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culture et histoire - Page 708

  • GRANDS TEXTES XL : Maurrassisme et Catholicisme

    Maurras s'explique ici, avec une hauteur de vue incomparable et dans une langue superbe  sur le grand respect, la sourde tendresse, la profonde affection qu'il voue - et avec lui toute l'Action française, croyants ou non - à l'Eglise catholique. Au temps où Maurras publie ce vrai grand texte, comme au nôtre, cet attachement a toujours suscité une sorte de critique catholique venue de milieux bien déterminés - suspectant sa sincérité ou mettant en cause ses motivations supposées. Cette même mouvance s'employait par ailleurs, à combattre tout ce qui, dans l'Eglise pouvait relever de la Tradition. Nous partageons aujourd'hui encore les analyses et les sentiments de Maurras envers le Catholicisme - ce qui est pourtant devenu parfois fort difficile du fait de tels des revirements, évolutions, ou prises de position actuelles de l'Eglise. Mais nous n'ajouterons pas à la longueur de ce texte superbe. Lafautearousseau 

    I

    3350972466.pngOn se trompe souvent sur le sens et sur la nature des raisons pour lesquelles certains esprits irréligieux ou sans croyance religieuse ont voué au Catholicisme un grand respect mêlé d'une sourde tendresse et d'une profonde affection. — C'est de la politique, dit-on souvent. Et l'on ajoute : — Simple goût de l'autorité. On poursuit quelquefois : — Vous désirez une religion pour le peuple… Sans souscrire à d'aussi sommaires inepties, les plus modérés se souviennent d'un propos de M. Brunetière : « L'Église catholique est un gouvernement », et concluent : vous aimez ce gouvernement fort.

    Tout cela est frivole, pour ne pas dire plus. Quelque étendue que l'on accorde au terme de gouvernement, en quelque sens extrême qu'on le reçoive, il sera toujours débordé par la plénitude du grand être moral auquel s'élève la pensée quand la bouche prononce le nom de l'Église de Rome. Elle est sans doute un gouvernement, elle est aussi mille autres choses. Le vieillard en vêtements blancs qui siège au sommet du système catholique peut ressembler aux princes du sceptre et de l'épée quand il tranche et sépare, quand il rejette ou qu'il fulmine ; mais la plupart du temps son autorité participe de la fonction pacifique du chef de chœur quand il bat la mesure d'un chant que ses choristes conçoivent comme lui, en même temps que lui. La règle extérieure n'épuise pas la notion du Catholicisme, et c'est lui qui passe infiniment cette règle. Mais où la règle cesse, l'harmonie est loin de cesser. Elle s'amplifie au contraire. Sans consister toujours en une obédience, le Catholicisme est partout un ordre. C'est à la notion la plus générale de l'ordre que cette essence religieuse correspond pour ses admirateurs du dehors.

    Il ne faut donc pas s'arrêter à la seule hiérarchie visible des personnes et des fonctions. Ces gradins successifs sur lesquels s'échelonne la majestueuse série des juridictions font déjà pressentir les distinctions et les classements que le Catholicisme a su introduire ou raffermir dans la vie de l'esprit et l'intelligence du monde. Les constantes maximes qui distribuent les rangs dans sa propre organisation se retrouvent dans la rigueur des choix critiques, des préférences raisonnées que la logique de son dogme suggère aux plus libres fidèles. Tout ce que pense l'homme reçoit, du jugement et du sentiment de l'Église, place proportionnelle au degré d'importance, d'utilité ou de bonté. Le nombre de ces désignations électives est trop élevé, leur qualification est trop minutieuse, motivée trop subtilement, pour qu'il ne semble pas toujours assez facile d'y contester, avec une apparence de raison, quelque point de détail. Où l'Église prend sa revanche, où tous ses avantages reconquièrent leur force, c'est lorsqu'on en revient à considérer les ensembles. Rien au monde n'est comparable à ce corps de principes si généraux, de coutumes si souples, soumis à la même pensée, et tel enfin que ceux qui consentirent à l'admettre n'ont jamais pu se plaindre sérieusement d'avoir erré par ignorance et faute de savoir au juste ce qu'ils devaient. La conscience humaine, dont le plus grand malheur est peut-être l'incertitude, salue ici le temple des définitions du devoir.

    Cet ordre intellectuel n'a rien de stérile. Ses bienfaits rejoignent la vie pratique. Son génie prévoyant guide et soutient la volonté, l'ayant pressentie avant l'acte, dès l'intention en germe, et même au premier jet naissant du vœu et du désir. Par d'insinuantes manœuvres ou des exercices violents répétés d'âge en âge pour assouplir ou pour dompter, la vie morale est prise à sa source, captée, orientée et même conduite, comme par la main d'un artiste supérieur.

    Pareille discipline des puissances du cœur doit descendre au delà du cœur. Quiconque se prévaut de l'origine catholique en a gardé un corps ondoyé et trempé d'habitudes profondes qui sont symbolisées par l'action de l'encens, du sel ou du chrême sacrés, mais qui déterminent des influences et des modifications radicales. De là est née cette sensibilité catholique, la plus étendue et la plus vibrante du monde moderne, parce qu'elle provient de l'idée d'un ordre imposé à tout. Qui dit ordre dit accumulation et distribution de richesses : moralement, réserve de puissance et de sympathie.

    II

    On pourrait expliquer l'insigne merveille de la sensibilité catholique par les seules vertus d'une prédication de fraternité et d'amour, si la fraternité et l'amour n'avaient produit des résultats assez contraires quand on les a prêchés hors du catholicisme. N'oublions pas que plus d'une fois dans l'histoire il arriva de proposer « la fraternité ou la mort » et que le catholicisme a toujours imposé la fraternité sans l'armer de la plus légère menace : lorsqu'il s'est montré rigoureux ou sévère jusqu'à la mort, c'est de justice ou de salut social qu'il s'est prévalu, non d'amour. Le trait le plus marquant de la prédication catholique est d'avoir préservé la philanthropie de ses propres vertiges, et défendu l'amour contre la logique de son excès. Dans l'intérêt d'une passion qui tend bien au sublime, mais dont la nature est aussi de s'aigrir et de se tourner en haine aussitôt qu'on lui permet d'être la maîtresse, le catholicisme a forgé à l'amour les plus nobles freins, sans l'altérer ni l'opprimer.

