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culture et histoire - Page 1611

  • L'abbé de Tanouarn a présenté Charles Maurras à Toulon

    L’abbé de Tanouarn était à Toulon ce dimanche 16 mars, au Café russe, pour parler de "l’héritage de Maurras pour la nouvelle génération 2014".

    L’assistance était essentiellement composée de jeunes désireux de mieux connaître les idées de celui sur lequel la presse et les politiciens fantasment de plus en plus.

    L’orateur a developpé l’idée que Maurras apportait aux jeunes d’aujourd’hui une approche empirique des problèmes, positive et non pas théologique, métaphysique ou idéologique.

    Beaucoup d’autres questions, comme la question de l’islamisme, furent abordées dans un riche débat.

    L’empirisme organisateur. la méthode maurrassienne d’approche scientifique de la politique, donne aux jeunes de 2014 les moyens de réfléchir et d’agir autrement que dans les cadres idéologiques officiels.

    Une délégation de militants de l’AF-Provence était venue de Marseille pour écouter cette excellente conférence. Ce fut l’occasion de prendre des contacts avec des jeunes Toulonnais disposés à s’engager pour diffuser encore plus les idées nationalistes et royalistes dans le Var

    Action francaise Provence

  • Rébellion #62: "De la colère à la Révolution!"

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    Disponible contre 4 euros à notre adresse :
    Rébellion c/o RSE Bp 62124 31020 TOULOUSE cedex 02

  • Droit constitutionnel et réalités politiques

    Sa véritable pensée sur les constitutions, Talleyrand l’a formulée en 1801 quand Roederer (1), chargé d’en préparer une pour les Cisalpins, lui soumet un projet en quelques articles en disant : « Il faut qu’une constitution soit courte et … » Il allait ajouter « claire ». Talleyrand lui coupant la parole conclut : « Oui, courte et obscure. »
    Comte de Saint Aulaire, Talleyrand, Dunod, 1936
    Prestige des constitutions
    Une constitution est la loi fondamentale qui régit l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein de l’État. Elle fonde l’État et forme son cadre juridique. On ne conçoit pas aujourd’hui une nation civilisée qui ne soit dotée d’une constitution écrite et démocratique, votée par le peuple destiné à vivre dans son cadre.
    Et pourtant, la Grande-Bretagne, berceau du parlementarisme moderne, ne possède pas de véritable constitution. Le droit de dissolution de la Chambre des communes par le Premier ministre ou la démission de l’ensemble du cabinet lorsque sa politique est remise en cause par les chambres, ne figurent dans aucun texte. La “constitution” coutumière britannique s’appuie sur quatre textes historiques, la Grande Charte de 1215, la Déclaration des Droits de 1689 qui fonde la monarchie constitutionnelle, l’Acte d’établissement de 1701 qui organise la succession au trône, l’Acte du Parlement de 1911, modifié en 1949, qui limite les pouvoirs de la Chambre des Lords au profit de la Chambre des communes.
    Le gouvernement de l’Ancienne France se fondait aussi sur des coutumes ; la première constitution date de 1791 ; nous en avons depuis usé un certain nombre, avec prédominance de l’exécutif ou du législatif, monocamérisme ou bicamérisme, le tout avec l’insuccès que connaissent tous les Français qui n’ignorent pas l’histoire. La Ve République qui ne date que de 1958 et qui a pourtant subi dans sa courte existence quelques opérations de rajeunissement, semble déjà à bout de souffle.
    Avantage de la coutume
    La coutume possède l’avantage de s’appuyer sur la réalité et de s’y adapter sans cesse. La coutume britannique tient compte du particularisme insulaire du pays bien que la réforme démocratique de 1911 ait brisé un équilibre séculaire. Une constitution coutumière est l’ensemble des règles relatives à l’organisation du pouvoir qui ne se trouvent pas sous forme écrite. Elle n’est pas réfléchie puisqu’elle ne procède pas d’une construction rationnelle. En effet, la vie d’une nation ne commence pas avec une constitution élaborée par des juristes ; une nation procède de l’histoire et de la géographie.
    Talleyrand ne fut pas responsable des malfaçons de la Charte de 1814 car il ne fut pas nommé dans la commission qui en arrêta le texte. Il savait qu’un problème politique délicat demande de la souplesse, il savait, dit justement le comte de Saint Aulaire, que l’imprécision des textes, comme celle des frontières, profite sans cesse au plus fort. : « Que le prince gouverne hardiment et sagement, et c’est lui qui imposera son interprétation du contrat que la Charte, même octroyée, reste aux yeux du Parlement. »
    Une leçon d’histoire
    L’ambassadeur de France, dont nous ne saurions trop recommander les ouvrages (Louis XIV, Talleyrand, François-Joseph), termine son chapitre sur la Restauration par une profonde remarque, digne de la sagacité d’un Bainville : « La rigidité des constitutions est leur fragilité. C’est peut-être pour avoir voulu faire avec précision du définitif que les constituants libéraux de 1814 ont fait du provisoire, alors que les constituants monarchistes de 1875, en élaborant un texte vague et en croyant faire du provisoire, ont fondé une république durable. »
    Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2741 – du 7 au 20 février 2008 9
    * Pierre Louis Roederer (1754- 1835), avocat et homme politique, fut conseiller d’État sous le consulat et ministre sous l’Empire.

  • Hommage à Jean Thiriart (1922-1992)

