culture et histoire - Page 908
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Piero San Giorgio - Lectures d'hiver 2017-2018
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Passé Présent n°178 - La révolution russe, réinformation
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La petite histoire : Martin de Tours, évangélisateur de nos campagnes
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Royalisme et question sociale. Partie 1 : 1791, l'année maudite pour les travailleurs.
C'était au début des années 1980, un jour d'affichage dans le quartier rennais de Maurepas, considéré comme « populaire », ce qui, à mes oreilles, n'a rien de péjoratif ni de méprisant. Les placards que je portais sous le bras avant de les étaler sur les sortes de colonnes Morris d'affichage libre étaient fort explicites et proclamaient : « la République se meurt, vive le Roi », sur un fond bleu azur qui attirait l’œil. Un homme, sans arrêter sa marche rapide, lança en passant près de moi, un sonore « Vive le Roi » ! Une trentaine d'années après, pratiquement au même endroit, la même scène se reproduisit, après quelques phrases de discussion avec un homme dont l'apparence montrait aisément qu'il n'était pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche, comme l'on dit.
Il est vrai que l'accueil a souvent été plus favorable dans ces quartiers populaires, anciennement ouvriers pour la plupart, que dans les « beaux quartiers », sans que, pour autant, ces derniers nous soient uniformément hostiles, loin de là. Mais ces souvenirs, qui sont toujours renouvelés par mes activités militantes, sont l'occasion de quelques rappels, aussi bien historiques que politiques, sur le discours et l'action royalistes envers ce que l'on peut nommer les classes populaires, constituées jadis de travailleurs manuels et, de plus en plus aujourd'hui, de salariés du secteur tertiaire.
Tout d'abord, et j'en trouve confirmation dans nombre de manuels scolaires que je ne cesse de parcourir et de lire, ceux des années 1960 jusqu'à nos jours, la République n'a pas été naturellement favorable au monde ouvrier ni, même, aux classes populaires dans leur ensemble, et cela remonte aux origines de la République et à cette Révolution dont nous n'avons pas encore fini de payer le prix, trop lourd pour le pays comme pour ses peuples, de la Bretagne à la Provence, de la campagne à l'usine... Les idées mêmes des Lumières n'accordent que peu d'intérêt aux travailleurs mais beaucoup plus aux échanges et aux fruits du travail, suivant la célèbre (et terrible) formule de Benjamin Franklin qui résume cet état d'esprit : «Le temps, c'est de l'argent », véritable négation de la véritable valeur du temps qui est, encore et d'accord, la vie et « le temps de vivre », ce dernier offrant aux hommes la flânerie, la rêverie et l'espérance du lendemain. A lire les manuels scolaires sur cette période et en approfondissant un peu, l'on peut être surpris que les philosophes « oublient » les travailleurs et que pas un mot ne semble surgir sous leur plume pour en appeler au respect de conditions de travail décentes pour les mineurs ou les tisserands d'usine quand, dans le même temps, c'est un roi, Louis XVI, qui, pour la première fois, emploie la formule « justice sociale », appelée à une si grande destinée et prospérité au XXe siècle...
L'année 1791 est une année maudite pour la condition ouvrière en France, et toutes les luttes sociales du XIXe siècle mais aussi d'une grande part du XXe ne seront rien d'autres, en définitive, que la « réparation » des malheurs nés des deux textes majeurs et si peu sociaux de cette année-là. Le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier mettent à bas tout l'équilibre social hérité des siècles précédents, au nom d'une « liberté du travail » qui n'est rien d'autre que l'application de la théorie libérale du « laisser faire, laisser passer » et, surtout, la liberté de celui qui possède l'argent sur celui qui n'en a pas, la liberté de l'argent face à celles, rabaissées, des travailleurs. Dans un livre qui reste un de mes livres de chevet (Le Prolétariat, publié en 1937), le comte de Paris rappelle, avec grande justesse, que « les principes de 1789 ont créé le Prolétariat », et que « La loi Le Chapelier du 17 juin 1791 est l'acte de naissance du Prolétariat » : « Après le coup d'état bourgeois de 1789, l'ouvrier abandonné à lui-même, inapte à s'associer, incapable de se défendre, fut asservi par les employeurs.