    Par une opération comparable aux chefs-d'œuvre de la plus haute poésie, les sentiments furent pliés aux divisions et aux nombres de la Pensée ; ce qui était aveugle en reçut des yeux vigilants ; le cœur humain, qui est aussi prompt aux artifices du sophisme qu'à la brutalité du simple état sauvage, se trouva redressé en même temps qu'éclairé.

    Un pareil travail d'ennoblissement opéré sur l'âme sensible par l'âme raisonnable était d'une nécessité d'autant plus vive que la puissance de sentir semble avoir redoublé depuis l'ère moderne. « Dieu est tout amour », disait-on. Que serait devenu le monde si, retournant les termes de ce principe, on eût tiré de là que « tout amour est Dieu » ? Bien des âmes que la tendresse de l'évangile touche, inclinent à la flatteuse erreur de ce panthéisme qui, égalisant tous les actes, confondant tous les êtres, légitime et avilit tout. Si elle eût triomphé, un peu de temps aurait suffi pour détruire l'épargne des plus belles générations de l'humanité. Mais elle a été combattue par l'enseignement et l'éducation que donnait l'Église : — Tout amour n'est pas Dieu, tout amour est « DE DIEU ». Les croyants durent formuler, sous peine de retranchement, cette distinction vénérable, qui sauve encore l'Occident de ceux que Macaulay appelle les barbares d'en bas.

    Aux plus beaux mouvements de l'âme, l'Église répéta comme un dogme de foi : « Vous n'êtes pas des dieux ». À la plus belle âme elle-même : « Vous n'êtes pas un Dieu non plus ». En rappelant le membre à la notion du corps, la partie à l'idée et à l'observance du tout, les avis de l'Église éloignèrent l'individu de l'autel qu'un fol amour-propre lui proposait tout bas de s'édifier à lui-même ; ils lui représentèrent combien d'êtres et d'hommes, existant près de lui, méritaient d'être considérés avec lui : — n'étant pas seul au monde, tu ne fais pas la loi du monde, ni seulement ta propre loi. Ce sage et dur rappel à la vue des choses réelles ne fut tant écouté que parce qu'il venait de l'Église même. La meilleure amie de chaque homme, la bienfaitrice commune du genre humain, sans cesse inclinée sur les âmes pour les cultiver, les polir et les perfectionner, pouvait leur interdire de se choisir pour centre.

    Elle leur montrait ce point dangereux de tous les progrès obtenus ou désirés par elle. L'apothéose de l'individu abstrait se trouvait ainsi réprouvée par l'institution la plus secourable à tout individu vivant. L'individualisme était exclu au nom du plus large amour des personnes, et ceux-là mêmes qu'entre tous les hommes elle appelait, avec une dilection profonde, les humbles, recevaient d'elle un traitement de privilège, à la condition très précise de ne point tirer de leur humilité un orgueil, ni de la sujétion le principe de la révolte. 

    La douce main qu'elle leur tend n'est point destinée à leur bander les yeux. Elle peut s'efforcer de corriger l'effet d'une vérité âpre. Elle ne cherche pas à la nier ni à la remplacer par de vides fictions. Ce qui est : voilà le principe de toute charitable sagesse. On peut désirer autre chose. Il faut d'abord savoir cela. Puisque le système du monde veut que les plus sérieuses garanties de tous les « droits des humbles » ou leurs plus sûres chances de bien et de salut soient liées au salut et au bien des puissants, l'Église n'encombre pas cette vérité de contestations superflues. S'il y a des puissants féroces, elle les adoucit, pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s'ils sont bons, elle fortifie leur autorité en l'utilisant pour ses vues, loin d'en relâcher la précieuse consistance. Il faudrait se conduire tout autrement si notre univers était construit d'autre sorte et si l'on pouvait y obtenir des progrès d'une autre façon. Mais tel est l'ordre. Il faut le connaître si l'on veut utiliser un seul de ses éléments. Se conformer à l'ordre abrège et facilite l'œuvre. Contredire ou discuter l'ordre est perdre son temps. Le catholicisme n'a jamais usé ses puissances contre des statuts éternels ; il a renouvelé la face de la terre par un effort d'enthousiasme soutenu et mis en valeur au moyen d'un parfait bon sens. Les réformateurs radicaux et les amateurs de révolution n'ont pas manqué de lui conseiller une autre conduite, en le raillant amèrement de tant de précautions. Mais il les a tranquillement excommuniés un par un.

    III

    L'Église catholique, l'Église de l'Ordre, c'étaient pour beaucoup d'entre nous deux termes si évidemment synonymes qu'il arrivait de dire : « un livre catholique » pour désigner un beau livre, classique, composé en conformité avec la raison universelle et la coutume séculaire du monde civilisé ; au lieu qu'un « livre protestant » nous désignait tout au contraire des sauvageons sans race, dont les auteurs, non dépourvus de tout génie personnel, apparaissaient des révoltés ou des incultes. Un peu de réflexion nous avait aisément délivrés des contradictions possibles établies par l'histoire et la philosophie romantiques entre le catholicisme du Moyen-Âge et celui de la Renaissance. Nous cessions d'opposer ces deux périodes, ne pouvant raisonnablement reconnaître de différences bien profondes entre le génie religieux qui s'était montré accueillant pour Aristote et pour Virgile et celui qui reçut un peu plus tard, dans une mesure à peine plus forte, les influences d'Homère et de Phidias. Nous admirions quelle inimitié ardente, austère, implacable, ont montrée aux œuvres de l'art et aux signes de la beauté les plus résolus ennemis de l'organisation catholique. Luther est iconoclaste comme Tolstoï, comme Rousseau. Leur commun rêve est de briser les formes et de diviser les esprits. C'est un rêve anti-catholique. Au contraire, le rêve d'assembler et de composer, la volonté de réunir, sans être des aspirations nécessairement catholiques, sont nécessairement les amis du catholicisme. À tous les points de vue, dans tous les domaines et sous tous les rapports, ce qui construit est pour, ce qui détruit est contre ; quel esprit noble ou quel esprit juste peut hésiter ?

