culture et histoire - Page 911
-
Petite histoire de France de Jacques Bainville - 10 - Robert le Pieux
-
Les polars identitaires du « Lys Noir »
La chronique de Philippe Randa
Les deux complices (Francis Bergeron et Pierre Gilleth) dirigeant la collection « Lys noir » chez Auda Isarn ne s’en cachent pas : ils publient des polars « engagés » !
Les amateurs se rappelleront bien évidemment la défunte collection « engrenage » qui tenta dans les années quatre-vingt du siècle dernier de s’imposer avec une recette qui fit pschitt : la mayonnaise « néo-polar » si lourdement pimentée d’idéologie soixante-huitarde, voire franchement communiste, tourna court en moins de sept ans (fondée en 1979 aux éditions Jean Goujon, reprise par le Fleuve Noir en 1981, abandonnée en 1986).
Quelques titres, parmi les 133 publiés, méritèrent bien d’être lus et appréciés, mais la plupart s’avérèrent rapidement aussi prétentieux qu’« ennuyeux » : l’antifascisme fantasmé et l’anti-bourgeoisie compulsive n’ont à l’évidence pas trouvé leur public. Si tant est qu’il exista.
Et donc, le « Lys Noir » entend relever le défi avec des romans tout aussi épicés idéologiquement, mais… du bord inverse. Soit le parti pris assumé de montrer le monde comme il va… ou plutôt comme il ne va plus !
Le premier volume de la collection est la réédition de L’Énigme du lundi de Pâques d’Henri Béraud. Il tonne le ton : l’auteur fut condamné en 1944 pour excès d’amitiés franco-allemande, anglophobie militante et excès de talent professionnel.
Bruno Favrit, connu pour ses livres sur le paganisme, enchaîne avec Le Hussard ne perd pas le Nord en inaugurant les aventures d’un aventurier prêt à en découdre avec toutes les crapules qui empestent le monde moderne… On ne s’étonnera que modérément que celles-ci puissent souvent être d’origines exotiques.
Troisième titre de la collection, une autre réédition : Qui a tué Marina Sturm ?… Signé Madeleine Charnaux et publié initialement en 1944, cette dame fut une championne sportive renommée et… l’épouse de l’écrivain collaborationniste Jean Fontenoy ; Ah, bon !
Quatrième titre paru à ce jour : Le Dernier des occupants. Son auteur, l’avocat Thierry Bouclier, ne fait pas mystère de s’être inspiré du Dernier des Mohicans de Fenimore Cooper dont il a transposé l’intrigue dans le Paris d’aujourd’hui et sa proche banlieue Est ; l’Indien en voie de disparition y est, comme on s’en doute, le Français de souche… Une histoire menée tambour battant où se croisent flic véreux, haut fonctionnaire aveuglé par le politiquement correct et racailles aussi lâches que stupides. Les deux héroïnes, qui semblent avoir beaucoup fréquenté le couvent des oiseaux, se retrouvent brutalement plongées dans le monde réel de la pourriture cosmopolite et l’abjection de certaines mœurs… Elles n’y perdront pas – de justesse – leur vertu, mais leurs illusions sur une société où « tout le monde, il est déraciné, tout le monde il est Charlie »…
Enfin, pas au « Lys Noir », en tout cas !
Les livres des éditions Auda Isarn sont disponibles sur leur site : cliquez ici
-
César, ombres et lumières - Au coeur de l'histoire
-
Les royalistes en Mai 68. Partie 1 : Les royalistes, ces oubliés de l'histoire ?
L'heure arrive de la remémoration de Mai 68, et les publications consacrées à ce sujet commencent à fleurir sur les tables des libraires, pour le meilleur comme pour le pire. La question d'une commémoration officielle a, semble-t-il, été abandonnée par l’État, ce qui, pour le coup, aurait pu paraître un peu étrange pour un mouvement dont on dit souvent qu'il fut, d'abord, subversif. Mais, en définitive, n'y a-t-il pas une certaine logique dans ce désir commémoratif d'un événement dont notre société contemporaine, dans ses aspects sociétaux et même économiques, semble la légitime héritière : n'est-ce pas ce que Daniel Cohn-Bendit paraît reconnaître quand il soutient le libéral-libertarisme aux côtés de l'ancien dirigeant du groupe d'extrême-droite Occident Alain Madelin, lui-même fervent néolibéral européen, et que, quelques années après, il rejoint bruyamment le candidat (devenu président) Emmanuel Macron, arguant là encore de son européisme fondamental, autre nom du « libéralisme sans entraves en Europe » ? A défaut d'y répondre aujourd'hui de manière définitive, la question mérite au moins d'être posée...
