« Dès 2003, il écrit que les enfants des cités pour lesquels il défilait au nom de l’antiracisme portent l’antisémitisme d’aujourd’hui. »
Marianne, 5 juin 2010Alain Finkielkraut est né le 30 juin 1949 à Paris. Son père, Daniel Finkielkraut (1904-1998), maroquinier rue Jean-Pierre Timbaud (Paris XIe) était né à Varsovie où il fut inscrit au Maccabi (club de sport juif). Arrivé en France dans les années trente, il sera déporté en juin 1942 tandis que sa future femme, une juive allemande née en 1920 à Lwow (autrefois en Pologne aujourd’hui en Ukraine), passa l’Occupation à Anvers avec de faux papiers. Mariés en 1948, ils furent naturalisés en 1950, en même temps que leur fils, qui avait alors un an. On parlait yiddish à la maison et le père, sioniste de la première heure, recevait chaque matin le quotidien yiddish Unser Wort (Notre parole). Ne fréquentant pas la synagogue et ne célébrant que Roch Hachana et Kippour, Alain Finkielkraut n’a pas été élevé dans la religion stricto sensu, n’ayant même pas été circoncis. Le Point du 10 octobre 2013 indique : « Timide, il ne vous regarde pas au visage, il regarde juste en dessous […] On ne le connaissait pas guilleret, ce grand bonhomme de 1,83 mètre voûté par le poids du monde, de l’étude et de l’intelligence. De l’« intellijuiverie », selon le mot d’Albert Cohen. Finkielkraut n’est pas circoncis (ses parents tenaient à ce que leur fils unique soit « assimilé »), il ne met presque jamais les pieds dans une synagogue et il ne fait pas Kippour, mais, en bon « juif imaginaire », il a un rapport viscéral à Israël, et ça lui plaît d’être surnommé « mon Rabbi » par l’une de ses amies. »
Ses parents l’inscrivent à l’école élémentaire des Récollets (Paris Xe) sous le nom de Fink pour éviter les jeux de mots, et l’éduquent en langue française : « Ils avaient une telle haine de la Pologne qu’ils n’ont pas voulu me refiler la langue. » (Libération, 19 avril 1999). Comme le résumait L’Evénement du jeudi (16 janvier 1992) : « Il a gardé « une nostalgie inépuisable pour la vie juive d’Europe centrale » dont ses parents sont originaires. Autrefois on aurait dit de lui : c’est un juif de gauche. » Vis-à-vis du judaïsme, Alain Finkielkraut a donc toujours nourri un complexe, se voulant à l’intérieur alors qu’il était, comme non circoncis, à l’extérieur : « La culture juive lui reste extérieure, il est dans un effort permanent d’affirmation. Il y a chez lui une jouissance inavouée à croire revivre ce que ses parents ont vécu » dit à son propos Théo Klein, ancien président du CRIF (décembre 2005). Ce qui le conduit à tout mélanger allègrement. Dans l’hebdomadaire officiel du PS, L’Unité, il écrivait en 1987 (n° 593) : « Il y a toujours un dérapage possible, il y a toujours l’ambiance de pogrom, qui s’installe dans un pays quand le racisme, au lieu de n’exister que dans le secret des consciences ou dans les conversations particulières, trouve un écho massif dans la vie publique. Le rôle de la politique ici, c’est d’endiguer les pulsions agressives, l’abjection individuelle. Le Pen fait l’inverse. Au lieu d’endiguer, il flatte. Il est le courtisan des passions basses […] Il n’en reste pas moins (…)Lire la suite : abonnez-vous à Faits & Documents, Lettre d’informations confidentielles d’Emmanuel Ratier – Abonnements France métropolitaine : 78 euros / an. Abonnements étranger et outre mer : 93 euros / an. En savoir plus : www.faitsetdocuments.com
-
Si vis pacem para bellum
Le Figaro Magazine - 01/02/2014
L'Européen contemporain n'imagine pas avoir à faire la guerre. Une réflexion du philosophe Robert Redeker.