    Chez quelques-uns, que je connais, on n'hésita guère. Plus encore que par sa structure extérieure, d'ailleurs admirable, plus que par ses vertus politiques, d'ailleurs infiniment précieuses, le catholicisme faisait leur admiration pour sa nature intime, pour son esprit. Mais ce n'était pas l'offenser que de l'avoir considéré aussi comme l'arche du salut des sociétés. S'il inspire le respect de la propriété ou le culte de l'autorité paternelle ou l'amour de la concorde publique, comment ceux qui ont songé particulièrement à l'utilité de ces biens seraient-ils blâmables d'en avoir témoigné gratitude au catholicisme ? Il y a presque du courage à louer aujourd'hui une doctrine religieuse qui affaiblit la révolution et resserre le lien de discipline et de concorde publique, je l'avouerai sans embarras. Dans un milieu de politiques positivistes que je connais bien, c'est d'un Êtes vous catholiques ? que l'on a toujours salué les nouveaux arrivants qui témoignaient de quelque sentiment religieux. Une profession catholique rassurait instantanément et, bien qu'on n'ait jamais exclu personne pour ses croyances, la pleine confiance, l'entente parfaite n'a jamais existé qu'à titre exceptionnel hors de cette condition.

    La raison en est simple en effet, dès qu'on s'en tient à ce point de vue social. Le croyant qui n'est pas catholique dissimule dans les replis inaccessibles du for intérieur un monde obscur et vague de pensées ou de volontés que la moindre ébullition, morale ou immorale, peut lui présenter aisément comme la voix, l'inspiration et l'opération de Dieu même.

    Aucun contrôle extérieur de ce qui est ainsi cru le bien et le mal absolus. Point de juge, point de conseil à opposer au jugement et au conseil de ce divin arbitre intérieur. Les plus malfaisantes erreurs peuvent être affectées et multipliées, de ce fait, par un infini. Effrénée comme une passion et consacrée comme une idole, cette conscience privée peut se déclarer, s'il lui plaît, pour peu que l'illusion s'en mêle, maîtresse d'elle-même et loi plénière de tout : ce métaphysique instrument de révolte n'est pas un élément sociable, on en conviendra, mais un caprice et un mystère toujours menaçant pour autrui.

    Il faut définir les lois de la conscience pour poser la question des rapports de l'homme et de la société ; pour la résoudre, il faut constituer des autorités vivantes chargées d'interpréter les cas conformément aux lois. Ces deux conditions ne se trouvent réunies que dans le catholicisme. Là et là seulement, l'homme obtient ses garanties, mais la société conserve les siennes : l'homme n'ignore pas à quel tribunal ouvrir son cœur sur un scrupule ou se plaindre d'un froissement, et la société trouve devant elle un grand corps, une société complète avec qui régler les litiges survenus entre deux juridictions semblablement quoique inégalement compétentes. L'Église incarne, représente l'homme intérieur tout entier ; l'unité des personnes est rassemblée magiquement dans son unité organique. L'État, un lui aussi, peut conférer, traiter, discuter et négocier avec elle. Que peut-il contre une poussière de consciences individuelles, que les asservir à ses lois ou flotter à la merci de leur tourbillon ? 

    Charles MAURRAS

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/grands-textes/

  • Les manifs, c'est efficace : la preuve en deux minutes !

  • Les Éditions du Lore viennent de rééditer le livre de Horia Sima "L'épopée de la Garde de fer"

    lepopee-de-la-garde-de-fer.jpg

    Communiqué des Editions du Lore ;

    De toutes les « aventures » fascistes européennes du XXe siècle, celle qui naquit en Roumanie sous l’égide de la Légion de l’Archange Michel et de son fondateur Corneliu Zelea Codreanu, demeure l’une des plus intéressantes à bien des égards.

    En effet, le Mouvement légionnaire roumain, plus connu en France sous le nom de Garde de Fer, mêla intimement des ambitions politiques à une véritable mystique orthodoxe, se traduisant par une éthique et une discipline rarement égalées.

    Horia Sima, successeur au « commandement » de la Garde de Fer après l’emprisonnement de Codreanu, nous livre dans cette histoire du Mouvement légionnaire roumain les luttes et le martyr de ses membres dans un souci de chronologie que le lecteur appréciera.

    La première version française de ce document parut à Rio de Janeiro en 1972 et son écho n’eut pas la résonnance escomptée ; c’est la raison pour laquelle une édition sur le sol français semble aujourd’hui toute légitime.

    Le commander cliquez ici

    Sur Codreanu et la Garde de fer lisez aussi cliquez là

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2019/10/04/les-editions-du-lore-viennent-de-reediter-le-livre-de-horia-6180360.html

  • La Petite Histoire : Léo Major, un héros québécois

    L’histoire racontée dans cet épisode est à peine croyable : celle de Léo Major, surnommé le Rambo québécois. Au cours de la Seconde guerre mondiale, puis de la guerre de Corée, il a fait preuve d’une bravoure exemplaire, allant jusqu’à capturer des dizaines de prisonniers et pire, conquérir une ville à lui seul ! Blessé à de nombreuses reprises, il a toujours voulu retourner au front et a ainsi pu entrer dans la légende… avec fracas ! Retour sur un parcours aussi palpitant qu’extraordinaire.

    https://www.tvlibertes.com/la-petite-histoire-leo-major-un-heros-quebecois

  • Jean-Marie Le Pen, un destin français : entretien exclusif n° 4 – 1973-1987 / Le temps de la reconquête

    Parallèlement à la sortie du 2ème tome des Mémoires de Jean-Marie Le Pen, celui que l’on a souvent qualifié de « tribun du peuple » a accordé un long entretien à TVLibertés. En exclusivité, le fondateur du Front National revient sur des décennies de combat au service de la France. Entre scoops et confidences… une page d’histoire passionnante.

    Si vous avez manqué des épisodes, cliquez ICI

    JMLP_MEMOIRES-fiche-produit.jpgVoici le séquençage des épisodes :
    Chapitre 1 : 1928-1948, un enfant du Morbihan
    Chapitre 2 : 1948-1956, La vie étudiante, la fondation
    Chapitre 3 : 1962-1973, Le député para, l’engagement politique
    Chapitre 4 : 1973 –1987, Le temps de la reconquête
    Chapitre 5 : 1987-1998, Les freins à la prise du pouvoir
    Chapitre 6 : 1998-2018, Le sursaut national

    Mémoires de Jean-Marie Le Pen – Tome 2 : Tribun du peuple
  • La domination capitaliste, le communisme, les communaux et l’émancipation ontologique de l’être de l’homme… par Gustave LEFRANÇAIS

    « Lorsque l’humanité commença à acheter et à vendre, elle perdit son authenticité; et les hommes commencèrent alors à s’opprimer les uns les autres et à contrevenir à  la nature humaine. »

    Plate-forme de Gerrard Winstanley, Manifeste des paysans anglais de 1652 pour la défense des communaux.

    « Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur universel.

    Elles ne font qu’exprimer, en termes généraux, les conditions réelles d’une lutte de classes qui existe, d’un mouvement historique qui se dé-roule sous nos yeux. »

    Marx, Le Manifeste communiste.

    Chaque fois qu’émerge contre la puissance despotique de l’argent un mouvement de critique radicale qui en dé-voile les impostures, le despotisme de cette puissance – pour mieux torpiller et dé-tourner ce qui le met en cause – se pare des langages, expressions et modes d’apparaître de ce qui le conteste afin de mieux en neutraliser la substance par la construction d’un faire semblant qui a d’abord pour objet d’invertir et transmuter la pensée d’in-soumission en mentalité d’assujettissement.

    Pendant que dans les pays à l’économie la plus développée, les sociaux-libéraux-démocrates de toutes sectes s’employaient à égarer le mouvement ouvrier sur le terrain dévoyant de la fabrique démocratique du consentement consommatoire, les bolchéviks de tous acabits qui avaient pris le pouvoir sur l’économie des pays les moins développés, s’appliquaient, eux, à transporter et fourvoyer la contestation prolétaire dans les pièges du messianisme concentrationnaire.

    Avec le temps, l’unification mondiale de la marchandise a fait tomber le mur qui séparait l’archaïsme des capitalismes d’État de l’Est et la modernité des capitalismes anonymes de l’Ouest pour les fondre enfin dans le grand totalitarisme cosmopolite de l’hébétement mondialiste prévu par Marx.

    L’auteur du Capital, des millions de fois cité à tort et à travers par des gens qui ne l’ont jamais lu ou seulement très partiellement feuilleté est aux antipodes de ce qu’en dit le spectacle du mensonge dominant puisque la domination mensongère par laquelle règne le marché des choses présuppose justement que tout soit ré-écrit à l’envers et d’abord cet auteur qui a su dénoncer à la source les falsifications de l’envers du décors.

    En septembre 1843, Marx, alors âgé de 25 ans, écrit : « Depuis longtemps, le monde possède le rêve d’une chose dont il lui suffirait de prendre conscience pour la posséder réellement. On s’apercevra qu’il ne s’agit pas de tirer un trait suspensif entre le passé et l’avenir, mais d’accomplir les idées du passé. On verra enfin que l’humanité ne commence pas une nouvelle tâche, mais réalise son œuvre ancienne avec conscience et pleine connaissance de cause ».

    Cette phrase est décisive car elle situe clairement  le point de départ à partir duquel Marx pose et positionne la critique radicale de l’empire de la marchandise qu’il ne récuse point – d’un point de vue constructiviste – pour mieux la faire fonctionner mais qu’il conteste  – d’un point de vue ontologique – afin de rappeler que la communauté humaine de l’être ensemble qui est synonyme du communisme (la Gemeinwesen) implique l’éradication de la dictature de l’avoir tel que matérialisé par l’économie politique de l’argent et de l’État.

    César dans La Guerre des Gaules, Tacite dans La Germanie, nous rappellent fort justement que les Germains primitifs ignoraient la propriété privée du sol et que la communauté de l’être ensemble qui ne dissociait pas alors le cosmos et l’histoire, le je et le nous, faisait fi des aliénations appropriatives. Contrairement à ce qu’une vision sommaire des peuples indo-européens laisse entendre, la tri-fonctionalité dumézilienne n’exprime pas la genèse historique des origines indo-européennes mais bien le processus de décadence qui voit les fonctions guerrières et religieuses s’autonomiser des fonctions de production et ainsi permettre la dislocation de l’unité primordiale.

    Au commencement, comme le démontre Engels dans L’origine de la famille de la propriété privée et de l’État, le Germain est un guerrier-paysan et il le restera longtemps alors même que Celtes et Grecs seront déjà entrés dans la dialectique civilisationnelle qui scissionne l’homme, transforme le produire nécessaire en travail en même temps qu’asservissement à la division de l’espace entre villes et campagnes. Les paysans-soldats serbes des confins et les communautés cosaques illustrèrent longtemps par leur survivance de longue durée cette matérialité historique.

    Ainsi, et en premier lieu, le communisme est l’être de l’organisation anti-politique et anti-économique de la communauté humaine primitive non-séparée d’elle-même en l’immanence du vivre ensemble, sans argent et sans État. Mais comme ce communisme dit primitif est d’horizon limité au localisme du groupe, il ne peut que progressivement se dissoudre à mesure que par le troc et l’échange entre communautés diverses, un re-jaillissement échangiste dé-compose progressivement chaque groupe jusqu’à faire apparaître antagoniquement castes et classes.

    Les communaux ou prés communaux qui désignaient autrefois en France les territoires considérées comme le bien commun de l’être ensemble et que l’on nommait biens communaux (commons pour les Anglais) constituaient une surface encore partagée entre les habitants d’un ou de plusieurs bourgs ou villages et qui témoignait là des restes encore bien vivants du communisme antérieur.

    Chacun selon une pratique coutumière reliée à l’histoire de la communauté et évoluant selon les lieux et les époques pouvait y chercher et couper du bois ainsi que mener au pacage, en vaine pâture, ses divers bétails.

    Le mouvement des enclosures en tant que mouvement de désintégration sociale marquant le déploiement affirmé du capitalisme s’est accompli en Angleterre au XVIe siècle en concrétisant ainsi les transformations marchandes apparues dés le XIIe siècle. Les champs ouverts et les pâturages communs cultivés par la communauté, ont été alors dans la violencele sang et les larmes convertis en pâturages pour les troupeaux de moutons afin que puisse se développer le commerce de la laine alors en pleine expansion industrielle. Il en résulta alors un immense appauvrissement de la population rurale de l’époque qui entraîna souvent des mouvements de contestation et de vive rébellion comme celui des Midlands en 1607.

