[Ci-contre : Louis-Napoléon, auquel le philosophe allemand Karl Marx consacra une série d'articles immédiatement après le coup d'État du 2 décembre 1851, considéré comme la répétition tragi-comique du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) qui porta au pouvoir l'oncle de ce dernier, le futur Napoléon Ier]
« La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants ». (1) Cette phrase célèbre par laquelle Marx, dans Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte, souligne la pression que le passé exerce sur le présent, le mort sur le vif, nous introduit au cœur du problème de l’archaïsme en histoire. Sous la banalité apparente du constat, c'est en effet toute la question de l'empreinte du passé sur les hommes qui, par définition, sont les acteurs de l'histoire, qui est posée. On peut, en anticipant le raisonnement auquel cette remarque introduit, formuler le problème en ces termes : comment des hommes dont la conscience est habitée par des représentations du passé, peuvent-ils accoucher l'histoire de son avenir ? Ce paradoxe, que ne peut lever qu'une conception dialectique de l'histoire, éclate à l'évidence pour peu que l'on choisisse, comme le fait Marx, des exemples qui en grossissent l'effet tels ces moments, où l'innovation semblerait devoir être particulièrement requises, que sont les situations révolutionnaires.