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culture et histoire - Page 1770

  • « Le désert croît… ». Nietzsche et l’avilissement de l’homme

    La question de l’humanisme est viciée dans son principe même par la définition implicite de l’humain qu’elle présuppose. Si l’on envisage en effet l’humanité à la fois comme une fin et comme un tout, on s’interdit de saisir la véritable signification de l’humain. On disserte encore naïvement sur l’ambiguïté essentielle de l’homme, créature hybride, ni ange ni bête, mais hésitant toujours entre ces deux extrêmes, sans voir que cette représentation caricaturale de l’« humain » et de l’« inhumain » s’appuie sur une vision morale du monde surannée et pernicieuse. L’inhumanité de l’homme n’a ainsi de sens que si l’on sait avec certitude ce qui est proprement humain, c’est-à-dire si l’on attribue à l’homme une essence idéale, à laquelle il ne coïncide peut-être pas encore, mais qu’il doit pourtant s’efforcer de réaliser, comme sa vocation propre. C’est à cette non-coïncidence momentanée de l’homme avec sa nature véritable, qui serait d’être un sujet moral et libre, qu’il faudrait imputer les actes « inhumains » qu’on le voit partout commettre, si l’on en croit les thuriféraires attardés de l’idée de progrès. Or, si l’humanitarisme actuel a bien repris à son compte l’idéal chrétien d’humanisation, qui fait un devoir à l’homme de surmonter la part de bestialité en lui pour pouvoir accéder à l’humanité véritable, cela n’a pas eu pour effet la moralisation de l’homme, loin de là (1) ! C’est bien plutôt l’échec de toute tentative de rendre l’homme meilleur qui apparaît clairement dans le mélange d’incompréhension et de terreur panique que suscite le récit de la « barbarie » dont l’homme est toujours capable.

    Aussi est-il étonnant de voir que cet idéal, qui n’a jamais engendré qu’un respect abstrait de l’homme, au mieux de ses droits, mais pas de sa particularité, non seulement n’est pas abandonné, mais est maintenu et même renforcé : il faut « toujours plus » de civilisation, c’est-à-dire d’humanisme abstrait pour combattre la barbarie, alors que celle-ci se nourrit très certainement de l’hypocrisie et de la pusillanimité d’une politique angélique. L’opposition de Nietzsche à cet humanisme lénifiant, hérité de la pensée des Lumières et de Kant, est en ce sens salutaire. À ses yeux, l’histoire de la civilisation occidentale, qu’il résume à l’entreprise chrétienne d’humanisation de l’homme, est l’histoire du rapetissement de l’homme, de sa dénaturation. En cherchant à moraliser l’homme, on a simplement réussi à le mettre en contradiction avec lui-même, à le séparer de son animalité première. La morale chrétienne a ainsi creusé un abîme entre l’homme et la nature en faisant de lui le centre de la création, sa véritable raison d’être. Il lui fallait désormais se détacher de plus en plus de sa propre nature pour remplir sa destination finale, qui est d’être pleinement homme. L’affirmation de Kant selon laquelle il y a en chacun de nous un « intérêt naturel pour la moralité », une disposition morale qu’il nous suffit de développer pour devenir un homme digne de ce nom, explique que l’accomplissement de l’homme ait jusqu’ici été confondu, comme le souligne Nietzsche, avec son accomplissement moral. La question fondatrice et en apparence innocente de l’anthropologie morale, « Qu’est-ce que l’homme ? » (2), doit donc être impitoyablement rejetée, car elle suppose l’existence d’une essence invariable de la nature humaine. Elle avait en effet chez Kant le sens d’une incitation à faire ce que notre devoir nous impose de faire pour devenir réellement humains, alors que la vraie question pour Nietzsche, qui conçoit l’homme comme un « pont », une « transition » et non une fin, est de savoir jusqu’où l’homme peut aller, et ce par-delà bien et mal.

    Il n’est pas dès lors exagéré d’affirmer que Nietzsche est un humaniste, dans la mesure où son œuvre tout entière se présente comme une tentative pour ennoblir l’homme, le rendre plus fort, plus profond, plus « méchant ». Il s’oppose simplement à l’humanisme moral, dont le but est de domestiquer l’homme, comme on apprivoise la nature sauvage, et non de l’élever comme une « plante » pour lui permettre de tenir ses promesses. En faisant de l’homme « le seigneur de la nature », la philosophie pratique de Kant ouvrait en effet la voie à la singulière alliance de l’humanitarisme et du technicisme qui caractérise la modernité, le principe commun aux deux étant la subordination et la négation de la nature. Dans son rejet sans équivoque de la modernité, Nietzsche se pose, dès la Préface de 1872 à La Joute chez Homère, en héritier de la conception grecque de l’homme, qui nous paraîtrait bien « inhumaine » aujourd’hui, si nous devions la mesurer d’après nos critères moraux :

    Lorsqu’on parle d’humanité, on se fonde sur l’idée qu’elle pourrait bien être ce qui sépare l’homme de la nature et l’en distingue ; mais, en réalité, cette séparation n’existe pas : les propriétés « naturelles » et celles qu’on dit être proprement « humaines » se sont entremêlées de façon indissociable. Dans ses facultés les plus nobles et les plus élevées, l’homme est tout entier nature et porte en lui l’étrangeté de ce double caractère naturel. Ses aptitudes redoutables et qu’on tient pour inhumaines sont peut-être même le sol fécond d’où peut surgir une quelconque humanité sous la forme tant d’émotions que d’actions et d’œuvres. C’est ainsi que les Grecs, les hommes les plus humains de l’Antiquité, possèdent un caractère cruel et portent en eux la marque d’un désir sauvage de destruction : trait de caractère que révèle également fort bien l’image grotesquement agrandie de l’Hellène que renvoie Alexandre le Grand, mais qui, dans toute son histoire comme dans sa mythologie, ne peut que nous effrayer, nous qui n’avons pour l’observer que le concept pusillanime d’humanité au sens moderne.

    Il faut donc préciser ce qu’on entend par humain avant de jeter l’anathème sur certains hommes et leur reprocher leur prétendue « inhumanité ». Nietzsche montre que l’échelle de valeurs ici adoptée est biaisée et qu’elle repose en réalité sur le dogme chrétien de l’égalité naturelle des hommes. D’après lui, l’homme passe infiniment l’homme : un abîme sépare ainsi le dernier homme – l’homme fragmentaire, servile – du surhumain, l’homme complet, souverain. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est donc par philanthropie que Nietzsche exprime fréquemment son aversion pour ce que l’homme est devenu sous l’emprise de la morale judéo-chrétienne. Mais le constat amer de Zarathoustra que « le désert croît… » (3) ne signifie pas qu’il faille désespérer de l’homme : son ennoblissement reste possible aux yeux de Nietzsche, qui ne partage pas sur ce point le pessimisme de son « éducateur » Schopenhauer (4).

    Mais ennoblir l’homme ne consiste pas à l’affranchir du règne de la nature et de l’animalité, bien au contraire. C’est pour cela que Nietzsche se montre intransigeant – à l’instar de Schopenhauer certes, mais pour des raisons inverses – envers la notion kantienne d’une « dignité » inconditionnelle de l’homme :

    L’homme a été éduqué par ses erreurs : il ne se vit jamais, tout d’abord, qu’incomplètement, en second lieu il s’attribua des qualités imaginaires, en troisième lieu il se sentit dans une situation hiérarchique inexacte à l’égard de l’animal et de la nature, en quatrième lieu, il ne cessa d’inventer de nouvelles tables de biens et les considéra pendant un certain temps comme éternelles et inconditionnées de sorte que tantôt telle pulsion et tel état humain, tantôt tels autres occupèrent le premier rang et furent ennoblis par suite de cette appréciation. Si l’on compte pour rien ces quatre erreurs, on aura également compté pour rien l’humanitarisme, l’humanité et la « dignité humaine » (5).

    Contrairement aux traditionnels réformateurs politiques et moraux, Nietzsche ne souhaite donc guère changer la nature humaine de fond en comble, mais la retrouver sous le masque complaisant de la moralité. Ramener « l’humanisation » ou la « moralisation » à une dénaturation de l’homme lui permet ainsi de dénoncer en passant les rêves d’ennoblissement qui font peu de cas de l’humanité véritable. On ne peut en effet se défendre de voir dans la volonté révolutionnaire de faire progresser l’humanité dans son ensemble une traduction laïque de la morale socratique et chrétienne du perfectionnement moral. Dans les deux cas, il s’agit de rendre l’humanité meilleure et d’ouvrir la voie à un « homme nouveau », qui aura surmonté tout ce que l’humanité ancienne contenait d’« inhumain ». Nietzsche a raison en ce sens de dénoncer « une chimère dans la théorie de la révolution » :

    Il est des visionnaires de la politique et de la société qui poussent de toute leur éloquence enflammée à un renversement total de l’ordre établi, dans la croyance qu’aussitôt après s’érigera comme de lui-même le temple le plus fier d’une belle humanité. Il persiste dans ces rêves dangereux un écho de la superstition de Rousseau, qui croit à la bonté de la nature humaine, une bonté miraculeuse, originelle, mais comme ensevelie désormais, et qui impute toute la faute de cet ensevelissement aux institutions de la civilisation, société, État, éducation (6).

    Non seulement l’humanisation conçue comme « amélioration » n’est pas un gage de progrès, mais elle repose surtout sur une fausse conception de l’homme et de ce qui est (ou peut devenir) humain. L’erreur fondamentale ici est, sous prétexte de droit à l’égalité, de concevoir l’humanité comme un tout, alors qu’il est manifeste que la notion d’humain recouvre d’immenses différences entre individus particuliers et entre « types », comme le dit Nietzsche. On ne parvient ainsi à l’homme en soi, cette « abstraction exsangue » (7), que par nivellement.

    Le règne misérable du dernier homme

    C’est précisément pour insister sur la grande plasticité de l’humain que Nietzsche creuse autant le fossé entre le « fort » et le « faible », l’homme tropical et l’homme domestiqué, le surhumain et le dernier homme. Comme son nom l’indique, le dernier homme représente l’homme le plus méprisable qui soit, le terme possible de l’évolution (ou plutôt de l’avilissement) de l’humanité, si le processus de décadence se poursuivait jusqu’au bout et mettait fin à toute perspective d’avenir. Cet homme crépusculaire est aux antipodes du surhumain, qui incarne au contraire l’avenir de l’humanité. En accentuant de la sorte le contraste entre ces deux pôles extrêmes de la hiérarchie humaine, Nietzsche a voulu dépeindre de la manière la plus vive le choix décisif entre montée et déclin que chacun de nous est selon lui nécessairement amené à faire. Ainsi, lorsque Zarathoustra brosse le portrait peu flatteur du dernier homme dans le Prologue, c’est dans l’espoir de susciter le mépris de la foule, que la description du type surhumain n’avait guère émue.

    Cet homoncule, cet homme avorté que Nietzsche voyait avec dégoût se profiler à l’horizon de la modernité, a renoncé à toute grandeur et n’aspire plus qu’à vivre confortablement et le plus longtemps possible. Semblable à un puceron hédoniste, il a en aversion le danger et la maladie : « On a son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit : mais on révère la santé ». Tard-venu, il veut travailler le moins possible et met au-dessus de tout la paix, la tranquillité, la sécurité. Nietzsche compare pour cette raison cet adepte d’une vie sédentaire, en troupeau, à un animal grégaire. L’histoire de la civilisation occidentale est de ce fait l’histoire du déclin de l’Occident, de la « médiocrisation » et du nivellement des Européens, qui ont en commun les mêmes besoins grégaires. Certes, les sentiments grégaires ont toujours existé et ont toujours constitué un frein puissant à l’affirmation de fortes personnalités, mais ils avaient au moins mauvaise conscience avant le christianisme. Sanctifiés par lui, le laisser-aller, la pusillanimité (l’« humilité »), la lâcheté (la « prudence »), le goût du confort matériel et intellectuel s’étalent désormais au grand jour, sans la moindre vergogne.