    Le temps des frénésies enfermantes de l’enclôture était venu, c’est-à-dire celui de la tyrannie de l’appropriation forcée et brutale du bien commun par la propriété privée laquelle fut consacrée par l’absolutisme de la révolution bourgeoise de 1789. Désormais, le temps du marché a fait quasiment disparaître les prés communaux mais il en existe encore quelques-uns en Europe, en particulier dans les zones éloignées de montagne, et le pacage sur des terres communautaires se pratique encore sous d’autres noms et diverses modalités dans de nombreuses sociétés encore pour partie traditionnelles.

    Toutefois, la disparition de ces survivances communistes ne s’est pas faite toute seule. À la fin des années 1640, en Angleterre, un mouvement social important autour des niveleurs (les levellers) et des bêcheux (les diggers) a notamment tenté une forme de réveiller communautaire basé sur l’usage collectif d’une jouissance partagée des espaces de vie que le pouvoir en place n’a bien sûr pas supporté longuement et qu’il a vaincu tantôt de manière brutale, tantôt par la manigance.

    Ailleurs et plus tard, les Landais se révolteront contre la Loi d’assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne de 1857 instituée par Napoléon III à la demande de la bourgeoisie d’Aquitaine qui voulait remplacer le système agro-pastoral d’autosubsistance communautaire par la culture de pins. Cette loi imposa à une centaine de communes de vendre progressivement aux enchères leurs communaux. Les communautés de bergers spoliés furent alors nombreuses à incendier les nouvelles plantations, mais la forêt de pins de la modernité capitalistique l’emportera finalement après une trentaine d’années de malaise, d’explosives tensions sociales, de répression et d’exode rural.

    La Guerre des Demoiselles qui, elle, eut lieu aussi en France est un soulèvement d’ampleur qui s’est répandu en Ariège sur les années 1830 et qui a persisté jusqu’après 1870. Elle était due au vote en 1827 d’une nouvelle réglementation du code forestier qui imposait un usage totalement différent des forêts, en particulier pour ce qui concernait le ramassage du bois, les coupes et surtout le pâturage désormais mis en défens (autrement dit en interdit), le droit de marronnage, et les droits de chasse, de pêche et de cueillette.

    Cette Guerre des Demoiselles doit son nom au fait que les paysans se déguisaient en femmes avec de longues chemises blanches ou des peaux de moutons, des foulards ou des perruques, le visage noirci ou caché pour attaquer spécialement la nuit, les grands propriétaires, les gendarmes, les gardes forestiers, les maîtres de forges et les charbonniers.

    Après cette usurpation méthodique et continue  des communaux  qui devait se poursuivre méticuleusement au long des siècles, la masse des ruraux ainsi jetée sur les routes et dans la misère de l’exode rural, constitua la manne fondamentale de main d’œuvre captive nécessaire à l’industrie capitaliste naissante.

    Les auteurs du Mémoire statistique sur la Moselle (an IX) expriment ainsi clairement les choses : « Les droits de parcours, de vaine pâture sont des obstacles au progrès de l’industrie parce qu’ils fournissent aux prolétaires les moyens d’élever et d’entretenir du bétail, dont ils obtiennent une partie de leur nourriture et de leurs vêtements, sans que le besoin les contraigne d’y pourvoir par le travail. » C’était là souhaiter ouvertement une évolution capitaliste du monde rural à l’anglaise où, la campagne entière se partageant en importantes propriétés enfin closes, le prolétaire serait immanquablement poussé vers les dépendances de la domesticité, d’abord aux champs et puis bientôt à l’usine.

    On comprend ici dans ce texte, que le sens du mot « travail » se réfère au seul travail salarié, le mot n’ayant pas encore de manière vicieuse glissé de sens pour désigner – ce qu’il caractérise dans notre société actuelle, prisonnière de l’illusoire accès à l’insignifiance des loisirs – toutes les activités productrices, y compris l’auto-production naturelle qui justement ignorait le travail. Travailler (terme issu de tripalium qui signifie la souffrance du joug) ne signifie en effet rien d’autre qu’avoir une activité productrice salariée, c’est à dire commandée – non pas pour les besoins humains réels – mais en fonction des besoins solvables de la dictature du profit.

    Par delà l’élément détonateur de la conscription de mars 1793, l’insurrection vendéenne comme celle des Chouans expriment bien  la structure traditionnelle et communautaire de la structure paroissiale et de ses curés locaux laquelle spécialement bien implantée dans l’Ouest, refuse de se soumettre à la dictature marchande et à la mainmise des patauds – qui au nom de la république bourgeoise – entendent re-dessiner confiscatoirement l’horizon de la vie campagnarde.

    Ainsi, évidemment, immédiatement et partout, la dissolution de la communauté première ne se fait pas sans résistance et conflits car d’emblée, tout ce qui fait éclore la circulation de l’argent et du pouvoir crispe et exaspère simultanément le vouloir demeurer ensemble sur le terrain existentiel de l’être commun.

    De la sorte, le communisme est aussi le mouvement qui traverse toute l’histoire mondiale et qui exprime le refus instinctif, inconscient et aussi parfois conscient  des êtres humains d’être dépossédés de l’humanité générique de leur être et qui tout en même temps annonce la nécessité pour vivre vraiment la vie de faire émerger une communauté humaine mondiale.

    Cette communauté en tant que révolution réalisée (revolutio-onis)  est bien le retour au commencement mais en tant que re-commencement accompli de sa signification historique étant donné que l’on ne revient pas aux limites bornés d’un communautaire étriqué (qui portait en ses contradictions tout le devenir historique de l’ad-venir de la logique capitaliste !) attendu que l’on accède à l’universalité d’un être communautaire d’authentique richesse humaine lequel est aux antipodes de la mondialisation indifférenciante et quantitative de l’homme sans qualité, devenu simple monade nomade hors sol du marché planétaire de la non-vie.

    Marx est non seulement l’anti-Lénine le plus achevé mais il est aussi l’anti-Attali le plus complet et ce n’est certes pas un hasard si l’homme de banque a signé l’ouvrage Karl Marx ou l’esprit du monde lequel a pour spécificité essentielle de systématiquement contre-faire tout ce qui fut le faire de Marx contre l’esprit du monde de la marchandise que celui-ci résumait d’ailleurs lui-même, en une formule lapidaire comme étant exclusivement le triomphe absolu « de la merde » la plus intégrale.

