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culture et histoire - Page 710

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (9)

    Aujourd'hui : 10. Portrait de Charles Maurras

    (Préface de l'ouvrage collectif Charles Maurras : Études, portraits, documents, biographies. Editions de la revue Le Capitole, Paris, 1925)Timon de Phlionte disait de son maître Pyrrhon : « Je l'ai vu simple et sans morgue, affranchi de ces inquiétudes avouées ou secrètes dont la multitude des hommes se laisse accabler en tout lieu par l'opinion et par les lois instituées au hasard.»

    Tel nous voyons chaque jour Charles Maurras et ceux qui auront eu le privilège d'être de ses amis auront connu son coeur intrépide.

    Ils auront connu encore la lumière de son esprit. Comme Cicéron le disait de Carnéade : « Jamais il ne soutint une thèse sans la faire triompher. Jamais il n'attaqua une doctrine sans la détruire. » Ainsi Maurras aura paru pour enseigner son siècle. Ainsi de ses flèches rapides, il aura percé les « nuées ».

    Dur aux erreurs, ce dialecticien invincible est indulgent aux hommes. A tous, son génie prête quelque chose de ses richesses. Leibniz ne méprisait presque rien. Maurras ne méprise personne. Le plus humble s'en va, comme le plus orgueilleux, pénétré de son intelligence et de sa bonté, parce qu'il sait, chez tous, faire jaillir l'étincelle divine. Et par là, il est encore un très grand poète. 

    Quand j'aurai ajouté que nul moins que lui ne tient aux honneurs et aux biens de ce monde et qu'il ne place rien au-dessus des idées, on saura que nous avons parmi nous un sage de la Grèce. 

    J'ai lu beaucoup d'études sur Maurras. Aucune ne m'a satisfait complètement. J'indiquerai seulement aux chercheurs qu'ils n'entendront sa pensée, qu'ils ne la cerneront et ne la pénétreront que s'ils remontent jusqu'à Dante.

    Je ris beaucoup quand je vois traiter Maurras comme un monsieur ordinaire... On est prié de ne pas s'adresser au concierge mais à l'altissime. 

    Qu'on se rappelle aussi que le désintéressement de Maurras est absolu. C'est une de ses forces. Il ne recherche pas l'argent, pas même la gloire littéraire. Il aurait pu s'assurer une existence tranquille et agréable, et il ne craint pas de s'exposer à la prison. Quand on est un gouvernement, il est incommode d'avoir un homme pareil contre soi. Maurras ne vit que pour ses idées et on n'a aucune prise sur lui; Henri Vaugeois appelait Mauras le noûs, l'esprit pur. C'est sa définition la plus vraie.

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/07/26/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6166738.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (8)

    Illustration : La tombe de Rousseau, transportée au Panthéon le 11 octobre 1794, malgré les protestations du marquis de Girardin, chez qui Rousseau fut d'abord enterré. 
    Il est significatif et révélateur, ce fait que les Révolutionnaires, pères fondateurs de l'idéologie de la Nouvelle religion républicaine, aient souhaité ce transfert : il veut bien dire quelque chose, "quelque part", comme on dit aujourd'hui dans le jargon.... 
    En 1812, pour le centenaire de la naissance de Rousseau, aucune commémoration officielle n'eut lieu : Napoléon avait bien d'autres chats à fouetter, il partait attaquer la Russie, c'était pour lui le commencement de la fin...
    Par contre, son bicentenaire fut célébré très officiellement en 1912, par une République encore mal assurée : cette célébration souleva d'ailleurs une tempête de protestations, comme le discours "anti-Rousseau" de Barrès à la Chambre : "profondément imbécile" (pour le Contrat social) et "demi-fou" (pour Jean-Jacques), Barrès n'y était pas allé de main morte !... Comme Jules Lemaître qui, peu auparavant, en 1907, écrivait : "(Rousseau) qui, semble-t-il, ne savait pas bien ce qu'il écrivait..". Sans parler bien sûr de "Charles" (Maurras) et son "misérable Rousseau"...
    Et puis, en 2012, pour le tricentenaire : rien....