    Les valeurs chrétiennes et démocratiques encourageraient de la sorte une vie parasitaire, tout entière vouée à la poursuite d’un bonheur mesquin et étriqué. Nietzsche n’hésite pas en effet à qualifier de « parasite » (8) l’avorton produit par la morale chrétienne et égalitaire, puisqu’il se niche dans tous les recoins et interstices de la vie et qu’il cherche à survivre aux dépens de son hôte involontaire. Délibérément provocatrice, cette image décrit à merveille la vie grégaire, une vie de totale dépendance, animée d’un secret ressentiment envers cela même qui la nourrit, tout comme le vrai parasite essaie de détruire le corps même qui lui sert de refuge … Il est frappant à cet égard de voir à quel point les nombreuses innovations technologiques de notre temps incitent à la paresse et à la servitude sous prétexte de « faciliter la vie ». Or, « la paresse, conçue comme inaptitude à un effort soutenu, est le propre de la dégénérescence » (9), d’après Nietzsche. Si l’on flatte de manière aussi éhontée la propension naturelle à la paresse, c’est dans le but non avoué d’affaiblir la volonté, de la rendre incapable d’une application durable. Aussi ne faut-il pas s’étonner si les derniers hommes se liquéfient face à la plus infime épreuve, si la moindre tension les désagrège. L’anémie de la volonté n’est que le résultat prévisible d’une vie en grande partie assistée, dépendante.

    Rejetant là encore tout point de vue moralisant, Nietzsche refuse de qualifier d’individualistes ou même d’égoïstes les hommes modernes. Car le « moi » n’est pas à ses yeux une unité, mais une pluralité de forces à organiser. Seul celui qui réussit cette hiérarchisation interne peut prétendre à un égoïsme sain et parfaitement conscient : « Toute vigueur, toute santé, toute vitalité, témoigne de la tension accrue vers l’instinct dominateur du moi / tout relâchement est décadence* » (10). L’hédonisme, le relâchement de la volonté sont des signes de décadence parce qu’ils manifestent l’absence d’un tel « instinct directeur », qui hiérarchise les différentes tendances du moi. L’égoïsme doit en effet être compris comme conquête de soi et non comme simple et timide conservation. Comme le but de l’égoïste conséquent est de parvenir à la maîtrise, l’égoïsme, comme le goût de la domination, a essentiellement besoin d’être éduqué. Pour reprendre le jeu de mots d’Ecce Homo, le véritable égoïsme (Selbstsucht) est dressage du moi (Selbstzucht) (11) et diffère essentiellement du contentement de soi, qui n’est qu’enflure et vanité. Autrement dit, la fierté n’est pas en soi condamnable, mais on ne peut y prétendre qu’à condition de parvenir à la maîtrise de soi. C’est seulement le « moi » non dressé qui est « haïssable » …

    Le véritable égoïsme ne consiste donc pas dans le souci maniaque de soi, l’intérêt exclusif pour sa propre personne, mais dans une juste estime de soi (12). Nietzsche dénonce ainsi l’hédonisme comme symptôme d’un ego déclinant, qui n’a plus la force de s’étendre, de subjuguer et qui ne fait plus que se flatter. L’égoïsme supérieur est bien plutôt du côté de la Selbstüberwindung, de l’effort constant pour se surmonter soi-même, un égoïsme donc très éloigné du repli frileux sur soi, du souci économe de sa petite santé … L’éducation de la volonté est en ce sens nécessaire pour renforcer l’homme, dont la pente naturelle est la paresse. Le but, comme l’écrit Nietzsche, est « d’obéir longuement, et dans une seule direction » (13). On parvient ainsi à la maîtrise à force d’application et de concentration d’esprit. Le dépassement de soi n’est plus alors source de douleur, mais disposition permanente. La force de la volonté patiemment éduquée permet d’éviter la dispersion et la fragmentation qui caractérisent l’homme moderne et de devenir un « homme total », l’inverse de l’homme fragmentaire ou du simple rouage.

    Au début de la Considération inactuelle qu’il a consacrée à Schopenhauer, Nietzsche dénonce en ce sens la déshumanisation qu’entraîne la société industrielle, qui fait de ses fonctionnaires de simples rouages de la gigantesque machine qu’elle est au fond : « À la question “Pourquoi vis-tu ?”, ils répondraient tous vite et fièrement – “pour devenir un bon citoyen, un savant, un homme d’État” – et pourtant ils sont quelque chose qui ne pourra jamais devenir autre chose, et pourquoi sont-ils justement cela ? Hélas, et rien de mieux ? » L’humanité est irrémédiablement fragmentée par l’exigence économique de rentabilité, qui vise à confiner chacun dans un recoin, dans une « spécialité » (14). L’éducation moderne se donne d’ailleurs ouvertement pour tâche de perpétuer cette spécialisation excessive, dans la mesure où elle forme à des métiers particuliers plutôt que de tenter de développer l’indépendance d’esprit. L’indifférenciation est paradoxalement la rançon de cet éclatement généralisé des vocations en petits gagne-pain : il s’agit d’imposer à tous les mêmes désirs limités, les mêmes ambitions mesquines. A la vie dangereuse et inconfortable de l’esprit libre s’oppose ainsi l’obsession du dernier homme pour le confort et la sécurité, en même temps que son hédonisme mou de consommateur passif. Il voudrait au fond être assuré contre tout, même contre la vie et contre soi-même. On tient là la formule du « bonheur pour tous », du bonheur grégaire qu’annonce l’idéologie du « Progrès » telle que la démasque Nietzsche : une vie presque végétative, en tout cas étriquée, réduite aux besoins les plus élémentaires, où il n’y a pas de place pour la grandeur et le dépassement de soi.

    Le caractère décadent de ce « bonheur » lénifiant, qui est avant tout une volonté d’engourdissement, l’aspiration à un profond sommeil ne fait aucun doute. Il masque à peine la profonde détresse spirituelle d’êtres qui cherchent plus à anesthésier la vie qu’à vivre. En ce sens, il exprime la lassitude plutôt que la maturité de l’homme. Les derniers hommes ont en effet un grand besoin de divertissements, de récréations pour oublier leur misère affective et pour s’oublier eux-mêmes : « Un peu de poison de-ci de-là : cela procure des rêves agréables. Et beaucoup de poison en dernier lieu, pour mourir agréablement ». Ils ne pensent qu’à se laisser aller, se relâcher, parce que pour eux la douleur est le mal absolu et qu’il leur faut littéralement se rétracter pour souffrir le moins possible. Nietzsche met particulièrement en avant l’adoption complaisante de la posture de la victime et la propension à justifier, à pardonner la faiblesse : on sait se montrer « compréhensif » et « tolérant », c’est-à-dire accommodant envers les autres et on attend d’eux en retour la même indulgence. L’affinité profonde entre l’idéologie égalitaire et la diabolisation compassionnelle de la souffrance apparaît dès lors clairement :

    Ce à quoi ils [les partisans des « idées modernes »] aimeraient tendre de toutes leurs forces, c’est la généralisation du bonheur du troupeau dans sa verte prairie, avec pour tout le monde sécurité, absence de danger, bien-être, allègement de la vie ; les deux chansonnettes et doctrines qu’ils entonnent le plus généreusement s’appellent « égalité des droits » et « compassion pour tout ce qui souffre », – et ils tiennent la souffrance elle-même pour quelque chose qu’il faut abolir .

    Nietzsche n’a que mépris pour le sentimentalisme, la « honteuse effémination sentimentale » (16) que l’on a le front de travestir en noblesse du sentiment. Loin de constituer un progrès en moralité, l’adoucissement de nos mœurs trahit une sensiblerie peu compatible avec la vertu véritablement humaine (17). Nietzsche rejette ainsi sans ambages le « mol concept » d’humanité, qui exclut de sa définition toute violence et toute dureté. Le ton de l’indignation morale, devenu spontané, masque mal la « dévirilisation » générale, l’incapacité à lutter. Sans surprise, les idéaux modernes portent au pinacle l’homoncule, l’avorton humain : il s’y reconnaît d’autant plus facilement qu’ils flattent son désir de se dissimuler derrière les feuilles de vigne morales de la « dignité » et de la « responsabilité ».

    La forte séduction qu’exercent les valeurs « humanistes » vient en effet de ce qu’elles rendent possible l’oubli de soi, la dépersonnalisation de l’individu. La curiosité émoussée et les nerfs fatigués des derniers hommes les contraignent à recourir à des stimulants toujours plus forts. Ce besoin physiologique de narcotiques en tous genres, poussé à son comble, semble conduire tout droit à ce que Nietzsche appelle le « bouddhisme européen », c’est-à-dire à une époque de consomption sénile. Le slogan socialiste Ni dieu ni maître serait alors réalisé : il n’y aurait plus de berger, mais un seul troupeau, comme le dit le Prologue du Zarathoustra … Nietzsche dénonce dans le § 173 d’Aurore les arrière-pensées des « apologistes du travail », qui veulent briser l’individu, l’étourdir, mais il est loin de voir comme un Lafargue dans la paresse un remède à l’oubli volontaire de soi dans le travail. Elle est bien plutôt une autre manière de s’oublier, de se vautrer, de s’affaler de tout son long et n’a donc rien de commun avec l’otium, le loisir actif que Nietzsche oppose à la hâte indécente qui caractérise les Occidentaux. Il insiste ainsi sur l’égale passivité de l’affairement et du repos intégral qui le suit, de la suractivité morbide et de l’avachissement auquel donnent lieu par exemple aujourd’hui les sacro-saintes « vacances », qui signifient en réalité vacance de l’esprit … Dans les deux cas, il s’agit de se fuir, de se distraire, comme si on ne supportait pas de rester un seul instant seul avec soi-même. La diminution conséquente du temps de travail grâce aux efforts des socialistes a donné raison à Nietzsche : l’aliénation par le travail a laissé place à l’aliénation par les « industries du loisir » ; on ne sait pas quoi faire de son temps libre et on est reconnaissant à ceux qui montrent comment l’occuper « utilement ». Dans un texte posthume de 1881, Nietzsche juge ainsi les divertissements modernes « d’une parfaite médiocrité, car il faut y éviter une trop grande dépense d’esprit et de force, donc non plus en exiger trop – il s’agit de se reposer » (18). On retrouve là les petits plaisirs dont raffole le dernier homme, qui ignore tout de la contemplation ou de l’oisiveté active propres au surhumain.

    Certes, le surhumain n’est qu’une représentation, un contre-idéal qu’il oppose au nihilisme tranquille et béat du dernier homme, mais Nietzsche s’accroche à cette possibilité presque idéale, au risque de paraître céder au donquichottisme. Il veut croire que l’avilissement de l’humanité n’est pas irréversible, qu’il est possible de lui indiquer à nouveau la voie de la grandeur, du dépassement de soi. Cette volonté angoissée de remédier au déclin de l’homme apparaît clairement dans un fragment de 1874, alors qu’il n’a que trente ans :

    Je n’arrive pas à croire que l’homme soit cet être qui rampe à travers la vie avec une sombre application, apprend, calcule, parle de politique, lit des livres, engendre des enfants et se couche pour mourir – ce n’est alors qu’une larve d’insecte, quelque chose de méprisable, de périssable et complètement superficiel. Vivre ainsi n’est rien d’autre qu’un mauvais rêve (19).