Dans cette mémoire de Mai 68, où sont les royalistes ? Quelques lignes leur sont consacrées dans le livre passionnant de Ludivine Bantigny, sobrement intitulé « 1968. De grands soirs en petits matins », mais leur trace reste bien peu visible dans la mémoire collective, cinquante ans après, comme s'ils n'avaient jamais existé en cette année-là et dans ces événements qu'ils ne pouvaient, pourtant, ignorer. En fait, coincés entre le marteau de la contestation et l'enclume du Pouvoir, leur place n'était guère commode et les ambiguïtés mêmes du royalisme de l'époque, qui ne se dénoueront qu'en partie dans les années 1970 et singulièrement avec la première décennie intellectuelle et militante de la Nouvelle Action Française de Bertrand Renouvin et Gérard Leclerc, ne plaident pas vraiment pour une histoire simple et immédiatement compréhensible...
Et pourtant ! Les royalistes, et à l'époque il s'agit surtout de l'Action Française, sont actifs, aussi bien intellectuellement que physiquement, et ils ne se contenteront pas de regarder le train de l'histoire rouler et siffler, mais tenteront même d'agir autant qu'ils réagissent. Au-delà des manifestations quotidiennes que l'AF organise près de l'Arc de Triomphe du 13 au 18 mai, et qui paraissent bien pâlottes au regard des cortèges du Quartier Latin, les jeunes monarchistes ne désertent pas les lycées ou les facultés, certains participant même aux comités de grève locaux quand d'autres, en revanche, affrontent rudement les militants d'extrême-gauche qui profitent de l'occasion pour s'imposer, et que d'autres encore tiennent des stands royalistes dans les halls d'université tandis que Pierre Debray, véritable penseur d'un royalisme qui se veut contemporain et prospectif, prend la parole dans un amphi parisien.
La presse royaliste d'AF, Aspects de la France(hebdomadaire) et AF-Université (mensuel des jeunes militants), ainsi quelques bulletins locaux, le plus souvent ronéotypés, connaît alors, et pour quelques années, un certain renouveau, nourri par l'arrivée de nombreuses nouvelles énergies, et la lecture des articles de cette époque, qui court jusqu'au printemps 1971 et la scission qui donnera naissance à la « NAF » (Nouvelle Action Française, à la fois titre du nouveau journal monarchiste et du nouveau mouvement), prouve ce renouveau qui, en définitive, ne sera qu'une « renaissance » provisoire du courant royaliste maurrassien et laissera parfois plus de regrets que de traces... Mais cette lecture peut ne pas être inutile, et il faudrait, au moins, en tirer les meilleures pages pour le faire savoir et montrer que, contrairement à tant de mouvements utopistes ou doctrinaires qui n'ont pu que disparaître de leurs propres contradictions, une part de « l'intelligence d'AF » a su discerner les enjeux du moment et les perspectives possibles, même si tout cela a pu, par la force des choses, s'avérer vain, faute d'une traduction politique crédible et pérenne sous la forme d'un mouvement capable de s'enraciner dans un « pays réel » parfois trop mythifié pour être vraiment compris et saisi.
Cette leçon de l'histoire politique du royalisme d'après-Mai n'est pas si désespérante, mais encore faut-il qu'elle soit accessible pour être compréhensible : c'est pour cela que, l'an dernier, j'ai repris mon étude sur l'Action Française des années 1960 jusqu'à 1971dont je donnerai, sur ce site, quelques éléments qui, s'ils sont d'abord historiques, sont aussi politiques. Car le « patrimoine » politique royaliste mérite d'être étudié, parfois valorisé, mais aussi critiqué, non dans un pur exercice intellectuel mais dans la perspective d'une réflexion plus large sur les conditions de construction et d'efficacité d'un royalisme contemporain débarrassé de ses scories et retrempé à la fois dans les combats nécessaires d'aujourd'hui et les enjeux du lendemain, et dans les fondements d'une pensée plus riche que les caricatures (y compris celles que certains royalistes n'ont pas manqué de répandre ou de représenter...) ne le laissent supposer. Il me semble que le jeu, mieux encore : l'enjeu, en vaut la chandelle !