    Le 23 novembre 1992, Jean Thiriart, fondateur et animateur du mouvement politique «Jeune Europe» dans les années 60, s’est éteint brusquement, fauché en pleine santé et en pleine activité. Après Jean van der Taelen, qui l’avait appris de leur notaire commun, Maître Jean-Pierre de Clippele, je fus le premier à l’apprendre. Jean m’a appelé tout de suite, vers 20 heures 30, alors que je travaillais à classer des vieux documents dans ma cave. Atterré, j’ai gravi les escaliers quatre à quatre: l’invincible, le sportif, l’incarnation de l’énergie, l’empereur romain, le persifleur, le vieux mécréant, venait d’être emporté par la «Grande Faucheuse». On s’attendait à la disparition de beaucoup d’autres, plus souffrants, moins alertes, plus âgés, pas à la sienne. Aussitôt, le téléphone a fonctionné et j’ai entendu des voix consternées, des larmes, de Paris à Moscou en passant par Milan ou Marseille. Par quelques idées bien articulées, Jean Thiriartl avait donné une impulsion nouvelle à cette sphère que l’on qualifie de «nationale-révolutionnaire» et qui échappe à toutes les classifications simplistes, tant ses préoccupations, ses variantes sont vastes et différentes. Thiriart avait aussi énoncé des principes d’action qui gardent toute leur validité, non seulement pour ce microcosme NR, mais aussi pour tout praticien de la politique, quelle que soit l’orientation idéologique de son engagement.
    Né en 1956, je n’ai pas pu observer Jeune Europe en action, dans la foulée de la décolonisation, immédiatement avant mai 68. Ayant acquis mes premières convictions politiques vers quatorze-quinze ans, c’est-à-dire en 1970-71, en constatant très tôt les turpitudes du régime, ses fermetures qui empêchent le citoyen normal, sans liens partisans, confessionnels ou associatifs, de participer activement à la vie de la cité, j’ai cultivé mes idées en dehors de toute organisation ou association jusqu’à l’âge de 24 ans, où j’ai découvert les activités de la «Nouvelle Droite».
    Jeune Europe n’avait pas laissé de traces ni dans la société, noyée à l’époque dans la stupidité soixante-huitarde, «freudo-marxiste», ni dans les sphères militantes qui, majoritairement gauchistes, faisaient dans l’exotisme angolais, bolivien ou vietnamien, sans plus se préoccuper des aliénations qui frappaient les peuples européens. A fortiori peu d’ouvrages faisait référence à l’action et aux écrits de Thiriart. Dans des torchons gauchistes, mal rédigés, vulgaires, bourrés de fautes de syntaxe et d’orthographe ‹comme il se doit en bonne logique égalitariste‹ son nom apparaissait quelque fois comme celui d’un «satan» et je n’y prêtais pas attention. Dans un ouvrage qui préfigurait les monomanies de nos cinq dernières années, Le racisme dans le monde de Pierre Paraf, publié avec l’appui de la LICRA, «la revue Jeune Europe de Bruxelles» était décrite comme «anti-américaine et anti-gaulliste», et, bien entendu, comme« raciste». Après en avoir acquis une collection chez un bouquiniste, dix ou douze ans plus tard, j’ai au contraire pu constater qu’elle contenait deux articles de Thiriart vitupérant la nocivité pratique du racisme ou le décrivant comme le camouflage de problèmes affectifs, souvent d’origine sexuelle. Les milieux qui font profession d’«anti-racisme» m’apparaissent depuis ce jour comme des cénacles d’exaltés hystériques qui, à l’instar des illuminés «racistes», ont besoin de boucs émissaires pour assouvir leur mal de vivre. Racismes et anti-racismes ne sont que des variantes d’une même maladie, d’un déséquilibre psychique remontant sans doute à la petite enfance. Thiriart en était convaincu, le répétait à qui voulait l’entendre et appelait cela sa «psycho-pathologie des groupuscules politiques».
    C’est en découvrant un exemplaire de L’Europe, un empire de 400 millions d’hommes, sur l’étal d’un bouquiniste que j’ai appris qui était vraiment Jean Thiriart. La bonne tenue de ce livre, la clarté et la limpidité des arguments qu’il y développait, l’apport de cartes géopolitiques, m’ont tout de suite convaincu que Jean Thiriart n’était pas un agitateur exalté d’extrême-droite, comme tentaient de le faire accroire les foutriquets de la gauche post-soixante-huitarde, débraillés, mal dans leur peau, anti-politiques, dépourvus de tout sens historique, qui avaient alors pour lecture de base le très éphémère Hebdo 75, assorti de dessins de très mauvais goût, qui en disaient long sur la psycho-pathologie de leurs auteurs. Jean Thiriart n’apparaissait pas non plus comme un de ces polémistes de droite qui étalent, fort brillamment peut-être, leur rouspétance dans des feuilles populaires ‹et parfois populacières‹ sans jamais proposer rien de concret.
    C’est ainsi que j’ai appris que Jeune Europe avait existé. Au même moment, dans un cahier du très officiel CRISP (Centre de recherche et d’information socio-politiques), paraissait une histoire de l’«extrême-droite» belge sous la plume d’Etienne Verhoeyen. Et c’est ainsi que j’ai découvert le contexte, dans lequel on fourrait un peu arbitrairement «Jeune Europe». De tous les cénacles, groupuscules, partis ou associations qui avaient émaillé la chronique «droitiste» belge après 1945, incontestablement, «Jeune Europe» sortait du lot. Et pour les très jeunes gens que nous étions, vivant un âge d’or et d’abondance qui ne reviendra sans doute plus jamais, lecteurs des classiques latins, de La Rochefoucauld, de Nietzsche pour «embêter» les curés et les conformistes, de Marcuse ‹mai 68 oblige‹ des Lettres sur l’humanisme de Heidegger, parce qu’on nous les avait imposées, de Koestler, de Camus et d’Orwell, «Jeune Europe» apparaissait d’emblée comme un instrument possible du politique, mieux, comme quelque chose de naturel, de non-idéologique, de porteur d’histoire. «Jeune Europe» ne nous apparaissait certes pas comme une organisation de gauche car, dans ce cas, nous ne l’aurions pas aimée puisque la gauche, déjà, était la coqueluche des professeurs qui se piquaient d’intellectualisme et puisque ces professeurs nous énervaient, nous prenions évidemment un malin plaisir à les contrarier. Mais «Jeune Europe» contenait des idées universelles qui convenaient aux jeunes lecteurs de Koestler et de Camus que nous étions: «Jeune Europe» était européenne et nous nous sentions tout naturellement «européens» ou «impériaux», au-delà des frontières existantes; «Jeune Europe» n’était pas nationaliste belge, ce qui nous plaisait car tout ce qui touchait à l’Etat belge, à ses hommes politiques, à ses institutions, nous apparaissait rigolo voire méprisable.
