Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1644

  • Priorité à l’intérêt des élèves ? La preuve par le calendrier scolaire

    Le ministre de l'Éducation nationale montre qu'il se soucie plus des intérêts économiques à court terme que de l'intérêt des élèves.

    La première mouture du calendrier scolaire 2016-2017 prévoyait que les vacances de Noël débutent le mercredi 21 décembre, ce qui évitait une rentrée trop proche des agapes du Nouvel An pour que les élèves en soient complètement remis. Mais les professionnels du tourisme protestèrent contre ce projet : un départ en milieu de semaine compliquerait – voire empêcherait – des départs en vacances. Les locations débutent le samedi, pas le mercredi. Nous pensions naïvement que le propre des entrepreneurs est de s’adapter au marché, que les entreprises qui gagnent sont celles qui répondent aux besoins de leurs clients ; nous nous trompions apparemment. Il faut que les vacances commencent le samedi ! De même, les vacances de Pâques débutaient trop tard à leur goût, risquant ainsi de gâcher la fin de saison, la neige manquant souvent début mai. Ils demandaient donc l’avancement d’une semaine de ces vacances.

    Lire la suite....

  • Théorie du genre : la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) ment aux parents

    La théorie du genre avance masquée, au nom de l’égalité notamment. Le pouvoir est habile et vicieux. Il sait comment imposer ses vues sans alarmer l’opinion publique.

    En ce moment, en France, Farida Belghoul chez les musulmans et Alain Escada chez les catholiques tentent de faire prendre conscience des enjeux et enchaînent les conférences de ville en ville.

    Mais le pouvoir pratique le déni –« non, la théorie du genre n’existe pas », répète Najat Vallaud-Belkacem – et peut compter sur quelques officines complices comme la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) chargée d’apaiser les inquiets : circulez, il n’y rien à voir.

    Ainsi, l’antenne départementale du Val d’Oise de la FCPE vient de publier un communiqué hallucinant. Soit l’auteur de ce communiqué ne sait pas de quoi il parle et ferait donc mieux de se taire, soit il ment effrontément. Dans les deux cas, c’est scandaleux et les parents feraient bien de s’en aviser et de remettre les représentants de cet organisme à leur place.

    Dans son communiqué, la FCPE écrit notamment : « Si cette théorie pourrait être abordée, dans le cadre de l’éducation sexuelle aux collèges et aux lycées, elle ne sera pas abordée en primaire où son uniquement prévues des informations sur l’égalité des sexes. ».

    Or, c’est bien dès l’école maternelle que la théorie du genre se propage avec la lecture hebdomadaire d’ouvrages comme « Jean a deux mamans », « Papa porte une robe » ou « L’histoire du petit garçon qui était une petite fille ». C’est bien la théorie du genre qu’on inculque à nos enfants sous couvert d’un programme consacré à l’égalité.

    « La lutte contre l’homophobie et pour l’égalité fille/garçon a toujours été une priorité de notre fédération. », poursuit le communiqué, permettant de mieux comprendre l’origine des œuillères de cette fédération qui voit dans ceux qui dénoncent la théorie du genre une «inspiration pétainiste et réactionnaire ».