En Centrafrique, au Mali ou en Afghanistan, de jeunes hommes ont récemment perdu la vie sous l'uniforme français. Quel écho rencontrent ces morts survenues dans le cadre militaire ? Dans la société, il est faible. En dépit du caractère populaire que conserve le défilé du 14 Juillet, un fossé se creuse, aujourd'hui, entre l'armée et la nation. Non pas en raison d'un antimilitarisme de principe, comme lors des années post-68 ; pas plus en raison de la suppression du service militaire qui, dans l'hypothèse où il serait rétabli, ne changerait rien à la configuration dont résulte ce divorce : rien n'empêche que, chronologiquement, géographiquement et mentalement, la guerre s'éloigne des Européens, au point que le soldat devient une figure impensée et donc « impossible », selon la formule de Robert Redeker. « L'Européen contemporain, observe ce dernier, ne peut se représenter lui-même en uniforme et en armes mourant dans des tranchées, agonisant au feu en rase campagne, au coin d'une rue, au nom de sa patrie. Ni au nom d'aucun autre idéal. Ce sentiment et ce sacrifice lui sont devenus étrangers. »
Agrégé de philosophie, auteur de nombreux essais et par ailleurs victime d'une quasi-fatwa, en 2006, à la suite d'une tribune à caractère polémique sur l'islam parue dans Le Figaro, menace qui lui vaut toujours de vivre sous protection policière et dans une semi-clandestinité, Redeker rappelle la place et le rôle de la guerre depuis les origines de l'humanité, et s'interroge pour savoir pourquoi la France et les autres nations d'Europe ont expulsé le combattant de leur imaginaire. Le traumatisme des deux guerres mondiales, la survalorisation de la construction européenne et son corollaire, le dénigrement de l'Etat national, fournissent l'essentiel de l'explication. Mais pas sa totalité. En philosophe, l'auteur désigne d'autres influences : la sensibilité victimiste, la disparition de l'altérité, la manie de la repentance. « Profondément ancrée dans la structure de l'humain, souligne Redeker, la guerre n'est pas inhumaine : elle est humaine, trop humaine. » Manière de rappeler que nous n'en serons jamais débarrassés, hélas ! et que le meilleur moyen de servir la paix reste de savoir faire la guerre.
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=316
Le Soldat impossible, de Robert Redeker, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 282 p., 23 €. -
Vae Victis - Casse sociale
-
L'énigme de Louis XVII relancée
Lu ici :
"Le mythe de Karl-Wilhelm Naundorff, mort en Hollande en 1845, qui prétendait être Louis XVII, le fils de Marie-Antoinette et de Louis XVI emprisonné à l'âge de 7 ans au Temple et décédé officiellement en 1795, est relancé par une nouvelle révélation. [...] [D]e nouvelles analyses démontreraient que son descendant direct est bien un Bourbon.
Cette découverte inédite revient au Pr Gérard Lucotte, généticien et anthropologue, et à l'historien Bruno Roy-Henry, à l'initiative de cette enquête dans les profondeurs moléculaires. C'est le descendant mâle de la branche aînée de Naundorff, un libraire de 40 ans vivant en France, qui a soumis ses gènes au microscope du Pr Lucotte. Il s'agit d'Hugues de Bourbon - la lignée des Naundorff porte le nom des Bourbons par «une courtoisie de la cour de Hollande», explique un historien, légalisée par plusieurs jugements de la justice française mais toujours très contestée par les Bourbons. Il est le fils de Charles Louis Edmond de Bourbon, descendant très médiatique de Naundorff, décédé en 2008, que beaucoup de gens appelaient «Monseigneur» en soulignant sa ressemblance criante avec Henri IV.