    Aujourd'hui : 8. Jean-Jacques Rousseau

    "Qu'est-ce que la célébrité ? Voici le malheureux ouvrage à qui je dois la mienne." Je ne vous donnerai pas en plus de trois ou quatre le nom de l'auteur de ces lignes et vous avez déjà reconnu cet accent de désenchantement et d'orgueil. C'est l'homme que le gouvernement de la République fêtera bientôt au Panthéon qui inscrivait ces mots en tête d'une réédition de son premier ouvrage, ce célèbre et absurde "discours" où il niait la civilisation et l'art dans le pays et le temps même où l'art et la civilisation étaient parvenus au degré d'achèvement le plus haut. On imagine assez bien une sorte de dialogue, pareil à ceux où Rousseau se faisait le juge de Jean-Jacques et dans lequel l'auteur du Contrat social examinerait la séance de la Chambre où il a été question de lui, et où il répéterait, l'appliquant à toute son oeuvre, ses paroles d'une amertume et d'un amour-propre incurables : "Voici le malheureux ouvrage à qui je dois ma célébrité."
    Nous connaissons assez Rousseau pour savoir qu'il serait déjà fâché avec M. Viviani et avec M. Guist'hau, qu'il leur reprocherait toute espèce d'horreurs et de diffamation et qu'il les haïrait pour l'avoir défendu.
    D'un certain point de vue, celui de l'auteur, il n'aurait peut-être pas tout à fait tort, car enfin il est bien certain que ce ne sont pas ses partisans qui le lisent le plus. Et, par exemple, le grand écrivain, le grand artiste qui a apporté à la tribune, dans un magnifique langage, les raisons qu'il avait de ne pas s'associer à une fête en l'honneur de Rousseau (Maurice Barrès, ndlr) est, m'a-t-on dit, le lecteur enthousiaste et jamais las des Rêveries du promeneur solitaire. 
    Connaissez-vous cette suite douloureuse des Confessions ? C'est le lamento du maudit et cela commence sur cette plainte d'autant plus déchirante qu'elle est plus mal fondée : "Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même. Le plus sociable et le plus aimant des humains en a été proscrit par un accord unanime. Ils ont cherché dans les raffinements de leur haine quel tourment pouvait être le plus cruel à mon âme sensible, et ils ont brisé violemment tous les liens qui m'attachaient à eux." Est-ce Job ou Rousseau qui gémit ? Mais toutes les Rêveries du promeneur solitaire ont ce goût de cendre.
    Oui, sans l'ombre d'un doute, Maurice Barrès est sinon le seul, à la Chambre, du moins à peu près le dernier qui lit encore Jean-Jacques et personne, en tout cas, n'y sait comme lui en quoi consiste la mélodie de "l'extravagant musicien". Les professionnels du parlementarisme sont trop occupés par leurs électeurs pour garder le temps de la méditation et de la lecture. Cela se sent d'ailleurs très bien à leurs discours, et à leurs articles pour ceux qui se mêlent d'écrire. 
    C'est même pourquoi ils aiment si passionnément les petites représentations du Palais-Bourbon où des académiciens prennent la parole et où il est question de philosophie, de littérature ou plus souvent de théologie. Le fait de participer, rien que par leur présence sur les bancs, à ces jeux désintéressés et supérieurs, les flatte au bon endroit, celui où tout de même ils sentent quelque chose comme une lacune. Le président Brisson, qui connaissait bien le faible et le fort de ses amis, facilitait toujours le tour de parole aux lettrés de la droite. Il devait, à part lui, appeler çà : relever le niveau. 
    Je me garderai bien d'ailleurs de faire tout particulièrement un crime aux quelques quatre cents et quelques députés qui ont voté les crédits de la fête, de ne jamais lire et, peut-être, de n'avoir jamais lu une ligne de Jean-Jacques. La plupart de nos contemporains sont dans le même cas.
    J'avais une grand'mère - et cela remonte à des temps déjà lointains - qui avait toujours la Nouvelle Héloïse à portée de la main et qui ne passait pas de journée sans relire quelque lettre de Julie, de Saint-Preux ou de milord Edouard. C'était une "femme sensible" et elle serait bien étonnée si elle entendait et si elle voyait ce qui se passe de notre temps. Célébrer Jean-Jacques au moment où personne ne le lit plus lui paraîtrait certainement une gageure assez forte.
    Car c'est un fait qu'on ne le lit plus. Rousseau, vivant dans la polémique, imposé par la religion d'état de la République, est aussi absent que possible des conversations et de la littérature. Ainsi, les danseurs russes ne l'ont pas mis en ballet : faut-il qu'il soit oublié ! Cependant, pour Nijinski, le début si passionné, si fiévreux et si charmant de Julie serait bien un prétexte à pantomime aussi fécond que l'Après-midi d'un faune. Cette omission permet de mesurer le peu qu'il reste de Jean-Jacques Rousseau.
    L'Action française, 16 juin 1912.