    Le communisme se détermine ainsi comme la trajectoire objective  de l’arc historique qui va du communisme primitif à la crise finale de la marchandise en tant que mouvement qui tend à réaliser la communauté de l’être humain, une détermination dont le capitalisme crée, contradictoirement – par sa décadence –  les conditions de réalisation objective. Comme le dit Marx : «  Le communisme n’est  ni un état de choses qu’il convient d’établir, ni un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent présentement. »

    Toute l’histoire des luttes radicales qui ont fini par positionner la nécessité du subversif conscient sont nées sur le terrain pagano-christianiste des ancestrales communautés paysannes dont est sorti ultérieurement le prolétariat européen, dans la tradition primordiale du souci de l’être et du refus de sa réduction en avoir calculé.

    Des insurrections paysannes de l’An Mil au soulèvement quarante-huitard des ouvriers parisiens contre la république de la marchandise, en passant par les soulèvement des Flagellants, des Jacques, des Maillotins, des Croquants et autres Nu-pieds, la longue histoire sociale des insurrections de la conscience critique, n’a pas cessé de dire que l’éveil de l’homme à lui-même est irréductible tant aux logiques financières du posséder qu’à celles des raisons politiques de l’État.

    La boucherie industrielle des Colonnes infernales en Vendée n’a rien inventé, elle n’a fait qu’accomplir la longue série des massacres d’Ancien Régime qui, de jacquerie balayée en jacquerie décimée, ne cessa de ponctuer le long travail de prise de pouvoir des puissances marchandes sur la société… et qui irait jusqu’aux hécatombes démocratiques de 1848 et de 1871 quand le fétichisme marchand extermina des milliers de prolétaires qui refusaient les camps de la concentration usinière…

    Comme l’ont souligné Marx et Engels, la radicalité critique qui fonde le possible de tout vrai re-saisir humain est une tradition révolutionnaire ancienne héritière de la rencontre anti-marchande entre l’âme des protestations chrétiennes contre les mondes du temps fermé et la naturalité des anciens cultes païens qui donna lieu, dans la symbolique tellurique du culte des saints, à la continuation cosmique du culte agraire et festif des vieux dieux familiers de la communauté de l’être.

    Ainsi, c’est à partir de cette tendance à vouloir maintenir à toute force une vie communautaire réfractaire à l’artificielle abondance de la marchandise illimitée que le spectacle de l’argent comme glaciation de l’histoire et de la conscience n’a cessé d’être contesté alors même qu’il soumettait la campagne à la ville mais que par cela-même, il faisait passer l’aspiration à l’être d’un temps rural désormais révolu au temps urbain tentaculaire des supermarchés de l’avoir où il enfermait l’humanité salariée dans la prison de la valeur d’échange.

    De la sorte, les révoltes sociales de la paysannerie millénariste et de ses multiples développements ultérieurs, à mesure qu’elles s’éteignaient, ont simultanément passé le flambeau de l’insurrection critique au prolétariat qui a conscientisé historiquement la réalisation terrestre du paradis pour la sortir des irrationalités religieuses du passé et lui donner sa rationalité de seul futur possible en tant que conscience historique distincte d’une histoire distinctement consciente.

    C’est en se référant à cet esprit de synthèse dialectique entre le christianisme originel  et les modes d’être antiques et médiévaux des communautés paysannes de la vieille Europe que Marx pouvait soutenir que là était née spécifiquement la conscience que l’homme en tant qu’homme du Logos critique peut accéder distinctement à la rationalité de l’histoire en tant que mouvement historique de la rationalité distincte.

    En effet, seule l’histoire européenne a pu produire distinctement le questionnement rationnel sur l’histoire de l’être ensemble car seule elle a pu sortir des récitations mythologiques et religieuses qui consignent l’homme dans une « histoire en-fermée et en-fermante ».

    Les révoltes qu’ont pu, au fil du temps, connaître l’Asie et l’Afrique anciennes n’ont jamais altéré l’immuabilité de l’inconscient social historique qui y prévaut puisqu’elles ne furent jamais que des réécritures superficielles  de l’immobilisme social des imaginaires de la soumission.

    L’Amérique moderne dés lors qu’elle eut transformé ses émigrants européens et qu’elle en eut fait de bons américains n’a jamais connu autre chose que des conflits subordonnés à la réécriture de la langue de l’argent par elle-même.

    On comprend donc là que l’immigration soit là pour la marchandise une armée de réserve stratégique clef car les populations en question étant par définition issues de temporalités non-critiques par l’essence même de leurs « histoires immobiles », il est en quelque sorte relativement commode de les intégrer à la liberté du commerce de l’aliénation généralisée puisque l’archaïsme de leur relation au monde trouve son répondant moderne dans le culte de la passivité marchande et dans l’enfermement consommatoire de l’homme abstrait, unifié dans un nouveau temps arrêté par l’éternel présent du fétichisme de la possession.

    Le projet d’un monde communiste en tant que claire auto-émergence de l’humanité est l’ombre ennemie de l’histoire de l’aliénation et il est inscrit dans les entrailles marchandes du spectacle de la marchandise qu’il accompagne d’ailleurs tout du long comme son double hostile jusqu’à la crise finale des finalités de la valeur.

    En 1865 déjà, Marx déclarait – en totale opposition avec ce qui deviendrait plus tard les frères ennemis (sociaux-démocrates, bolchéviks et libéraux-sociaux) des foutaises de la réforme salariale qu’au lieu de perpétuer le mot d’ordre conservateur d’« un salaire équitable pour une journée de travail équitable », il convenait d’adopter exclusivement le mot d’ordre révolutionnaire : « Abolition du salariat ».

    Dans ce contexte, il faut relire radicalement l’œuvre de Marx, c’est à dire tout d’abord prolonger – à la racine –  le projet de critique de l’économie politique, c’est-à-dire de mise en question révolutionnaire des catégories économiques de l’aliénation que sont la marchandise et la monnaie, le capital et le salariat, le profit, la rente et l’État, non pour les amender mais pour les détruire, en pleine adéquation avec le mouvement réel du vouloir vivre humain qui est le fondement et le devenir de toute ontologie de l’être.