    La victoire sur le dégoût

    Nietzsche fait ainsi du surhumain le sens et la raison d’être de l’humain pour montrer que le nihilisme n’est pas une fatalité, qu’il peut et doit être surmonté. Cela n’a rien d’un geste humanitaire, comme le rappelle le § 377 du Gai savoir, car ce n’est pas l’amour abstrait de l’humanité qui anime Nietzsche, mais plutôt l’amour du surhumain à venir : « L’amour pour le surhumain est le remède contre la pitié pour l’homme : l’humanité devrait rapidement périr de cette compassion » (20). La pitié est en effet ici au service du rapetissement de l’homme puisqu’elle le conforte dans sa faiblesse et voit même en elle le signe d’une humanité supérieure. Tout compte fait, Nietzsche trouve plus humaine que la complaisance émolliente la dureté visant à rendre de nouveau possible la grandeur de la plante ou animal homme.

    Si la « dernière tentation » de Zarathoustra est bien la pitié qu’il ressent pour les « hommes supérieurs », il a plus de mal encore à surmonter son dégoût viscéral pour l’homme moderne. Cette réaction physiologique appelait aussi un remède pour ne pas donner lieu à l’amertume et à la misanthropie d’un Schopenhauer par exemple. Nietzsche décrit parfaitement cette victoire sur le dangereux dégoût dans Ecce Homo :

    Le sentiment d’humanité ne consiste pas chez moi à me sentir proche de l’homme tel qu’il est, mais à supporter seulement de me sentir proche de lui… Le sentiment d’humanité n’est chez moi qu’une continuelle victoire sur moi-même. […] Tout mon Zarathoustra n’est qu’un dithyrambe en l’honneur de la solitude, ou, si l’on m’a compris, en l’honneur de la pureté. […] Le dégoût de l’homme, de la « canaille », fut toujours mon plus grand péril (21).

    Il est donc nécessaire pour le philosophe-législateur de se projeter dans l’avenir pour ne pas entièrement désespérer de l’humanité. Le surhumain sert ainsi d’horizon non tant de l’attente messianique que de l’action présente. Il faut « vouloir » le surhumain pour le rendre possible, il faut créer cet avenir pour le moins incertain. Pour que cet espoir de renaturalisation de l’homme ne reste pas vain, il est nécessaire au préalable de mettre fin à toute espérance idéale. Ce n’est pas un hasard à cet égard si Nietzsche présente la doctrine de l’éternel retour comme la pensée la plus désespérante qui soit : ce n’est que du nihilisme « outrancier » ou « extatique » que peuvent surgir les conditions favorables à l’émergence du type surhumain. Il faut en quelque sorte faire le vide pour permettre la création de valeurs nouvelles favorisant la vie ascendante. Le « nihilisme extatique » de Nietzsche s’apparente dès lors à un pari pascalien inversé : pour prévenir le lent suicide de l’humanité, il faut faire résolument le choix de la terre, de la grandeur naturelle. Mieux vaut pour l’humanité périr courageusement en tentant de se dépasser elle-même que glisser insensiblement vers le nihilisme passif des derniers hommes.

    Le surhumain n’est donc en rien comparable à l’« homme nouveau » du christianisme et des révolutionnaires. Il est bien plutôt l’homme complet, souverain, qui non seulement ne cherche pas à faire table rase du passé, mais assume pleinement la responsabilité de l’ensemble de l’histoire. Ce parfait héritier se distingue par ce trait de l’homoncule, qui reste rivé au présent et qui n’a de ce fait aucun avenir. Libre d’esprit, il n’est pas asservi aux jugements moraux dominants et les grands mots de la vertu lui répugnent. Il vit dangereusement, rejetant toute forme de confort, avant tout le conformisme et les diverses consolations. La « nature humaine » reste donc plastique, en devenir pour Nietzsche : c’est en ce sens profond que le surhumain n’est pas le terme de l’évolution, mais un perpétuel dépassement de soi. A la triste uniformité des goûts et des aspirations des derniers hommes, Nietzsche oppose la vaste synthèse de pulsions contradictoires que doit accomplir le surhumain :

    L’homme suprême serait celui qui aurait la plus grande diversité d’instincts, et cela avec l’intensité la plus forte dans les limites de ce qui est encore supportable (22).

    L’indépendance apparaît ainsi comme la principale qualité de l’homme véritable, dont la force – intacte – de volonté lui permet de maîtriser une si grande diversité intérieure. Le surhumain est en ce sens une perspective plus raisonnable qu’il n’y paraît. « Celui qui a gardé et cultivé une forte volonté, jointe à un esprit vaste, a de meilleures chances que jamais » (23), écrit Nietzsche. Mais le désert continue entre-temps de croître …

    Yannis Constantinidès, « Le désert croît… Nietzsche et l’avilissement de l’homme », Noesis, 10 | 2006, 115-127.

    http://dhdc2917.eu/le-desert-croit/

    Notes :

    (1) Cf. CId, « Divagations d’un Inactuel », § 37 : « “Sommes-nous vraiment devenus plus moraux ?” Le fait que tout le monde le croie est plutôt un argument contre cette théorie… Nous autres, hommes modernes, très délicats, très vulnérables, pleins d’égards pour tous et en exigeant de tous, nous nous imaginons en fait que ces délicats sentiments d’humanité que nous incarnons, cette unanimité acquise pour nous ménager, nous rendre service, nous faire mutuellement confiance, constitue un progrès positif, et qu’en cela nous surpassons de beaucoup les hommes de la Renaissance. »
    (2) Cf. FP XIII, 9 [173] : « L’exigence d’“humanisation” (qui se croit très naïvement en possession de la formule “qu’est-ce qui est humain ?”) est une tartuferie sous laquelle une espèce d’hommes bien déterminée cherche à imposer sa domination : plus exactement un instinct bien déterminé, l’instinct grégaire. »
    (3) Cf. Za, IV, « Parmi les filles du désert », § 2 : « Le désert croît : malheur à qui recèle des déserts ! »
    (4) Lire là-dessus mon article, « L’humanisme paradoxal de Nietzsche », in L’Art du comprendre, n° 15, 2006, p. 163-177.
    (5) GS, § 115 (« Les quatre erreurs »).
    (6) HTH I, § 463.
    (7) A, § 105.
    (8) Voir par exemple FP XIV, 23 [4].
    (9) Ibid., 15 [37].
    (10) Ibid., 22 [18] (* en français dans le texte).
    (11) EH, « Pourquoi je suis si avisé », § 9.
    (12) Cf. FP XIII, 10 [127] : « La préoccupation de soi et de son “salut éternel” n’est pas l’expression d’une nature riche et sûre d’elle-même : car celle-ci envoie au diable la question de savoir si elle connaîtra la béatitude – elle n’a aucun intérêt à une quelconque forme de bonheur, elle est force, acte, convoitise – elle s’imprime dans les choses, elle fait violence aux choses … Le christianisme est une hypochondrie romantique de ceux qui ne se tiennent pas solidement sur les pieds. – Partout où la perspective hédoniste passe au premier plan, on peut conclure à de la souffrance et à une certaine malvenue. »
    (13) PBM, § 188. Voir aussi HTH I, § 521 (« La grandeur : imposer une direction »).
    (14) Nietzsche dénonce cet « optimisme économique » dans une note posthume de 1887 : « les frais de tous se soldent par un déficit total ; l’être humain s’avilit : si bien que l’on ne sait plus seulement à quelle fin a bien pu servir cet énorme processus. A quelle fin ? un nouveau “à quelle fin” (Wozu) – voilà ce qui est nécessaire à l’humanité … » (FP XIII, 10 [17]).
    (15) PBM, § 44. La « plante “homme” » ne peut pourtant croître vigoureusement selon Nietzsche qu’à condition de ne pas être ménagée.
    (16) GM, III, § 14.
    (17) Cf. CId, « Divagations d’un Inactuel », § 37 (déjà cité) : « Nous autres, modernes, avec notre “humanité” douillettement ouatée, qui prend bien soin de ne se blesser à aucune pierre du chemin, nous aurions offert aux contemporains de César Borgia un spectacle du plus haut comique. »
    (18) FP du GS, 11 [219].
    (19) FP des Considérations inactuelles III et IV, 35 [12].
    (20) FP IX, 3 [1], § 385.
    (21) EH, « Pourquoi je suis si sage », § 8.
    (22) FP X, 27 [59].
    (23) Ibid., 26 [449].
  • L’Europe contre la nation, un faux débat ?

    Distinguer l’Europe enracinée de l’Europe globalisée

    On le sait, la mouvance patriotique est parcourue, tant en France que dans les autres pays européens, par divers courants idéologiques. Parmi ces derniers, on compte notamment le courant nationaliste et le courant européaniste (et non européiste, nous y reviendrons) qui s’affrontent, il est vrai, tout particulièrement, sur la scène politique française. Et comment ne pas le comprendre ? La France est le berceau de l’idée de nation, c’est la France qui a exporté le modèle de l’État national aux quatre coins de l’Europe et c’est donc en France que, tout naturellement, l’attachement à la nation est la plus forte.

    L’idée européenne, quant à elle, d’approche traditionnellement impériale, apparaît donc aux yeux de la plupart des partisans de la nation comme un genre d’ennemi héréditaire, de maelström cosmopolite qui n’a d’autre but que d’anéantir la nation et de se poser en première marche du « Village global ». On peut d’ailleurs dire qu’au fil des siècles, la nation française s’est bâtie envers et contre l’Empire.

    Si, de nos jours, c’est la, il est vrai, bien mal nommée « Union européenne » qui est la cible des attaques du courant nationaliste, que l’on nomme aussi parfois « souverainiste » lorsqu’on veut l’étendre à d’autres franges de l’échiquier politique, ce n’est là que le reflet d’un conflit multiséculaire qui, générations après générations, a opposé la France à l’Empire et, tout particulièrement, à celui des Habsbourg. Il semble que dans l’esprit du partisan de la nation, l’acceptation de l’idée impériale, incarnée jadis par l’ennemi héréditaire habsbourgeois et assimilée aujourd’hui à une certaine idée « euroglobaliste », constituerait un genre de reddition sans condition, au terme d’une « guerre éternelle » contre l’Empire que la France aurait fini par perdre. Les batailles qui opposèrent François Ier à Charles Quint, les guerres franco-espagnoles et franco-autrichiennes dans ces Pays-Bas méridionaux (actuelle Belgique), passage obligé d’une France qui ambitionna longtemps de retrouver sur le Rhin sa frontière gauloise, tous ces sacrifices donc n’aboutiraient finalement qu’à une soumission française à des mœurs centrifuges jugées étrangères et à des Diktat politiques et économiques jugés non moins étrangers, en un mot : européens. Inacceptable, du point souverainiste. Ainsi, quoique l’idée impériale, européenne, enracinée, en un mot « identitaire », incarnée jadis par la dynastie des Habsbourg, dont le dernier empire s’effondra en 1918 sous les coups redoublés des nationalismes, des idéologies totalitaires et de cet industrialisme apatride qui a donné naissance à l’univers globalisé que nous ne connaissons que trop bien, quoique cette idée, donc, n’ait absolument rien de commun, que du contraire, avec l’« Euromarket » acculturé et déraciné que nous connaissons sous le nom d’« Union européenne », elle apparaît néanmoins, dans les esprits souverainistes, comme un genre de précurseur du « projet européen » actuel, première marche d’un monde globalisé et source de tous les maux de la France.

    Autant l’Empire austro-hongrois – hélas resté imparfait, il est vrai, du fait de son occultation de la réalité politique de ses populations slaves – constituait une tentative de faire cohabiter, dans un même espace, harmonieusement, c’est-à-dire dans le respect de leur pluralité identitaire, des populations différentes, certes, mais appartenant à une même civilisation, autant l’Union européenne n’est qu’une construction artificielle, économique métissée, standardisée, globalisée, rejetant toute forme d’enracinement historique et culturel authentique et prête à s’ouvrir au tout venant. Autant l’Empire austro-hongrois vénérait par-dessus tout la qualité de vie, la culture, l’histoire, le bon goût, en un mot, le Beau, autant la prétendue « Union européenne » en apparaît comme le négatif, cultivant l’acculturation, le mauvais goût commercial, la sous-culture globalisée et la malbouffe.