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

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  • Quand la nation gauloise naissait à Lyon

    Pour l’historien Jean Étèvenaux, c’est dans cette ville, devenue capitale des Gaules, que le premier Parlement de notre histoire a vu le jour. Explications. Par Marc Fourny

    Certains puristes trouveront le raccourci un peu osé, mais les faits sont là : dès 12 av. J.-C., sous le règne d’Auguste, des dizaines de tribus gauloises se réunissent chaque année en août à Lugdunum (Lyon) autant pour honorer l’empereur que pour faire passer des messages politiques… Cette assemblée est en quelque sorte le premier « Parlement » de notre nation, rappelle l’historien Jean Étèvenaux, qui publie une très complète histoire de la ville de Lyon aux éditions Perrin*. « Ce que Vercingétorix n’a pas réussi à réaliser quarante ans plus tôt par la guerre, le successeur de César y parvient par la paix », résume l’historien lyonnais. « Cette réunion marque le début de la transformation des diverses Gaules en une seule Gaule. Il est difficile de ne pas y voir la naissance d’une nation. À cet égard, le fait de parler de nos ancêtres les Gaulois apparaît tout à fait justifié, ajoute Jean Étèvenaux. Grâce à l’assemblée de Lyon, ils constituent un groupe quasi national dont il sera possible de revendiquer l’ancestralité. » (…)

    Lire la suite sur Le Point

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  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (7)

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    Aujourd'hui : 7. Un Bourbon sur le trône d'Espagne : le "bon choix"...

    La simple consultation d'une carte suffit à comprendre "la lutte nationale contre la Maison d'Autriche", qui dura près de deux siècles; avec les héritages de Charles Quint, "la monstrueuse puissance était constituée, l'Espagne et l'Allemagne accouplées....." et la France prise dans une tenaille mortelle...