[...] Que le jeune Naundorff soit un Bourbon n'établit pas pour autant que «l'enfant du Temple» a survécu et qu'il est le fruit de sa descendance. Enfin pas encore. Cette découverte de Lucotte et Roy-Henry n'est que la première étape d'une série de travaux à venir. Pour savoir si Naundorff était bien Louis XVII, il faudrait établir son ADN complet. Or, il y a quatre mois, des cheveux de Naundorff ont été récupérés par des scientifiques. Qui chercheront à prouver que l'ADN mitochondrial Habsbourg - démenti il y a quinze ans - est bel et bien dans ses cheveux. Ces scientifiques remettent en cause la qualité et l'authenticité des prélèvements d'os sur Naundorff, lors de ces tests anciens, car le cercueil avait été ouvert en 1950 lors de la restauration du tombeau."
-
Musique et identité, un pouvoir à reprendre
« La musique est un moyen d’expression, donc le reflet d’une identité, celle des musiciens et de leur public. »
Toutes les récentes grandes manifestations d’opposition, quels qu’en soient les organisateurs, ont fait le choix de ne pas faire un enjeu de leur ambiance musicale. Cette position ne fait que traduire un abandon du domaine culturel. La musique est pourtant un outil indispensable de communication, de reconnaissance et d’agrégation des communautés attestant d’une volonté de prendre le pouvoir sonore sur un territoire.
La musique est un moyen d’expression, donc le reflet d’une identité, celle des musiciens et de leur public. Elle s’inscrit dans le moment de sa création, mais aussi dans le temps long de la mémoire d’un peuple à partir du moment où il s’identifie à elle par son écoute, mesurée par son audience et par sa pratique. Le chant grégorien et la musique sacrée sont identifiés comme le répertoire de l’Eglise, mais aussi comme appartenant au patrimoine musical de la civilisation occidentale et il n’est pas nécessaire de pratiquer la religion pour l’apprécier.
La musique sacralise le temps
La musique sert à sacraliser le temps liturgique, que ce soit dans le cérémonial religieux avec les clochettes ou dans le cérémonial militaire avec le clairon et le tambour. Ainsi que le faisait remarquer Bonaparte lors de la négociation du Concordat : « Quant à moi, je ne vois pas dans la religion le mystère de l’Incarnation, mais le mystère de l’ordre social ». Les sociétés, comme les individus qui les composent, sont en constante mutation, mais elles ont besoin de règles pour fonctionner. Ces règles contraignantes sont évidemment difficiles à supporter et les tentatives de transgression et de remise en cause sont constantes. Moïse descendant du mont Sinaï avec les Tables de la loi (1) apportait une solution : la loi n’est pas négociable car elle vient de Dieu. Comme l’avait bien vu Bonaparte, cette origine divine de la règle commune évite sa constante remise en cause. En ce sens, le contrat social que propose Rousseau est moins efficient, car toujours sujet de négociation. D’autre part, l’adhésion à la loi commune, quelle que soit son origine, a besoin d’être matérialisée régulièrement, c’est le rôle de la liturgie collective. L’Eglise a été en charge de cette expression pendant des siècles et la Révolution a mis fin à ce rôle. L’élimination de la caste des prêtres (2) lors du Serment du Jeu de paume s’est opérée au profit de l’armée qui n’intervient qu’en tant qu’exécutant, car les tentatives d’implantation de cultes révolutionnaires ont échoué, comme celles de proposer une religion alternative. Faute de mieux, Napoléon fait appel à l’armée pour mettre en œuvre cette indispensable liturgie. Le défilé du 14 Juillet en est une de ses expressions actuelles. Les critères sont bien présents : espace sacré (celui où évoluent les ministres du culte), signaux marquant les temps forts de la cérémonie, présence des autorités et du public qui manifeste ainsi son adhésion au cérémonial et, à travers lui, à l’expression du lien sociétal.
Il est d’ailleurs assez piquant de voir un même gouvernement s’en prendre à ses opposants venus huer le chef de l’Etat le 11 Novembre : « On ne peut pas utiliser un rassemblement de ce type pour s’attaquer aux valeurs de la République et de notre pays » (3), alors qu’il défendait le compagnon d’une ministre refusant d’occuper le siège qui lui avait été réservé pour la revue du 14 Juillet (4). Au-delà de l’anecdote, les deux événements sont révélateurs de l’importance de ces cérémonies dans l’expression du lien sociétal, en même temps que de l’état actuel de ce lien.