    Lire la suite

  • Les Ainu et la politique des minorités ethniques au Japon par Rémy VALAT

    « Le Japon est un peuple ethniquement et culturellement homogène », telle est l’idée dominante, héritée de la mythologie et de l’idéologie politiques modernes – qui a longtemps prévalu dans ce pays. À ce titre, pendant la période d’expansion coloniale en Asie (1895 – 1945), les populations ethniquement non japonaises ont été assimilées par la force (les habitants des îles Ryûkyû – l’actuelle préfecture d’Okinawa – et les Ainu) ou réduites au travail forcé (Coréens). D’autres minorités sont le résultat des migrations internationales contemporaines et de divisions culturelles au sein même de la société japonaise.
    Survol sur les minorités au Japon
    Le Japon est le « pays des dieux », un pays unique peuplé par une race homogène : une interprétation courante des groupes ethniques et des nations souhaitant se singulariser par rapport aux autres. Cette vision est défendue par les politiques et longtemps soutenue par la communauté scientifique qui défendait la thèse d’une « japonéité » se fondant sur une explication biologique, servant de prétexte à une appartenance communautaire reposant sur le « droit du sang ».
    Toutefois, il existe des disparités au sein même de la population de même sang, une « caste » a pendant longtemps été reléguée : les Burakumin (ou « gens des hameaux » – sous-entendu « spéciaux »). Les personnes (et leurs collatéraux) exerçant des métiers « impurs » d’un point de vue religieux, parce qu’en relation avec la chair morte ou la mort, voire pour le caractère itinérant de leur profession (forains), ont été mises au ban de la société (comme les comédiens ou les bourreaux de la société française d’Ancien Régime). La discrimination à l’encontre de ces individus est en voie de disparition. D’autres Japonais, les victimes des bombes atomiques américaines, ont aussi été considérées avec un certain mépris, comme l’attesterait des enquêtes menées sur les demandes en mariage ou les demandes d’aides sociales (travail, assurance maladie), peut-être en raison de la visibilité de leurs blessures, qui serait une sorte de rappel d’un passé que l’on souhaiterait oublier.
    La logique des vertus de l’homogénéité ethnique a été mise à mal par l’expérience d’un retour au pays de descendants d’émigrants japonais, les « personnes de lignée japonaise » (Nikkeijin). Ces derniers ont bénéficié – pendant la phase de reconstruction et d’essor économique de l’après-guerre – d’une politique favorable d’immigration, en réalité une politique officieuse d’immigration choisie. Ils seraient, à l’heure actuelle, environ 700 000 résidents permanents. Beaucoup sont revenus d’Amérique latine (principalement du Brésil), où ils ont servi de main-d’œuvre dans les plantations de café, des États-Unis, où ils ont été victimes de sévères lois sur l’immigration et – après la déclaration de guerre avec le Japon – de persécutions et d’internement dans des camps, et des Philippines. Ces « Japonais de sang » ont également été soumis, à leur arrivée, à un statut particulier (titre de résident temporaire, logement dans des quartiers réservés) et connaissent de nos jours une crise d’identité, mais aussi des difficultés d’insertion, notamment du fait de leur acculturation et, parfois d’une maîtrise insuffisante de la langue.
    Avec les Ainu, objet de cet article, les 1,4 million d’habitants des îles Ryûkyû (actuelle préfecture d’Okinawa, annexée en 1879, puis occupée par l’armée étatsunienne entre 1945 et 1972) ont aussi bénéficié d’un statut particulier, parce que peuple autochtone. Engagés dans la lutte pour la rétrocession de l’île au Japon, les habitants d’Okinawa ont vu leur niveau de vie nettement amélioré, bien qu’encore inférieur à celui des autres préfectures japonaises.
    La principale minorité issue de l’immigration est d’origine coréenne (700 000 personnes en 2005), qualifiés de « Ceux qui sont au Japon » (Zainichi). Cette communauté est venue sur le sol national japonais, lors de l’annexion de leur pays (1910 – 1945). Traités avec mépris, ces travailleurs – d’abord volontaires – puis soumis au travail obligatoire vivaient dans des espaces réservés (buraku) et ont mêmes été victimes de massacres collectifs : en 1923, dans les circonstances difficiles du tremblement de terre, bon nombre ont été tués par les Tôkyôites qui les ont accusés d’avoir empoisonné l’eau de consommation courante. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils seront enrôlés de force, selon un système proche du Service du travail obligatoire allemand (S.T.O.). En 1945, plus de 2 millions de Coréens retourneront dans la péninsule, 600 000 resteront au Japon, mais privés de nationalité jusqu’en 1965 (ils deviendront « Sud-Coréens » en 1965). Le Japon compte aussi une minorité chinoise, d’immigrants venus des pays littoraux ou insulaires de l’Océan Indien et du Pacifique et un faible nombre de ressortissants des pays occidentaux, principalement nord-américains.
    Ce tableau mérite cependant d’être nettement tempéré, car depuis l’ouverture du Japon sur le monde et la pacification de ces mœurs politiques en Asie, ce pays, doté d’une Constitution réellement démocratique, est progressivement devenu une terre d’accueil pour les étrangers (principalement asiatiques, des Chinois et des Coréens, soit 57 % des résidents étrangers au Japon), en raison du changement des mentalités et du besoin d’immigration, engendré par le vieillissement de la population : les étrangers représentent 2 % de la population totale, et leur nombre a augmenté de 50 % depuis le début du deuxième millénaire. Les nouveaux venus sans qualifications ou ne maîtrisant pas la langue sont, comme dans tous les pays économiquement développés, bien souvent réduits aux tâches les moins valorisantes ou les plus pénibles (ce sont les trois « K » : kitsui, pénible; kitanai, sale; kiken, dangereux), mais de réelles possibilités d’intégration – y compris l’adoption de la nationalité japonaise – existent pour eux. Chaque année, 42 000 nouvelles unions, soit 6 % des mariages annuels au Japon, sont le fait de couples internationaux (dans 80 % des cas, l’époux est Japonais). Dans la réalité, le regard porté par les Japonais sur les minorités asiatiques a changé, en dépit de la persistance de discriminations réelles. Le Japon paraît être en transition et s’adapter avec prudence aux réalités migratoires, corollaire de la troisième mondialisation.
    La culture ainu : origines et principales caractéristiques
    L’origine des populations ainu serait Préhistorique : elle remonterait à la période Jômon (voir notre article sur ce sujet), et son origine exacte reste encore incertaine. Certains individus sont parfois morphologiquement différents des hommes de la période Jômon, leurs phénotypes ayant des caractéristiques pouvant les rattacher aux populations caucasiennes. La culture Jômon sera progressivement subjuguée par une nouvelle vague de migrants venue du continent à la période Yayoi (Ve siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.), importatrice de technologies (riziculture et métallurgie) et d’une culture nouvelles : leurs descendants sont les Japonais. Les populations constitutives de la culture ainu étaient implantés dans la zone septentrionale insulaire de Hokkaidô, de Tôhoku, des Kouriles, de Sakhaline et du sud de la péninsulaire du Kamtchakta. Les spécialistes penchent désormais pour la cœxistence de plusieurs groupes ethniques différents répartis dans la partie septentrionale du Japon actuel : les Emishi (voir infra) – repoussés par les Japonais – venus du Nord du Tôhoku et du Sud-Ouest de Hokkaidô- se seraient amalgamés avec les populations existantes (Ashihase).
    Au VIIIe siècle, les ethnies ainu se répartissent sur les îles Kouriles et Sakhaline. Dans les premières annales du Japon (le Kojiki et le Nihongi ou Nihonshoki), ces derniers sont dépeints comme appartenant à une ethnie différente, farouche et sont qualifiés de différents ethnonymes (dont celui d’Emishi) faisant référence à leur pilosité corporelle abondante. Ces populations se qualifient elles-mêmes de Ainu, qui signifie  : « être humain ».
    La langue ainu est radicalement différente du japonais (qui appartient au groupe des langues altaïques – à l’instar du turc, du mongol, du toungouse et du coréen) aussi bien d’un point de vue syntaxique, phonologique, morphologique que du vocabulaire (comme la langue basque dans le Sud-Ouest de la France et en Espagne). Enfin, la culture ainu est une tradition orale, son système d’écriture repose sur des translittérations empruntées aux langues des civilisations russes (alphabet cyrillique) et japonaises (katakana). Plusieurs dialectes la composent, mais une langue commune, véhiculaire était compréhensible par tous les membres de la communauté, parce que réservée à la transmission culturelle, notamment des mythes. La langue ainu est en voie d’extinction, peut-être une quinzaine de locuteurs l’utiliseraient de nos jours.
    La culture ainu a hérité de nombreuses pratiques de la période protohistorique, notamment le tatouage, les fondements de la religion, la chasse, mais avec une évolution singulière dans le temps, constitutrice d’une « identité ». La société ainu est restée pendant longtemps traditionnelle et proche de la nature : ce « retard » technologique par rapport à la Russie et au Japon l’a – à terme – marginalisée.
    Les Ainu face à la colonisation japonaise dans un contexte politique et économique d’expansion impériale (1869 – 1945)
    Les Ainu se trouvaient, du point du vue des gouvernements successifs japonais, au-delà du « limes ». Si les clans du Tôhoku (Nord-Est de l’île d’Honshû) ont finalement adopté la culture dominante, les autres groupes ont longtemps offert une âpre résistance au front pionnier japonais. Dès la période de Heian, les marches de l’État japonais étaient administrées par un officier supérieur, chargé de soumettre les Emishi : le shôgun. Au XVe siècle, les Japonais commencent à s’implanter dans le Sud-Ouest de Hokkaidô (Ezochi, appellation ainu) et à repousser les populations locales vers le nord, mais celles-ci parviennent à faire refluer l’invasion, puis à renouer des relations économiques avec le Japon.
    À l’époque d’Edo (1600 – 1867), la politique de fermeture adoptée par le shôgunat ne s’applique pas aux Ainu : ces derniers commercent abondamment avec les Chinois et les Russes. Mais, la progression russe d’Ouest en Est à travers l’Asie centrale vient se heurter aux intérêts japonais : les enjeux se cristallisent autour du contrôle de l’île Ezo (ancienne appellation de Hokkaidô). Le Bakufu renforce son emprise sur l’île en détruisant la résistance des populations autochtones (bataille de Knashiri-Menashi, 1789) : l’île est économiquement exploitée par le Japon, notamment pour la production d’engrais de harengs.
    Une rupture s’opère au XVIIIe siècle, l’invasion russe du Nord des îles Kouriles et de Sakhaline (à partir de 1730) pousse le gouvernement japonais à poursuivre une politique d’assimilation des peuples indigènes pour justifier sa revendication territoriale (un traité russo-nippon fixe la frontière entre les deux États, traité de Shimoda, 1854 : la ligne de partage séparant les deux empires se situant entre les îles d’Urup et d’Etorofu, voir notre article sur le sujet).
    La restauration impériale (1868) et l’essor économique et industriel sont accompagnés d’un accroissement de la population japonaise : bon nombre d’insulaires partent s’installer à l’étranger, notamment en Amérique du Sud. En 1869, l’île de Hokkaidô est annexée à l’Empire et la colonisation favorisée (une commission de colonisation est créée); en 1886, l’île devient une préfecture, avec un statut particulier. Les Ainu sont rapidement soumis à un régime d’exception, leur interdisant toute activité culturelle (tatouages, pratiques funéraires, etc.) et économique traditionnelle (pêche, chasse). La situation connaît une aggravation, lorsqu’un nouveau traité russo-japonais rattache toutes les îles Kouriles au Japon, en échange de l’actuelle Sakhaline (1875). Les Ainu de Sakhaline sont contraints de rejoindre Hokkaidô, où ils sont cantonnés dans des réserves.