    Nous avons décidé de retrouver des anciens de Jeune Europe. C’est ainsi qu’après une longue enquête, nous sommes tombés sur Bernard Garcet, un ancien animateur de la section de Louvain de Jeune Europe. Garcet avait conservé quelques papiers de cette époque mouvementée où il était militant étudiant. Nos questions l’amusaient et aussitôt, il décida de reformer, chez lui avec la complicité de sa charmante épouse, une petite école des cadres dans le style de «Jeune Europe». Nous avons accepté et c’est ainsi que nous avons découvert successivement les thèses de Mosca et de Pareto (notamment la circulation des élites), les cours de Raymond Aron sur les grandes figures de la sociologie, La sociologie de la révolution de Jules Monnerot, que nous avons complétée de quelques thèses de Jean Baechler, le système de Pitirim Sorokin, L’ère des organisateurs de James Burnham, Le viol des foules par la propagande politique de Serge Tchakhotine. C’est dans ce cercle privé et très restreint que j’ai rédigé tant bien que mal mes deux premières conférences: l’une sur la description du conservatisme dans Ideology and Utopia de Karl Mannheim et l’autre sur les thèses de Louis Rougier sur le Bas-Empire romain (que Garcet critiquait). Pour nous, «Jeune Europe» était synonyme d’université privée. L’image que nous avions de l’organisation n’était ni politique ni activiste. C’était sans doute une erreur d’optique, Jeune Europe, dans l’esprit de Thiriart, se voulant un instrument du «politique pur», où l’action directe précédait toute spéculation théorique. C’est ainsi que j’ai toujours été quelque peu en porte-à-faux avec Thiriart. Néanmoins, je ne crois toujours pas que l’on puisse faire de la politique concrète sans une formation historique et théorique solide, qui s’acquiert avec beaucoup de patience et de temps. Nos sociétés sont devenues trop complexes pour lancer de simples militants dans la bataille ou les hisser par les mécanismes d’une élection ou d’une révolution aux postes de commande d’une société ou d’un Etat: on courrait vite à la catastrophe, ce que voulait peut-être dire Thiriart, quand il stigmatisait les événements de Croatie en 1991-92: «Un chauffeur de taxi s’empare d’une mitraillette et recrute vingt marginaux dans un café et devient ainsi un leader politique. C’est aberrant!».
    J’ai vu Jean Thiriart pour la première fois en 1979, un jour où j’avais laissé tomber mes lunettes et qu’il m’en fallait une nouvelle paire dans les plus brefs délais. Ce jour-là, bourru, Thiriart m’a dit qu’il ne voulait plus rien avoir à faire «avec tous ces tocards de la politique». Mais j’ai éveillé son attention en lui parlant du livre du Général autrichien Jordis von Lohausen, que je résumais pour un travail universitaire et que j’allais publier fin 80 sous la forme d’un premier numéro spécial d’Orientations. Depuis, nous sommes restés en contact. Au départ, c’était très épisodique. Puis, en 1981-82, après avoir été agressé par des nervis défendant je ne sais plus quelle cause fumeuse, Thiriart a décidé de reprendre l’écriture, notamment dans la revue Conscience européenne, où il s’exprimera très régulièrement, et qui avait été fondée en janvier 1982 par Alain Derriks, aujourd’hui décédé, et Roland Pirard, qui a quitté les affaires politiques, avant qu’elle ne passe dans d’autres mains à partir de 1984.
    Le retour de la géopolitique dans le débat, avec les travaux de Jordis von Lohausen dans l’espace germanique et ceux de Marie-France Garaud, du Général Gallois, de l’Amiral Célérier, d’Yves Lacoste, de Hervé Coutau-Bégarie en France, de Colin S. Gray aux Etats-Unis, etc., intéressait Thiriart au plus haut point. Il retrouvait une tonalité qu’il avait découverte, quelques décennies plus tôt, chez l’un de ses auteurs favoris: le grand, le prolixe Anton Zischka, qui a commencé sa carrière en 1925, avec un livre sur la guerre du pétrole, et l’a terminée, jusqu’à nouvel ordre, par un remarquable ouvrage sur l’impérialisme du dollar en 1987, qui est paru en feuilleton, pendant quatre semaines, dans l’hebdomadaire Der Spiegel. Le livre de Zischka que Thiriart préférait était sans conteste Afrique, Complément de l’Europe (Laffont, Paris, 1952). Pour un homme qui avait recommencé une carrière politique dans l’effervescence de la décolonisation, ce livre revêtait évidemment une importance capitale. Chaleureusement recensé dans la presse belge au début des années 50, ce livre entendait planifier la fusion économique et géopolitique de l’Europe et de l’Afrique. Cette fusion aurait fait de la Méditerranée une «mer intérieure», aurait donné à l’Europe l’espace qui lui manquait pour son trop-plein démographique et les matières premières nécessaires à son industrie et à sa puissance militaire. Ce projet, la décolonisation, téléguidée depuis Washington, l’a rendu impossible et irréalisable, condamnant l’Europe à la stagnation, au chômage et au sous-emploi, générateur de déséquilibre sociaux inquiétants.
    Cet ouvrage a été capital dans la genèse de la pensée géopolitique de Thiriart, ce qu’il avouait d’ailleurs franchement. Nous ne saurions clore ce paragraphe sur le rapport intellectuel Thiriart/Zischka sans rappeler que Zischka fut aussi l’auteur d’un ouvrage traduit et édité à Bruxelles pendant la guerre: La science brise les monopoles (Ed. de la Toison d’Or, 1941). Thiriart, et l’élite belge toutes options idéologiques confondues, ont su apprécier ce grand ouvrage, clair, précis, didactique et programmatique, à sa juste valeur. La veuve du prisonnier de guerre belge, socialiste et franc-maçon, Somerhausen en fait d’ailleurs l’éloge dans ses mémoires, sans qu’on ne puisse l’accuser d’être germanophile ou nationale-socialiste! Une bonne part de ce que l’on a appelé le «scientisme» et l’«hyper-pragmatisme» de Thiriart est issue de ce volume. En effet, un simple coup d’oeil sur le titre des chapitres permet de s’en rendre compte. Zischka commence par raisonner sur «la plus grande de toutes les victoires: la victoire sur la peur». La peur de la faim fait agir les hommes, c’est la raison pour laquelle ils commencent par créer des monopoles, qui, très vite, régentent notre vie et bloquent toute progression nouvelle. La science chimique et biologique, avec un Liebig par exemple, rentabilise à l’extrême le sol européen et soustrait les populations au péril des famines. Ce processus de découvertes constantes doit être maintenu libre de toutes entraves, car il permet d’acquérir et de conserver la puissance, d’abolir les privilèges de classe. Ainsi, si les monopoles ont été utiles, jadis, à l’autonomie alimentaire de l’Europe, ils n’ont pas le droit de bloquer les initiatives qui rendraient leurs positions caduques, car, en agissant de la sorte, ils fragiliseraient l’indépendance de la communauté européenne et renforceraient l’aliénation de larges strates de sa population. Cette logique de la priorité du savoir sur la possession des moyens de production, position qui, en dernière instance, découle de l’?uvre de Joseph A. Schumpeter, Thiriart l’a toujours faite sienne, notamment dans son combat syndical dans le domaine de l’optique et de l’optométrie. Il s’attaquait à des blocages, disait-il, à des monopoles injustes qui ne visaient pas protéger le consommateur mais à maintenir des positions acquises, des conforts économiques.