« Le vote d'une loi aussi inhumaine avait-il au moins donné lieu à des incidents de séance ? Avait-il déchaîné des répliques violentes ou suscité des interventions généreuses ? Non. La Constituante se désintéressait à un tel point de la classe ouvrière qu'elle adopta la loi Le Chapelier à l'unanimité. (…) En permettant au détenteur du capital de jouir d'une pleine liberté, en enlevant à l'ouvrier tout moyen de défendre ses intérêts professionnels, elle a précipité les classes laborieuses dans le prolétariat, cycle infernal où elles devaient, sans cesse, tomber plus bas au cours du siècle suivant. »
Pourquoi cette unanimité de l'Assemblée constituante pour la suppression des corporations et, dans le même temps, l'interdiction des grèves et des associations professionnelles, interdiction qui ne sera relevée, en deux temps, qu'en 1864 et en 1884 ? Sans doute parce qu'il n'y avait aucun ouvrier des villes dans cette assemblée et qu'elle était dominée par la Bourgeoisieque l'on pourrait ici définir comme « classe d'intérêts », classe hétérogène dans sa constitution mais bien plus homogène dans son esprit libéral « à l'anglo-saxonne », fascinée par le modèle économique et social anglais et, dans le même temps, par celui, plus politique, des États-Unis naissants. Sans doute aussi parce que nombre de Français ne mesuraient pas encore les conséquences ni ne soupçonnaient les formes de l'industrialisation émergente telles qu'elles commençaient à s'imposer au-delà de la Manche. Sans doute aussi parce que les anciennes formes corporatives semblaient pesantes faute d'avoir accompagné et apprivoisé les mutations techniques en cours et les désirs montants des consommateurs, devenus les alibis d'une bourgeoisie libérale soucieuse de s'enrichir plutôt que de servir un Bien commun qui lui semblait moins immédiatement profitable...
Ce qui est étonnant, au regard des manuels scolaires contemporains, c'est le grand silence ou, au mieux, la grande discrétion de ceux-ci sur la question sociale dans la Révolution et sous la Première République : la suppression des corporations et des protections sociales n'est pas évoquée, la plupart des temps, ou expédiée en une phrase, parfois en une ligne... Quant au sort des ouvriers, il n'est même pas abordé, pas plus, d'ailleurs, que celui des paysans, pourtant majoritaires dans la France des années révolutionnaires ! Si l'on parle parfois du calendrier républicain et de ses décades qui remplacent les semaines de sept jours, aucune information ne transparaît sur l'augmentation conséquente du temps de travail ouvrier qui en est la conséquence la plus immédiate et sensible pour les travailleurs d'usine et des chantiers, malgré la survie, dans nombre d'endroits, des traditions de fêtes religieuses, traditions combattues avec la plus grande virulence par la bourgeoisie républicaine qui y voit, en bonne héritière de la logique franklinienne, du « temps perdu » et, donc, des profits moindres.
Ainsi, « l'émancipation » que certains évoquent à propos de la Révolution n'en est une que pour les puissances de l'argent et les classes possédantes, mais nullement pour les travailleurs, désormais condamnés au « travail captif » et à la « servitude professionnelle » : des murailles effondrées d'une Bastille qui faisait surtout peur aux « puissants » que l’État royal pouvait y emprisonner, vont naître de nouvelles forteresses et de nouveaux murs d'argent, toujours en place aujourd'hui, et qui ne semblent guère menacés par les contestations sociales éparses, faute de frapper aux fondements mêmes de la logique capitaliste et, en France, si éminemment républicaniste...