    « Européanistes » et non « européistes »

    Il n’y a rien de commun entre ces deux visions de l’Europe. Désigner par un même qualificatif les partisans d’une Europe structurellement impériale, enracinée, identitaire et les adeptes de l’Euromarket globalisé n’a donc aucun sens.

    Si les tenants de l’actuelle « Union européenne » sont généralement qualifiés d’« européistes », ceux qui, tout en pensant qu’il convient de ne pas jeter le bébé européen avec l’eau du bain globalisé pour le moins malodorant dans lequel il baigne, qui tout en précisant que tout n’est pas forcément mauvais dans l’actuelle U.E., militent pour l’unité d’une Europe enracinée incluant le niveau national, mais également le niveau régional et le niveau civilisationnel dans le cadre d’une structure harmonieusement intégrée, devraient être désignés différemment.

    Aussi, afin de les distinguer des adeptes « européistes » de l’Europe globalisée, pourrions-nous faire le choix du terme « européaniste ».

    La nation jacobine contre l’Europe enracinée

    Les souverainistes reprochent parfois aux européanistes d’être comparables aux révolutionnaires de jadis qui voulaient universaliser et internationaliser leur combat. Dans leur esprit, l’idée européenne appartient à ce mode de pensée internationaliste, globaliste dirions-nous plutôt aujourd’hui, qu’anima par le passé et encore aujourd’hui les ennemis de la nation, seule référence identitaire viable à leurs yeux. En fait, selon eux, les européanistes ne voudraient rien d’autre, globalement, que construire une nouvelle Internationale. Retournons l’argument à son expéditeur. Nous le savons, les idéaux révolutionnaires jacobins ne sont pas particulièrement prisés dans une mouvance patriotique française qui lui préfère généralement, et de loin, les références chrétiennes, monarchiques, traditionnelles, en deux mots, d’Ancien Régime. Comment expliquer dès lors le paradoxal engouement des partisans de la nation pour des idéaux issus du jacobinisme révolutionnaire dont l’idée même de nation est la fille ? Car point d’État national ni de citoyens avant 1789, mais un royaume et des sujets du Prince ! On en vient donc à se demander si l’idée de nation jacobine est bien un concept identitaire, ou si elle n’est, au contraire, qu’un poste avancé des internationales.

    Allons plus loin : comment l’internationalisme révolutionnaire aurait-il pu exister sans la création préalable de la nation jacobine ? Lorsque le centralisme nationaliste refuse aux régions ce que l’échelon international (ex-U.R.S.S., Euromarket, « Village global » ou autre) refuse désormais aux États-nations, ne peut-on dire qu’il s’agit là d’une seule et même logique ? En définitive, le centralisme jacobin nous paraît bien plus proche de l’euro-bureaucratie « bruxelloise » que l’idée d’unité européenne enracinée.

    Régionalismes ou micro-nationalismes ?

    Après s’être vus reprocher leurs « velléités internationalistes » visant prétendument à dissoudre, « par le haut », la nation, dans le cadre d’un maelström européen métissé, les européanistes, partisans du fédéralisme intégral, c’est-à-dire de la fédération des États-nations européens sur une base civilisationnelle, et de la fédéralisation de ces mêmes États-nations sur base de leurs régions historiques, se voient accuser par les souverainistes de vouloir également détruire la nation par le bas, en encourageant le développement de mouvements régionalistes centrifuges.

    Or, partisans de l’unité européenne, les européanistes ne peuvent être, en toute logique, des partisans de la dislocation des nations : il ne s’agit pas de remplacer une « Europe des 27 » (déjà plus que bancale) par une « Europe des 270 » ! Les États-nations ont donc, du point de vue européaniste, un rôle essentiel à jouer dans la construction identitaire de l’Europe, garants qu’ils sont de la cohérence politique de nombreux territoires sans laquelle l’Europe sombrerait dans le chaos, et de la sauvegarde des langues nationales, indissociables de notre identité la plus essentielle. Autonomie régionale ne signifie pas, dans l’esprit européaniste, éclatement micro-nationaliste.

    Et nous voilà confrontés à un nouveau paradoxe : si le partisan du fédéralisme européen intégral se voit reprocher ses opinions supposées centrifuges, n’est-ce pas, en définitive, le micro-nationaliste, c’est-à-dire le régionaliste indépendantiste (et non seulement soucieux d’autonomie), qui se trouve politiquement et paradoxalement être le plus proche du stato-nationaliste jacobin ? Car, alors que le régionaliste soucieux de son autonomie ne demande fondamentalement que la reconnaissance de sa particularité dans le cadre national, le micro-nationaliste, lui, ne veut rien d’autre que créer un nouvel État national jacobin, centralisé, refusant à ses propres composantes régionales jusqu’au centième de ce qu’il a obtenu pour lui. Le rejet de l’Europe par le macro-nationalisme et le rejet de l’État-nation par le micro-nationalisme ne se rejoignent-ils pas finalement ? Mais il n’y a là rien de commun avec une démarche d’autonomie régionale responsable, telle qu’on l’envisage d’un point de vue européaniste.

    Europe des Patries ou Europe-Puissance ?

    Ainsi donc, l’action des européanistes, si l’on en croit l’opinion souverainiste, n’aurait pour seule conséquence, du fait de ses choix civilisationnels et régionaux, que d’affaiblir les nations d’Europe face aux autres puissances mondiales, au premier rang desquelles nous citerons, bien évidemment, les États-Unis d’Amérique. C’est la double action du morcellement régionaliste et du métissage « européiste » qui serait, en définitive, responsable du déclin des États-nations. Or, une fois de plus, nous voilà confrontés à un paradoxe. Lorsque les souverainistes déplorent l’incapacité « des Européens » à assumer leur rôle politique et militaire sur le plan international, ils ne semblent pas comprendre que cela est dû à deux facteurs fondamentaux dont le globalisme et le nationalisme sont justement responsables. Le globalisme, négateur d’identité qui constitue le fondement pseudo-européen de l’Euromarket, est à la base de l’inconsistance européenne qui n’a jamais rien été d’autre qu’une vague structure économique et financière.

    En l’absence de vraies fondations identitaires et civilisationnelles, l’Europe ne pouvait espérer devenir politiquement cohérente, et faute de cohérence politique, elle ne pouvait rester qu’une jungle financière et économique acculturée et politiquement faible, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être de 1957 à nos jours. Or, cette dissolution par le haut, exigée par le « Village global » d’inspiration étatsunienne, « nordiste » et « yankee » (au sens historique du terme), a été largement favorisée par le refus obstiné des stato-nationalistes et des souverainistes d’abandonner une part de souveraineté à l’échelon civilisationnel supérieur, afin de mettre en commun les moyens indispensables à une Europe-Puissance pour s’imposer sur le plan international. Les partisans de l’Europe des Patries n’ont jamais cessé de s’accrocher aux derniers pans d’une puissance politique et militaire nationale qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut jadis, au nom d’un attachement à la souveraineté qui frise parfois la religiosité.

    Au niveau militaire, pour ne citer que cet exemple, le résultat est là : des moyens financiers dignes d’une superpuissance dépensés en vain au niveau européen, vingt-sept budgets nationaux, vingt-sept armées qui peuvent, au mieux servir d’armées supplétives à des armées étrangères, des redondances inacceptables en matière d’industrie militaire, tout cela pour entretenir le mythe d’une puissance nationale et souveraine pourtant militairement en situation de déclin. Comment venir ensuite se plaindre de l’inexistence politico-militaire européenne sur la scène internationale ? Mais l’on préférera se bercer d’illusions, en vantant le retour à une agriculture totalement nationale, on prônera l’abandon de l’euro au profit de l’ancienne monnaie nationale, nourrissant ainsi l’espoir plus qu’improbable – tel le génie de la fable, le libéralisme, échappé de la lampe magique nationale au XXe siècle, pour gagner les horizons planétaires, n’y retournera plus jamais – de voir se rapatrier les industries nationales, tout cela en ignorant ce problème essentiel : l’Europe est, depuis la perte de ses colonies, dépourvue de richesses naturelles et, notamment, de ressources énergétiques. On se demande donc comment, dépourvues de ces ressources, et divisées sur la scène internationale, les « post-puissances » européennes pourraient maintenir, ne fut-ce qu’à moyen terme, leur rang de puissance ? Les nations européennes doivent donc choisir : survivre ensemble ou mourir seules.

    La complémentarité de l’Empire et de la nation

    La France nourrit donc à l’égard de l’Empire, et partant, de l’Europe, une méfiance qui semble relever de l’atavisme. Qu’il apparaisse sous les traits de l’empire des Habsbourg, de l’Union européenne ou de l’« empire américain », tout « projet impérial » – ou ce qui en tient lieu – est perçu par Paris comme une menace pour sa souveraineté. Ainsi, un ouvrage collectif paru chez Ellipses au début des années 2000, auquel j’eus d’ailleurs la possibilité de participer – Guerres dans les Balkans, paru sous la direction du général Gallois – était-il sous-titré La nouvelle Europe germano-américaine, référence particulièrement révélatrice à la crainte très française d’une double domination « impériale », américaine d’une part, et allemande, pour ne pas dire « mitteleuropéenne », d’autre part. Et c’est là qu’il est, nous semble-t-il, intéressant de comparer la vision qu’ont de cette problématique les Français et les Belges francophones, étant moi-même, dirais-je, l’un des derniers Bruxellois de souche.

    On peut dire que les États nationaux belge et français se sont développés de manière radicalement opposée : autant la France apparaît comme le berceau de l’idée de nation, autant la Belgique apparaît comme un État national particulièrement bancal, créé par les grandes puissances du XIXe siècle, pour diverses raisons stratégiques; autant la France se pose en État jacobin centralisé, autant la Belgique n’en finit pas de gérer le divorce de ses deux principales composantes flamande et wallonne. La Flandre, elle, a su bâtir une identité nationale forte (encore que cela devrait être sans doute relativisé), mais qu’en est-il de cette Belgique francophone qui rassemble des Wallons et des Bruxellois de langue française ? Comment peut-on définir un Belge francophone, sinon, en schématisant, comme un « Français d’histoire impériale » ? De fait, culturellement et linguistiquement tourné vers la France, le Belge francophone ou, plus précisément, le francophone de Belgique, est historiquement tourné vers l’Europe centrale germanique et impériale dont, notamment via les Habsbourg, les Pays-Bas méridionaux (qui correspondaient globalement à la Belgique actuelle), ont dépendu durant plusieurs siècles.

    L’on évoque souvent le conflit wallo-flamand ou la ligne de fracture germano-latine passant par Bruxelles, mais l’on a peu conscience du fait que la question de l’opposition entre la Francité et l’Empire fait essentiellement partie de l’identité des francophones de Belgique, et voilà pourquoi l’on peut considérer que l’actuel débat français sur la nation et l’Europe (ou/et l’Empire) nous est plus que familier, et que notre témoignage historique a donc pleinement sa place dans ce débat.