    Au cours de cette nouvelle période d’effervescence, qui a immédiatement suivi l’attentat dont il fut victime, Thiriart a trié ses documents, remis au goût du jour ses thèses, éliminé de sa pensée toutes les scories de l’anti-soviétisme du temps de la guerre froide et de la crise de Cuba. Parallèlement au mouvement pacifiste allemand, porté par la gauche verte et l’aile gauche de la social-démocratie (Eppler, Lafontaine), mais aussi, en coulisses, par un néo-nationalisme neutraliste, Thiriart désignait l’unique ennemi de l’Europe en tant que puissance potentielle: l’Amérique. Il rejoignait ainsi la Nouvelle Droite qui avait opté pour la même voie, depuis la parution du texte magistral de Giorgio Locchi (sous le pseudonyme de Hans-Jürgen Nigra), dans le n°27-28 de Nouvelle Ecole, la revue d’Alain de Benoist. Guillaume Faye a tout de suite emboîté le pas, avec la verve et le talent oratoire qu’on lui connaît. Faye, d’ailleurs, admirait la clarté des vues de Thiriart et repérait chez le leader de Jeune Europe, un compagnon, dans le sens où ils étaient tous deux des lecteurs assidus de Pareto. Ici, je dois un rectificatif: dans la brochure intitulée Petit Lexique du Partisan Européen, ce n’est pas Faye qui a écrit la phrase d’hommage à Thiriart, contrairement à ce qu’affirme une brochette de plumitifs policiers du Monde, ou du tout petit moniteur de la délation qu’est Celsius, mais Pierre (Willy) Fréson. Néanmoins, en fondant l’association EUROPA en 1987, après avoir rompu avec le GRECE, Faye optait pour un européisme très semblable, dans ses grandes lignes, à celui de Thiriart, mais corrigé par l’optique du CIPRE de Yannick Sauveur. Faye rend d’ailleurs un hommage implicite au leader de Jeune Europe dans l’un de ses ouvrages les plus lus: Nouveau discours à la Nation européenne (Albatros, 1985).
    Le 21 janvier 1987, un groupe de journalistes américains de la revue The Plain Truth (Californie) est venu interviewer et filmer Jean Thiriart à Bruxelles. Le script complet de cette entrevue de 35 minutes sur cassette vidéo contient à mon sens la pensée de Jean Thiriart dans toute sa maturité. Bien sûr, la chute du Mur de Berlin a changé la donne. Interrogé en même temps que plusieurs personnalités européennes importantes, Thiriart a pu formuler ses vues sur un pied d’égalité, sans censure mutilante. Parmi les interrogés, signalons: l’éminent historien conservateur et européiste britannique, Paul Johnson, le juriste anglais Leo Price, et le diplomate néerlandais, ancien vice-secrétaire-général de l’ONU, le Dr. J.G. de Beus. Dans ses réponses, Thiriart évoque l’impact de la géopolitique sur sa pensée, l’impact des conceptions de Friedrich List, les erreurs petites-nationalistes de Hitler et des nostalgiques du IIIième Reich (accusés d’être incapables de penser l’«osmose» entre les nations européennes, Russie comprise), sa conception d’un bloc euro-soviétique, sa conception de la stratégie navale, son projet de paix avec la Chine, les garanties qui devraient être offertes à Israël en cas de départ de la 6ième flotte américaine de la Méditerranée, ses vues sur la guerre économique entre les Etats-Unis et l’Europe (des 12). Dans cet ouvrage bref mais dense, on est loin des polémiques des premières années de Jeune Europe. On note avec intérêt que Thiriart propose du concret, offre à ses adversaires des projets réalisables et viables, ne les acculent pas au pire. Comme Haushofer (qu’il critique injustement et bizarrement), il propose une dynamique des forces à l’œuvre dans le monde, une dynamique centripète de dimensions continentales, qui doit conduire à une paix durable, à une nouvelle mouture de la pax romana.
    Mes rapports épistolaires avec Jean Thiriart, au cours des six ou sept premières années de la décennie 80, n’ont certes pas été harmonieux. Ce serait hypocrite de le nier. Jean Thiriart jugeait que les travaux des nouvelles droites étaient trop éclectiques, trop diversifiés, trop dispersés. Adepte du principe «politique d’abord», comme Maurras, Carl Schmitt ou Julien Freund, Thiriart avait horreur de la littérature, de la philosophie purement spéculative et des «variétés». Il hurlait quand je publiais des articles d’archéologie (par exemple dans Orientations n°4). Mais, malgré son style épistolaire haut en couleur, truffé d’épithètes dignes du Capitaine Haddock, jamais je ne lui en ait tenu rigueur, car, en dépit de leur insuffisance ou de leur im-pertinence globales, ses remarques ou ses critiques contenaient toujours un irréductible noyau de vérité, dont j’ai toujours voulu tenir compte. Mais ces remarques avaient la faiblesse d’être prononcées dans la perspective du seul Thiriart. Lecteur de Nietzsche, je sais qu’une perspective n’est jamais fausse a priori, mais que le réel doit être jugé au départ de plusieurs perspectives à la fois et que l’acteur ou l’observateur doit être capable de sauter d’une perspective à l’autre: plurilogique d’un monde pluriel.
    Plurilogique que Thiriart, très marqué par la pensée mécaniciste (qu’il confondait allègrement avec le «matérialisme»), concevait très difficilement. Lecteur assidu et passionné de l’ouvrage de Joseph Vialatoux, La Cité totalitaire de Hobbes. Théorie naturaliste de la civilisation. Essai sur la signification de l’existence historique du totalitarisme (Chronique sociale de France, Lyon, 1952), Thiriart en distribuait des copies, où la phrase suivante était très significativement mise en exergue, de sa propre main: «Ce que Hobbes met en valeur, c’est que l’étatisme authentiquement totalitaire est un naturalisme, que le naturalisme authentique est un matérialisme, et que le matérialisme authentique est un mécanisme pur». Ou encore: «La Cité de Hobbes est une Gesellschaft contractuelle; elle est le type même du groupement « sociétaire », par opposition au « communautaire »… C’est à Hobbes que Tönnies a emprunté le modèle de la Gesellschaft; et c’est par opposition à cette cité contractuelle qu’il a défini la Gemeinschaft communautaire». Plus loin: «On reconnaîtra l’Etat totalitaire et l’on mesurera son totalitarisme à ce signe notamment que la politique y sera conçue et pratiquée comme une pure technique. La pratique totalitaire sera machiavélique. Elle relèvera, non plus d’une vertu de prudence politique gouvernant des sujets, servant des personnes, mais d’une technique manipulatrice d’objets, manutentionnaire de choses». Et, p. 80: « La théologie, dira Hobbes, a déchaîné les controverses, et les controverses, les guerres (…) et c’est à la paix géométrique et mécanique des choses qu’il va demander le secret de la paix des hommes sur la terre». P. 145: «L’homme n’échappe au malheur qu’en se soumettant à un dominium». P. 151: «Les nations entre elles ne sont à nul égard en état naturel de droit international, mais en état naturel de guerre internationale». Ces quelques citations du livre de Vialatoux sur Hobbes résument magnifiquement la vision thiriartienne du politique: explication de tous les phénomènes du monde et de la scène politique par un matérialisme qui est mécanicisme ou technicisme pur.