La musique est indispensable à l’expression du lien sociétal
La musique joue un rôle essentiel dans le déroulement du cérémonial : d’abord, dans les signaux car les batteries de tambour et les sonneries de clairon ne jouent pas de la musique mais transmettent des ordres qui sont des repères sonores connus de tous qui sacralisent le temps ; ensuite, dans les différents morceaux qui sont exécutés par les orchestres militaires. Leur répertoire a été réglementé à la fin de la Guerre d’Algérie (5), dernier grand conflit dans lequel a été engagée l’armée française et première occasion pour une partie de la communauté nationale de défendre son identité (6). Il est quasiment contemporain de la constitution de la Ve République, ce qui souligne son importance. Même s’il n’est destiné qu’à un usage particulier, les pièces de ce répertoire peuvent être considérées comme appartenant au répertoire commun à tous ceux qui se reconnaissent dans la communauté nationale. C’est bien dans la dénonciation de ce rôle de lien sociétal qu’il faut comprendre la citation attribuée (faussement ?) à Clemenceau disant qu’ « Il suffit d’ajouter “militaire” à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique. »
Les monarques ont toujours entretenu des musiciens, pour leur chapelle, pour leur divertissement et pour le prestige de leur gouvernement. Les formations musicales de la grande écurie sous Louis XIV constituent une étape majeure de l’établissement de ce système de représentation musicale fait pour édifier les populations et servir de modèle aux nations étrangères. La lente élaboration des orchestres de plein air au sein de l’administration militaire tout au long du XIXe siècle doit être envisagée comme un moyen de développer et d’entretenir cette cohésion sociétale qui culmine à la Belle Epoque dans les kiosques à musique, la musique cérémonielle officielle étant assurée par l’élite de ces orchestres, celui de la Garde républicaine. Les médias modernes ne faisant pas l’économie de cette indispensable identité sonore collective, l’Eurovision dans sa retransmission par la RTF en viendra à reprendre pour indicatif le Te Deum (7) de Charpentier composé sous Louis XIV.
L’ombre de Jdanov sur la musique
Le Parti communiste avait mis en application la doctrine de Jdanov (8) dès le début de la Guerre froide avec la collaboration de grands noms de la chanson. A partir du début des années 1960, il va savoir utiliser les chansonniers et les musiciens pour attirer des visiteurs à sa Fête de l’Huma. Les vedettes françaises et internationales en font un rendez-vous annuel de la musique. Si les résultats électoraux ne suivent pas, le PC peut continuer à diffuser ses messages auprès des jeunes générations. En arrivant au pouvoir en 1981, portée aussi par les musiques des radios libres, la gauche va rapidement surfer sur cette dynamique en lançant, dès 1982, une Fête de la musique dont la formule est reprise ensuite sur toute la planète. Après l’échec du Programme commun et pour appuyer son changement de politique, elle lance SOS Racisme qui organise un grand concert le 30 juin 1985 réunissant 300.000 personnes sur la Place de la Concorde. Ce modèle de grand rassemblement, initié par le Festival de Woodstock (9) en 1969, est dans l’air du temps, en 1979, toujours sur la Place de la Concorde, où Jean-Michel Jarre avait réuni 1 million de spectateurs venus entendre sa musique électronique. En juillet 1985, la campagne Band Aid est l’occasion de deux mégas concerts à Philadelphie (USA) et au stade Wembley (GB), avec enregistrement d’un disque auquel participent les grands noms de la chanson anglo-saxonne de l’époque. Trois millions d’exemplaires du disque sont vendus en faisant la deuxième vente de tous les temps. Le concert pour l’égalité le 14 juillet 2011 sur le Champ-de-Mars, organisé par SOS Racisme, réunit encore 1 million de personnes. Si la musique ne véhicule pas d’idéologie, elle rassemble les individus et transmet des émotions, la gauche l’a très bien compris en investissant un secteur clé pour contrôler la jeunesse. Depuis Jdanov, elle n’a fait que renforcer ses positions, ce qui est paradoxal vu le fonctionnement de la musique.