    Marx comprit toujours que la critique de la dictature de l’argent était indissociable du vieux rêve communautaire de l’humanité et que la crise finale des contradictions de la marchandise n’avait de sens qu’en tant qu’elle faisait surgir l’impossible reproduction réciproque de l’homme aliéné et du capital.

    Au crépuscule de sa vie, il fut sollicité par la socialiste russe Véra Zassoulitch, du groupe Partage Noir. Le 16 février 1881, celle-ci lui écrivait pour l’interroger sur les problèmes agraires se posant alors en Russie : « … Ou bien la commune rurale, affranchie des exigences démesurées du fisc, […] est capable de se développer dans la voie socialiste, c’est-à-dire d’organiser peu à peu sa production et sa distribution sur des bases collectives. Dans ce cas le socialisme révolutionnaire doit sacrifier toutes ses forces à l’affranchissement de la commune et à son développement. » Ou la commune est destinée à périr et il reste aux socialistes : « À faire de la propagande uniquement parmi les travailleurs des villes qui seront noyés dans la masse des paysans abandonnés par les socialistes et jetés sur le pavé des grandes villes à la recherche du salaire. »

    Véra Zassoulitch désapprouvait les marxistes russes qui prétendaient que la commune rurale était  une forme sociale fossile qu’il n’y avait plus lieu de considérer comme importante : « Vous comprenez donc, écrit-elle à Marx, à quel point votre opinion sur cette question nous intéresse et quel grand service vous nous auriez rendu en exposant vos idées sur la destinée possible de notre commune rurale et sur la nécessité historique pour tous les pays du monde de passer par toutes les phases de la production capitaliste. »

    Marx qui avait alors 63 ans et qui était gravement malade, répondit à Véra Zassoulitch le 8 mars 1881. Il commença par faire référence à ce qu’il a écrit dans Le Capital : « Au fond du système capitaliste, il y a la séparation radicale du producteur d’avec les moyens de production… La base de toute cette évolution, c’est l’expropriation des cultivateurs. Elle ne s’est accomplie d’une manière radicale qu’en Angleterre… Mais tous les pays d’Europe occidentale parcourent le même mouvement. » Et il concluait : « L’analyse donnée dans Le Capital n’offre donc pas de raisons ni pour ni contre la vitalité de la commune rurale, mais l’étude spéciale que j’en ai faite, et dont j’ai cherché les matériaux dans les sources originales, m’a convaincu que cette commune est le point d’appui de la régénération sociale en Russie, mais, afin qu’elle puisse fonctionner comme tel, il faudrait d’abord éliminer les influences délétères qui l’assaillent de tous les côtés et ensuite lui assurer les conditions normales d’un développement spontané. »

    La lettre de Véra Zassoulitch n’a pas pris Marx au dépourvu. En effet, il étudiait à cette époque plus spécifiquement le problème du communisme primitif et de ses traces et vestiges modernes. Si sa réponse à Véra Zassoulitch tient en une page, Marx a rédigé quinze pages de brouillon, profondément riches de sens, tel ce passage à propos de la dissolution du capitalisme qui se fera « dans une crise qui finira par son élimination, par un retour des sociétés modernes à une forme supérieure d’un type “ archaïque ” de la propriété et de la production collective ». Ce qui indique que le communisme à venir sera bien une reviviscence historique  mais sous une forme supérieure de l’être ensemble des vieilles communautés qui comme chez les Germains affirmaient toujours la prévalence ontologique de la richesse humaine qui ne saurait avoir de prix.

    Si le prolétariat industriel né sur la terre de la conscience subversive du vieux communisme européen est  devenu le seul négatif en acte du capital, il convient simultanément de dire, au travers de la vie sauvage des vieux Germains, Celtes et Grecs étudiés par Marx et Engels ou de la communauté rurale défendue par Véra Zassoulitch, que c’est exclusivement la qualité communiste de l’organisation sociale de l’être ensemble qui détermine la qualité ontologique des rapports de production d’un monde humain. Marx en cette correspondance, établissait un lien théorique et pratique qui, passant par dessus le capitalisme à abattre, réunissait dialectiquement l’organisation communiste ancienne de l’humanité à la contemporanéité du communisme à faire émerger ici et maintenant.

    Le 21 janvier 1882, quelques courts mois avant sa mort, dans sa préface à l’édition russe du Manifeste du parti communiste (le dernier texte publié de son vivant… en quelque sorte son testament…) Marx, revient une dernière fois sur cette question : « Dès lors la question se pose : la commune russe, forme de l’archaïque propriété du sol, pourra-t-elle, alors qu’elle est déjà fortement ébranlée, passer directement à la forme supérieure, à la forme communiste de la propriété privée collective ? ou bien devra-t-elle, au contraire, parcourir auparavant le même processus de dissolution qui caractérise le développement de l’Occident ? Voici la seule réponse que l’on peut faire présentement à cette question : si la révolution russe donne le signal d’une révolution prolétarienne en occident, et que toutes les deux se complètent, l’actuelle propriété collective de Russie pourra servir de point de départ pour la révolution communiste. »

    Après 1917, les communes paysannes russes furent définitivement désagrégées et  l’accumulation primitive du capital mise en œuvre par la classe capitaliste bolchévik détruisit dans la terreur illimitée toute la positivité sociale que Marx y avait mis en évidence en même temps qu’elle extermina tous les groupes ouvriers radicaux qui savaient bien que Lénine et la finance américaine constituaient deux faces d’une seule et même médaille mystifiante. Ce que montre là superbement cette correspondance avec Véra Zassoulitch, c’est que pour Marx le communisme ne consiste pas en une redistribution des biens aliénants de la consommation marchande, mais dans la qualité ontologique de nos rapports humains réels sur l’espace communautaire de l’être ensemble, enfin débarrassé de tout faire valoir.

    Le vieux Marx est – sur le fond du regard au monde – rigoureusement identique au  jeune Marx, il ne fait qu’en fortifier et en systématiser la cohérence révolutionnaire. Le jeune Marx expliquait que l’on ne pouvait concevoir l’avenir de l’humanité que comme la réalisation d’un rêve ancien qui renvoyait au communisme primordial. Le vieux Marx précise ici  la nature historique de ce rêve : par delà la crise finale de la marchandise, la réalisation présente nécessaire, dans une forme enfin accomplie et universelle d’une organisation sociale archaïque qui était demeurée limitée et partielle.