    Entre Mitteleuropa impériale et francité jacobine

    Si linguistiquement et culturellement, le Belge francophone appartient bien à l’espace français, il fut aussi, des siècles durant, un sujet de Charles Quint et des Habsbourg (ennemis traditionnels du Royaume de France), jusqu’à ce que les sans-culottes ne chassent les Autrichiens de nos contrées qui restèrent françaises de 1794 à 1814, avant d’être plongées brutalement dans l’univers nationaliste européen. C’est là un paradoxe que tout francophone de Belgique – du moins parmi ceux qui ont encore une conscience et une connaissance de leurs racines et de leur histoire – doit apprendre à gérer du mieux qu’il peut. Nous ne nous étendrons évidemment pas sur les nombreuses réponses que l’on peut tenter d’apporter à ce problème, pour ne retenir que deux options : l’historique et la géopolitique. Pour résumer, disons que la logique historique est partagée par ceux qui souhaitent le maintien de la Belgique au nom d’un « mythe lotharingien » qui suppose l’existence d’un espace géopolitique naturel particulier situé entre la France et l’Allemagne, une idée parsemée de références aussi romantiques que nostalgiques à un prétendu « bon vieux temps » des ducs de Bourgogne et de Charles Quint, dont la Belgique serait la naturelle héritière.

    La logique géopolitique, elle, est partagée par ceux qui, bien qu’ayant constaté que la Belgique ne constitue pas un État national viable, veulent malgré tout coller à la réalité stato-nationaliste moderne et se tournent donc, tout naturellement vers la France à laquelle ils voudraient voir rattacher la Wallonie, voire toutes les communes à majorité francophone de Belgique. Vivre dans des mythes passéistes et un état hybride d’État national et d’Ancien Régime, en attendant l’éventuel divorce d’avec la Flandre, ou tenter de trouver sa place dans une France hexagonale centralisée, voilà globalement le choix que  laisse aux francophones de Belgique, la vieille opposition identitaire entre la Mitteleuropa impériale et la francité jacobine.

    Entre Habsbourg et Bonaparte : un ressenti personnel

    Pour ma part, je n’ai jamais adhéré à une forme ou l’autre de nationalisme, mes origines bruxelloises et « administrativement belges » me prédisposant bien peu, il est vrai, à une telle démarche. Je me suis donc naturellement tourné vers la France et l’Europe, soit vers la francité et l’Empire. J’ai toujours perçu ces deux aspects de mon identité non comme antagonistes mais, bien au contraire, comme parfaitement complémentaires, regrettant au passage tout ce qui, à travers l’histoire, a pu séparer la France de la Mitteleuropa et tout ce qui a opposé la nation française à l’Empire. Sans être aucunement monarchiste, je n’en suis donc pas moins « impérialiste », au sens réel du terme et non au sens idéologique, et mes choix historiques se sont donc naturellement portés, simultanément, vers l’Empire des Habsbourg et le Premier Empire français, le premier, notamment en raison de sa structure décentralisée et diversifiée, prélude d’une construction européenne enracinée, le second par amour d’une certaine grandeur et de la qualité de vie françaises et on le voit, il n’y a là aucune contradiction. Par opposition aux forces qui veulent uniformiser, standardiser, en niant la diversité régionale (stato-nationalisme), la diversité nationale (européisme), voire même la diversité civilisationnelle (globalisme), autant de démarches, nous semble-t-il, fondamentalement anti-identitaires, la logique « impériale », fédérale, européaniste veut, bien au contraire, reconnaître tous les éléments identitaires de notre civilisation et les imbriquer harmonieusement dans une structure relevant d’une claire volonté de préserver l’ensemble de nos différences enracinées.

    L’européanisme polyculturel et identitaire n’est donc en rien comparable au multiculturalisme européiste et négateur des identités. Je me sens d’autant mieux en France que je me sais bruxellois, je me sens d’autant mieux en Europe que j’ai conscience de mon appartenance à la francité (je ne peux, hélas, dire « à la France »), et j’aimerais pouvoir me définir comme Européen dans le monde, sans devoir faire référence à cette prétendue « Union européenne », qui est aujourd’hui tout sauf unie et enracinée. Et lorsqu’on vante le patriotisme économique américain, n’est-ce pas justement reconnaître l’efficacité d’un modèle fédéral pour l’Europe, alors que faire le choix du protectionnisme stato-nationaliste reviendrait plutôt à faire l’apologie d’un plus qu’hypothétique patriotisme californien ou texan ? Imagine-t-on New-York boycotter les vins de Californie ? Cela n’empêche nullement les États américains d’être autonomes dans bien des domaines, notamment celui de la justice. Preuve supplémentaire qu’une fédération bien conçue ne s’oppose ni au patriotisme, ni aux enracinements particuliers, que du contraire.

    Conclusion : oui au fédéralisme intégral

    Et voilà pourquoi les européanistes font le choix, pour l’Europe, d’un fédéralisme intégral qu’il convient de ne pas confondre, justement, avec ce fédéralisme global, jacobin, anti-identitaire, européiste, que nous impose aujourd’hui l’Euromarket. Dans l’optique du fédéralisme intégral, tout à la fois polyculturel et enraciné, la région a pour fonction principale d’approfondir l’enracinement de la nation dont la fédéralisation, loin de la disloquer, aurait pour conséquence l’affermissement de sa base identitaire, la non-reconnaissance et l’affaiblissement des enracinements régionaux aboutissant, au contraire, à la transformation de la nation en une coquille vide bureaucratique, première marche d’une Europe européiste tout aussi vide et bureaucratique, comme nous le prouve l’actualité. Régionalisme ne signifie pas pour autant indépendantisme et la nation a donc pour fonction de maintenir l’unité des entités régionales qui la composent et qui doivent, au-delà des légitimes démarches linguistiques régionales, restées liées par une même langue nationale sans laquelle la nation ne pourrait survivre : le cas belge est là pour le démontrer, pas d’État national viable sans unité linguistique. Comme la région, la nation est donc le dépositaire d’un héritage linguistique, mais également culturel et historique, sa désintégration ne pouvant que déboucher sur une forme ou l’autre de chaos. Mais nationalisme ne signifie pas pour autant souverainisme jacobin. En contestant aux régions leur droit à l’enracinement particulier, la nation se dénie logiquement le droit de faire état de revendications semblables à l’échelle civilisationnelle. En outre, le morcellement souverainiste a pour résulta l’affaiblissement de la Civilisation entière qui, divisée, se trouve dépourvue des moyens qui lui permettraient de rivaliser avec les autres puissances, et cet état de division est d’autant plus grave pour l’Europe qu’elle se trouve, comme nous l’avons déjà souligné, largement dépourvue de ressources naturelles.

    Or les nations n’ont plus les moyens, notamment militaires, de prendre le contrôle celles-ci, et nous avons vu, lors de l’affaire libyenne, que la France ne pouvait, à elle seule, soumettre un petit pays, équipé d’armes obsolètes, telle que la Libye. Se bercer d’illusions en rêvant à la gloire passée de la nation ne permettra pas pour autant à celle-ci de renouer avec un passé définitivement révolu. La France-Puissance n’est plus et sans l’Europe-Puissance, la France et les autres nations ne pourront survivre seules. L’unité civilisationnelle s’impose donc. Ce qui doit nous gêner, ce n’est point de voir des bouteilles de vin espagnol ou des fromages italiens sur nos tables, mais de voir nos viticulteurs et nos agriculteurs européens concurrencés par l’importation de vins chiliens et d’haricots verts du Kenya. Une flèche se brise aisément, contrairement à un faisceau de flèches. Voilà pourquoi nous, européanistes, prônons la construction d’un fédéralisme européen intégral, respectueux des enracinements particuliers régionaux (patries charnelles) et nationaux (patries nationales) et permettant l’édification d’une Europe-Puissance sans laquelle ni nos régions, ni nos nations ne pourront survivre. Ainsi, loin de s’opposer, la région, la nation et la Civilisation nous apparaissent comme parfaitement complémentaires.

    Éric Timmermans http://www.europemaxima.com/

    • D’abord mis en ligne sur Novopress, le 14 janvier 2013.

  • Radio Courtoisie : « Le messianisme politique à travers les siècles »

    Sur Radio Courtoisie, le 21 août dernier, Emmanuel Ratier recevait Jean-François Gautier, Jean-François Gautier, docteur en philosophie des sciences, pour son ouvrage Le sens de l’Histoire : une histoire du messianisme en politique (éd. Ellipses) et développer le thème du messianisme en politique.


    Plus d’émissions téléchargeables (Radio Courtoisie) ici
    A mettre en correspondance avec la grille de programme

  • Entretien avec Jacques Marlaud (le renouveau païen).

    Entretien avec Jacques Marlaud (le renouveau païen).
    Entretien avec Jacques Marlaud, auteur du Renouveau païen dans la pensée française (préface Jean Cau) (éditions L’Æncre)
    (propos recueillis par Fabrice Dutilleul).

    Pourquoi aborder un sujet à la fois aussi vaste et aussi controversable ?
    Le paganisme comme objet d’étude historique, littéraire et esthétique est aujourd’hui moins controversable qu’il l’était autrefois, même si, comme le constatait déjà Jean Cau dans la préface qu’il m’a accordé, jamais les « valeurs » chrétiennes laïcisées ne se sont autant épanouies à travers la novlangue humaniste, les grand-messes de la « Démocratie » hypostasiée. « Rouges, noirs ou roses, mais tous se proclamant frères en Humanité, jamais les prêtres ne furent aussi nombreux. Christianisme pas mort, Humanité et Humanitarisme suivent. Chasse au Grand Pan toujours ouverte. Tirer à vue ! » Le phénomène de laïcisation est ancien et les « prêtres », les vecteurs de morale humanistoïde contre lesquels s’insurgent mes sujets d’étude (Montherlant, Louis Pauwels, Jean Cau et Pierre Gripari principalement) officiaient depuis longtemps dans les amphithéâtres d’université et dans les médias plutôt que dans les églises où, au contraire, se sont maintenus parfois certains rites pagano-chrétiens, par exemple à travers le culte des Saints, hérité de celui des dieux et des héros qui prévalait dans l’univers païen antique.
    Le paganisme que vous préconisez n’a pourtant rien à voir avec une quelconque pratique religieuse telle qu’on la trouve chez certains druides ou odinistes contemporains…
    D’abord, je ne préconise rien. Je recherche, comme un fil conducteur, un certain état d’esprit qui caractérise ce qu’on peut appeler la philosophie et la littérature « païennes » mais aussi la musique, la sculpture, la peinture et les beaux-arts en général, voire la politique ou « métapolitique ». Or, un survol « païen » de la littérature, comme celui qui compose la dernière partie de mon ouvrage montre que celle-ci, tout comme les autres domaines artistiques, est essentiellement païenne et seulement marginalement chrétienne. Ce constat peut d’ailleurs s’appliquer à bien des auteurs d’obédience chrétienne comme un Péguy, un Claudel ou un Bernanos qui, sous le vernis de leur croyance, révèlent d’authentiques instincts païens.
    Quant aux néo-païens, sans vouloir les mettre tous dans le même sac, je souscris à l’analyse d’Oswald Spengler qui voit en eux les pratiquants d’une religiosité seconde : ils se marginalisent eux-mêmes en prétendant revivre une religion morte dont nous connaissons très peu de choses et dont ils ne peuvent reprendre que les aspects superficiels, extérieurs. Rien à voir avec la recherche d’une philosophie païenne qui imprègne tout un pan de notre pensée européenne à condition d’oser ouvrir grands nos yeux et oreilles.
    Quel usage peut-on faire du paganisme aujourd’hui s’il ne peut, comme vous dites, être vécu religieusement ?
    Individuellement ou en petits cercles, la conception païenne de la vie peut nous donner une très grande force grâce à la poésie de la contemplation et de l’affirmation du monde au lieu de sa négation nihiliste actuelle (dont le misérable art contemporain est l’expression la plus visible). Mais au-delà de cette initiation salutaire, la vision polythéiste du monde nous sera d’un grand secours pour sortir de la vision binaire, du véritable manichéisme états-unien et atlanto-européen qui oppose le Bien au Mal, l’Occident aux barbares, les démocraties au terrorisme, etc. Dans un récent ouvrage qui porte ce titre, l’ancien ministre chrétien libanais Georges Corm se fait l’avocat d’une lecture profane des conflits qui cesserait de privilégier leur dimension religieuse ou ethnique pour prendre en compte « les facteurs démographiques, économiques, géographiques, sociaux, politiques, historiques, mais aussi l’ambition des dirigeants, les structures néo-impériales du monde et les volontés de reconnaissance de l’influence de puissances régionales » (cf. Le Monde Diplomatique, février 2013).
    Une telle approche multifactorielle et multipolaire du champ de forces internationales est éminemment politique, au sens de Carl Schmitt, et païenne en ce qu’elle donne toute sa place à la pluralité des valeurs, des peuples, des intérêts et des ambitions qui s’affrontent (au Mali, comme en Syrie, en Palestine ou en Asie centrale…). Le raccourci, de la littérature aux affaires internationales, peut paraître fulgurant, et pourtant, une bonne dose de païennie littéraire pourrait aider nos décideurs à cesser de voir le vaste monde à travers la lorgnette dé(sin)formante de l’Occident américanocentré.
    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EFZZZZEZZlVoanGZju.shtml
    Le renouveau païen dans la pensée française de Jacques Marlaud, Préface de Jean Cau, 283 pages, 27 euros, éditions L’Æncre, collection « Patrimoine des religions », dirigée par Philippe Randa.