    La politique cœrcitive japonaise vise à transformer la population, paupérisée par l’accaparement des terres par des colons japonais, en agriculteurs. Une politique volontariste d’assimilation, oblige les enfants des familles ainu à se rendre dans des écoles spécifiques où les enseignements sont dispensés en langue japonaise, les mariages mixtes sont encouragés. Par ailleurs, la colonisation a des effets ravageurs sur les autochtones, marqués psychologiquement, d’aucuns sombrent dans l’alcool, d’autres périssent des maladies importées par les immigrants nippons.
    Les Ainu sont peu à peu soumis à un statut particulier. La commission de Colonisation adopte officiellement le terme de kyudojin, qui signifie « anciens aborigènes » (1878). Plus tard, en 1899, une loi est votée par les représentants japonais pour « protéger » les Ainu, considérés comme une « race primitive sur le déclin ». La politique coloniale japonaise se calque ainsi sur la pensée occidentale, notamment les théories évolutionnistes alors en vogue, et mise au service d’une politique expansionniste. Les Ainu et leurs territoires sont devenus une sorte de musée, de « zoo humain » (déjà vu sous d’autres tropiques), que viennent étudier et photographier les anthropologues occidentaux : des Ainu sont mêmes présentés aux expositions internationales de Chicago (1904) et de Londres (1910)…
    Les Ainu vivent dans une situation de grande précarité, et ce n’est pas l’exode massif de population de la fin de la Seconde Guerre mondiale (1,5 million de Japonais supplémentaires se rendent sur l’île d’Hokkaidô, poussés par l’avancée soviétique en extrême-Orient et dans les îles Kouriles) qui permit d’apporter une amélioration à leur sort…
    La politique coloniale japonaise est, nous l’avons dit, une appropriation et une adaptation des politiques coloniales européennes. Les autorités japonaises, nous l’avons vu, se sont octroyés le « pouvoir de nommer » la population cible, afin de l’individualiser et d’en souligner l’altérité, voire de la « dévaloriser » (la référence à la pilosité et le statut d’aborigène, voir supra). Cette qualification (1878) a été une étape déterminante à la création d’un statut singulier (1899) justifiant les pratiques discriminatoires et répressives, processus que l’on retrouve dans toutes les colonisations. Le statut de kyudojin n’est pas sans rappeler celui de l’indigénat dans les colonies françaises d’Afrique ou celui des Indiens d’Amérique du Nord.
    Ces mesures administratives sont à l’origine d’un mouvement de défense de la part des populations ainu, même si certains, convertis au christianisme, espèrent que l’assimilation leur permettra d’obtenir une égalité de droit avec les Japonais. En 1930, un mouvement associatif voit le jour et réclame la révision de la « loi discriminatoire » de 1899. En outre, le processus de démocratisation enclenché après la défaite du Japon (1945) créé un climat plus favorable pour le mouvement revendicatif, qui peut notamment faire référence à l’article 13 de la Constitution qui rendent illégales la discrimination et l’assimilation du peuple ainu.
    Les nouvelles représentations du peuple ainu : l’acquisition d’une reconnaissance officielle sous regard international (1945 à nos jours)
    Les années 1960 marquent un tournant. Pendant cette période encore, l’image des Ainu est instrumentalisée : les guides touristiques, notamment francophone, décrivent les populations locales comme « une race frappée d’impuissance » (guide Nagel, 1964); des scientifiques japonais vont même jusqu’à leur nier toute aptitude technique propre (ce qu’invalide les découvertes archéologiques actuelles). À la fin de la décennie, en pleine phase contestataire au Japon (mouvements des habitants et mouvements contre les discriminations) et dans le monde (Mai 1968), les associations de défense de la communauté ainu donnent de la voix par des actions symboliques (protestations contre la commémoration du centenaire de la colonisation de Hokkaidô, notamment).
    En 1968, le gouvernement japonais fait un pas en faveur de la communauté en révisant partiellement la loi de 1899 (sans en modifier le caractère discriminatoire) et en proposant des aides sociales.  S’inspirant des mouvements de revendications des peuples autochtones de par le monde et des mouvements anti-colonialistes de libération nationale, le mouvement revendicatif ainu adopte une stratégie internationale, se fondant sur la charte internationale des droits de l’Homme.
    L’association des revendications à ces valeurs universelles oblige le gouvernement japonais, en pleine expansion économique bâtie sur une représentation pacifique du pays, à signer la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1978) et le Pacte international sur les droits civils et politiques (1979) et à reconnaître les droits des minorités. Mais l’existence de ces dernières est niée, le Premier ministre Nakasone Yasuhiro ayant officiellement rappelé le caractère mono-ethnique du pays (1986). En 1987, des représentants de la communauté ainu sont admis au groupe de travail des Nations unies, ayant entamé une réflexion sur le sort des peuples autochtones : il en résulte, en 1989, que le gouvernement japonais établit un comité en charge d’examiner les différents points d’une future loi concernant le peuple ainu.
    Placé sous les projecteurs de la communauté internationale, Tôkyô finit par attribuer le statut de minorité ethnique aux Ainu et l’image de ces derniers commence à évoluer favorablement au yeux de l’opinion japonaise : en 1994, Kayano Shigeru (1926 – 2006), un des responsables du mouvement de revendication entre au Sénat; en 1997, le gouvernement japonais abolit l’appellation de kyudojin et adopte une loi de valorisation de la culture ainu (loi sur le développement de la culture ainu et la diffusion et l’instruction de la connaissance concernant la tradition ainu). Cette loi fait suite à un contentieux administratif autour du projet de construction d’un barrage sur un site sacré ainu : le rendu de la cour de justice de Sapporo ayant reconnu le caractère sacré du lieu et rappelé les carences du gouvernement japonais en matière de protection de l’héritage culturel des Ainu, cette décision a pesé sur l’adoption de la loi de 1997. C’est le premier texte reconnaissant une minorité ethnique au Japon. La législation offre désormais la possibilité aux multiples manifestations culturelles d’être subventionnées, mais ne prend spécifiquement en charge les problèmes socio-économiques de la population cible et aucune autonomie politique n’est accordée (elle n’est d’ailleurs pas recherchée par les intéressés). Le gouvernement revendique toujours sa totale légitimité sur l’île d’Hokkaidô : le centre de promotion de la culture ainu, qui a ouvert ses portes à Sapporo en 2003 est administré par des fonctionnaires japonais et lors du classement de la péninsule de Shiretoko à l’inventaire du patrimoine naturel mondial, aucune référence n’a été faite à la culture ainu, à laquelle cette langue de terre doit le nom. Enfin, le 6 juin 2008, une résolution, approuvée par la Diète, invite le gouvernement à reconnaître le peuple ainu, comme indigènes du Japon et à hâter la fin des discriminations, la résolution reconnaît le peuple ainu comme un « peuple indigène, avec un langage, une religion et une culture différente et abroge la loi de 1899.
    D’après des enquêtes menées par l’association de défense de la culture ainu (Tari), les Ainu seraient encore victimes de discriminations scolaires (présence moindre sur les bancs universitaires) ou sociales (mariage). Cependant les mentalités et le regard porté sur les Ainu continuent de changer, notamment par le truchement des découvertes archéologiques, qui mettent en avant les peuples de la période Jômon, replacés dans une perspective et un environnement asiatiques (voir notre article sur le sujet). Des expositions internationales, un projet de parc culturel et même des artistes d’origine ainu (l’acteur Ukaji Takashi, le musicien Kano Oki) défendent et cherchent à valoriser leur culture. Des citoyens, issus de la génération d’enfants nés de couples mixtes, essayent de découvrir (pour ceux qui le découvrent) leurs origines, occultées par les parents. Cependant,  le film d’animation Princesse Mononoké (1997), réalisé par Hayao Miyazaki, fait implicitement référence aux traditions ainu, mais sans les manifester ouvertement. Mais, depuis peu (30 octobre 2011), un mouvement de militants ainu se lance dans la vie politique institutionnelle avec à sa tête, Kayano Shiro, le fils de l’ancien responsable ainu, Kayano Shigeru, et pour objectif l’instauration d’une société multiculturelle et multi-ethnique au Japon.
    Conclusions
    L’idée japonaise d’une société ethniquement homogène est battue en brèche, parce que pure construction politique et idéologique. Avant la Seconde Guerre mondiale, le rapport aux minorités reposait sur le rapport de force, la création d’un statut, l’assimilation et l’exploitation économique forcée. Hanté par la crainte de la dégénérescence raciale et aveuglé par le succès de l’expansion coloniale qu’ils attribuent à la supériorité de leur « race» en Asie, le Japon s’est enfermé dans une idéologie et une politique impérialiste, qui a conduit le pays à la défaite. Il est flagrant de relever qu’après un conflit multiséculaire contre les Emishi et les Ainu, c’est précisément au XIXe siècle – alors que le Japon s’ouvre aux technologies, aux économies et aux cultures de l’Occident – que ce pays en s’en appropriant certaines de ses valeurs, s’est donné les moyens d’une politique impériale à destination de l’Asie et des territoires proches revendiqués par lui (Hokkaidô, îles Ryukyu et péninsule coréenne).
    L’objectif était ouvertement – pour les populations des îles périphériques – l’assimilation, car d’un point de vue juridique, le Japon ne reconnaissait, jusqu’à la résistance civique des Ainu, qu’une seule ethnie. Les difficultés rencontrées par les Nikkeijin dans leur intégration, a démontré que l’appartenance à un groupe sur le seul critère biologique (l’innée), est une interprétation erronée minimisant l’importance des facteurs culturels (l’acquis).
    Même si à l’heure actuelle, les minorités ne sont toujours pas juridiquement considérées comme faisant partie intégrante de la société, car ne possédant pas les attributs de la japonité, la société japonaise change : les signes d’acceptation des minorités (officieuses et de la minorité officielle ainu) sont visibles dans les média et au quotidien. En outre, les conditions d’accès à la citoyenneté japonaise prennent les formes intelligentes, pragmatiques et prudentes d’une immigration choisie (comme remède au vieillissement programmé de la population). Enfin, émane du pays une image pacifiée et positive, que l’on retrouve dans les médias occidentaux et sur Internet (le « Cool Japan », politique internationale pacifique, etc.), qui font de ce pays, probablement un des seuls réellement démocratique en Asie, une terre d’accueil pour de nouveaux immigrants, à condition que ceux-ci fassent un effort réel d’intégration (ce qui est au demeurant la moindre des choses…).
    Rémy Valat http://www.europemaxima.com/?p=3482
    Orientations bibliographiques :
    • Batchelor John, Sympathetic Magic of the Ainu. The Native people of Japan, Folklore History Series, reprint 2010.
    • Beillevaire Patrick, « Okinawa : disparition et renaissance d’un département », in Le Japon contemporain, Dir. Jean-Marie Bouissou, Fayard, C.E.R.I., 2007.
    • Dallais Philippe, « Hokkaidô : le peuple Ainu, ou l’ambivalence de la diversité culturelle au Japon », in Le Japon contemporain, Dir. Jean-Marie Bouissou, Fayard, C.E.R.I., 2007.
    • Ethnic groups in Japan, including Ainu people, Ryukyuan people, Emishi, foreign-born Japanese, Dekasegi, Yamato people, Gaijin, Chinese people in Japan, Brazilians in Japan, Aterui, Indians in Japan, Peruvians in Japan, Burmese people in Japan, Hephaestus Books, 2011, (Une impression des sources Wikipédia disponibles sur le sujet).
    • Kayano Shigeru, The Ainu. A story of Japan’s Original People, Tuttle Publishing, 1989.
    • Pelletier Philippe, Atlas du Japon. Une société face à la post-modernité, Autrement, 2008.
    • Poutignat Philippe et Streiff-Fenart Jocelyne, Théories de l’ethnicité, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », avril 2008.
    • Reischauer Edwin O., Histoire du Japon et des Japonais. Des origines à 1945, Seuil, coll. « Points Histoire », 1988.
    • Yamamoto Hadjime, Rapport japonais. Les minorités en droit public interne au Japon, en ligne à l’adresse suivante : www.bibliojuridica.org/libros/4/1725/45.pdf