    Thiriart restera impénétrable à toute logique organique, née du biologisme romantique, en dépit de quelques engouements pour l’éthologie de Konrad Lorenz, reposant pourtant sur des bases diamétralement contraires à celle du hobbesisme. Dans le matérialisme, dans la fascination qu’il éprouvait face à la magnifique machinerie euclidienne de Hobbes, Thiriart croyait avoir découvert les formules magiques (eh oui!) de sa politique. Malheureusement, ce qui était nouveauté du temps de Hobbes, était complètement obsolète dans la seconde moitié du XXième siècle, a fortiori depuis l’avènement de la physique quantique et des lois de la génétique. L’option de Thiriart pour la Gesellschaft mécanique contre la Gemeinschaft organique était évidente, en dépit du nom qu’il avait choisi pour définir l’idéal social de Jeune Europe: le «communautarisme». Ce vocable, véritable antithèse en langage sociologique et philosophique de ce que Thiriart pensait vraiment, a dû susciter de la controverse et pas mal de quiproquos. Enfin, dans la logique de Hobbes, telle que l’a présentée Vialatoux, le concept de totalitarisme rejoint celui de «politique pure», ce qui reste à prouver, car les trois ou quatre dernières décennies que nous venons de vivre ont prouvé que les techniques de manipulation libérales, non totalitaires, se sont avérées plus efficaces et plus perverses.
     L’euclidisme hobbesien et thiriartien, avec sa clarté et sa transparence, a été étouffé dans la guimauve libérale et consumériste. De cet ouvrage de Vialatoux découlent également le machiavélisme affiché de Thiriart, et la volonté de manipuler êtres et choses sans état d’âme. Or si le constat qui consiste à dire que la manipulation est au c?ur de la politique est juste, a le mérite de ne pas sombrer dans l’illusion, la manipulation des gouvernants n’est pas toujours de l’ordre du mécanique pur, car, en ce cas, elle serait trop visible et immédiatement repérable, comme elle l’était d’ailleurs chez Thiriart, mais souvent plus subtile, plus psychologique, plus organique et plus centrée sur les instincts et les pathologies de l’esprit. Enfin, comme Hobbes désignait la théologie comme génératrice de dissensions civiles, Thiriart considérait les «choses de l’esprit», la littérature, la religion, les idéologies sentimentales comme des vecteurs de controverses stériles. La vision hobbesienne de la «guerre internationale» correspond au refus de Thiriart de prendre en compte les idéologies et les sentiments irénistes. Thiriart s’intéressait davantage à la polémologie. Et sur ces deux derniers points, personne ne pourrait lui donner tort.
    Les intérêts communs que Thiriart et moi partagions sont bien entendu la géopolitique (mais Thiriart me reprochait d’être «haushoférien»; toutefois je ne suis pas plus «haushoférien» que je ne suis «mackindérien» ou «kjellénien» ou autre chose, la géopolitique formant un tout indivisible) et l’histoire des formations territoriales.Thiriart reprochait à Haushofer d’être un «régionaliste», morcelleur d’Etats et d’Empires, sous prétexte qu’il avait défendu la germanité du Sud-Tyrol en 1927, dans son ouvrage Grenzen (Frontières). Or, dans cet ouvrage, Haushofer traite notamment des notions de «frontières membrées et démembrées»; les Etats viables doivent avoir des frontières membrées et non démembrées (en annexant la Lorraine, l’Alsace et la Franche-Comté, la France démembrait les frontières occidentales de l’Empire et le condamnait à l’insignifiance politique). C’est Richelieu qui a été l’inventeur de ces concepts et Vauban, le technicien de leur concrétisation. Haushofer notait, à propos du Sud-Tyrol, que l’Autriche, et partant l’Allemagne qui souhaitait déjà l’Anschluß, avaient perdu un glacis en direction de la plaine du Pô et de l’Adriatique et qu’ainsi leurs frontières étaient démembrées. L’intention de Haushofer n’était donc nullement de faire du «régionalisme» mais de raisonner en terme de puissance, selon la même logique que Richelieu.
    Outre cet engouement pour la géographie politique, Thiriart se passionnait pour les mécanismes de prise du pouvoir (Lénine, Jules Monnerot), la technique du coup d’Etat (Malaparte). Deux idées de Thiriart à retenir en tous domaines: se donner, en toutes circonstances, un «poumon extérieur», c’est-à-dire avoir une base de repli sûre, une réserve inaccessible de matériel ou d’arguments. Enfin, forger des alliances extra-europénnes en politique extérieure car l’européisme de Thiriart n’est nullement un repli frileux de l’Europe sur elle-même. La faiblesse de la pensée de Thiriart est de n’avoir rien suggéré de bien solide en droit (constitutionnel ou administratif) ou en économie. Thiriart, deux mois avant de mourir, me reprochait la teneur de mon article Vers l’unité européenne par la révolution régionale? (cf. R. S., Textes et réflexions), précisément parce que ce texte réclamait une organisation territoriale du grand ensemble européen sur base de critères objectifs tels la région historique ou la nation ethno-linguistique, critères que Thiriart s’obstinait à croire subjectifs et non objectifs, alors que les subjectivismes sont des faits de monde objectifs. Tel était, fondamentalement, l’objet de notre querelle! Querelle qui a des bases philosophiques que l’on décèle parfaitement dans la lecture que fit Thiriart du travail de Vialatoux.
    Néanmoins, je reste heureux d’avoir permis, sans doute involontairement et indirectement, à Thiriart de vivre ses deux dernières grandes joies. En effet, j’ai conseillé à Michel Schneider de lui ouvrir les colonnes de Nationalisme et République, ce qui fut fait. Et quand Alexandre Douguine, le 31 mars 1992, m’a demandé à Moscou si Thiriart souhaitait y prononcer une conférence, je lui ai dit qu’il en serait ravi, qu’il percevrait cela comme le couronnement de sa carrière. Et Thiriart s’est rendu à Moscou en août 1992, où il a rencontré le Colonel Alksnis et Yegor Ligatchev, très intrigué par le fait que les NR ou la ND ouest-européenne n’étaient pas rabiquement anti-soviétiques, surtout après le discours qu’Alain de Benoist avait fait à Moscou, en sa présence, pour obtenir la libération des prisonniers politiques de la mésaventure d’août 1991, que, personnellement, j’avais trouvé maladroite et déplacée, un geste de desperados. Thiriart et de Benoist, pour une fois d’accord, n’étaient pas de mon avis. Question de perspective, sans doute. Mais Carl Schmitt ne nous a-t-il pas enseigné les vertus de l’amnistie? L’erreur d’août 1991 a si lamentablement échoué que le pardon s’impose. Espérons que Boris Eltsine ne sera pas aussi borné que l’Etat belge, qui crève petit à petit, notamment à cause des reliquats de la répression de 1944-51, que la Flandre, offensée et meurtrie, n’a jamais acceptés. Soit dit entre parenthèses, Thiriart non plus.
    Au-delà de la mort de Jean Thiriart, oeuvrons pour que les générations futures, quelles que soient par ailleurs leurs options philosophiques, n’oublient pas les théories impassables qu’enseignait l’école des cadres de «Jeune Europe». Et qu’ils se frottent aux oeuvres de Hobbes, Pareto, Mosca, Michels, Tchakhotine, Lénine, Machiavel, Clausewitz et Schmitt.
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  • Mouvements antimodernes et retours à la métaphysique : René GUENON