La musique s’inscrit dans la longue mémoire des peuples
En effet, contrairement à d’autres arts comme la peinture ou la sculpture, en musique il est impossible de s’affranchir des lois de l’harmonie, c’est-à-dire de la loi naturelle. D’autre part, la pratique d’un instrument nécessite un long apprentissage et un orchestre a besoin d’une organisation, d’un ordre (10). De plus, la musique s’inscrit dans la longue mémoire des peuples. Les compositeurs n’inventent rien, ils s’inspirent de mélodies et de rythmes qui appartiennent à la culture dans laquelle ils vivent. Ils puisent dans le passé, dans la mémoire : « Du passé faisons table rase » (11) n’existe pas en musique. La relecture du répertoire des chansons traditionnelles avait été initiée par Montand (12) et poursuivie par les folkeux des années 1970 ; on y est toujours avec Tri Yann (13) et la FAMDT (14). C’est encore une fois paradoxal, car les anciennes chansons sont l’expression la plus authentique de l’identité nationale et, qu’elles soient réinterprétées sur des instruments modernes ou par des musiciens « engagés » n’affecte en rien leur signification. Même si l’on invite des groupes des « musiques du monde » dans un festival de musiques celtiques ou occitanes, même si les interprètes expérimentent des métissages musicaux, l’identité des chansons traditionnelles reste perceptible, sinon elles seraient autres et l’original qui plaît au public disparaîtrait.
Le problème est différent pour des compositions modernes, mais alors la machine à diaboliser peut fonctionner et éliminer tout ce qui ne passe pas à travers ses filtres. En ce qui concerne les chansons, le rebut est suffisamment abondant pour dessiner des répertoires identitaires contemporains. Pour les musiques, l’éventail est encore plus vaste et passe surtout par les musiques de film et les compositions de musique électronique.
La musique est l’expression d’une identité
Les organisateurs des grandes manifestations de 2012 et 2013, dont certaines ont largement dépassé le million de personnes, ont choisi de ne pas se doter d’une identité musicale en phase avec leur discours politique. Quelle différence entre leur sélection musicale et celle de la Gaypride, de la Techno parade ou de n’importe autre grande manifestation parisienne ? Ce choix était délibéré : choisir de la « dance » pour se fondre dans des sonorités adoptables par tous, y compris ses adversaires, et ainsi ne pas faire de la musique un enjeu. Référence au sein de la droite nationale, Radio Courtoisie n’apporte pas non plus de réponse à la question de l’identité musicale. Officiellement le rock et l’anglais en sont bannis, même si certains patrons d’émission font quelques entorses au règlement. Les courants musicaux de la jeunesse ne peuvent pas bénéficier d’une émission dédiée et la musique classique reste la norme, le baroque y étant à peine toléré. Cette politique, qui ne rend pas compte ni de la diversité des répertoires français actuels ni des goûts des auditeurs, ne peut pas aider à définir une identité musicale contemporaine. En cela, la direction de la radio est bien en phase avec les représentants des grands courants « conservateurs », qu’ils soient politiques ou dans la rue. Car un constat similaire peut être établi pour la soirée anniversaire des 40 ans du Front national. L’animation était confiée à un groupe de rock rétro un peu passé de mode, Les Forbans (15), qui ensuite, questionné par les médias, s’est empressé d’expliquer qu’il ne partageait pas les idées du mouvement dont il était venu distraire les cadres et les militants : un aveu d’impuissance culturelle pour une formation politique qui aspire à prendre le pouvoir sans être capable de trouver des artistes correspondant à sa sensibilité. Cela est d’autant plus surprenant que Jean-Marie Le Pen a fondé une entreprise d’édition musicale reconnue (16), que dans le passé le FN et sa fête annuelle ont su offrir une scène à des artistes pouvant se permettre de partager officiellement ses valeurs et même fournir un relais politique à un courant musical nouveau, en l’occurrence le RIF (rock identitaire français).