  • Thibon, entre Révolution et Harmonie

    Gustave Thibon, philosophe catholique du XXe siècle, fut toute sa vie empreint d’une forme assez particulière d’anarchisme. Dès son enfance, dit-il souvent, il a conjugué sa grande curiosité avec une nette tendance à l’insoumission.
    Dès lors, il semble presque évident que ce personnage, très contrasté et profond, ait flirté avec le thème de la révolution.
     Quoi de mieux pour commencer une longue vie au service de la foi et de la vérité que d’avoir eu pour maîtres, non pas l’école de la République de cette fin de la IIIe République, mais des livres de toute sorte.
    Ses modèles ne furent pas les hussards noirs de la République, mais les trésors de la bibliothèque d’un voisin, à Saint-Marcel-d’Ardèche.
    «  J’eus le bonheur d’avoir un voisin qui laissa à ma disposition une bonne bibliothèque. J’emmagasinai philosophie, mathématiques, langues étrangères, latin, un peu de grec, jusqu’à une crise suscitée par le surmenage, qui a brisé quelque chose en moi, et ne m’a plus permis d’avoir une seule journée d’euphorie. » [1]
     On a souvent dit de lui qu’il était un autodidacte parce qu’il avait plus appris auprès des penseurs qu’il lisait tout seul qu’à l’école, lieu qu’il avait d’ailleurs rapidement abandonné. Certes, il n’est jamais entré en Université, mais sa curiosité l’a conduit à prendre pour mentors tous ces auteurs de l’Antiquité jusqu’au début du XXe siècle, de Jules César à Nietzsche, en passant par Platon, Hölderlin ou Cervantès[2]. Il fut d’ailleurs lecteur de ces auteurs dans leur langue originale. Le latin, le grec, l’espagnol, l’italien et l’allemand sont tout autant des langues qu’il put apprendre seul ou auprès de personnes rencontrées lors de ses voyages[3].
    En somme, il reçut plus une libre éducation qu’une instruction libre.
                Déjà, dans ses jeunes années, G. Thibon montrait une certaine tendance à l’inhabituel, à la provocation sinon à l’indépendance. Il n’est pas étonnant d’apprendre, dans ses écrits où il évoque sa jeunesse, qu’il quitta la foi catholique pour l’agnosticisme vers l’âge de 14 ans avant d’y retourner dans la vingtaine.
    Pour bien des gens de l’époque, c’était déjà un signe de protestation contre l’ordre et la société, surtout rurale, très marquée par les mœurs et la morale catholique.
    Sa vie durant, G. Thibon oscilla entre les extrêmes, entre l’illusion de Dieu et l’urgence du retour de la morale chrétienne, entre le silence et le témoignage, entre le temporel et le spirituel, entre les sens et l’esprit.
    « Deux instincts coïncident dans mon esprit : l’un (qui tient à mon tempérament) et qui tend vers la révolte, le non-conformisme, et l’autre (qui procède de ma raison) qui adhère à l’ordre et à la tradition. Dans une époque normale, je me sentirais déchiré entre ces deux vocations contradictoires. Mais le malheur des temps fait qu’aujourd’hui elles se confondent. Le désordre et la folie étant installés au pouvoir et dans les mœurs et devenus l’objet d’un nouveau conformisme (conformisme de la révolution en politique, du péché en morale, du néant et de l’absurde en philosophie, etc.), les amants de l’ordre et de la raison se trouvent nécessairement rejetés dans le camp des révoltés. Quel privilège de pouvoir unir dans le même élan l’anticonformisme et le bon sens ! »[4]
     Entre 1933, date de la publication de son premier ouvrage intitulé La science du caractère (l’œuvre de Ludwig Klages), et L’illusion féconde, parue en 1995, soit 6 ans avant son décès, G. Thibon n’a eu de cesse d’évoquer l’équilibre et surtout l’harmonie dans l’envie – voire même la nécessité que partagent ou partageaient beaucoup de ses contemporains – pour la révolution en ces temps où la société se putréfie de l’intérieur.
    Mais, de paradoxe en paradoxe, d’aphorisme en aphorisme, se dessine une définition de la révolution qui tend moins vers cette agitation de surface, chère à Fernand Braudel, que vers les remous lents et profonds des Cieux et de l’âme.
     C’est d’abord dans son ouvrage Diagnostics. Essai de physiologie sociale (1940) que Thibon aborde en profondeur la question de la révolution, dans son chapitre XIV intitulé « la biologie des révolutions. » Cet ouvrage, qui est un recueil de textes écrits entre 1936 et 1939 et réunis par Gabriel Marcel, est assez fondamental pour comprendre le point de vue de G. Thibon à propos des révolutions.
    Dans ce chapitre, il réfléchit sur la révolution, non pas de façon générale, mais en tant que « la révolte des masses contre l’autorité, plus précisément le bouleversement social de type démocratique (comme par exemple la révolution française de 1789 ou la révolution russe de 1917) »[5]. Pour lui, les révolutions antiques étaient surtout le fait d’une rivalité de chefs, et elles ne prenaient lieu que dans l’élite. Le peuple, ou l’armée, n’avait finalement qu’un rôle instrumental au milieu d’un conflit de pouvoir.
    Pour Thibon, la révolution doit être comparée à une maladie infectieuse. Il reprend d’ailleurs les mots de Jacques Bainville qui aurait « dit quelques part que le peuple français, en commémorant la prise de la Bastille, ressemblait à un homme qui fêterait l’anniversaire du jour où il aurait pris la fièvre typhoïde. » Cette utilisation du terme de fièvre typhoïde d’ailleurs est utile à Thibon qui l’élargit en justifiant que cette fièvre est certes un mal, mais un mal qui possède aussi la capacité de purger et rénover l’organisme, se posant comme prélude à une phase de santé plus pure et plus riche. [6]
    Le cœur de son idée est donc d’accepter le fait qu’une révolution ne se réalise pleinement que lorsqu’elle laisse sa place.
     « L’expression « bienfaits d’une révolution » implique à la fois la mort de cette révolution et la survie (au moins dans ce qu’il a de conforme aux exigences essentielles de la nature humaine) de l’état social que cette révolution a voulu tuer. »[7]
     Ainsi, à la suite de ces propos, Thibon explique que l’idolâtrie révolutionnaire consiste à vouloir « éterniser, comme conforme au bien suprême de l’homme, un régime de purgation et de désintégration, un état de crise. »[8]
    La révolution doit être donc appréciée pour sa « vertu purgative, mais non nutritive », en somme comme « toute erreur, toute aberration, tout mal. »[9]
    L’idéal de la « révolution permanente » chère à Lénine, ainsi que Gide, apparait alors à ses yeux comme une folie. En tant que maladie, la révolution ne peut fournir « le fondement naturel de la vie de la Cité »[10].
    Dans un second temps, il s’intéresse à la fonction des révolutions.
    Normalement, dit-il, les révolutions servent à « purger et à assainir un ordre politique plus ou moins caduc et corrompu. » Mais « ces crises révolutionnaires finissent généralement très mal et cèdent la place en mourant à un régime plus impur que le régime qu’elles ont tué. » « La fièvre révolutionnaire peut conduire à une santé parfaite. Mais à condition d’en guérir, – et d’en guérir complètement ! »[11]
    Le problème réside donc dans le fait que les sociétés guérissent mal des révolutions.
    Ce problème révolutionnaire se pose d’autant plus que la masse tend à vouloir renverser les grands pour faire comme eux, c’est-à-dire participer « au festin de la corruption. »[12]
    Pour Thibon, le mal vient donc simultanément d’en haut et d’en bas, des chefs et du peuple. Mais, à ses yeux, ce sont les élites qui ont une responsabilité plus lourde que celle du peuple[13].
    Parallèlement à cette réflexion, mais dans son prolongement, Thibon développe le fait que pour le chrétien, la révolution n’est pas une solution :
    « Il est une chose à laquelle les chrétiens ne réfléchissent peut-être jamais assez : un Dieu tout puissant, créateur d’un monde si impur, n’a jamais détruit ni recréé ce monde !
    Mais les hommes impuissants ne redoutent pas de détruire (…). Il est amèrement instructif de les observer [certains amants de l’humanité] : au nom d’un scandale à supprimer, d’une injustice à réparer, ils n’hésitent pas à trancher les racines millénaires de la vie sociale ; ils provoquent un cancer pour guérir une égratignure ! »[14]
    Pour Thibon, « une seule révolution partie d’en bas a vraiment transfiguré l’humanité : le christianisme ».[15]
    A partir de ce constat, Thibon développe l’idée selon laquelle s’il doit y avoir une révolution (dont il définira plus loin l’objectif, la finalité), elle ne peut venir que des élites.