    Parmi les diverses attitudes « réactionnaires » les plus dignes d’intérêt adoptées en face du monde moderne, une place à part doit être faite à celle dont, en France, René Guénon est le représentant. Par le sérieux et la sûreté de ses jugements, par ses connaissances vraiment exceptionnelles en matière de traditions religieuses, de mythes et de symboles et, plus spécialement, de doctrines orientales, par son constant souci de considérer les choses dans le moindre détail tout en conservant un point de vue synthétique, l'œuvre de Guénon ne doit pas être comparée à celle d'auteurs qui ont pu traiter de problèmes similaires - comme, par exemple, un Massis, un Benda ou un Keyserling -, même si leurs œuvres peuvent avoir éveillé davantage d'écho parmi un public superficiel à prétentions littéraires.
    La position de Guénon est une position monolithique. Il s'agit, comme nous le verrons, d'accepter ou non un système de références : mais si l'on adhère à celui que - même s'il ne le présente pas délibérément en termes de choix - Guénon a fait sien, il est difficile de ne pas le suivre dans les déductions qu'il en tire.
    Les divers ouvrages de René Guénon obéissent à un plan préétabli dont ils suivent, point par point, les étapes. L'objectif initial est purement négatif, et on peut en expliciter le sens de la façon suivante : pris dans les tenailles du matérialisme, l'Occident des dernières décennies s'est mis à éprouver un confus engouement pour quelque chose d'« autre », mais s'est révélé seulement capable de déboucher sur des formes ambiguës, superstitieuses et inconsistantes qui, contrefaçons d'une « spiritualité » véritable, ont fini par constituer un danger tout aussi réel que celui du matérialisme dont elles étaient parties. C'est ainsi que Guénon a cru opportun, dès le départ, de s'en prendre aux « néospiritualismes » les plus en vogue, procédant à une démolition systématique et, selon nous, salutaire.
    Le premier à s'effondrer sous ses coups fut le spiritisme. Son livre, L’erreur spirite (Paris, 1923) mérite véritablement d’être lu car nulle part ailleurs on ne trouve une mise au point [1] de cet ordre. À cet égard, il faut bien comprendre la position adoptée par Guénon : il ne conteste pas la réalité des faits, reconnaissant même comme fondé d’admettre bien davantage que ne pourrait le faire un quelconque spirite. Ce qu'il affirme, se conformant à l'opinion de ceux qui, comme les Orientaux, étaient, par ailleurs, des orfèvres en matière de phénomènes psychiques, c'est que de tels « faits » (médiumnité, etc.) n'ont aucune valeur spirituelle ; que toute curiosité extra-expérimentale à leur sujet est malsaine et porte le sceau d'une dégénérescence ; qu'outre son caractère arbitraire, l’hypothèse spirite est, en elle-même, contradictoire et que la pseudo-religion qui, dans certains milieux, en dérive, est proprement aberrante. Des « ouvertures » par-delà le « normal » peuvent certes être créées, et d'une tout autre dimension, mais avec des méthodes et une attitude intérieure bien différentes si c'est vraiment de « spiritualité» que l'on veut parler.
    Le second coup fut assené à la théosophie anglo-indienne et à ses dérivations plus ou moins occultistes, pour lesquelles est proposé le terme générique de « théosophisme » (Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion, Paris, 1921). Guénon s'y montre terriblement informé de tous les dessous cachés du mouvement et il en fait bon usage afin de montrer le caractère trouble de telles eaux. Simultanément, mais, toutefois, pas de façon systématique (et, à cet égard, son premier livre est supérieur), il s'attache à montrer tout ce qui, dans le théosophisme, se réduit aux divagations maladives d'esprits confus, entremêlées de singulières déformations de doctrines orientales sous les effets des pires préjugés occidentaux. Et, de même que l'antispiritisme de Guénon n'était pas l'expression d'un matérialisme philistin, mais tout à fait le contraire, de même, son antithéosophisme procède-t-il uniquement de la nécessité de défendre certaines positions, certaines doctrines spirituelles et traditionnelles auxquelles ce même théosophisme prétend se référer - et ne débouche, au contraire, que sur des contrefaçons parmi les plus nocives qui soient.
    Mais, l'œuvre de démolition de Guénon ne s’arrête pas en si bon chemin. Après les velléités « néospiritualistes », c'est au tour de la culture occidentale, dans son ensemble, de tomber sous ses coups (Orient et Occident, 1924 ; La crise du monde moderne, 1927 ; et même l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, 1921). Plus particulièrement, il s'agit de ce à quoi l'Occident a donné lieu à partir, en gros, de l'Humanisme et de la Réforme, en d'autres termes, du monde moderne, et dans lequel Guénon n'hésite pas à reconnaître la perversion la plus achevée de tout ordre normal des choses. Pour celui qui veut suivre Guénon, ici, le chemin devient ardu car, pour le plus grand nombre, il est difficile de se rendre pleinement compte du point de vue adopté par l'auteur.
    Guénon soutient que la cause de la crise du « monde moderne » réside principalement dans sa perte de contact avec la « réalité métaphysique » et dans la subséquente extinction de traditions qui, chacune, étaient dépositaires d'un corpus de principes, de valeurs et d'enseignements.
    Pour bien comprendre ce terme de « réalité métaphysique », au sens où l'emploie Guénon, il est nécessaire de revenir à des doctrines « pré-modernes » et « dépassées », du moins aux yeux de la philosophie moderne : à la scolastique, par exemple, ou à Plotin, ou encore aux grandes écoles spéculatives orientales. Au-delà de tout ce qui est spatial et temporel - c'est-à-dire sujet au changement, entaché de particularité, d'individualité et de sensibilité -, il existerait un monde d'essences intellectuelles, non pas en tant qu'hypothèse ou qu'abstraction cérébrale, mais, au contraire, comme la plus réelle des réalités. L'homme pourrait le « réaliser », c'est-à-dire en avoir une expérience aussi directe que celle qui lui est donnée, par ses sens physiques, lorsqu'il parvient à se hisser à un état « suprarationnel » d'« intellectualité pure » - en d'autres termes, à un acte transcendant de l'intellect, purifié de tout élément proprement humain, psychologique, affectivo-subjectif et même « mystique » et individualiste : et c'est en relation avec tout ceci (et non pas par référence à une quelconque spéculation philosophique) que le terme « métaphysique » est utilisé.
    Comme chacun peut le voir, il s'agit là de choses qui n'ont rien de nouveau. À cet égard, Guénon se déclare, a priori, l'ennemi irréductible de tout ce qui est « nouveau » et « moderne ». Et, dans l'idée que, pour une doctrine, , son importance puisse dépendre du fait qu'elle soit « originale », « personnelle » et même « vraie », Guénon dénonce l'une des plus singulières déviations de la mentalité contemporaine.
    De ce contact avec la « réalité métaphysique », l'homme, nous l'avons vu, peut extraire un ensemble de principes qui rendraient possible une perspective non humaine pour considérer et ordonner les choses humaines : il disposerait de points d'appui dont, par adaptation aux divers plans, pourraient être déduits des principes applicables aux connaissances particulières - certes diverses, mais toujours ordonnées hiérarchiquement par rapport à un axe unique surnaturel. Pour Guénon, telle serait la caractéristique des « sciences traditionnelles » connues des anciens cycles de culture, par opposition aux sciences modernes, inductivo-extérioristes, particularistes, privées de point de référence unitaire, et capables non de connaître, mais simplement de « savoir » d'une façon purement « profane ».
    Par ailleurs, transposée sur le plan de l'action, relativement à la « réalité métaphysique », la « connaissance » fournirait des points de vue supérieurs, des principes pour la direction des intérêts terrestres, pour donner un cadre aux activités mondaines – pour prolonger, en somme, la « vie » en quelque chose qui est plus que la « vie ».
    Et ce n'est pas une valeur purement idéale ou polémique qu'il faut donner à cette seconde application : ce qui ne commence ni ne finit avec l'élément « homme », donne lieu à des rapports bien précis de distinction et de « dignité » entre les différentes formes d’existence. C'est ainsi que naît la possibilité de cette « hiérarchie », bien connue des antiques organisations sociales : en Inde, en Extrême-Orient et aussi dans l'aire paléo-méditerranéenne jusqu'à ce Moyen Âge catholico-féodal pour lequel, avec Berdiaev, Guénon revendique une signification spéciale en fait de valeur. Plutôt que d'un jeu de forces externes, ce serait donc de l'action universelle et, si l'on peut dire, catalytique de la « connaissance métaphysique » que procèderaient les structures de tels ordonnancements jusque dans la vie pratique et politique.
    Par sa nature non humaine, cette « connaissance » aurait un caractère universel, celui d'une universalité concrète basée sur une expérience transcendante, répétons-le, et non pas abstraite ou éventuellement rationaliste. Et, de même que, selon d'antiques théories, la puissance du feu existerait toujours et partout, quoiqu'elle ne se manifeste visiblement qu'à partir du moment où certains déterminismes sont présents et, alors, uniquement sous telle ou telle forme contingente - de même, la connaissance métaphysique disposerait-elle, pour se manifester, du corpus des enseignements propres aux diverses traditions et religions, variables dans le temps et l'espace, mais toujours reconductibles à l'« invariant » d'une tradition unique ou « primordiale ». Et il convient d'utiliser cette expression au sens non pas temporel et historique, mais métaphysique et spirituel. C'est ainsi, par exemple, que faisant montre d'une vaste et exceptionnellement intelligente érudition en matière de symboles, de mythes, de cultes, etc., Guénon, dans un ouvrage récent (Le Roi du monde, 1927) s'est attaché à montrer la récurrence, dans les traditions les plus variées, de l'une des doctrines appartenant à la « tradition primordiale » – expression de l'adaptation, sur le plan historico-social, d'une conception propre à cette dernière. De même qu'au-delà de la variété des formes et des degrés de conscience, les diverses traditions peuvent dériver d'une « connaissance » unique - de même, au-delà des divers centres dominant, de façon plus ou moins visible, les grands courants historiques, on devrait retrouver un centre unique, celui du « Roi du Monde ». Notion qui, à l'instar de celle de « tradition primordiale », doit être comprise, essentiellement, au sens métaphysique et supra-individuel, comme l'efficience continue d'une « influence spirituelle », quasiment comme la « providence » chrétienne, et non nécessairement manifestée à travers des êtres incarnés et visibles - ou, alors, simplement en tant que « supports ».