La musique marque un territoire
Si elle ne véhicule pas d’idéologie en elle-même, ce qui n’est pas forcément le cas des chansons, la musique est un outil de convivialité, un référent collectif qui agrège les individus dans des harmonies et des sonorités reconnues par tous. Tous les régimes à toutes les époques ont utilisé la musique comme lien social et instrument de prestige. Rassembler autant de monde dans les rues et avoir l’ambition de prendre le pouvoir sans être capable de définir une identité musicale est une preuve certaine d’incompétence perçue plus ou moins consciemment, mais bien perçue par l’opinion. La musique délimite un espace sonore dans lequel celui qui la produit impose sa marque, son identité. Cette prise de pouvoir sonore occupe un territoire, appelle au rassemblement des individus. La production de sons et de musiques n’est jamais neutre, c’est un acte d’autorité perçu comme tel par ceux qui l’entendent. Il faudra bien se décider un jour à reconquérir une identité musicale.
Thierry Bouzard
Auteur de plusieurs ouvrages sur les chansons de soldats
Animateur du blog : http://chantmilitaire.blog.de
23/03/2014
Notes :
1. Cet exemple est évidemment transposable dans n’importe quelle société traditionnelle.
2. Comme l’a montré Dumézil, les sociétés indo-européennes sont divisées en trois castes : prêtres, guerriers et producteurs ; soit, sous l’Ancien Régime : clergé, noblesse et tiers-état.
3. Déclaration du ministre de l’Intérieur après l’arrestation de plus de 70 personnes, le 11 novembre 2013.
4. En juillet 2014, à l’Assemblée nationale, le député UMP Philippe Meunier s’en prenait à l’attitude de Xavier Cantat, compagnon de Cécile Duflot ministre du Logement, pour un tweet dans lequel il disait être « fier que la chaise à [son] nom reste vide au défilé de bottes des Champs-Elysées ».
5. Circulaire n° 42839/MA/CM/K du 15 novembre 1961.
6. Les chansons des Pieds-Noirs défendent une identité ignorée et même méprisée par les Français de métropole.
7. Le Te Deum est notamment chanté le 31 décembre dans la liturgie romaine. En France, il était toujours interprété pour le sacre des rois. Dans le cadre profane, cet hymne connu de toute la population était chanté dans toutes les occasions festives pour louer et remercier Dieu, particulièrement pour fêter les événements joyeux de la famille royale (naissances, mariages, guérisons, …) et les victoires militaires. Dans cet usage, il peut être considéré comme une sorte d’hymne national avant la lettre.
8. Andreï Jdanov devient, en 1934, l’idéologue en chef du PCUS et le bras droit de Staline.
9. En août 1969, le Festival de musique organisé à Woodstock, dans la banlieue de New York, rassemble autour de 500.000 personnes, marquant un tournant de l’histoire de la musique populaire.
10. Les tentatives d’orchestres sans chef des Soviétiques ont été de lamentables échecs. Comme d’ailleurs celle de définir quelle pouvait être une musique marxiste.
11. Paroles tirées du 1er couplet de l’Internationale.
12. Yves Montand enregistre l’album Chansons populaires de France en 1955. Il est censuré sur les radios, non parce que la sélection des morceaux avait été faite par des cadres du PC, mais pour incitation à l’antimilitarisme.
13. Tri Yann est un groupe de musique celtique fondé en 1970. Un de ses fondateurs, Jean-Louis Jossic, est adjoint au maire socialiste de la ville de Nantes jusqu’en 2014.
14. La Fédération des associations de musiques et danses traditionnelles est une antenne du ministère de la Culture qui coordonne toutes les actions dans ces domaines.
15. Groupe de rock’n roll rétro français créé en 1978.
16. Elle a reçu plusieurs fois le prix Charles Cros.
http://www.polemia.com/musique-et-identite-un-pouvoir-a-reprendre/ -
Les royalistes n’ont pas dit leur dernier mot
A la veille du conflit, en 1914, les royalistes veulent faire entendre leur voix. Le marquis de Roux milite activement pour le retour de la monarchie.