(à suivre : Le royalisme à la veille de Mai 68 ; Les royalistes dans les événements ; « Le socialisme de Maurras », vu par Gérard Leclerc ; Les analyses de Pierre Debray ; etc.)
-
Conférence Dextra 02/02 : Préférence nationale ou préférence de civilisation ?, par Jean-Yves Le Gallou
Chers amis, chers camarades,Nous avons la joie et l'honneur de recevoir à nouveau Jean-Yves Le Gallou, pour une conférence sur un sujet essentiel,"Préférence nationale ou préférence de civilisation ?"Nous vous attendons nombreux et ponctuels pour cette nouvelle conférence qui aura lieu ce vendredi 2 février, au Molière, 12 rue de Buci !A vendredi ! -
Passé Présent n°182 - Histoire du service militaire
-
Maurras et le petit poussin
Devoir de mémoire…
En modeste contribution à l’oeuvre de commémoration nationale, et à la façon toute particulière dont ceux qui s’en occupent ont attiré l’attention sur la naissance, il y aura 150 ans le 20 avril prochain, de Charles Maurras, nous vous proposons cet extrait de Mes idées politiques.
Ce texte, aussi peu conformiste que clair, délicieux et profond est l’un de ses plus beaux écrits.
Présent dans un recueil scolaire très usité, il a pu ainsi, au fil de nombreuses années, être présenté à l’ignorance étonnée des élèves par un professeur de philosophie facétieux …
Ils ont pu, en retour, constater que l’auteur n’était pas qu’un vieux barbu barbant et pestiféré.
« Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir.
Peu de choses lui manque pour crier : « Je suis libre … ». Mais le petit homme ?
Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d’être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d’être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu’il a d’instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu’il les reçoive, tout ordonnés, d’autrui.
Il est né. Sa volonté n’est pas née, ni son action proprement dite. Il n’a pas dit « Je » ni « Moi », et il en est fort loin, qu’un cercle de rapides actions prévenantes s’est dessiné autour de lui. Le petit homme presque inerte, qui périrait s’il affrontait la nature brute, est reçu dans l’enceinte d’une autre nature empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu’il en est le petit citoyen.
Son existence a commencé par cet afflux de services extérieurs gratuits. Son compte s’ouvre par des libéralités dont il a le profit sans avoir pu les mériter, ni même y aider par une prière, il n’en a rien pu demander ni désirer, ses besoins ne lui sont pas révélés encore. Des années passeront avant que la mémoire et la raison acquises viennent lui proposer aucun débit compensateur. Cependant, à la première minute du premier jour, quand toute vie personnelle est fort étrangère à son corps, qui ressemble à celui d’une petite bête, il attire et concentre les fatigues d’un groupe dont il dépend autant que de sa mère lorsqu’il était enfermé dans son sein.
Cette activité sociale a donc pour premier caractère de ne comporter aucun degré de réciprocité. Elle est de sens unique, elle provient d’un même terme. Quand au terme que l’enfant figure, il est muet, infans, et dénué de liberté comme de pouvoir ; le groupe auquel il participe est parfaitement pur de toute égalité : aucun pacte possible, rien qui ressemble à un contrat. Ces accords moraux veulent que l’on soit deux. Le moral de l’un n’existe pas encore.
On ne saurait prendre acte en termes trop formels, ni assez admirer ce spectacle d’autorité pure, ce paysage de hiérarchie absolument net.
Ainsi, et non pas autrement, se configure au premier trait le rudiment de la société des hommes.
La nature de ce début est si lumineusement définie qu’il en résulte tout de suite cette grave conséquence, irrésistible, que personne ne s’est trompé autant que la philosophie des « immortels principes », quand elle décrit les commencements de la société humaine comme le fruit de conventions entre des gaillards tout formés, pleins de vie consciente et libre, agissant sur le pied d’une espèce d’égalité, quasi pairs sinon pairs, et quasi contractants, pour conclure tel ou tel abandon d’une partie de leurs « droits » dans le dessein exprès de garantir le respect des autres.