    En outre, la solution qu’il envisage aux lacunes du pouvoir temporel, n’est pas la révolution ni l’anarchie mais la correction sinon l’avertissement de la part d’une autorité spirituelle. Il cite Joseph De Maistre à ce sujet. Selon lui, entre les excès des oppresseurs et la revanche des opprimés, le spectacle de ces deux abîmes ne doit pas susciter en nous une sorte de désespoir politique. Il existe un chemin de crête par où on échappe, en les dominant, à ces deux gouffres opposés : c’est celui de la réforme mue et dirigée par un haut. Et lorsque le pouvoir temporel manque à sa mission, il faut qu’il soit averti et corrigé, non par l’anarchie des peuples, mais par l’autorité spirituelle. [16]
    Mais Thibon signale :
     « Le devoir des forces spirituelles, c’est de porter Dieu aux grands et aux masses ; leur pêché, c’est de chercher Dieu tantôt dans les grands, tantôt dans les masses. »[17]
    Et conclue en expliquant ce que devraient être les échanges entre les divers organismes sociaux :
    « L’inférieur exhaussé vers le supérieur, non pour détruire, mais pour recevoir, et le supérieur incliné sur l’inférieur pour donner, et non pour opprimer. »[18]
    Cet ensemble de réflexions est intéressant en bien des points.
    Le premier point, qui est d’ailleurs fondamental, est que l’approche thibonnienne de la révolution ne peut être séparée du christianisme. Pour G. Thibon, il est impossible de détacher l’analyse du phénomène révolutionnaire en mettant de côté l’héritage, l’influence, puis la négation du christianisme.
    Il l’explique d’ailleurs très bien dans ses Nouveaux diagnostics. Retour au réel, de 1943 :
    « Le révolutionnaire, beaucoup plus pauvre que l’homme de la Renaissance, n’attend plus le ciel de la « délivrance » de sa propre personnalité. Mais il est tout aussi ennemi de la transcendance et de la croix, et ce salut qui n’existe que dans le Christ qui est tous les hommes, il le demande à la société, à l’homo collectivus qui n’est personne. Il a besoin d’une rédemption facile, de plain-pied ; il veut être sauvé sans quitter le rez-de-chaussée ou le passage à niveau. Et il prêche la révolution sociale parce qu’il est incapable de révolution personnelle ; il est révolutionnaire à l’extérieur pour se dispenser de l’être en lui-même. La fièvre révolutionnaire surgit ainsi comme une sorte d’ersatz de l’âme altérée d’une impossible conversion. »[19]
    Ce passage, qui est issu du chapitre intitulé « Christianisme et mystique démocratique » fut rédigé, non pas pendant le régime de Vichy, mais quelques années avant, en 1937 des mots de l’auteur, et publié une première fois en 1939 dans la Revue catholique des idées et des faits.
    C’est à la lueur de ce chapitre qu’apparaît plus distinctement l’ambition de Thibon au sujet du corps social et de la révolution.
    En effet, Thibon n’est pas fondamentalement contre le principe révolutionnaire, si tant est qu’elle laisse sa place à une société purgée de ses vices, libérées de membres malades, et prête au développement de ses vertus naturelles. Ce qu’il condamne, par contre, c’est l’absence de révolution intérieure, au profit d’une révolution extérieure où triomphe la loi du nombre et du pouvoir des masses. A ce titre, d’ailleurs, il se revendique comme plus révolutionnaire que « beaucoup d’hommes de gauche » :
    « Nous voudrions substituer à la société atomisée des bourgeois et des aspirants bourgeois (Péguy avait déjà souligné cette agonie du vrai peuple) une société organisée où chaque homme puisse déployer, à l’intérieur de ses limites et en communion avec ses semblables (les frontières, à condition qu’on les respecte, sont aussi des traits d’union), une activité vraiment qualifiée et irremplaçable. Nous somme pour l’unité qui rassemble contre le nombre qui disperse. En toute chose, nous voulons subordonner l’avoir à l’être. Il ne nous suffit pas que chacun ait une place, nous voulons encore que chacun soit à sa place. » [20]
    L’analyse de Thibon à l’égard de la révolution, dans ce sens précis qu’il donne dans ses premiers Diagnostics publiés par Gabriel Marcel en 1940, se développe donc tout au long de ses publications des années 40 et restent la même tout au long de sa vie.
    C’est quelques années avant sa mort, dans les mémoires recueillis et présentés par Danièle Masson, Gustave Thibon, au soir de ma vie (Plon, 1993), qu’il nous est possible de lire un résumé efficace de sa vision de la révolution et des révolutionnaires.
    Dans un chapitre au titre évocateur (« Regards sur notre temps »), il aborde les « Mythes et réalités du progrès » et développe « l’une des tares majeures de notre époque », à savoir cette exigences des révolutionnaires qui est de « demander au temps de tenir les promesses de l’éternel. »[21]
    Et c’est en guise de conclusion partielle que l’on peut citer dans les quelques dizaines de lignes qui suivent cette sous partie sur les mythes et les réalités du progrès, l’essentiel des thèses avancées par Thibon tout au long de ces années 40, et de son œuvre en général :
    « [Les révolutionnaires] veulent purger un ordre politique caduc et corrompu. La fièvre révolutionnaire peut conduire à une santé plus parfaite. Mais à condition d’en guérir. Or, les sociétés enfantées par les révolutions sont généralement pires que celles qu’elles ont détruites. Car la fibre secrète que touchent les meneurs révolutionnaires, c’est la soif, chez l’opprimé, de partager la corruption de l’oppresseur. J’ai horreur des oppresseurs. Et tout autant de la revanche des opprimés. Et je me demande si la prétention de tout reconstruire après une destruction totale n’est pas le masque d’une volonté d’anéantir.
    Dieu tout puissant, créateur d’un monde si imparfait, n’a pourtant jamais détruit ni recréé ce monde.
    Dans la passion révolutionnaire, il y a une prostitution du christianisme. La béatitude nous est promise dans l’au-delà : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l’autre. » Les révolutionnaires la veulent sur cette terre, dussent-ils la promettre, comme Lénine, pour dans mille ans. (…) Le mythe du progrès est une projection caricaturale, dans l’ordre profane et temporel, de la foi et de l’espérance chrétienne. Les révolutionnaires ne songent pas que les limites du progrès sont les limites mêmes de l’homme.
    Loin de moi l’idée de nier, au nom de ces limites, tout progrès historique. L’esclave s’est changé en serf, le serf en sujet et le sujet en électeur. La femme, échappant à la tutelle absolue du père de famille, a conquis sa dignité. Les lois de la guerre, du moins avant l’ère des guerres modernes, se sont adoucies. Mais je me demande si le prolétaire moderne, sans lien, sans attaches, nanti d’un bulletin de vote mais courbé sous la férule d’un capitalisme ou d’un étatisme sans entrailles, mène une vie tellement plus humaine que l’esclave antique. »[22]
       Ainsi, au-delà de la révolution et des révolutionnaires, Thibon replace dans ces maux – qui dessèchent la société et dont l’envie de les purger se faire sentir – l’urgence de l’équilibre, et surtout de l’harmonie chrétienne qui voit en la société une portée de notes à la hauteur et au son différents. Animées d’une même volonté de conversion (et non de révolution) intérieure, ces personnes pourraient reconstituer un corps social sain, tourné vers une élite temporelle et spirituelle/morale elle-même inclinée vers ce peuple.
    Évidemment, Thibon n’exclue pas les tensions, au contraire d’ailleurs puisque son œuvre toute entière en dévoile la nécessité dans l’élévation intérieure.
    [1] Au soir de ma vie, PLON, février 1993, page 48.
    [2] Ibid, page 16.
    [3] Ibid, page 49.
    [4] Gustave Thibon, CHABANIS Christian, page 20.
    [5] Diagnostics, essais de physiologie sociale, préface de Gabriel Marcel, Paris, Librairie de Médicis, 1940, édition Arthème Fayard, 1985, page 105.
    [6] Ibid, page 106.
    [7] Ibid, page 107.
    [8] Ibid, page 107.
    [9] Ibid, pages 108-109.
    [10] Ibid, pages 108-109.
    [11] Ibid, page 109.
    [12] Ibid, page 111.
    [13] Ibid, page 113.
    [14] Ibid, page 115.
    [15] Ibid, page 117.
    [16] Ibid, page 120.
    [17] Ibid, page 124.
    [18] Ibid, page 127.
    [19] Retour au réel. Nouveaux diagnostics, H. Lardanchet, 1944, pages 103-104.
    [20] Retour au Réel, avant-propos, page XV.
    [21] Gustave Thibon, au soir de ma vie, mémoires recueillis et présentés par Danièle Masson, Plon, 1993, page 158.
    [22] Ibid, pages 158-159.
    Aristide/CNC
    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/01/23/thibon-entre-revolution-et-harmonie-5279824.html