  • Et si on relisait Platon ?

    Soyons francs. La plupart d’’entre nous, à l’’évocation de Platon, pensent aux volumes poussiéreux pieusement rangés sur une armoire inaccessible, ou à des cours de lycée vite appris, vite oubliés. En tout cas, à rien qui puisse éclairer les débats et les enjeux contemporains. La traduction récente par O. Sedeyn des cours de philosophie politique de Leo Strauss sur Platon devrait les inciter à réviser leurs positions. Si Strauss est souvent associé dans l’’actualité immédiate aux origines du mouvement néoconservateur– qui aurait inspiré l’invasion américaine de l’Irak – peu de personnes peuvent se targuer d’avoir lu ses travaux philosophiques.
    Défense du régime mixte
    Platonicien, antimoderne, hostile aux prétendues “sciences” sociales, Strauss donne en 1959 un cours à l’’Université de Chicago sur Le Banquet, que retranscrira ensuite l’’un de ses meilleurs élèves, Hilail Gildin. A priori, le sujet du Banquet semble assez éloigné de la politique. Tout le monde sait que le dialogue en question est une sorte de compétition entre différents protagonistes, qui cherchent à faire le plus bel éloge du désir, d’’éros.
    Strauss rappelle toutefois qu’’il est le dialogue par excellence de l’’affrontement entre la philosophie et la poésie, Socrate et ses adversaires. Parce que la spécificité de la tradition philosophique inaugurée par Socrate fut d’avoir compris l’’essence du Politique, contrairement à ses adversaires sophistes, poètes et présocratiques, elle est une école de sagesse : « L’’implication de la philosophie platonico-aristotélicienne est […] qu’’il ne peut pas y avoir de société rationnelle, c’est-à-dire de société composée d’êtres humains purement rationnels », d’où la défense classique du régime mixte, qui donne non seulement la parole aux plus rationnels, donc aux plus sages, mais aussi à la “ « non-sagesse » au demos, qui s’exprime par la voie du consentement.
    Cela étant dit, Strauss fait du Banquet un concours de sagesse entre philosophie politique et poésie. La poésie se distingue de la philosophie parce qu’’elle fabrique des mythes, elle invente sans souci du vrai, ce qui rend les interlocuteurs de Socrate sans doute lyriques, mais incapables de comprendre la nature d’’Eros.
    L’’exégèse straussienne, érudite et pénétrante, nous incite à nous replonger dans Platon avec le sentiment qu’’il existe encore quelque chose de profond et d’’aventureux, peut-être même de dangereux, à considérer les dialogues socratiques.
    Des lois et des marionnettes
    Pour ceux encore sceptiques, la nouvelle traduction des Lois de Platon par L. Brisson et J-F Pradeau peut servir de test. Elle achève une entreprise de retraduction des dialogues initiée depuis un peu plus de vingt ans par Flammarion, et a le mérite de mettre à la portée des bourses les plus modestes un texte essentiel de la philosophie politique, puisque les autres traductions n’’étaient disponibles qu’’en Pléiade et en Belles Lettres, c’’est-à-dire dans des gammes de prix nettement plus élevées.
    En général, la vulgate oppose la République aux Lois, faisant de la première une œœuvre de jeunesse utopiste que la seconde corrige en un sens plus pragmatique. C’’est là céder à un préjugé historiciste qui tend à dévaloriser le contenu philosophique de la République comme des Lois. Ces dernières décrivent en 12 livres la constitution fictive d’’une cité excellente capable de former des citoyens vertueux et heureux. Cette cité des Magnètes qui doit s’installer en Crète est l’’objet d’’un dialogue entre un Athénien, un Lacédémonien et un Crétois que l’’âge et l’expérience ont rendu plus sages, ou du moins dépassionnés. Le dialogue est un prétexte pour comprendre l’’éducation à la vertu des hommes depuis la petite enfance jusqu’’à l’’âge adulte par la loi, la loi platonicienne ici incluant aussi les mœurs et plus généralement tout ce qui touche l’’homme en tant qu’’il vit en société : « […] il existe la raison qui calcule ce qui en ces sentiments [l’’attente, la crainte, la confiance] vaut le mieux et ce qui est le pire pour chacun de nous ; et quand ce calcul est devenu le décret commun de la Cité, il porte le nom de “loi” » (I,644d).
    Pour bien comprendre le rôle de la loi dans la Cité, l’’étranger athénien évoque un mythe resté célèbre, qui compare les êtres humains à des marionnettes manipulées par les dieux, dont on ne sait si elles ont été constituées dans un but sérieux ou pour leur simple amusement. La conduite des individus se conforme aux lois comme les marionnettes aux fils qui les relient aux mains des dieux, le plus souple de ces fils étant la Raison, dont la contrainte doit être acceptée pour parvenir à l’’excellence dans son acception la plus complète. Toutefois, l’’existence de fils moins souples, plus raides et de facture moins noble (le fil de la Raison est d’’or, les autres de métaux non précieux) nous enseigne aussi sur la nature double des lois, qui s’’adressent aux citoyens capables d’’accéder à la vertu par la persuasion rationnelle, mais aussi à tous les autres, la multitude inspirée par la crainte qui ne comprend que la force.
    À l’’ère du localisme, des utopies communicationnelles, des démocraties participatives et autres métastases issues du mouvement démocratique égalitaire, les Lois viennent nous donner une leçon assez simple : les législateurs qui tentent d’élaborer une constitution construite sur le dogme de l’’égalité entre les hommes se trompent lourdement, parce qu’’ils ne sont pas capables de distinguer l’’ordre naturel de la convention. La philosophie platonicienne, et plus généralement la pensée classique, dont l’’Action française s’’est voulue la continuatrice, est devenue le refuge véritable de la pensée critique car en dissidence radicale avec le projet moderne dans sa totalité.
    Pierre Carvin L’’Action Française 2000 du 20 juillet au 3 août 2006
    * Leo Strauss, Sur le Banquet. La philosophie politique de Platon, éditions de l’’Éclat, 334 pages, 32 euros.
    * Platon, Les Lois (deux volumes, livres I à VI et VII à XII), Éd. Garnier Flammarion.

  • 1er décembre 1934 : assassinat de Kirov

    Le 1er octobre 1934, Sergheï Kostrikov, dit Kirov (48 ans), est assassiné dans des conditions mystérieuses à Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg). L'homme n'est autre que le secrétaire du Parti communiste pour la région de Leningrad. C'est aussi un proche de Staline et son dauphin présumé.
    Sa mort va être le prétexte à une sinistre vague d'épuration au sein du Parti communiste de l'Union Soviétique, connue sous le nom de «procès de Moscou». Les accusés de ces trois procès, des bolchéviques de la vieille garde léniniste, plaideront tous coupables et feront amende honorable. La plupart seront exécutés.
    Un prétexte tout trouvé
    Staline, tout-puissant secrétaire général du Parti communiste, a lancé en 1930 la collectivisation des terres et des usines. Les Soviétiques ont payé ces initiatives au prix fort : effroyables famines et déportations massives.Malgré le renforcement de son autorité sur le Parti, le dictateur a tout lieu de craindre que la vieille garde bolchevique ne profite de ses difficultés pour le renverser.
    En 1934, il donne l'impression d'amorcer une réconciliation avec ses principaux rivaux : Kamenev, Zinoviev et Boukharine,... Ces derniers peuvent s'exprimer librement au cours du XVIIe Congrès du Parti communiste de l'URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), en 1934.
    Las, il ne s'agit que d'une feinte. Le «Vojd»(Guide, qualificatif officiel de Staline) n'attend que le moment propice pour éliminer définitivement ses ennemis avérés ou potentiels, autrement dit tous les vieux bolcheviques de son entourage...
    Ce moment arrive avec l'assassinat de Kirov, à croire que Staline l'aurait lui-même commandité ! Dès le soir, le dictateur quitte Moscou pour Leningrad et gifle publiquement le responsable local de la police politique, le NKVD (ex-Guépéou).
    Le même jour, le Comité central, organe suprême du pouvoir, institue une justice d'exception sous le prétexte de traquer et punir les criminels (pas de défense, pas de recours en appel possible et exécution immédiate en cas de condamnation).
    Grandes purges
    Les «grandes purges» commencent dès le 16 janvier 1935, avec l'ouverture du procès de Kamenev, Zinoviev et 17 autres accusés, sous l'inculpation d'avoir «aménagé le terrain idéologique» à l'assassinat de Kirov avec la complicité du traître Trotski, en exil. Il ne s'agit que d'une mise en bouche : Kamenev et Zinoviev s'en tirent pour l'heure avec seulement dix ans de prison.
    – Le «procès des Seize» (19-24 août 1936)
    Les choses sérieuses débutent en août 1936, avec la mise en accusation d'un prétendu «Centre trotskiste-zinovieviste unifié». Kamenev et Zinoviev n'échappent pas cette fois à une condamnation à mort (douze ans plus tôt, après la mort de Lénine, ils avaient constitué une première «troïka»avec Staline, permettant à ce dernier de s'emparer du parti !).
    Ce premier des grands procès de Moscou se tient, comme les suivants, sous la direction du procureur général Vychinski, en présence de la presse nationale et internationale.
    Il inaugure un scénario mis au point par le chef du NKVD, Yagoda (ou Iagoda) : il s'agit que les prévenus collaborent à leur mise à mort en avouant eux-mêmes les complots fantaisistes dont ils sont accusés et en dénonçant des comparses ! Ils y sont conduits par un reste de fanatisme ou, plus prosaïquement, par l'espoir de sauver leurs proches.
    Dans le box des accusés, on mélange des révolutionnaires éminents qui se sont ralliés à Staline, entourés de communistes moins connus et d'inconnus au passé trouble qui soutiennent les thèses de l'accusation (complot terroriste, actes de sabotage, activités d'espionnage, contacts avec le «traître» Trotski,...).
    Les étrangers eux-mêmes applaudissent aux sentences iniques et sans preuves. En France, la Ligue des droits de l'Homme, qui s'était illustrée dans la défense d'Alfred Dreyfus, n'y voit rien à redire dès lors que les accusés se reconnaissent publiquement coupables !
    Yagoda, malgré sa diligence, est congédié à l'automne et remplacé à la tête du NKVD par un jeune loup, Nikolaï Ejov (ou Yéjov)
    – Le «procès des Dix-huit»(23-30 janvier 1937)
    Le deuxième grand procès se tient en janvier 1937. Il s'en prend à un «Centre trotskiste parallèle» qui aurait comploté avec les nazis et les Japonais contre la patrie. Les accusés (Piatakov, Radek, Sokolnikov, Serebriakov,...) se prêtent aimablement à la farce en s'accusant des pires malversations avant de recevoir une balle dans la nuque.
    Dans les mois qui suivent, Ejov soumet à Staline des listes de prévenus en lui demandant son avis. On estime qu'au total, Staline approuvera de la sorte 44.000 condamnations à mort, pudiquement qualifiées de «condamnations au premier degré». C'est l'«ejovtchina» (ou «yéjovchtchina»).
    À la différence de la répression ordinaire, qui touche des centaines de milliers de Soviétiques ordinaires, l'«ejovtchina» frappe l'opinion internationale car elle concerne des membres dirigeants du pays, du Parti et de l'armée.
    L'armée est décapitée par une troisième série de procès, entre l'été 1937 et le printemps 1938. Ceux-là se tiennent à huis clos.
    Trois maréchaux sur cinq, treize généraux d'armée sur 15, 30 généraux de corps d'armée sur 58, 110 généraux de division sur 195, 211 colonels sur 406, soit une bonne moitié des cadres de l'armée, sont proprement exécutés avec soumission et sans la moindre velléité de protestation !
    – Le «procès de la droite» (2-13 mars 1938)
    Les grands procès de Moscou s'achèvent en mars 1938 avec la mise en accusion de 21 prévenus dont Boukharine, l'un des plus illustres chefs bolcheviques, et... Yagoda. Ce dernier est jugé et exécuté selon le scénario qu'il a lui-même mis au point à la tête du NKVD ! Son successeur Ejov n'allait d'ailleurs pas tarder à le suivre dans la mort.
    Au terme de ces trois années, plus de la moitié des élus du Parti ont été éliminés... et remplacés par de jeunes militants qui n'ont pas connu la Révolution et sont dévoués à Staline.
    Celui-ci apparaît comme le seul héritier de Lénine après l'élimination de presque tous les bolcheviques éminent (le survivant Trotski, en exil au Mexique, sera assassiné sur ordre de Staline en 1940).
    Staline a pu profiter des procès pour faire porter sur les accusés le poids de ses dramatiques échecs dans la collectivisation des terres et des usines.
    André Larané http://www.herodote.net/