(à suivre)
Jean-Philippe CHAUVIN
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Julien Freund : le politique et la décadence
Il faudra écrire l’histoire du processus par lequel, dans la seconde moitié du XXe siècle, la gauche parvint à structurer, puis à occuper en maître le champ des idées, tandis que la droite se laissait faire et abandonnait le terrain. Non que les intellectuels de droite eussent disparu ; ils existaient toujours, mais étaient frappés d’ostracisme : parmi eux, Julien Freund (1921-1993). Présentation d’un esprit puissant trop méconnu.
Julien Freund naquit à Henridorff (Moselle) le 9 janvier 1921, dans un milieu ouvrier. En 1940, il suivit à Clermont-Ferrand l’université de Strasbourg, qui s’y était repliée, et entra dans la Résistance. Il fut arrêté après un attentat manqué contre Laval, emprisonné, mais parvint à s’évader. Durant sa fuite, il croisa par hasard un groupe de Francs-tireurs et partisans (militants communistes), auquel il se joignit. En combattant les Allemands à leurs côtés, il découvrit que les communistes ne valaient guère mieux que les nazis et, durant les décennies de l’après-guerre, Freund fit partie des intellectuels français, au fond pas si nombreux, qui ignorèrent la tentation marxiste. Les responsabilités locales qu’il exerça à la Libération le dégoûtèrent de la politique en tant qu’activité, mais aiguisèrent son intérêt pour la théorie.
Lecteur d’Aristote et de Machiavel, il réussit l’agrégation de philosophie, enseigna dans le secondaire et commença la rédaction d’une thèse de doctorat consacrée à l’essence du politique, sous la direction de Jean Hyppolite, un spécialiste de Hegel et de Marx. À peine Hyppolite eut-il reçu les premiers feuillets qu’il broncha devant la phrase : « Il n’y a de politique que là où il y a un ennemi. » Il mit en avant ses convictions socialistes et pacifistes pour ne pas diriger cette thèse plus avant. Julien Freund se tourna alors vers Raymond Aron, dont la bienveillance permit à l’œuvre de mûrir. Dans la préface de sa thèse, Freund reconnaîtra avoir eu « deux grands maîtres », Raymond Aron et – plus surprenant – Carl Schmitt. Il fallait de l’honnêteté et du courage pour inscrire au seuil d’un livre le nom de ce juriste proche du parti nazi et proclamer une dette à son égard. Parfaitement bilingue (il écrivit de nombreux textes en allemand), Freund fit connaître en France des penseurs tels que Max Weber et Georg Simmel. Il fut également un des premiers, dans notre pays, à parler de Habermas, l’idole de la gauche outre-Rhin.L’ESSENCE DU POLITIQUE : UNE ŒUVRE « GÉNIALE » (ARON)
Lors de la soutenance, Raymond Aron déclara que L’Essence du politique était une œuvre « géniale ». Elle ouvrit à son auteur les portes de l’Université. Homme de l’enracinement, refusant des offres venues des États-Unis et du Japon, Freund effectua sa carrière académique à Strasbourg. Blessé par les « événements » de 68 (« L’une de mes peines les plus profondes, en Mai 1968, fut de voir certains étudiants maltraiter les livres. Les malotrus ignoraient ce que pouvait signifier pour un fils d’ouvrier de ma génération le plaisir de lire ») et par tout ce qui suivit, Freund prit une retraite précoce en 1979 et se retira à Villé, la bourgade où il s’était installé afin de trouver la paix nécessaire à ses travaux. Bon vivant, travailleur nocturne et grand fumeur, il mourut relativement jeune en 1993, à l’âge de 72 ans, laissant une œuvre que Raymond Aron jugeait supérieure à la sienne, une œuvre dont on commence à comprendre le caractère capital, avec deux livres majeurs, L’Essence du politique (la thèse de 1965) et La Décadence.