    En Orient comme en Occident, le sens de la « tradition » s'est, selon Guénon, progressivement estompé : son ultime forme occidentale aurait été le christianisme et, plus particulièrement, le catholicisme en sa réalisation médiévale. À cet égard, ce que dit Guénon à plusieurs occasions sur certains enseignements et symboles de la tradition chrétienne et biblique - et qui démontreraient l'« orthodo-orthodoxie » et la « régularité » de cette dernière vis-à-vis de la tradition primordiale - ne manque pas d’intérêt. Nous l'avons vu, c'est avec, d'une part, la Réforme et, d'autre part, l'Humanisme qu'aurait eu lieu le coup d’arrêt, débouchant sur la phase finale d'un cycle que l'Orient avait prévu et auquel fut donné le nom d'« âge sombre » (Kali-Yuga). Pour Guénon, Réforme et Humanisme auraient substitué le point de vue humain au point de vue métaphysique ; aussi le voit-on considérer la Réforme avant tout sous son aspect de libre-examen, de remise en cause du ritualisme et d'individualisme, négligeant l'aspect simultanément présent (et repris, de nos jours, par un Karl Barth) où l'on insiste, en revanche, sur une transcendance intégrale débarrassée de tout anthropocentrisme comme de tout concept de « valeur » et de « justice » ayant pour mesure l'« homme ».
    Quoi qu'il en soit, à partir de l'Humanisme, Guénon voit prendre forme une culture « involutive » , puisque basée uniquement sur l'« humain ». Les facultés rationnelles se substituent à l'« intellectualité pure », l'abstraction philosophique à la connaissance métaphysique, l'immanence à la transcendance, l'individuel à l'universel, le mouvement à la stabilité - l'antitradition à la tradition. Simultanément, le pôle matériel et pratique de la vie s'hypertrophie, devient prépondérant et prend le pas sur tout le reste. De nouvelles manifestations de l'« humain » : le moralisme, le sentimentalisme, l'exaltation du « moi », l'agitation désordonnée (l'activisme), la tension privée de transcendance (le « volontarisme »), se répandent un peu partout dans le monde moderne - de pair avec une absence totale de « principes », un chaos social et idéologique, une contaminante mystique de la « vie » et du « devenir » qui battent la mesure d'une sorte de course à l'abîme sous le signe arhimanique d'une grandeur purement mécanique et matérialiste. Et, partant de l'Europe, le mal se diffuse alentour comme une nouvelle barbarie : l'antitradition s'insinue partout avec son standard of living, « modernisant » des civilisations qui, comme l'Islam, l'Inde et la Chine conservaient encore, même sous forme de reflets lointains, des valeurs propres à l'ancien ordre. Ce qui amène Guénon - à juste titre, selon nous - à dire, contre Massis, que ce n'est pas d'un « péril oriental » contre l'Occident qu'il faut parler, mais bien d'un « péril occidental » contre l'Orient. Et on a déjà pu voir, en Occident, où conduisent les tentatives de réaction : ce sont les déviations néospiritualistes et spirites, elles-mêmes reflets de la tyrannie des facultés infra-intellectuelles et de l'incompréhension pour une réalité qui, ici et là, a pu être surprise au travers d'« ouvertures » lucifériennement entrebâillées. Et quand bien même il ne s'agirait pas de théosophismes et autres spiritismes, le renouveau chrétien lui-même, avec ses sectes et ses « retours », est le plus éloigné qui soit de ce sévère ensemble de connaissances ascétiques et symboliques qui, à travers le christianisme, pourrait conduire à une reprise de contact avec la réalité métaphysique et la tradition, en tant que libération et réintégration du Moi.
    Pour Guénon, le panorama offert par l'époque moderne est plutôt bouché. Et notre auteur n'est pas disposé à transiger : il dit non à l'esprit occidental pris en bloc, et doute qu'il soit encore temps pour arrêter la course qui nous entraîne sans rémission vers une issue catastrophique. Quoi qu'il en soit, cela exige, en premier lieu, la formation d'élites chez lesquelles reprendrait vie le sens de la réalité métaphysique. Mais, entre ces élites (qui, d'ailleurs, pourraient exister déjà, plus ou moins dans la coulisse) et les grandes masses de la société moderne, comment peut-on envisager que s'établisse une communication ? Et quand bien même ce pas serait franchi, est-ce que la « tradition » , au sens large, cesserait pour autant d’être un problème ?
    La tentative de partir de l'une des traditions encore existantes et de procéder, à partir de là, par l'« intégration », pourrait offrir de bien meilleures possibilités. À cet égard, l'attention de Guénon s'est portée sur le catholicisme. Comme on l'a vu, il considère que, plus que toute autre, la tradition catholique a été, en Occident, le dépositaire de la « tradition primordiale » : dépôt reçu avant tout sous une forme religieuse et passé, de nos jours, à l'« état latent » en tant que corps de doctrines et de symboles dans la compréhension desquels n'entre plus rien de métaphysique. Il conviendrait, par contre, qu'une élite, qui en soit capable, se dégage des rangs du catholicisme. Quant à la réintégration, elle pourrait, selon Guénon, s'appuyer sur la connaissance de doctrines orientales qui, à l'instar du Vêdânta (dont il a donné lui-même un excellent exposé dans L'Homme et son devenir selon le Vêdânta, Paris, 1925), auraient conservé, jusqu'à nos jours, l'enseignement orthodoxe sous une forme plus pure et plus métaphysique. Ce n'est qu'alors que le catholicisme pourrait se ressaisir et se poser comme un principe positif en face de la crise du monde moderne. Combien sont illusoires de telles espérances, ce n'est pas ici le lieu de le relever : et Guénon laisse d'ailleurs transparaître une certaine désillusion faisant suite à diverses expériences personnelles en ce domaine. Quoi qu'il en soit, n'en demeurerait pas moins entier ce problème : jusqu'à quel point peut-on penser que le catholicisme, même ainsi « réintégré » , est à même de réorganiser, dans l'unité d'une tradition universelle, le monde moderne ? En tant que fondement, il ne faut se faire aucune illusion : désormais, le catholicisme ne constitue plus le centre du monde moderne - là où il prédomine encore, c'est de façon toute superficielle et il n’empêche pas que le principal pôle d’intérêt dans l'existence soit d'un tout autre ordre : laïc et anti-traditionnel.
    Allons plus loin : la compréhension même de la réalité métaphysique, telle que Guénon la présente, est en contradiction avec l'esprit de l'Occident non pas seulement post-humaniste, mais aussi classique, nordico-germanique et hellénique : il est donc inévitable que Guénon voie en lui une impasse et se borne à prononcer un verdict de condamnation privé d'effets. On peut, toutefois, se demander si la façon dont il conçoit le métaphysique est vraiment la seule possible et la seule légitime.
    Nous touchons là un point névralgique - où le système de défense de Guénon offre une brèche. C'est que le terme d'« intellectualité pure », utilisé par lui comme organe de la « connaissance métaphysique », recèle une équivoque et même un paralogisme, car il signifie en fait « réalisation » ; or, toute « réalisation » comporte deux aspects, deux possibilités qui sont : l'action et la contemplation. De façon subreptice, Guénon identifie le point de vue métaphysique avec celui où la contemplation prédomine sur l'action - alors que revêt une égale dignité le point de vue où l'action prédomine, au contraire, sur la contemplation, et s'offre, elle aussi, comme une voie et un témoignage de la transcendance. Comme c'est le cas dans les traditions sapientielles héroïques des Kshatriya (guerriers), bien connues également de l'Orient, même si elles s’opposent fréquemment à celles, plus influentes, des Brahmana auxquels se rattache la position de Guénon. Mais, du point de vue « brahmane », l'antagonisme vis-à-vis de l'Occident s’avère âpre et irréductible, car l'esprit de ce dernier possède précisément une tradition essentiellement guerrière, mais qui ne révèle la possibilité de voies de réintégration latentes que si on l'aborde en partant des principes et de la compréhension du métaphysique propres à une sagesse guerrière. Et ces valeurs occidentales - telles que celles de l’affirmation de l'individu, de la pluralité, de la libre-initiative et de l'immanence - apparaîtraient alors, non pas comme des négations, mais comme des éléments à l'état matériel qu'il faudrait élever à l'état spirituel, et ce, conformément à l'âme d'une tradition authentiquement occidentale, c'est-à-dire guerrière.
    On peut dire, par conséquent, que l'œuvre de Guénon se révèle positive dans sa phase négative et négative dans sa phase positive, car, ici, son entreprise apparaît privée du point d'appui indispensable qui lui permettrait d'agir sur cette réalité comme il souhaiterait le faire. C'est, au contraire, en incluant le substrat héroïco-guerrier, que recèlent, aujourd'hui encore, les formes opaques du monde moderne, et en montrant par quelle voie on pourrait l'affranchir d'un tel plan et l'amener à se réaffirmer selon un ordre supérieur (et ces antiques traditions, dans lesquelles le Héros, le Seigneur et le Roi apparaissaient simultanément comme porteurs de valeurs et d’influences non humaines, pourraient, en ce domaine, nous en dire beaucoup) que l'on peut parvenir, en Occident, à quelque chose de plus qu'une stérile négation qui en méconnaît les véritables traits.
    C'est pourquoi - et bien qu'en face de Guénon, un Keyserling ne soit qu'un philosophe de salon, dilettante, et qu'en ce qui concerne Steiner, plus d'un coup destiné au théosophisme le concerne au premier chef - l'idée que l'Orient doit intégrer l'Occident comme un « sens » s'ajoutant à un « corps » qui en sort non pas altéré, mais vivifié (Keyserling) - un « sens » qui libère la volonté occidentale tandis que, simultanément, il « énergise » (Erkraft) la spiritualité orientale (Steiner) -, cette idée doit être étudiée et mise en valeur parallèlement, et contrairement, à ce que dit Guénon.
    À celui-ci revient, toutefois, le mérite d'avoir affirmé la nécessité d'un retour à un point de vue « non humain », au sens le plus intégral, clair, virilement ascétique, à la fois suprarationaliste et suprarationnel, du terme ; or, c'est là le principe de tout, ce qui compte au premier chef et sans lequel le problème de l'esprit du monde moderne serait condamné à rester insoluble.
    Source : Julius Evola. Ce texte est paru en juillet 1930, dans Bilychnis, sous le titre : « Movimenti antimo-derni e ritorni alla metafisica : René Guénon », rééd. par Aldo Perez, Rome, 1979. Tr. fr. : Gérard Boulanger, L'Âge d'or n°4, 1985, Pardès.