Les faits mettent en pièce et en poudre ces rêveries. La Liberté en est imaginaire, l’Egalité postiche. Les choses ne se passent pas ainsi, elles n’amorcent même rien qui y ressemble et, se présentant de toute autre manière, le type régulier de tout ce qui se développera par la suite est essentiellement contraire à ce type-là. Tout joue et va jouer, agit et agira, décide et décidera, procède et procédera par des actions d’autorité et d’inégalité, contredisant, à angle droit, la falote hypothèse libérale et démocratique.
Supposons qu’il n’en soit pas ainsi et que l’hypothèse égalitaire ait la moindre apparence. Imaginons, par impossible, le petit homme d’une heure ou d’un jour, accueilli, comme le voudrait la Doctrine, par le choeur de ses pairs, formé d’enfants d’une heure ou d’un jour. Que feront-ils autour de lui ? Il faut, il faut absolument, si l’on veut qu’il survive, que ce pygmée sans force soit environné de géants, dont la force soit employée pour lui, sans contrôle de lui, selon leur goût, selon leur coeur, en tout arbitraire, à la seule fin de l’empêcher de périr : Inégalité sans mesure et Nécessité sans réserve, ce sont les deux lois tutélaires dont il doit subir le génie, la puissance, pour son salut.
Ce n’est que moyennant cet Ordre (différencié comme tous les ordres) que le petit homme pourra réaliser ce type idéal du Progrès : la croissance de son corps et de son esprit.
Il grandira par la vertu de ces inégalités nécessaires.
Le mode d’arrivée du petit homme, les êtres qui l’attendent et l’accueil qu’ils lui font, situent l’avènement de la vie sociale fort en deçà de l’éclosion du moindre acte de volonté. Les racines du phénomène touchent des profondeurs de Physique mystérieuse.
Seulement, et ce nouveau point importe plus peut-être que le premier, cette Physique archique et hiérarchique n’a rien de farouche. Bien au rebours ! Bénigne et douce, charitable et généreuse, elle n’atteste aucun esprit d’antagonisme entre ceux qu’elle met en rapport : s’il n’y a pas eu l’ombre d’un traité de paix, c’est d’abord qu’il n’y a pas eu trace de guerre, de lutte pour la vie, entre l’arrivant et les recevants : c’est une entraide pour la vie qu’offre la Nature au petit hôte nu, affamé, éploré, qui n’a même pas en bouche une obole qui lui paye sa bienvenue. La Nature ne s’occupe que de le secourir. Il est en larmes, elle le caresse et le berce, et elle s’efforce de le faire sourire.
Dans un monde où les multitudes dolentes élèvent à longs cris des revendications minima, que ceux qui les entendent ne manquent pas de qualifier de calamiteux maxima, – en ce monde où tout est supposé devoir surgir de la contradiction d’intérêts aveugles et la bataille d’égoïsmes irréductibles, – voici quelque chose de tout autre et qu’on ne peut considérer comme hasard d’une rencontre ni accident d’une aventure ; voici la constance, la règle et la loi générale du premier jour : cette pluie de bienfaits sur le nouveau-né. Au mépris de tout équilibre juridique, on le fait manger sans qu’il ait travaillé ! On le force, oui, on le force à accepter sans qu’il ait donné ! Si les mères répondent qu’il faut bien faire vivre ce qu’on a fait naître, leur sentiment n’est point à classer entre les durs axiomes du Juste, il procède du souple décret d’une Grâce. Ou, si l’on tient absolument à parler justice, celle-ci se confond certainement avec l’Amour. C’est ainsi ! Nulle vie humaine ne conduit son opération primordiale courante sans qu’on lui voit revêtir ces parures de la tendresse. Contrairement aux grandes plaintes du poète romantique, la lettre sociale, qui paraît sur l’épaule nue, n’est pas écrite avec le fer. On n’y voit que la marque des baisers et du lait : sa Fatalité se dévoile, il faut y reconnaître le visage d’une Faveur.