La thèse de Julien Freund traitait du politique et non de la politique : derrière la diversité des régimes – monarchie, aristocratie, démocratie, oligarchie et leurs variantes en nombre presque infini – il chercha des principes fondamentaux, unificateurs. Il en dégagea trois :
– la relation du commandement et de l’obéissance ;
– la distinction du public et du privé ;
– la distinction de l’ami et de l’ennemi.
Chacun de ces « présupposés » fait l’objet d’analyses minutieuses. L’Essence du politique est un livre dense, mais clair et bien écrit. La pensée ne se dérobe jamais derrière un échafaudage de termes abscons. Si l’on prend l’exemple du troisième présupposé, Freund montra que non seulement l’ennemi est impossible à supprimer, mais encore qu’il est nécessaire pour donner une existence politique à un peuple, développant ainsi l’intuition de Saint-Exupéry : « L’ennemi te limite donc, te donne ta forme et te fonde » (Citadelle).
Freund étudie, à la suite de Carl Schmitt, la parole du Christ (Mt 5, 44 et Lc 6, 27) : « Aimez vos ennemis » et s’interroge s’il est légitime de fonder là-dessus une politique visant à un désarmement unilatéral. Peut-on combattre un adversaire que la morale chrétienne nous enjoint d’aimer ? Quand on a été dans la Résistance, ce n’est pas une question abstraite. Freund rappelle qu’à la différence du français (qui ne dispose que du terme ennemi), le grec et le latin distinguent l’ennemi public (polemos, hostis) et l’ennemi privé (ekhthros, inimicus). Or le texte de l’Évangile parle de l’ekhthros et de l’inimicus. Cet enseignement du Christ n’a donc pas de dimension politique. Dans une de ses œuvres ultérieures, La Fin de la Renaissance, Freund cite cette formule (apocryphe ?) de Joseph de Maistre : « L’Évangile, hors de l’Église, est un poison. » Freund montre que la condition humaine est fondamentalement politique. Il n’a pas existé d’état pré-politique de l’humanité et jamais on ne fera de politique « autrement », comme se l’imaginent pacifistes et utopistes.LES PIÈGES MORTELS DU PACIFISME ET DE L’ANGÉLISME
Autre illusion pacifiste : une civilisation pourrait ne plus avoir d’ennemi simplement parce qu’elle le voudrait. « Or, répond Freund, c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. » Face au communisme aussi bien que face au nazisme ou à l’islam, pacifisme et angélisme sont des pièges mortels. Pour combattre un ennemi, il faut le reconnaître tel et savoir pour quoi, pour quelles valeurs, on est disposé à se battre. Mais le relativisme et son mot d’ordre « Tout se vaut » ont produit leur effet dissolvant. Si tout se vaut, rien ne mérite d’être défendu. Nous avons timidement érigé la laïcité en rempart mou contre l’islam conquérant, mais qui serait prêt à mourir pour défendre la laïcité ? Il en ira de l’islam comme il en a été du communisme : il s’étendra aussi longtemps que les risques encourus ne seront pas jugés excessifs. Les quelques militants abattus ou autodétruits lors d’attentats constituent un coût humain négligeable, en comparaison de l’effet psychologique dévastateur de ces attentats. Plusieurs centaines d’islamistes jetés en prison ne sont pas une perte, d’autant plus qu’une fois derrière les barreaux, chaque militant en formera dix ou vingt autres, qui sortiront tôt ou tard – souvent tôt.ANALYSE DE LA DÉCADENCE
Les analyses menées dans L’Essence du politique conduisent à l’autre aspect de la pensée de Julien Freund, son étude de la décadence. L’Europe, écrit-il, est arrivée au bout de sa course. Première et seule civilisation universelle, elle a découvert la Chine, le Japon, le continent américain. Certes, elle pratiqua l’esclavage, mais fut également capable de l’abolir. Or cette civilisation universelle est entrée en déclin et, comme le note Freund, « une civilisation décadente n’a plus d’autre projet que celui de se conserver ». Il qualifiait les nations d’Europe de « pays en voie de sous-développement ».