    http://frontdelacontre-subversion.hautetfort.com/archive/2014/01/24/mouvements-antimodernes-et-retours-a-la-metaphysique-rene-gu-5280087.html

  • L'Empire Évolien

     Le schéma d'un empire, au sens vrai, organique, (à distinguer soigneusement de l'impérialisme qui [...] n'est qu'une fâcheuse exaspération du nationalisme) est celui qu'on vit à l’œuvre, par exemple, dans écoumène européen médiéval. Il concilie unité et multiplicité. Les États y ont le caractère d'unités organiques partielles, gravitant autour d'unum quod non est pars (pour reprendre l'expression de Dante), c'est-à-dire d'un principe d'unité, d'autorité et de souveraineté supérieur à celui que chaque État particulier peut revendiquer. Mais le principe de l'Empire ne peut prétendre à pareille dignité que s'il transcende la sphère politique au sens étroit, en ce qu'il se fonde sur une idée, une tradition, un pouvoir spirituel dont procède sa légitimité. Les limitations de souveraineté des communautés nationales par rapport au "droit éminent" de l'Empire ont pour condition univoque cette dignité transcendante. La structure de l'Empire serait celle d'un "organisme composé d'organismes" ou, si l'on préfère, celle d'un fédéralisme, mais organique et non acéphale, un peu comme celui que réalisa Bismarck dans le deuxième Reich. Tels sont les traits essentiels de l'Empire au sens vrai.

    L'Empire ne signifie pas la dissolution des nations dans une nation unique, en une espèce de substance sociale européenne homogène, mais au contraire l'intégration organique de chaque nation. Une unité authentique, organique et non confuse ne se réalise pas à la base, mais au sommet.
    On ne peut absolument pas appliquer le terme de nation à un type organique supra-national d'unité. En rejetant la formule d'une "Europe des patries" et d'une simple fédérations des nations européennes, on ne doit pas tomber dans une équivoque [...]. Le concept de patrie et de nation (ou ethnie) appartiennent à un plan essentiellement naturaliste, "physique". Dans une Europe unitaire, patrie et nations peuvent subsister [...]. Ce qui devrait être exclu, c'est le nationalisme (avec son prolongement tératologique, l'impérialisme) et le chauvinisme, c'est-à-dire l'absolution fanatique d'une communauté particulière. Empire, donc, et non "Europe Nation" ou "Patrie européenne" serait, doctrinalement, le terme juste. Il faudrait faire appel, chez les Européens, à un sentiment "national" car il s'enracine en d'autres replis de l'être. On ne peut se dire "Européen" comme on se sent Français, Prussien, Basque, Finlandais, Écossais, Hongrois, etc., ni penser qu'un sentiment unique de cette nature puisse naître qui annule et nivelle les différences et se substitue à elles, dans une "nation Europe".

    Julius Evola

    Sources : Julius Evola, "Les hommes au milieu des ruines" / "Essais politiques"

     http://frontdelacontre-subversion.hautetfort.com/

  • Un numéro hors série de PRESENT a ne pas manquer

    A quelques jours des élections municipales : parution demain après-midi, 18 mars, d’un numéro hors série de PRESENT Present

    http://www.altermedia.info/france-belgique/