… Mais le petit homme grandit : il continue dans la même voie royale du même bénéfice indû, littéralement indû ; il ne cesse de recevoir. Outre qu’on lui a inculqué une langue, parfois riche et savante, avec le grave héritage spirituel qu’elle apporte, une nouvelle moisson qu’il n’a point semée est récoltée de jour en jour : l’instruction, l’initiation et l’apprentissage. »
Patrick Malvezin
http://www.medias-presse.info/maurras-et-le-petit-poussin/86918/
-
Adrien Abauzit : "Comment peut-on être de Gauche ?"
-
Franck Buleux, auteur de la biographie récente de Savitri Davi s'explique sur Métamag
Un entretien avec Michel Lhomme cliquez ici
Michel Lhomme : Après l’Europe et l’éternel débat du fédéralisme européen, nous nous retrouvons pour un livre déroutant venant de votre part, une biographie sur l’indianiste Savitri Devi née à Lyon en 1905, figure connue du monde underground et qui a été la première à considérer Adolf Hitler comme un avatar, un dieu venu sur terre sous forme humaine pour restaurer l’Age d’Or. Alors de quoi Savitri Devi est-elle le nom ? Comment expliquer individuellement cet intérêt porté à une « païenne végan » pour parler comme l’époque ?
Franck Buleux : Écrire une biographie sur Savitri Devi, c’est surtout avoir la capacité préalable, et nécessaire, d’éloigner de son propre esprit la reductio ad hitlerum dont elle a fait – et fait toujours – l’objet et, il faut bien le dire, dans laquelle elle a baigné de son plein gré. Toutefois, refuser de réduire une personne à un mythe même convenu – et accepté -est l’essence même du respect de la nature humaine, par définition complexe.
Il n’est pas question de nier la proximité de cette femme avec les individus qui composèrent l’Internationale nationale-socialiste après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à, et au-delà, de sa mort en 1982. Mais malgré cela, ses rencontres ne se sont pas limitées à des admirateurs du Führer allemand.
Véritable dépositaire de la défense animale, voire végétale et minérale, Savitri Devi consacra son existence aux être non-humains qu’elle considérait probablement mieux, car meilleurs, que ses propres congénères. Elle déifiait la Nature pour laquelle elle vouait un culte immodéré. Devenue hindouiste, elle n’écartait pas le phénomène de la réincarnation auquel elle n’appliquait aucune hiérarchisation (contrairement à la réincarnation traditionnelle qui privilégie une évolution vers la perfection humaine).
Intriguée aussi par le monde de l’occulte, elle affirma sa proximité avec de nombreuses sociétés secrètes, de la Rose-Croix, qui ira jusqu’à éditer certains de ses travaux sur le pharaon Akhenaton, jusqu’à la franc-maçonnerie en passant par la Société théosophique.
Érudite, titulaire d’un double doctorat, littéraire comme scientifique, cette femme complexe ne fut rien d’autre… qu’une femme libre. Libre à travers le temps et l’espace, née à Lyon, convertie à l’hindouisme en Inde, morte en Grande-Bretagne, inhumée à Arlington, en Virginie…
Elle manifesta cette liberté suprême par la défense des proscrits et des réprouvés.
Une femme libre mais sans enfants ?
Son regret ultime, ne pas avoir pu transmettre. Transmettre à un fils, une fille… à un être qui aurait pu continuer son combat, qui aurait pu tout simplement la comprendre. Mais comment mettre au monde lorsque l’on a pris l’option d’une union chaste ? Comment mettre au monde quand on a découvert des origines que l’on repousse ?
Oui, je sais, cette femme solitaire peut susciter des polémiques mais elle ne manquera pas de vous intriguer, de vous déplaire comme de vous émouvoir. C’est ce que j’ai cherché à transmettre par ce court travail. Pour moi, à travers l’ordre établi du monde, Savitri Devi tenta de survivre à contre-temps et à contre-courant dans le monde du kali yuga.
Indubitablement effectivement, dans cette brève mais dense biographie, ni complaisante, ni assassine, vous découvrirez une femme en quête de ses propres repères mais son univers, le monde qui l’entoure n’est-il jamais que le reflet de son propre être ?
Certainement, Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux, cette inscription au seuil du Temple de Delphes reflète pour moi toute la vie de Savitri Devi. Née Maximiani Portas, elle s’était muée en Savitri Devi, tel le papillon abandonnant la chenille. Et la quête qu’elle entreprit, qui la mena jusqu’en Inde, est éternelle. Elle est aussi la nôtre.Que découvrirons-nous alors dans cette biographie ?