  • Extraordinaire découverte

    Lu ici :

    "Une église de 1500 ans, datant de l'époque byzantine, a été découverte en Israël mercredi. L'Autorité des Antiquités d'Israël a réservé le site alors qu'un projet immobilier était entamé par une société foncière dans le quartier du moshav de Aluma. Le bâtiment de 1500 ans a été une surprise pour les archéologues, il s'agit du premier de cette importance trouvé dans la région.

    Les découvertes archéologiques sont toujours de mise en Israël, en raison de la richesse historique et religieuse de la région. L'époque byzantine a duré du 4ème siècle jusqu'au 15ème siècle, quand Istanbul, puis Constantinople, sont tombés aux mains des Turcs ottomans. Ils dispersèrent de grandes basiliques européennes vers Israël. Dans le prolongement de l'Empire romain , ils étaient connus pour leurs structures et l'utilisation de reliques religieuses fleuries."

    Lahire

  • 21 janvier 1793 : L’éxecution de Louis XVI

     

    Louis XVI perd son titre de roi de France lors de la prise des Tuileries la journée du 10 août 1792, avant que la République ne soit proclamée par la Convention le 22 septembre. Dès lors que la monarchie est officiellement abolie, la personne du roi devient encombrante et la question du jugement se pose très vite.

     

     

     

    Maximilien de Robespierre donne d’emblée le ton :

     

    « Quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la République naissante ? C’est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. [...] Louis ne peut donc être jugé ; il est déjà condamné, ou la République n’est point absoute. [...] j’abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois ; et je n’ai pour Louis ni amour ni haine ; je ne hais que ses forfaits. J’ai demandé l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée que vous nommez encore constituante ; et ce n’est pas ma faute si les premiers principes de la raison lui ont paru des hérésies morales et politiques [...] Oui, la peine de mort, en général est un crime [...] mais un roi détrôné au sein d’une révolution qui n’est rien moins que cimentée par des lois justes [...] ne peut rendre son existence indifférente au bonheur public [...]. Je prononce à regret cette fatale vérité… mais Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive. »

     

    La découverte de l’armoire de fer contenant des papiers compromettants, le 20 novembre, aux Tuileries, finit d’accabler le roi déchu. Le procès s’ouvre le 10 décembre et dure jusqu’au 26 du même mois. Les débats sont clos le 7 janvier. Le 15, les membres de la Convention votent en utilisant la procédure de l’appel nominal. A la première question « Louis est-il coupable ? », 691 représentants répondent par l’affirmative, aucun pour le non, 27 refusent de choisir. Le même jour, une proposition d’appel au peuple est repoussée à 424 voix contre 287 (et 12 refus de choix). Le 16 arrive la question décisive : « Quelle peine Louis, ci-devant roi des Français, a-t-il encourue ? ». Le vote dure toute la nuit, certains représentants prenant largement leur temps pour expliquer leur position si bien que leur choix en devient obscur ! ; le 17 les chiffres donnent : 366 pour la peine de mort, 34 pour la mort assortie de diverses conditions (date, sursis, etc.), 321 pour la détention. Après plusieurs contestations (des représentants souhaitant être comptés autrement), un contrôle est fait, et finalement les résultats définitifs sont proclamés le 18 : 387 pour la mort sans condition, 46 pour la mort avec sursis, 288 pour la détention.

     

    La légende de la petite voix de majorité : « Ces chiffres vont vite faire naître une légende, celle d’un roi condamné par une seule voix d’écart, grâce à un calcul pour le moins contestable. En effet, sur les 387 partisans du régicide, 26 ont demandé une discussion sur le fait de savoir s’il convenait ou non de différer l’exécution, mais tout en précisant que leur choix était indépendant de ce vœu. Il suffisait alors aux royalistes de les décompter des 387, puis de faire l’addition suivante : 26 + 46 + 288 = 360 voix refusant la mort immédiate de l’accusé… contre 361 ! Arithmétique toute politique que celle-ci et qui ne peut évidemment sauver Louis XVI. » (BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Silvia, Révolution, Consulat, Empire, 1789-1815, Paris, Belin, 2010, p. 104).

     

    Procès verbal de la séance de la Convention des 16 et 17 janvier (Archives de l’Assemblée Nationale)

     

    ● La mort de Louis XVI d’après Charles-Henri Sanson, bourreau.

     

    Le témoignage de Charles-Henri Sanson a été publié le 21 février 1793 dans le Thermomètre du jour pour mettre fin à diverses rumeurs concernant les derniers instants de Louis XVI. L’orthographe de la lettre a été respectée.

     

    « Paris, ce 20 février 1793, l’an II de la République française. Citoyen, Un voyage d’un instant a été la cause que je n’aie pas eut l’honneur de répondre à l’invitation que vous me faite dans votre journal au sujet de Louis Capet. Voici, suivant ma promesse, l’exacte véritée de ce qui c’est passé.
    Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui a dit qu’il faloit oter son habit ; il fit quelques difficultées, en disant qu’on pouvoit l’exécuter comme il étoit. Sur la représentation que la chose étoit impossible, il a lui-même aidé à oter son habit. Il fit encore la même difficultée lorsquil cest agit de lui lier les mains, qu’il donna lui-même lorsque la personne qui l’accompagnoit lui eut dit que c’étoit un dernier sacrifice. Alors il s’informa sy les tembours batteroit toujour : il lui fut répondu que l’on n’en savoit rien. Et c’étoit la véritée. Il monta l’echaffaud et voulu foncer sur le devant comme voulant parler. Mais on lui représenta que la chose étoit impossible encore. Il se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attachât, et où il s’est écrié très haut : Peuple, je meurs innocent. Ensuitte, se retournant ver nous, il nous dit : Messieur, je suis innocent de ce dont on m’inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. Voilà, citoyen, ses dernières et ses véritables paroles.
    L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’echaffaud roulloit sur ce qu’il ne croyoit pas nécessaire qu’il otat son habit et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux. Et pour rendre hommage à la véritée, il a soutenu tout cela avec un sang froid et une fermette qui nous a touts étonnés. Je reste très convaincu qu’il avoit puisé cette fermetée dans les principes de la religion dont personne plus que lui ne paraissoit pénétrée ny persuadé.
    Vous pouvez être assuré, citoyen, que voila la véritée dans son plus grand jour.
    J’ay l’honneur d’estre, citoyen, Votre concitoyen. Sanson »

     

    Source : ARMAND Frédéric, Les bourreaux en France, Paris, Perrin, 2012, p. 285.

    http://histoire.fdesouche.com/994-21-janvier-1793-lexecution-de-louis-xvi#more-994