  • État des lieux, par Jean-Marc DESANTI

    « Qui n’a jamais eu l’impression que sa vie attend un exaucement inconnu, un complément pour se parfaire ? »

    Ernst Jünger (Polarisations)

    Nous y arrivons enfin. L’Occident va donc intervenir en Syrie et les russes vont laisser faire. Bien des capucins inconditionnels de la Russie, bien des militants délicats et précieux admirateurs du viril Poutine vont encore déchanter.

    Il y aura toujours des thuriféraires du Tsar pour expliquer que c'est de la grande politique et que nous allons bien découvrir des surprises de la part du chasseur d'ours et pêcheur au torse nu.
    Mes doux camarades, les parachutistes russes ne sauteront pas sur Damas ou sur Sainte-Mère-Église pour venir délivrer les pauvres peuples de la peste islamiste. Il ne faudra compter que sur nous-mêmes, je dis bien « nous », en éclipsant l'armée, qui n'existe plus et la police que l'on paralyse.
    Certes, mourir pour Damas n'a pas plus de sens, au fond, que « mourir pour Dantzig ». Les élites complices de la planète ont pacifié tout ça depuis. Trop de dégâts. Maintenant on compte surtout sur des mercenaires, des volontaires, des harkis que l'on manipule et qu'on abandonne tout aussitôt.
     
    De temps en temps, dans les armées des grandes puissances, quelques morts, mais point trop et puis basta … Par ici la monnaie. Depuis quand d'ailleurs les guerres seraient-elles des œuvres de bienfaisance ?
    Tiens, nous venons d'apprendre que l'Arabie Saoudite offrait des contrats mirifiques à Moscou si la Russie laissait tomber Assad. Donc parfait. Le monde peut tourner. Tout est une question de rapports de force. Je te menace, tu me menaces mais n'allons pas trop loin dans l’escalade.
    Chacun a un ami qui joue le médiateur pour que ça ne dégénère pas trop. Obama est le clone de Bush, Hollande celui de Sarkozy et, même si c'est difficile à admettre, Poutine celui d'Eltsine. Croyez-vous encore qu'au festin des « grands » on laisse entrer les clochards ?

    Fabius qui, en France, paraissait à tout jamais perdu pour le « pouvoir » disserte et décide, distribue les bons points en matière d'éthique. BHL collait aux basques du petit Nicolas maintenant Laurent ouvre les hostilités avant Hollande. Au fait, pour donner l’exemple, peut-être demandera-t-il à son fils Thomas qui exhibait des liasses de 500 euros, aux « Caves du Roy », la célèbre boîte de nuit à Saint-Tropez, de se porter volontaire pour aller combattre les vilains syriens laïques ?  Cependant son rejeton sera en taule bientôt. Quoique les fils des Versaillais, même avec une information judiciaire pour "faux", "escroquerie" et "blanchiment",  se réfugient plus facilement en Suisse ou au Qatar que dans la Légion Étrangère.

     Mais ne désespérons pas les citoyens. Il y a toujours des élections dans les pays « démocratiques ». Bientôt les municipales au pays d'Astérix. Les Français vont donc pouvoir se défouler. Et … Voter Front National sans crainte. Florian Philippot demande à la maire de Bollène de respecter la loi … Entendez par là que les homosexuels (les invertis en Russie) n'ont rien à craindre. Je m'en tape moi de la sexualité des uns et des autres, je pense seulement aux veilleurs matraqués ou à Dominique Venner et je me dis que le Philippot va bientôt gagner sa place dans une émission de Ruquier ou sur le divan de  Drucker. Il a choisi le camp des vainqueurs le bougre.
    Rien à voir avec notre archange Hélie Denoix de Saint Marc qui disait : «  Un ami m’a dit un jour : « Tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué ». Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié. ».
    Mais je dois vieillir, je le concède. Plus jeune il m'arrivait encore en revêtant quelque uniforme de croire que mes actions changeraient le cours des choses et qu'il était important de prendre ce putain de pouvoir.
    Aujourd'hui, je sais que le « pouvoir » est une boutique de luxe où, tout au plus, je servirai de vigile. Je n'ai pas le goût des chiens, je préfère les loups. Tout combattant pour la cause de son peuple sait, de manière instinctive, qu'il ne restera plus, dans un monde « normalisé », que la lutte dans un groupe paramilitaire. Je le répète. On ne laisse aux honnêtes gens aucun autre choix que de se muer en tigres comme  la "Srpska dobrovoljačka garda" (la Garde des volontaires serbes) d'Arkan et de terminer humiliés devant un quelconque TPI.
    Chateaubriand disait : « La liberté disparue, il reste un pays, mais plus de patrie. » Nous n'avons qu'une seule liberté, celle de nous taire et de nous montrer magnanimes et humanistes en faisant des marches blanches réclamant aux bourreaux, criminels de la finance, traîtres à la nation, ou assassins de sang de devenir « meilleurs ».

    Alors , à tous les fils de leur terre, à tous les bouseux, à tous les amoureux du recours aux forêts, à ceux qui arpentent le désert, à tous les lecteurs du Traité du Rebelle , aux derniers ouvriers, aux derniers paysans, aux derniers jeunes inconscients , aux patriotes trahis, aux anticonformistes, aux résistants des causes perdues, aux maudits du mondialisme, aux inadaptés du sens de l'Histoire, je dis ceci : « Retrouvez la conscience perdue de vos identités éparpillées au quatre vents de vos désastres par ceux qui se proclament vos chefs. Partout et en tous lieux, regagnez les parcelles volées de vos libertés ».

     C'est le seul langage à tenir car nous sommes en guerre, non pas symboliquement mais totalement. Une guerre de démembrement de toutes les mémoires : la mémoire franque comme la mémoire germanique, la morale juive comme celle de la Réforme, la mémoire des deux guerres mondiales comme celle des révolutions.
    Les désastres des villages d'Orient, les enfants étrangers alignés comme des poissons morts à l'étalage préfigurent encore plus de morts parmi les ruines des civilisations dernières.
    Sommes-nous condamnés à attendre d'évoquer nos morts parmi nos cimetières bouleversés ? Retenons ces paroles d'Anna Sprengel : « Mais comme nous nous levons, chaque matin, pour assurer notre subsistance, il est plusieurs chemins possibles, qui ne sont pas forcément contraires à notre salut, qui ne nous amènent pas nécessairement à la catastrophe, mais des chemins de traverse qui nous forgent jour après jour un destin. C’est à les choisir que la personne engage le plus grand courage ; c’est de la découverte de ses ressources, des mythes ancrés en nous, que naissent tous les Rebelles, rares hélas, qui nous ouvrent au lendemain. »
    Sachons, mes camarades, retrouver l'esprit des SAS : de sales gosses fidèles en amitié pour qui l'honneur est de chasser en meute, pour qui la mort n'est qu'un songe héroïque apprivoisé, pour qui les décorations comme les grades, les généraux comme les politiques ne sont pas les bienvenus au club.

    Jean-Marc DESANTI

    http://www.francepresseinfos.com/2013/08/etat-des-lieux-par-jean-marc-desanti.html#more

  • L’histoire (oubliée) de l’isolationnisme américain : Partie 2

    Malgré ses fondements peu susceptibles d’entraîner l’émergence d’un État diplomatiquement interventionniste, le changement dans la politique étrangère a bien eu lieu. Après les prémices des années 20 et 30, le tournant définitif s’opère en 1945.

    Suite à la victoire des Alliés, les États-Unis sont la seule économie majeure à sortir renforcée de la guerre, n’ayant pas connu de destruction sur son propre territoire. Avec le Plan Marshall, les Guerres de Corée et du Vietnam, Les États-Unis vont devenir une « superpuissance » politique mondiale. Ces événements ont cependant lieu dans le cadre de la guerre froide. À l’avènement du monde unilatéral qui succède à l’écroulement du bloc soviétique, les interventions militaires américaines ont notablement continué, dans différentes opérations armées menées entres autres au Moyen-Orient, au nom, officiellement, d’un messianisme démocratique et de la sécurité nationale.

    Nombreuses sont pourtant les voix qui se sont levées, dès les années 20, pour dénoncer un interventionnisme contraire à la nature et à l’intérêt profond du pays. Ces contestations ne sont pas le fait de pacifistes de la génération Woodstock, mais bien celle d’hommes politiques se réclamant d’un certain traditionalisme et conservatisme américain, et refusant le rôle leader militaire (et économique) des États-Unis, au nom même de la tradition nationale. Depuis les tenants de la Old Right jusqu’à Ron Paul, en passant par les « paléo-conservateurs », voici quelques illustrations de la constante résistance isolationniste se réclamant d’un patriotisme authentique.

    Howard H Buffet, un congressiste républicain (anticommuniste) critiqua la pertinence et la moralité de l’interventionnisme militaire américain, en particulier au sujet de la guerre froide. Voici, traduit par mes soins, une de ses citations tirée d’un article du Québecois Libre écrit par Christ Leithner : « Nos idéaux chrétiens ne peuvent être exportés vers d’autres pays par les dollars et la force armée…. Nous ne pouvons utiliser la puissance et la force à l’étranger et conserver la liberté au niveau national. ». Fait très intéressant : Howard H Buffet fut connu pour être un virulent partisan du retour à l’étalon or… Les mêmes propos se retrouvent dans l’article The transformation of the American Right (paru dans la revue Continuum en 1964) de Murray Rothbard, célèbre économiste et politologue de « l’école Autrichienne ». Rothbard note par exemple qu’un pays basé sur les libertés individuelles se retrouve en pleine contraction en voulant « libérer » par la violence les peuples qui ont fait le choix du communisme. D’une manière générale, il identifie l’impérialisme américain comme le « problème essentiel de [son] temps ».