Dans cette biographie, vous découvrirez :
– que Savitri Devi quitte l’Europe pour l’Inde avant l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne ;
– que Savitri Devi épousa un Brahmane pour éviter d’être expulsée d’Inde ;
– qu’elle fut la préceptrice, à Athènes, d’un futur intellectuel trotskiste ;
– qu’elle rentra en Europe, faute d’avoir pu être reconnue comme elle le souhaitait en Inde ;
– qu’elle eut des amitiés maçonniques avec lesquelles elle partagea des conceptions philosophiques ;
– qu’elle travailla pour l’Éducation nationale française (dont elle fut pensionnée lors de sa retraite) ;
– qu’elle séjourna au cœur de la Normandie chez la nièce de Christian Dior pour rédiger son autobiographie ;
et pourquoi elle ne souhaitait pas d’héritiers biologiques ?En somme elle n’était pas une femme ordinaire ?
Oui et décidément, Savitri Devi ne fut pas une femme ordinaire. Trente-cinq ans après son départ, il est probablement temps de découvrir, un peu, cette femme qui se situait hors du Temps.
Pour notre part, nous avions lu il y a quelques années la biographie intellectuelle de 336 pages de Nicholas Goodrick-Clarke, “Savitri Devi, la grande prêtresse d’Hitler”. Dans cette biographie à l’anglo-saxone, Goodrick-Clarke s’intéressait à la formation intellectuelle de Savitri, au nationalisme hindou, aux réseaux clandestins d’après-guerre, à l’émergeance du révisionnisme, à l’internationale néo-nazie, à l’héritage idéologique de S. Devi au sein de divers mouvements nationalistes, écologistes et au cœur du New Age. Croyez-vous aussi que la doctrine de Savitri Devi soit comme une passerelle entre le mysticisme aryen associé à l’extrême droite et le paganisme du Nouvel Age ? Comment caractériseriez-vous finalement cette doctrine et en quoi peut-elle nous intéresser aujourd’hui ? De quelle religion avons-nous donc besoin ?
Le livre que vous citez est issu d’une thèse universitaire et utilisant une technique relativement attrape-tout, à partir d’un mot-clé, il brode tout en oubliant le sujet principal, Savitri Devi, ce qui lui permet ainsi de « faire des pages ». Pour en revenir à votre question, Savitri Devi cherche la Vérité, c’est-à-dire une théorie absolue et transcendante qui lui permet d’affirmer que la Nature est éternelle s’incarnant dans différents éléments et l’Homme n’est qu’une espèce de parasite éphémère. Sa conception du monde nous renvoie à une prépondérance de Gaïa contre l’Homme, en cela les mouvements écologiques alternatifs (la « deep ecology ») rejoignent la pensée de Savitri Devi. Le politologue Stéphane François l’avait déjà relevé dans son livre “L’écologie politique“, paru en 2012 aux éditions du Cerf.
Il y a une permanence incarnée dans le monde naturel dans la pensée de Savitri Devi qui va bien au-delà de la perception de nos contemporains sur sa propre personne. Sa doctrine est, vous venez de le relever, beaucoup plus religieuse que politique. Ses rencontres, qu’elle n’a jamais rejetées, en firent un archétype de l’extrême-droite la plus radicale mais sa pensée, son mode de vie, la plupart de ses écrits nous ramènent vers un courant traditionnaliste universel en quête d’absolu et de vérité, où l’Homme moderne n’a guère sa place. Ses aspirations anti-modernistes et son apparence indianiste auraient pu faire de Savitri Devi une femme inspirant une dissidence sociale, voire religieuse mais notre époque l’a brusquement abandonné tout près de la jetée. Elle aurait préféré la haute mer. Elle restera donc un rocher contre le Temps, et comme elle s’auto-définissait, une femme « pure, dure, sûre » !FRANCK BULEUX, SAVITRI DEVI, COLLECTION QUI SUIS-JE ? PARDÈS, 2017 cliquez ici.
-
LA JEUNESSE FRANÇAISE EST "L'AVANT-GARDE DE LA REFRANCISATION" | ADRIEN ABAUZIT