    1. Histoire de France, chapitre XIII : Louis XIV :
    "...L’événement prévu depuis les débuts du règne, depuis le mariage avec Marie-Thérèse, approchait. Le roi d’Espagne Charles II, beau-frère de Louis XIV et de l’empereur Léopold, allait mourir sans enfant. Selon que Charles II laisserait sa succession à l’un ou à l’autre de ses neveux, le sort de l’Europe serait changé. Le danger, pour nous, c’était que l’héritage revînt aux Habsbourg de Vienne, ce qui eût reconstitué l’empire de Charles Quint. D’autre part Charles II ne se décidait pas. D’innombrables intrigues se croisaient autour de son testament. Louis XIV pensait aussi, et avec raison, que si un Bourbon était désigné, ce ne serait pas sans peine et peut-être sans guerre qu’il recueillerait le magnifique héritage : Espagne, Flandre belge, une grande partie de l’Italie, le Mexique et presque toute l’Amérique du Sud. Pour un homme aussi sensé, c’était trop beau. Il savait maintenant que, dans tous ses projets, il devait compter avec les puissances maritimes. En outre, il était clair que l’Angleterre convoitait les colonies de l’Espagne. Louis XIV préféra donc négocier un traité de partage de la succession espagnole et, pendant près de trois ans, la carte de l’Europe fut maniée et remaniée de façon à donner satisfaction à tous les compétiteurs, Habsbourg et Bourbon, Bavière et Savoie. Les plans de Louis XIV étaient toujours dirigés par le principe des frontières et c’était en Lorraine, dans les Alpes, à Nice, qu’il cherchait des compensations à ses abandons de l’héritage espagnol. La mauvaise foi de Guillaume d’Orange (ci-dessus), au cours de ces pourparlers, est certaine, car seule l’Angleterre, dans ces projets, ne recevait rien.
    Un premier partage fut annulé par la mort du prince électoral de Bavière auquel l’Espagne, pour n’inquiéter personne, avait été attribuée. Tout fut à recommencer. La bonne volonté de Guillaume d’Orange manquait parce qu’une solution pacifique enlevait à l’Angleterre l’espérance de s’enrichir des dépouilles de l’Espagne dans les pays d’outre-mer. Ce qui manquait encore, c’était le consentement de l’empereur Léopold qui travaillait pour que le testament fût en faveur de sa famille. C’était le consentement des Espagnols eux-mêmes qui ne voulaient pas que leur État fût démembré. Le testament de Charles II, toujours hésitant et qui n’aimait pas à prévoir sa mort, lui fut enfin imposé par les patriotes espagnols qui désignèrent le second des petits-fils de Louis XIV, le duc d’Anjou, un prince de la puissante maison de Bourbon leur paraissant plus capable qu’un autre de maintenir l’indépendance et l’intégrité de l’Espagne.
    Peu de délibérations furent plus graves que celles où Louis XIV, en son conseil, pesa les raisons pour lesquelles il convenait d’accepter ou de repousser le testament de Charles II, qui mourut en 1700. Accepter, c’était courir les risques d’une guerre, au moins avec l’empereur, très probablement avec l’Angleterre dont le gouvernement n’attendait que le prétexte et l’occasion d’un conflit pour s’attribuer la part coloniale de l’héritage espagnol. Ainsi, l’acceptation, quelques précautions que l’on prît, c’était la guerre. Mais s’en tenir au traité de partage, c’était ouvrir à l’empereur le droit de revendiquer l’héritage entier, car tout partage était exclu par le testament. Alors, et selon l’expression du chancelier Pontchartrain que rapporte Saint-Simon, « il était au choix du roi de laisser brancher (c’est-à-dire élever) une seconde fois la maison d’Autriche à fort peu de puissance près de ce qu’elle avait été depuis Philippe II ». C’était la considération capitale. Elle emporta l’acceptation. Un des ministres présents fut pourtant d’avis que nous ne gagnerions pas grand-chose à installer à Madrid un Bourbon, « dont tout au plus loin la première postérité, devenue espagnole par son intérêt, se montrerait aussi jalouse de la puissance de la France que les rois d’Espagne autrichiens ». Et il est vrai que le duc d’Anjou (ci-contre) devint très vite Espagnol. Mais le grand point gagné, ce n’était pas seulement qu’il y eût à Madrid une dynastie d’origine française. C’était qu’il n’y eût plus de lien entre l’Espagne et l’Empire germanique et que la France ne fût plus jamais prise à revers : soulagement, sécurité pour nous. Le mot célèbre et arrangé, « il n’y a plus de Pyrénées », traduisait ce grand résultat, la fin d’une inquiétude et d’un péril qui avaient si longtemps pesé sur la France.
    Ainsi, refuser le testament, c’était laisser l’Espagne à la maison d’Autriche, malgré la nation espagnole qui appelait le duc d'Anjou. L’accepter, c’était, en revanche, renoncer aux acquisitions que le traité de partage nous promettait. Il fallait opter. Un intérêt politique supérieur, la considération de l’avenir l’emportèrent. À distance, les raisons qui déterminèrent le choix paraissent encore les meilleures et les plus fortes. Par la suite, nous nous sommes félicités en vingt occasions d’avoir soustrait l’Espagne à l’influence allemande...."