    Les différentes générations d’isolationnistes qui se sont succédé ont aussi insisté sur le fait que l’interventionnisme militaire allait à l’encontre de l’intérêt du peuple américain. Durant la campagne présidentielle de 2000, Patrick J. Buchanan, un républicain rattaché au groupe des « paléo-conservateurs » lance : « n’a-t-on pas assez souffert, depuis PanAm 103, l’attentat à la bombe du WTC de 1993, jusqu’aux attentats des ambassades à Nairobi et Dar Es Salaam, pour comprendre que l’interventionnisme est l’incubateur du terrorisme ? ».

    Le journaliste proche de la tendance Old Right Garet Garrett, en s’adressant aux défenseurs du « nouvel ordre mondial » dit : « Est-ce la sécurité que vous voulez ? Il n’y a pas de sécurité au sommet du monde ». Howard H Buffet semblait pour sa part avoir déjà compris que derrière l’impérialisme américain se cachait l’intérêt d’une oligarchie réduite. A propos du projet de construction d’un pipeline en Arabie Saoudite soutenu par le gouvernement américain, en 1944 (! !), il dit carrément qu’il s’agissait là d’une politique « garantissant pratiquement l’envoi des enfants [de la Nation] mourir dans un endroit éloigné, pour défendre les intérêts marchands de la Standard Oil ou les rêves mondialistes de nos planificateurs du monde unilatéral ». Une filiation directe est donc visible entre l’isolationnisme explicite que l’on retrouve dans les éléments fondateurs du pays (insistons encore une fois sur le contenu du discours de fin de mandat de Georges Washington) et les différentes générations d’opposants à l’interventionnisme militaire.

    Il est intéressant pour conclure de noter que la plupart des tendances de pensée isolationnistes, depuis le mouvement Old Right jusqu’aux années 2000, montreront clairement le lien entre l’aggravation de l’interventionnisme militaire extérieur et l’émergence de l’interventionnisme intérieur, économique ( sur-protectionnisme, poids croissant de la fiscalité et de la redistribution bancaire (centralisation bancaire privée, interdiction temporaire de détenir de l’or, politique de la FED…) et sociétale (Patriot Act, lois sur la régulation d’internet…) qui ensemble portent atteinte à la neutralité et à la précieuse liberté individuelle originelle du peuple américain.

    Cette politique d’interventionnisme double est à présent nommée le « Welfare-Warfare ». Garet Garrett insiste sur les racines libérales du pays dans son ouvrage The American Story. Il s’oppose à la fois au New Deal et à l’implication américaine dans la Seconde Guerre Mondiale qui ensemble symbolisent le passage d’ « une république à un Empire », mettant à mort l’héritage américain le plus précieux : la liberté. Connu pour son opposition à l’interventionnisme militaire, Ron Paul est aussi connu pour son engagement contre l’oligarchie privée et étatique. Il fait d’ailleurs très clairement le lien entre le géopolitique et l’économique, dans cette célèbre et simple phrase extraite de son ouvrage End The Fed : « Ce n’est pas une coïncidence si le siècle de la guerre mondiale coïncide avec celui de la centralisation bancaire ».

    Nous avons donc ici en quelques paragraphes rappelé que les États-Unis en tant que Nation sont basés en premier lieu sur la liberté individuelle, ce qui a pour conséquence directe l’affirmation d’une tradition de démocratie et d’économie locale, d’une défiance vis-à-vis d’institutions publiques ou privées fortes, et donc de tout type d’interventionnisme ou de centralisation du pouvoir. L’ensemble des évolutions interventionnistes de l’État américain en interne et en externe, tout comme l’hégémonie financière de Wall Street, sont en tous points exogènes à la Tradition américaine authentique. Les argumentations des patriotes refusant l’évolution qu’a connu la politique gouvernementale mettent en lumière le fait que le soutien populaire à ces politiques relèvent de la pure manipulation : sous le prétexte des menaces aux libertés individuelles venues de l’intérieur (communisme) et de l’extérieur (terrorisme) l’État s’est engagé dans un double interventionnisme, aux dépends finalement de ces mêmes valeurs cruciales de liberté.

    Certainement avons-nous, par ces quelques paragraphes, enfoncé des portes ouvertes, mais il nous semble important aujourd’hui de bien montrer à quel point les Nations, au sens des peuples et de leurs valeurs, sont utilisées, à la fois comme fer de lance et comme bouc émissaire, dans un conflit de civilisations qui se profile. On s’étonnera facilement de cet acharnement des manifestants en Libye et ailleurs à s’attaquer aux symboles nationaux américains, suite à cet étrange film anti-Islam, fait par on-ne-sait-pas-vraiment-qui (l’identité du « réalisateur » ayant changé d’un jour à l’autre) et on s’étonnera encore plus de l’acharnement des médias occidentaux à parler de ces débordements et à nous montrer des images de drapeaux qui brulent.

    Il semblerait que, d’un coté comme de l’autre, on monte de toutes pièces une haine réciproque, qui amènera inexorablement les conflits armés prochains, au travers desquels coulera le sang des peuples laborieux. Pour trouver qui sont les fauteurs de troubles, peut-être devrions nous commencer par chercher qui, en fin de compte, en tirera profit…

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/L-histoire-oubliee-de-l-isolationnisme-americain-14317.html

  • L’histoire (oubliée) de l’isolationnisme américain : partie 1

    Nombreux sont ceux qui semblent croire que, parce qu’une intervention militaire est faite sous un drapeau, elle est le fait d’une nation, d’un peuple tout entier dans son unanimité.

    Les événements géopolitiques des dernières décennies font affirmer par de nombreux médias, dans des articles se voulant subversifs, que l’interventionnisme américain est le reflet même de l’esprit impérialiste qui lui est inhérent, dans un pays où règne l’hyper rationalisme et un capitalisme sauvage. La culture américaine est ainsi résumée à un matérialisme inhumain et un fondamentalisme religieux, qui ensemble partent à la conquête du monde, motivés par un prosélytisme destructeur.

    Les allocutions et publications officielles des élites politiques américaines tendent d’ailleurs à confirmer cette identité profondément belliciste, en s’acharnant à attacher à la fois l’intérêt du peuple et sa tradition à un hégémonisme mondial. L’impérialisme sur le monde est présenté comme une obligation, un principe inaliénable de la nation américaine. Condoleeza Rice avait ainsi placé la suprématie militaire américaine et la diffusion du libre échange dans le monde comme les deux premiers axes de « l’intérêt national ». Georges W Bush avait déclaré, en 2003, que Dieu [lui] avait dit : « Georges, va mettre fin à la tyrannie en Irak… ». Son Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld avait la même année affirmé que la guerre en Irak était une « croisade chrétienne ». On a comme exemple plus récent, le brûlot du conservateur Dinesh D’souza , intitulé, Obama, Unmaking the American Dream. On comprend dans cet ouvrage que pour l’auteur l’American Dream se résume à des standards matériels de vie supérieurs aux autres pays, et à une hégémonie politique et économique sur le monde…

    Or, un aperçu des réalités historiques nous rappelle que l’ingérence belliciste américaine n’est en aucun cas en phase avec les valeurs originelles de cette nation, et n’est pas la conséquence d’un héritage national. Nous le rappellerons par un bref retour sur les origines économiques, sociopolitiques et religieuses, et par cela diplomatique des États-Unis au XIXème siècle et au début du XXème. Par la suite, nous démontrerons que la période de transition, de 1914 à 1945, entamée par le président Wilson pour aboutir sur une Amérique « gendarme du monde » très interventionniste, ne s’est pas faite sans une multitude de tentatives de résistance isolationniste et pacifiste, des volontés de « retour aux sources » et de sauvegarde de l’intérêt du peuple américain, dont l’écho nous parvient jusqu’à aujourd’hui avec les prises de position de Ron Paul.

    Nous pourrons ainsi conclure que le bellicisme américain n’est en rien un fait national, inhérent aux valeurs traditionnelles économiques, politiques ou religieuses du pays, mais bien une manipulation oligarchique, un détournement du patriotisme traditionnel du travailleur américain dans un intérêt contraire à celui de ce dernier. Nous pourrons alors affirmer l’existence d’une instrumentalisation de la Nation et de ses symboles dans les événements politiques internationaux d’aujourd’hui, à la lumière d’une actualité riche en exemples concrets.

    La littérature géopolitique admet que les États-Unis étaient diplomatiquement très isolationnistes depuis leur création jusqu’au milieu du XXème siècle. Les faits marquants les plus souvent nommés pour illustrer cette position sont l’entrée tardive du pays dans la première guerre mondiale, et sa critique relative du colonialisme européen. Le bellicisme impérialiste américain actuel est en contradiction avec ce passé. Si pour autant ce bellicisme est inhérent à son héritage traditionnel, comme certains l’affirment ou le sous-entendent aujourd’hui, il faudrait alors rechercher dans sa structuration politique, économique ou religieuse les germes d’une volonté hégémonique en devenir. Tentons l’expérience.

    Sur le plan politique tout d’abord, il serait difficile de concevoir qu’un pays soit par nature expansionniste et interventionniste lorsqu’il présente dans sa tradition la décentralisation du pouvoir économique et politique. En effet, l’État Fédéral, rappelons-le, a vu son existence même fortement défié, au travers d’une guerre civile de 1861 à 1865. Si la guerre de sécession voit la victoire du Nord, la tradition d’un État central faible reste un élément fondamentale de la tradition américaine. Si, à partir de la seconde guerre mondiale, l’État fédéral s’est vu renforcé par le rôle de Gendarme du monde attribué au pays, il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui encore, toute centralisation du pouvoir économique, dans les mains d’une institution publique comme privée d’ailleurs, provoque la défiance du peuple américain.

    Cette idéologie, orientée vers la liberté individuelle et la démocratie totale et locale, est cohérente avec une tradition politique isolationniste et de repli sur soi. Si, il est vrai, les États-Unis ont connu l’émergence des premières grandes multinationales industrielles (Ford, Rockefeller…) ou bancaires (Northern Trust, US Trust…) provoquée par des conditions singulières de décollage industriel facilitant une standardisation et une concentration précoce, ceci cache une structure économique, d’un point de vue global, très décentralisée, faite de petites et moyennes entreprises locales, relativement peu tournées vers l’export. L’ensemble de l’économie restera dans de nombreux secteurs peu concentrée, et tardivement rurale. (en 1910, 54% de la population vie en zone rurale, et 33% de la population est employée dans le secteur primaire). L’industrie, tournée essentiellement vers un marché intérieur aux opportunités immenses, est financée par des structures bancaires morcelées et régionalisées, contrairement aux modèles anglais et français.

    En résumé, si certains grands groupes bancaires ou industriels ont influencé un interventionnisme militaire américain intéressé, ces élites dirigeantes ne sont en rien représentatives de la structuration initiale du pays, faite d’activités de dimensions et de préoccupations locales, ou tout au plus nationales. (Données chiffrées extraites de : La révolution Industrielle 1780-1880 de Jean-Pierre Rioux, 1981).

    L’aspect religieux enfin, mériterait une analyse approfondie. Mais disons simplement qu’il est douteux d’affirmer que les structures religieuses américaines, par ailleurs très morcelées et diversifiées, puissent avoir porté le germe d’un messianisme interventionniste. De plus, les États-Unis, pratiquement dès leur création, ont séparé l’État des institutions religieuses de manière constitutionnelle, reléguant ainsi le Divin à la sphère privée, et invitant de ce même pas à la tolérance, toujours au nom de la sacro-sainte liberté individuelle. Voir pour cela le 1er amendement à la constitution, ratifié en 1791.

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/L-histoire-oubliee-de-l-isolationnisme-americain-14316.html