  • Alain de Benoist : le grand anticipateur

    Alain de Benoist « a vu l’ampleur du rôle de l’hérédité dans les différences humaines avant de compléter son propos par une pensée toute en finesse sur l’inné et l’acquis. »
    ♦ Depuis plus de cinquante ans Alain de Benoist accumule une œuvre originale défrichant bien des sentiers de la pensée. A l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, un « Liber amicorum 2 Alain de Benoist » a réuni plus de cinquante contributions françaises ou étrangères apportant chacune un éclairage particulier sur cet explorateur du continent des idées. Nous publions ci-dessous la contribution de Jean-Yves Le Gallou sous son titre original : « Alain de Benoist, le grand anticipateur ». Polémia.
    A un ami de plus de quarante ans, on doit la vérité. Et je dois à la vérité de dire qu’il m’est souvent arrivé d’être irrité par Alain de Benoist.
    D’abord, parce que l’extrême acuité de son intelligence fait qu’il donne souvent l’impression d’avoir raison… même s’il advient qu’il ait tort, d’autant que dans une disputatio amicale il n’est pas toujours d’une parfaite bonne foi.
    Des jugements parfois injustes
    Pour ma part, je l’ai parfois trouvé injuste sur les jugements qu’il a parfois portés sur des personnalités politiques que j’ai fréquentées (à l’ « extrême droite » de l’échiquier, selon la novlangue dominante). Il est vrai que la vie politique a des règles différentes de la vie intellectuelle : elle en diffère par les objectifs comme par les publics auxquels elle s’adresse. Pas facile de juger l’une à l’aune de l’autre.
    Encore une prise de distance : sur des questions comme l’immigration ou l’islam, j’ai souvent trouvé Alain de Benoist excessivement prudent ou frileux. Or, ce sont des questions centrales en ce sens que ces phénomènes conduisent à un changement de population et de civilisation. C’est vrai que nous touchons ici au cœur des dogmes du politiquement correct mais l’expérience a, hélas, prouvé que les concessions aux forces diabolisantes ne suffisent pas à empêcher la démonisation.
    Mais j’arrête ici d’exposer mes réserves, sinon le lecteur va croire qu’il est tombé sur un liber inamicorum !
    Or j’ai une immense reconnaissance à Alain de Benoist – Fabrice – pour sa profondeur et son audace intellectuelles et sa capacité à discerner les faits majeurs et le sens des événements.
    L’ampleur du rôle de l’hérédité
    Dans les années 1960/1970/1980, il a vu l’ampleur du rôle de l’hérédité dans les différences humaines avant de compléter son propos par une pensée toute en finesse sur l’inné et l’acquis : une réflexion qui reste d’une importance majeure même si elle a contribué alors à faire tomber Alain de Benoist – pour les petits esprits conformistes qui dirigent le monde médiatique – du côté obscur de la force dont on ne revient jamais tout à fait…
    La critique avant l’heure de l’américanisation du monde
    Au milieu des années 1970, il a profondément choqué, cette fois, ses amis en déclarant « qu’il préférait porter la casquette de l’Armée rouge plutôt que manger des hamburgers à Brooklyn ». Quel tollé, alors que « les chars soviétiques étaient à une étape du Tour de France » ! Quel scandale – quelle imprudence – pour un journaliste de Valeurs actuelles ! Assurément pas le meilleur moyen de faire fortune, d’être décoré de la Légion d’honneur et d’entrer à l’Institut. Mais quelle lucidité quand on mesure quarante ans plus tard les ravages de l’américanisation du monde !
    L’empire, l’empire américain, l’empire marchand fut ensuite et reste encore au centre de ses critiques. Cette condamnation du système à tuer les peuples (selon le titre d’un livre de Guillaume Faye paru aux éditions Copernic) reste d’une absolue pertinence.
    Le localisme, une réponse au mondialisme
    En contrepoint, Alain de Benoist a développé une réflexion sur le localisme, c’est-à-dire l’une des réponses au mondialisme : ce qui n’était qu’un mince filet de réflexion dans les années 1990 est devenu aujourd’hui un courant en plein essor. Incontestablement la meilleure riposte gradualiste au libre-échangisme mondial. Choquantes pour tout esprit attaché au caractère prométhéen du monde européen, les réflexions sur la décroissance sont aussi fécondes. Car, derrière ce concept, ce qui est mis en avant c’est aussi le refus de voir le calcul économique et marchand envahir l’ensemble du monde. Et je garde pour ma part un vif souvenir du numéro d’Eléments consacré au « retour d’Orphée ».
    La superclasse mondiale cosmopolite, voilà bien l’ennemi !
    Alain de Benoist est un passeur d’idées – un [re]passeur d’idées, d’un certain point de vue. Issu de milieux antimarxistes, ayant combattu et ayant été combattu par les marxistes à l’époque de leur toute-puissance sur la République des lettres, il n’hésite pas à reprendre à son compte certaines intuitions de Marx dans sa critique du capitalisme et le rôle de la lutte des classes. Comment ne pas s’intéresser à ses travaux sur la forme capital quand la société marchande envahit l’ensemble de l’espace social ? quand le milliardaire Warren Buffet déclare « la guerre des classes existe et c’est la mienne, la classe des riches, qui la gagne » ? quand le patron du Monde et ancien fondateur de SOS Racisme, Pierre Bergé, déclare : « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » ? La superclasse mondiale cosmopolite, voilà bien l’ennemi !
    Un explorateur du continent des idées
    Alors je suis infiniment reconnaissant à Alain de Benoist de son rôle d’explorateur du continent des idées, d’ouvreur de voies intellectuelles nouvelles. Je lui dois de m’avoir aidé à discerner avant d’autres les forces économiques, politiques, intellectuelles et sociales en marche. Je lui dois une certaine griserie : celle d’être en avance sur son temps – ce qui, il est vrai, n’est pas sans inconvénient…
    Bien sûr, je n’ai abordé ici qu’une petite partie de l’œuvre immense de réflexion d’Alain de Benoist.
    Et j’ai choisi un angle particulier : focaliser sur ce qui a pu apparaître à un moment donné comme le plus choquant. Car la liberté de réflexion, la recherche de la vérité – ou de vérités provisoires et historiquement situées – suppose d’accepter de déplaire, d’offusquer, de heurter, de scandaliser, ses ennemis, bien sûr, mais aussi ses amis.
    Telle est l’intransigeante exigence de la pensée libre.
    Jean-Yves Le Gallou,16/01/2014
    Les intertitres sont de Polémia
    Liber amicorum Alain de Benoist – 2, Editions Les amis d’Alain de Benoist, 2014, à commander sur :
    http://www.alaindebenoist.com/     (Librairie en ligne)
    http://www.polemia.com/alain-de-benoist-le-grand-anticipateur/

  • [Paris] cercle d'étude: Application de la pensée d'Action Française vendredi 07 fevrier

    L’école de pensée qu’est l’Action Française ouvre ses portes trois vendredis par mois pour la tenue du cercle des étudiants animé par Pierre de Meuse pour les parties initiation et application de la pensée d’AF.. C’est l’occasion d’apprendre les bases ou de se refamiliariser avec la pensée nationaliste maurrassienne !

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Paris-cercle-d-etude-Application,5792