    2. Journal, Tome III, 1927/1935, extrait de la Note du 10 janvier 1931, pages 120/121 :
    ".....La Troisième République a eu le rare bonheur, qui n'était échu à aucun régime avant elle, d'être affranchie de soucis du côté des Pyrénées. Parmi les grandes guerres européennes, celle de 1914 est bien la seule que ne soit pas venue compliquer l'élément espagnol. La restauration de la monarchie bourbonienne à Madrid, en 1875, avait coïncidé avec l'établissement de la République en France, et ceci a profité de cela. Notre démocratie a joui sur cette frontière d'un bienfait que lui avait valu louis XIV, comme elle a joui sur la frontière belge du bienfait de Louis-Philippe. 
    On a souvent dit que l'accord franco-italien nous avait permis en 1914 de dégarnir la frontière des Alpes. Personne ne pense que nous aurions pu avoir à garnir aussi les Pyrénées. Cependant, c'est un front comme un autre, et qui peut, dans certaines hypothèses, appeler autant de soins qu'un autre. Sans compter, au Maroc, la communauté des intérêts franco-espagnols et l'utilité d'une collaboration qui a fait ses preuves au moment de l'affaire du Rif.
    Rien ne paraît plus naturel que de n'avoir mal ni à la tête, ni au bras, ni au pied. Il faut sentir douleur ou gêne pour apprécier ce bonheur. La France ne commencerait à se rendre compte des avantages de la longue tranquillité qu'elle a eue du côté du sud-ouest que le jour où elle l'aurait perdue, ce qui pourrait fort bien arriver si l'Espagne tombait en anarchie, sans même tomber entre des mains hostiles à la France...."

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/07/25/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6166464.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (6)

    Illustration : "agitateur", qui "joue sur tous les tableaux de la démagogie violente"; "énergumène" au "programme qui ne tient pas debout"; "monstre", "Minotaure"...
    On comprend Otto Abetz, qui n'avait rien oublié, lorsqu'il déclarait, presque dix ans après la mort de Bainville : "L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne"...
    Moyennant quoi, Maurras fut condamné pour "intelligence avec l'ennemi", et L'Action française interdite à la Libération !...

    Aujourd'hui : 6. L'énergumène Hitler...

    1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 Juin 1930 :
    « Tandis que le chancelier Brüning est toujours à la recherche d’un ministre des finances, il se passe en Allemagne des choses singulières. Pays déconcertant, pays à surprises, auquel on ne peut faire confiance qu’en se méfiant beaucoup. Les succès électoraux que remporte Hitler ne sont-ils pas un phénomène prodigieux ?
    Quel est le programme de cet agitateur ? Toutes les outrances. Il est à la fois nationaliste et socialiste : c’est même le double nom du parti qu’il a fondé. Il est pour la revanche et contre le capitalisme. On a dit que son drapeau pourrait être le drapeau rouge avec la croix gammée, signe de ralliement des antisémites. Hitler joue sur tous les tableaux de la démagogie violente. Et tout ce qui ferait qu’ailleurs, dans un pays sensé, il ne serait suivi que par une poignée d’énergumènes, lui attire en Allemagne une clientèle qui s’accroît tous les jours. »

    2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 3 décembre 1930 :
    "Comment empêcher l'Allemagne de se donner un régime national-socialiste et de se vouer à Hitler, si elle en a envie ? C'est une démocratie libre. Elle a le droit de disposer d'elle-même. Hommes et femmes votent et revotent. "Mon corps est à moi."
    Le programme des nazis ne tient pas debout. Toute la doctrine hitlérienne, si cela peut s'appeler une doctrine, est une suite de négations, une collection d'anti. C'est une pure démagogie, mais qui semble très bien adaptée au caractère allemand et faite pour lui plaire. Plus c'est absurde, plus c'est outré, et plus cela réussit. L'Allemagne n'est pas un pays où il soit vrai de dire que tout ce qui est exagéré ne compte pas. Il n'y a même que l'exagération qui, chez elle, paraisse avoir des chances de réussir." 