    Cette forme nouvelle qui passe par la dictature anti-étatique du prolétariat où le prolétariat s’abolit lui-même en tant que prolétariat afin d’anéantir le spectacle mondial du despotisme marchand, c’est le fil du temps subversif des hommes qui refusent de devenir des marchandises et qui comme le Jean Cottereau de la bataille d’Entrammes ou l’Eugène Varlin de la Commune de Paris, signalent – par delà toutes leurs différences – l’impérieuse nécessité de (re)venir à la vraie vie, c’est-à-dire à la communauté des seuls besoins de l’être.

    Finalement, le positionnement critique de Marx aboutit à poser les seules questions qui vaillent la peine d’être mise en mouvement : Qu’est-ce qui est intemporellement humain dans le fait historique humain par delà toutes les temporalités rencontrées ? Qu’est-ce qui constitue l’invariant essentiel de l’humanité par rapport aux autres espèces ? Que devons-nous défendre et imposer pour rester humains dans le monde de l’avoir et de l’image qui est justement la négation de l’existence de notre vérité ?

    Ainsi, l’identité ontologique du devenir humain c’est le communisme en tant qu’être générique de l’homme, c’est la réfutation de la liberté du marché qui est l’asservissement de l’homme à ce qui est le plus inhumain. C’est cette détermination d’insuffisance et d’incomplétude – tant que l’être de l’homme n’a pas re-joint l’homme de l’être – qui nous émancipe de l’univers répétitif du monde animal et nous situe dans la proximité sacrale du divin qui n’est pas autre chose que la lumière immanente de l’auto-mouvement du vivre infini. C’est dans cet inachèvement, à dé-limiter, à comprendre et à conduire jusqu’à son parachever, et rien que dans cette situation-là, que se trouve notre spécificité humaine.

    Partout où l’homme est salarié, privé de lui-même, avili et abaissé jusqu’à ne plus être que le contraire de l’être, partout où l’espace de l’agir est réquisitionné par la dictature démocratique de l’inintelligence du bénéfice et où la communication des hommes est inter-rompue par l’illusion et le mensonge de l’accaparer, partout où l’activité est une chose de faux plaisir mais de vraie oppression au lieu d’être une pratique de vraie jouissance, partout où les droits de l’homme affairé aux affaires cherchent à maintenir la vie dans les prisons du théâtre de la monnaie, notre existence reste à affirmer dans sa substance de passion : la communauté révolutionnaire de l’être.

    On comprendra dés lors aisément la phrase de Marx sur la fin de sa vie : « Tout ce que je sais, c’est que moi je ne suis pas marxiste ». Elle vient là marquer que face à l’oligarchie social-démocrate alors en opulence et face à la mafia bolchévik qui en découlerait, la théorie qui démasquait la mystification idéologique de tous les pouvoirs avait été investie et ré-écrite par le pouvoir idéologique de la mystification, c’est à dire en nouvelle justification doctrinale d’un asservissement salarial rénové.

    En 1968, c’est la gauche syndicalo-politique et ses larbins gauchistes qui – en dénaturant, fardant, maquillant, mutilant et truquant Marx à l’infini – n’ont pas arrêté de s’évertuer à faire croire que la libération des mœurs était autre chose que le simple stade suprême de l’impérialisme de l’avoir et du faux, l’étape supérieure de la colonisation du sexe par la libre circulation fétichiste de l’échange et du vide. Ensemble bien qu’en concurrence, gauche molle et gauche dure n’ont ici pas cessé de s’employer à vouloir casser et enfermer les luttes dans une simple modernisation de la prison marchande.

    En 2008, c’est toujours la même chose, Besancenot, petit télégraphiste du MEDEF, et porteur d’eau faussement détracteur des boutiques de la rue de Solférino et de la place du colonel Fabien est bien à l’avant-garde spectaculaire du combat pour la régularisation des sans-papiers afin d’offrir à la classe capitaliste l’armée de réserve soumise et bon marché dont celle-ci a besoin à mesure qu’elle entend se débarrasser des vieilles contestations ouvrières européennes.

    Bref, les héritiers des héritiers de tous les gangs qui parlèrent invariablement d’un Marx allégorique pour mieux cacher la parole radicale du Marx réel demeurent  toujours parfaitement égaux à eux-mêmes. Hier, aujourd’hui et demain, ils sont par essence des organes cohérents de modernisation du spectacle de l’ordre marchand et ils ne visent qu’à encadrer et à saboter tout ce qui pourrait surgir contre les mensonges fondateurs et re-fondateurs de ce qui fait l’abondance tyrannique de la non vie triomphante.

    Contre tous les appareils économico-politiques qui, de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital, ne cessent de faire passer solidairement et complémentairement d’une main à une autre la mécanique de l’en-chaînement des hommes au marché de l’in-humain, le communisme la brisera en les brisant, et en dé-chaînant enfin l’infinie aspiration à la vie communautaire de l’être.

    Comme le mis constamment en évidence Marx, l’être humain est bien la véritable Gemeinwesen (communauté) de l’homme puisque le communisme en tant que vérité de l’être de l’humanité est le seul possible humain pour être ensemble des humains.

    En conclusion et avant tout, le communisme est le mouvement historique, présent au sein même du capitalisme qui continuellement le repousse et l’étouffe, par lequel l’activité humaine devient son être vrai en brisant ses entraves et pour enfin s’épanouir comme sens et essence réalisée d’elle-même.

    Gustave Lefrançais

    http://www.europemaxima.com/la-domination-capitaliste-le-communisme-les-communaux-et-l%e2%80%99emancipation-ontologique-de-l%e2%80%99etre-de-l%e2%80%99homme%e2%80%a6-par-gustave-lefrancais/

  • Perles de Culture avec Les Brigandes : Pour un ordre social différent !

    Ce soir, retrouvez “Perles de Culture”. Anne Brassié évoque les films “La vie scolaire”, “Un jour de pluie à New York”, “Jeanne” et “Que Dieu m’y garde, le procès de Jeanne d’Arc” de Patrick Buisson. Elle reçoit ensuite la peintre animalier Chantal de Crissey puis Irène et Antoine du groupe Les Brigandes.

    https://www.tvlibertes.com/perles-de-culture-avec-les-brigandes-pour-un-ordre-social-different