  • Indiens d’Amérique: un génocide tranquille, presque achevé…

    Citation de Sitting Bull :
    Chateau
    Les Etats-Unis ne voient pas d’un bon oeil que le sort des Indiens d’Amérique soit pour la première fois à l’ordre du jour des Nations-Unies. Car il s’agit de se pencher sur le sort d’une population de 2,7 millions d’habitants ravagés par une multitude de fléaux et dans des proportions effroyables. Mais qu’en attendre? Car la parole de ces exterminés est inaudible.
    Un jour d’avril 1973, un militant noir américain pour les droits civiques, Ray Robinson, qui a longtemps suivi Martin Luther King, débarque à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Il souhaite apporter son soutien à la cause des « Native Americans », ainsi que l’on nomme les Indiens aux Etats-Unis, qui manifestent contre les injustices dont ils sont victimes dans le pays. Wounded Knee est un lieu emblématique et de sinistre mémoire. C’est là, en effet, que furent massacrés et jetés dans une fosse commune entre 150 et 300 hommes, femmes et enfants au matin du 29 décembre 1890, par le 7ème régiment de Cavalerie du Colonel James Forsyth. Sitôt arrivé dans ces lieux où résident toujours une petite communauté indienne, Ray Robinson appelle sa femme qui lui demande de rentrer à la maison, inquiète car elle sait que la situation sur place est explosive. Elle ne le reverra jamais. Après avoir reçue l’annonce de la mort de son époux, Cheryl n’a jamais pu savoir ce qui était arrivé à son mari ni où son corps avait été enterré.Voilà quelques jours, quarante ans plus tard, Cheryl a fait le voyage de Détroit à Sioux City pour témoigner de son histoire. Le gouvernement américain refuse toujours de communiquer sur le sort de son mari, officiellement parce que le cas est toujours en cours d’investigation par le bureau du FBI de Minneapolis. A Wounded Knee, plus personne ne se souvient de Ray Robinson. Une épisode parmi tant d’autres dans l’histoire des militants de la cause des Indiens d’Amérique, qui n’a jamais bénéficié d’un large soutien populaire et que beaucoup voudraientt voir s’éteindre.Et de fait, cynisme et indifférence se conjuguent pour ensevelir année après année la mémoire des peuples indiens presqu’entièrement anéantis en Amérique du Nord.
    Comanche :
    Chateau
    On ne va pas le nier, les Apaches, les Cheyennes, les Iroquois, les Sioux ou les Esquimaux ne nous inspirent pas, la plupart du temps, un sentiment extrême de culpabilité. Mais ce n’est rien comparé au pays du Western et de la Country. Pas plus que le Jazz ou le Blues ne suscitent leur part de tristesse chez leurs amateurs et ne réveillent chez eux les souvenirs tragiques des lynchages des Noirs, ces genres populaires ne renvoient à la réalité d’un génocide toujours en cours dans l’indifférence générale.
    Lorsqu’un Américain de l’Illinois souhaite acheter ses cigarettes à bas prix (un paquet coûte ici actuellement 10 dollars), il prend la route du sud de l’Etat ou de l’Indiana voisin, pour s’approvisionner dans l’un des territoires octroyés aux tribus indiennes locales. Là, il paiera son paquet de cigarettes 4 dollars en moyenne. Dans un certain nombre de ces tribus, qui sont des milliers à travers les Etats-Unis, on peut également se procurer de l’alcool à bon marché, jouer au casino (dans 452 d’entre-elles) ou, si l’on se sent possédé par le mal (ce qui est très en vogue), consulter un shaman. Il est toujours très exotique de s’offrir une escapade dans ces drôles d’endroits. Pourtant, l’Américain moyen ne s’y risque pas trop.
    En effet, 2,1 millions de ces Indiens, soit l’écrasante majorité, vivent largement sous le seuil de la pauvreté. La vision offerte par bien des campements tient purement du bidonville. Et une fois passé ses limites, c’est un voyage en enfer qui commence. L’alcoolisme y prend des proportions catastrophiques. Le chômage y bat tous les records du pays. La maladie s’y propage et tue comme dans les pires zones de la planète. Le suicide, celui des jeunes en particulier, crève le plafond des statistiques. Les Indiens vivant à l’extérieur des tribus n’y reviennent eux-mêmes que pour se faire soigner lorsqu’ils n’ont pas, chose courante, accès au système de santé américain.
    Anthony B. Bradley est Professeur de Théologie au King’s College de New York et Spécialiste des questions raciales aux Etats-Unis. « Si quiconque pense que le gouvernement fédéral sait ce qui est bon pour les communautés locales, explique t-il, il ferait bien de visiter une Réserve Indienne Américaine. Les Natifs Americains [Indiens d'Amérique, NDA] sont aujourd’hui plongés dans le cauchemar de la privation de soins et d’économie qui est la conséquence directe des problemes crées par le Gouvernement lequel, en imposant des solutions sensees résoudre les problemes, rend ceux-ci bien pires en retirant aux communautées leur autonomie. »
    Femme Sioux :
    Chateau
    Tel est le prix à payer pour les Indiens d’Amérique, afin de rester sur la terre de leurs ancêtres, grâce aux concessions faites par le gouvernement fédéral. Pourtant, les Etats abritant ces réserves n’ont de cesse de rogner ces droits et de tenter de récupérer par tous les moyens ces espaces.
    Pire, une certaine propagande laissant entendre que les Indiens d’Amérique auraient fait le choix de vivre dans ces conditions a fort bien fonctionné dans l’esprit collectif. Or, cela repose sur une contre-vérité historique.
    L’une des plus graves violations des Droits de l’Homme dans le monde
    En effet, peu rappellent le grand mouvement de délocalisation qui fut la conséquence de l’Indian Removal Act [Loi sur le Retrait Indien, NDA] lequel, au milieu du XIXe siecle, contraint les Indiens à délaisser leurs terres historiques au gouvernement pour se concentrer dans les zones qui leur étaient réservées en échange. En 1890, il était devenu interdit aux Indiens de sortir hors de leurs réserves afin de s’approvisionner en nourriture. Une étude du Professeur Jeffrey E.Holm, de l’Université de Médecine du Nord Dakota, a mis en évidence que le changement de régime alimentaire imposé durant des décennies aux tribus indiennes a engendré une surmortalité aujourd’hui toujours existante, en raison des pathologies qu’elles ont engendrées pour des peuples qui ne pouvaient plus se nourrir comme ils l’avaient fait durant des millénaires.En 2010, les Etats-Unis, dans la foulée du Canada, fut le dernier pays au monde à ratifier la Déclaration des droits des Peuples indigènes aux Nations-Unies. Une des rares concessions faites par un pays qui place souvent l’Histoire au dernier rang de ses préoccupations, si ce n’est pour en offrir une version idéalisée. Mais en l’espèce, il est impossible d’idéaliser la réalité sur laquelle s’est construite l’Amérique. En effet, 90% des tribus amérindiennes ont disparu à la suite de l’arrivée des Européens en Amérique du Nord, la plus grande partie à cause des maladies, la partie restante par les armes.Mais ce n’est pas tant cette réalité historique qui rend ces jours-ci le rôle du Professeur James Anaya complexe, en tant que Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les Peuples indigènes. Bien que, pour la première fois de leur histoire, l’organisation se penche, du 23 avril au 4 mai, sur le sort des Indiens d’Amérique, ce qui en soit est déjà un événement notable, c’est avant tout pour regarder en face une réalité qui n’est pas celle du passé mais celle du présent.
    Cette réalité concerne les 2,7 millions d’Indiens vivant actuellement sur le territoire des Etats-Unis, et qui constitue l’un des cas de violation des droits de l’homme a grande échelle le plus emblématique de toutes les nations développées.
    Citation de Sitting Bull:
    Chateau
    Les chiffres parlent d’eux-mêmes:
    Les Indiens d’Amérique vivent en moyenne 6 ans de moins que les autres Américains
    Ils ont 770% de risques en plus de mourir d’alcoolisme
    Ils ont 665% de risques en plus de mourir de Tuberculose
    Ils ont 420% de risques en plus de mourir de Diabète
    Ils ont 280% de risques en plus de mourir d’accidents
    Ils ont 52% de risques en plus de mourir de Pneumonie et de Gripp
    (Source: Commission des Etats-Unis sur les Droits Civils, 2004:8)
    Un Apartheid constitutionnel
    Répartition des Réserves Indiennes aux Etats-Unis (Source: National Atlas) Répartition des Réserves Indiennes aux Etats-Unis (Source: National Atlas)
    Les Indiens d’Amérique se sont vus accorder la citoyenneté américaine en 1924. Mais ils ont pour longtemps encore été exposes au même sort que les Noirs américains, empêchés d’accéder à l’enseignement scolaire, victimes de la ségrégation.Ce n’est qu’en 1969 qu’ils se sont organises, dans la foulée de la loi sur les Droits civils des Indiens votée l’année précédente. C’est à cette époque qu’ils ont obtenu ce dont les Américains blancs jouissaient depuis deux siècles: la liberté d’expression et d’information, la protection contre les recherches et les arrestations arbitraires, le droit d’engager un avocat pour se défendre, la protection contre les punitions inhumaines et dégradantes, contre les cautions excessives, l’abolition de la peine systématique d’un an d’emprisonnement ou de 5000 dollars d’amende quel que soit le délit commis, le droit d’être jugé par un jury, et ainsi de suite.Mais à l’heure actuelle, aucun Indien d’Amérique, citoyen des Etats-Unis, n’a accès à la plénitude des droits des autres citoyens américains. Une réalité qui peut prendre des aspects accablants pour l’Administration américaine. Ainsi, le 6 novembre 2008, le Gouverneur du Dakota du Sud, Michael Rounds, décrète l’état d’urgence car son Etat est recouvert par une épaisse couche de neige et de glace qui le paralyse. Mais les réserves indiennes seront exclues du dispositif.
    Citation de Sitting Bull:
    Chateau
    La guerre des Etats contre les Tribus
    Mais le pire pour ces tribus à l’heure actuelle vient probablement de la pression des Etats pour s’accaparer leurs terres. Les conflits sont nombreux à travers tout le pays. Ils sont allumes sous divers motifs, comme la volonté du Gouverneur de New York, en 2007, d’étendre la taxation de l’Etat aux territoires de la Nation des Seneca, ce qui a engendre une violente bagarre juridique. Et bien que les territoires laisses aux Indiens soient pour la majorité pauvres en ressources et difficiles d’accès, leur contestation par les Etats qui les abritent sont de plus en plus courantes.
    Toutefois, la pente naturelle démographique et sociologique suivie par cette population dont la Constitution américaine fait fi devrait se résoudre par le procédé le plus naturel du monde dans les décennies qui viennent: l’extinction.
    Lire le rapport de l’Organisation Survival (1)

    http://www.voxnr.com/cc/di_antiamerique/EFApyFEAkkblbWWCXc.shtml

    Notes :

    (1) http://assets.survival-international.org/static/lib/downloads/source/progresscankill/full_report.pdf

    Source : Actuwiki.fr