    3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 27 février 1935 :
    "Qui eût dit qu'Adolphe Hitler, l'énergumène en chemise brune, recevrait un jour la visite du ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne ? Qui l'eût dit après le massacre du 30 juin, après l'assassinat du 25 juillet ? (respectivement, "Nuit des longs couteaux" et assassinat du chancelier autrichien Dollfuss, ndlr) On a pour l'Allemagne hitlérienne plus d'égards encore que pour l'Allemagne républicaine. On lui passe tout.
    Pour les Allemands, quelle justification de la violence ! Pour les autres, quel étrange moyen de fonder la paix sur la moralité !
    Le gouvernement britannique croit que le moment d'une grande tentative d'accord pacifique en Europe est venu. Il faut s'entendre ou périr. En tout cas, ajoute-t-il, on ne risque rien à sonder les dispositions du Führer... C'est vrai pourvu qu'on ne lui fasse pas sur l'essentiel des concessions imprudentes et qu'on ne ferme pas les yeux à la réalité de ses armements, tandis que lui-même aura toute facilité de tromper des partenaires trop complaisants." 

    4. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 2 mars 1935 :

    "...Sir John Simon sera dans quelques jours à Berlin. Il verra Hitler, c'est-à-dire le monstre lui-même. Quel espoir y a-t-il de conclure un traité de désarmement avec le Minotaure ou de le signer autrement que pour se faire dévorer ?" 

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/07/24/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6166234.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... ( 5)

    Aujourd'hui : 5. Réformer l'orthographe ?...

    Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37/38. Note du 20 juillet 1906. Somme toute, que reproche-t-on à l'orthographe usuelle ? D'être difficile à apprendre ? Que propose-t-on de lui substituer ? Une orthographe simplifiée et mise à la portée des instructions les plus négligées ? 
    C'est ici que réside ce qui n'est pas seulement une erreur mais une sottise. Qui ne voit aussitôt que, si l'on raisonne pour les paresseux ou pour les pauvres d'esprit, il n'y aura jamais de simplification suffisante ? 
    Il faut aller tout de suite à l'extrémité, et l'extrémité c'est l'orthographe phonétique, le droit donné à chacun d'écrire comme son oreille entend. Du moment qu'il y a une orthographe, elle sera toujours trop compliquée, il faudra toujours l'apprendre. 
    On voit mal où est l'avantage. Pour le voir, pour soutenir qu'il existe et que les simplifications proposées abrégeraient des études inutiles, il faut admettre que les enfants ont un mal considérable à retenir la figure de chaque mot. Les réformateurs proposent, par exemple, de terminer uniformément par les lettre èle tous les mots qui contiennent ce son. On écrira hirondèle, èle, quèle, èle, je me rappèle comme stèle et fidèle. 
    Vous souvenez-vous d'avoir eu la moindre peine à retenir qu'on devait mettre : hirondelle, aile, quelle, elle, rappelle ? Tel n'est pas mon cas. Et j'imagine qu'on apprendrait fort vite à ne pas confondre l'èle de l'oiseau avec èle, pronom personnel. Mais il faudrait l'apprendre encore, et je ne vois donc pas trop où est l'avantage, sinon de rendre obscure et lointaine l'origine du second mot et difficilement compréhensibles les dérivés (je ne sais en ce moment s'il en existe de très usuels, mais il y en a à coup sûr) où se retrouve la forme originale du latin ala.
    S'il s'agit d'apprendre pour apprendre, mieux vaut continuer d'enseigner ce qui est conforme à la fois aux habitudes et à l'étymologie. Aile, c'est ala, comme ellle c'est illa. S'il y a difficulté, au moins est-elle logique et permet-elle de se débrouiller, tant bien que mal, dans la forêt des mots savants. L'orthographe actuelle est, à y bien regarder, plus utile que nuisible aux personnes médiocrement instruites : son accord, même quelquefois un peu lâche, avec l'étymologie, ce sont les humanités du pauvre, c'est le latin des études primaires. L'orthographe compliquée est par là plus "démocratique" que l'orthographe simplifiée. 
    Il est surprenant que les réformateurs n'aient pas pensé à cela.

    Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37/38. Note du 20 juillet 1906.

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/07/23/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6165977.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (4)

    Aujourd'hui : 4. Evolution

    Je regrette de ne plus savoir dans quel journal j'ai lu par hasard l'autre jour (comme on lit en chemin de fer) une chronique scientifique où se trouvait une remarque excellente. L'auteur (je regrette aussi d'avoir oublié son nom) y parlait de certains champignons que les transformistes regardent comme étant à l'origine de toutes les plantes. Alors, demandait-il, pourquoi ont-ils subsisté ? Pourquoi restent-ils tels qu'ils étaient au principe de toute botanique ? Pourquoi n'ont-ils pas évolué ?
    Evidemment. Si nous descendons du singe, on ne comprend pas pourquoi il y a encore des singes. Ou bien c'est qu'il y avait dès la genèse des singes-singes et des singes qui n'étaient pas singes. Si l'homme est un singe supérieur, il y a autant de raisons pour que le singe soit un homme dégénéré. 
    Qui nous assure d'ailleurs qu'au lieu de venir du protoplasma primitif nous n'allons pas à la cellule finale, que la marche n'est pas du simple au composé mais du composé au simple ? La paléontologie nous fait connaître des fossiles bien plus compliqués que les animaux qui existent aujourd'hui. Survivance des plus aptes ? Alors le plus apte serait peut-être l'infiniment petit. Nous retournerions à l'atome. 
    Lectures (Fayard, pages 109/110).

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    http://lafautearousseau.hautetfort.com/index-1.html

  • D’un extrême à l’autre par Rémi TREMBLAY

    Ce 12 juillet marque le 170e anniversaire d’un événement de l’histoire canadienne trop souvent occulté, voire totalement ignoré : l’émeute orangiste de Saint-John au Nouveau-Brunswick.

    L’Ordre d’Orange qui avait été fondé en 1795 par des protestants loyalistes d’Irlande du Nord en opposition aux Irlandais catholiques s’installa rapidement au Canada et prit une importance indéniable. Ce groupe attaché à la couronne d’Angleterre et à la « suprématie » britannique importa le conflit irlandais et transféra sa haine aux populations catholiques francophones, qu’elles soient acadiennes ou canadiennes françaises, ainsi qu’aux immigrants irlandais.

    Au cours de sa sombre histoire, l’Ordre connut un engouement indéniable au Canada, comptant notamment quatre premiers ministres fédéraux et des centaines de maires, députés, ministres et premiers ministres provinciaux dans ses rangs, faisant du Canada, à une certaine époque, le pays dans lequel la moitié des orangistes du monde vivait, surpassant ainsi l’Ulster elle-même !

    En Acadie, si les orangistes, implantés officiellement depuis 1818, s’en prenaient d’abord et avant tout aux Acadiens qui avaient survécu ou étaient revenus du Grand Dérangement de 1755, une déportation massive et génocidaire orchestrée par les Britanniques, ils en avaient également contre les immigrants irlandais installés principalement dans les villes.

    Dès 1820, des affrontements interethniques devinrent relativement fréquents dans la ville de Saint-Jean, mais aussi à Fredericton et à Woodstock, au Nouveau-Brunswick. Ces violences culminèrent le 12 juillet 1849, une date qui n’est pas anodine. Le 12 juillet est la date à laquelle les orangistes célèbrent la bataille de la Boyne où le roi anglo-hollandais Guillaume d’Orange défit le catholique James II en 1690, permettant ainsi la conquête de la verte Erin.

    Catholiques-Protestants-York-Point

    Pour la parade de Saint-John, les orangistes voulaient, en 1849, faire un coup de force et organiser la plus grosse parade de l’histoire des Provinces Maritimes, rameutant des membres de partout dans la colonie pour marcher dans le quartier irlandais catholique de la ville. Les loyalistes convergèrent ainsi vers Saint-John en cette date fatidique. Le maire Wilmot voulut interdire la parade, mais les orangistes décidèrent d’aller de l’avant, confiants que grâce à la force du nombre, les catholiques n’oseraient pas répondre à leur provocation flagrante.