Dans le département, le royalisme n’est pas éteint en 1914, loin s’en faut.
La présence d’un quotidien, Le Courrier de la Vienne et des Deux-Sèvres, qui tire à 2.200 exemplaires en 1914 et critique avec virulence le régime républicain, est là pour nous le prouver. L’évêque de Poitiers, Mgr Humbrecht, a fait représenter sur son blason la fleur de lys, symbole de la royauté. A partir de 1903, le marquis Marie de Roux fonde la section poitevine de l’Action française dirigée par Charles Maurras. Ce dernier, dans les différents procès qui jalonnent sa vie politique, aura Me de Roux comme défenseur. Au printemps 1914, les comités royalistes de la Vienne organisent une réunion contradictoire à Poitiers avec, comme orateurs, Bernard de Vesins, propagandiste national et Paul Robain, le Poitevin.
A la tribune siègent le Vicomte de Cressac, président du comité royaliste, le marquis de Roux, Emile Robain, De Crémiers, le comte de Nuchèze, le Baron de Souville et Henri de Grandmaison, membres du comité. Est également présente la Vicomtesse de Courtis, présidente du comité royaliste des Deux-Sèvres, venue en voisine.
Il demande l’adhésion des masses [...]
Jacques Bouquet, docteur en histoire - La suite sur La Nouvelle République
-
tinéraire d'un soldat perdu
Le Figaro Magazine - 07/02/2014
Comment le républicain Salan est-il devenu le chef de l'OAS ?
Le 23 mai 1962, Raoul Salan est condamné par le Haut Tribunal militaire à la détention criminelle à vie, échappant à la peine capitale que voulait pour lui le chef de l'Etat. Comment Salan, officier de conviction républicaine, général le plus décoré de France, artisan du retour de De Gaulle aux affaires le 13 mai 1958, a-t-il été conduit à participer au putsch d'Alger, en 1961, puis à devenir le chef de l'OAS ? Pierre Pellissier, ancien journaliste au Figaro et auteur de nombreux livres touchant à l'histoire militaire, expose cet itinéraire paradoxal, de la notoriété et la gloire à la clandestinité et la prison, dans une biographie fouillée, pour laquelle il a exploité les archives privées de Salan. Le nom de ce dernier est resté attaché à la fin tragique de l'Algérie française, mais Pellissier éclaire l'état d'esprit avec lequel son héros a vécu cette période par sa vie antérieure.
Aspirant à Verdun en 1918, Salan gagne ses galons, entre-deux-guerres, au Levant puis en Indochine. Il en revient avec l'image d'un spécialiste, ayant appris plusieurs langues asiatiques, et le surnom de « Mandarin ». En 1940, il est de ceux qui se battent jusqu'au bout. Officier à Vichy, en contact avec la Résistance, il est muté en Afrique du Nord. En 1944, après avoir débarqué en Provence, il commande une division de l'armée de Lattre. Retourné en Indochine dès 1945, il prend le commandement en chef en 1952. En 1956, on lui confie le haut commandement en Algérie. Officier colonial par tout son être, passionnément attaché à l'Algérie française, Salan manifeste son désaccord avec l'orientation prise par de Gaulle à partir de 1959, ce qui lui vaut d'être poussé à la retraite en 1960. Interdit de séjour en Algérie, réfugié en Espagne, il rallie le putsch des généraux et s'engage dans l'aventure désespérée de l'OAS. Grand militaire, mais faible esprit politique, il avait été, montre Pellissier, plus le jouet des événements que leur moteur. Lors de son procès, il aura néanmoins le courage d'assumer toute sa responsabilité, même si celle-ci avait été plus nominale que réelle. Gracié en 1968, il aura fait six ans de prison. Selon sa volonté, sa tombe, à Vichy, est ornée d'un casque de poilu et porte cette simple épitaphe : « Raoul Salan, 1899-1984, soldat de la Grande Guerre. »
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=318
Salan, de Pierre Pellissier, Perrin, 600 p., 26 €.