    Deux ans auparavant, le 12 juillet 1847, à Woodstock, un affrontement entre orangistes et catholiques avait laissé dix personnes sur le pavé. Les catholiques s’attendaient à une procession armée dans leur district et s’étaient préparés en conséquence. C’est d’ailleurs parce qu’ils s’étaient munis de haches et de bâtons que 35 catholiques furent condamnés, alors que les orangistes, qui bénéficiaient de l’appui tacite des autorités, ne furent pas inquiétés.

    Ainsi, en 1849, les Irlandais décidèrent, afin de protester contre la provocation loyaliste dans leur quartier de York Point, d’ériger une arche verte sous laquelle les orangistes seraient forcés de passer, ce qui représenterait pour ces derniers une humiliation. L’arche était défendue par 200 Irlandais, qui comptaient bien résister face aux centaines d’orangistes qu’on savait armés de pistolets, mousquets et épées. Lorsque la parade s’engagea, les Irlandais accueillirent les protestants avec une volée de pierres à laquelle on riposta avec des coups de feu.

    Toutefois, malgré la puissance de tir des orangistes, les catholiques résistèrent et maintinrent leur arche, forçant les orangistes à passer dessous en baissant leurs étendards. Après cette première défaite, ces derniers allèrent chercher des renforts et de nouvelles armes pour laver cet affront impardonnable.

    Lorsque les loyalistes et leurs renforts arrivèrent devant l’arche, les Irlandais, défiants, lancèrent des pierres en leur direction pour défendre leur quartier et leur honneur. On leur répondit avec des balles et de la poudre. Une bataille féroce s’ensuivit et finalement les Irlandais mirent la main sur un chariot contenant le reste des armes des orangistes, ce qui leur permit de répondre avec les mêmes armes. Avec un tel revirement de situation, les protestants abandonnèrent, la retraite étant protégée par les soldats britanniques qui se décidèrent finalement à intervenir après être restés passifs, et allèrent célébrer leur « victoire » à l’hôtel Nethery’s.

    Leur incursion en quartier catholique avait laissé pas moins de douze morts irlandais et d’innombrables blessés dans les deux camps.

    Par la suite, on arrêta davantage de catholiques que de protestants. Les assassins furent acquittés et toutes les charges contre les orangistes furent abandonnées. Comme quoi la justice coloniale britannique avait un parti pris évident.

    Après avoir atteint un tel niveau de violence, les tensions s’estompèrent et l’Est du Canada ne connut plus d’épisode aussi meurtrier par la suite.

    Cette lutte fratricide entre catholiques et protestants semble aujourd’hui aussi inutile qu’archaïque alors que les peuples européens font tous face au Grand Remplacement et à l’acculturation. Pourtant, si les tensions religieuses semblent bien chose du passé, l’élection l’an dernier d’un gouvernement unilingue anglais, appuyé par le parti francophobe People’s Alliance, dans cette province acadienne officiellement bilingue démontre que les querelles linguistiques, même si elles sont moins violentes que dans le passé, restent malheureusement toujours d’actualité.

    Et si l’on ne peut que déplorer ces tristes événements ainsi que les violences liées à cette opposition entre deux peuples européens et chrétiens, on peut aussi se demander où sont passés cette fougue et ce désir de défendre son identité. Combien aujourd’hui se joignent à des organisations luttant pour la survie de leur identité ? Combien sont prêts à défendre celle-ci et leur honneur ? D’un extrême, nous sommes passés à un autre et aujourd’hui plus personne ne daigne plus lever le petit doigt pour défendre sa communauté et son honneur.

    Rémi Tremblay

    • D’abord mis en ligne sur EuroLibertés, le 17 juillet 2019.

    http://www.europemaxima.com/dun-extreme-a-lautre-par-remi-tremblay/