Comme Bernanos et Boutang, Julien Freund était catholique. Mais on ne trouve chez lui ni leurs fulgurances prophétiques, ni leur ouverture vers la transcendance. Fidèle disciple d’Aristote tel que peint dans L’École d’Athènes, Freund regarde ce monde et lui seul. Sa pensée a influencé des auteurs comme Chantal Delsol, Pierre-André Taguieff, Mathieu Bock-Côté (par l’intermédiaire de Jean Roy, disciple québécois de Freund) ou un penseur se réclamant de l’anarchisme, comme Michel Maffesoli. Ses analyses de la décadence rattachent Freund aux anti-modernes. L’Essence du politique est une somme, une œuvre totale, qui embrasse l’ensemble de la tradition occidentale depuis Platon et propose un cadre conceptuel dans lequel penser des événements qui se sont produits longtemps après sa publication (l’irruption de l’islam, les réseaux sociaux, l’effondrement des systèmes éducatifs occidentaux…). Une œuvre à lire sans attendre qu’il soit trop tard.Gilles Banderier
Bibliographie
– Julien Freund, L’Essence du politique, Sirey, 1965, réédition Dalloz, 2004.
– Julien Freund, La Décadence, Sirey, 1984.
– Pierre-André Taguieff, Julien Freund. Au cœur du politique, La Table Ronde, 2008.© LA NEF n°296 Octobre 2017
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LA BRETAGNE | 2000 ANS D’HISTOIRE | FRANCE INTER
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La fin de la laïcité
Tribune percutante de Stratediplo, parue au lendemain de Noël, qui aurait aussi pu être intitulée: "La république au service de l'islam", ou encore "l'islam instrumentalisé par la république", ces deux totalitarismes d'essence satanique ayant beaucoup de services à se rendre, pour notre plus grand malheur (voir le livre récent du Père Viot et d'Odon Lafontaine : "la laïcité, mère porteuse de l'islam?"). Extraits de la tribune.
La révolution dite française, conçue en Angleterre par les loges maçonniques, était sous des apparences anticléricales foncièrement antichrétienne. Pour s'en tenir à l'aspect matériel sans entrer dans l'humain, en prétendant confisquer les biens de l'Eglise elle a en réalité volé les biens à finalité religieuse des peuples de France, qui avaient mis des décennies à construire leurs églises paroissiales (et des siècles pour leurs cathédrales épiscopales) sans demander un sou à Rome ou à Paris. Plus de deux siècles plus tard, et un quart de siècle après que les gouvernements d'Europe orientale aient restitué aux communautés chrétiennes (et juives) leurs biens confisqués par les régimes communistes, le régime révolutionnaire français ne s'est même pas posé la question. En nationalisant l'Eglise de France, la révolution avait failli pousser toute la chrétienté du pays, c'est-à-dire l'essentiel de la population, à se détourner de ses évêques réquisitionnés et à se tourner vers la papauté, et ne l'a finalement empêché qu'en conquérant Rome. Un siècle plus tard la proclamation de la séparation de l'Eglise et de l'Etat a certes prétendu rendre sa liberté à l'Eglise, c'est-à-dire aux peuples chrétiens de France, mais sans lui rendre ses biens spoliés, et dans le cadre d'une politique secrète de déchristianisation confiée à la Franc-Maçonnerie, illustrée par l'affaire des fiches. (...)
Depuis lors, les mairies et collectivités déjà distinguées dans le palmarès de Joachim Veliocas sont passées de la subvention discrète (et illégale) de l'islam à sa promotion ouverte, notamment à l'occasion de la fête de l'égorgement, et montrent désormais qu'il s'agit d'une préférence puisque dans le même temps elles interdisent une à une toutes les expressions du christianisme dans l'espace public, sous des motifs divers confirmés par le Conseil d'Etat qui applique la "conception française de la séparation des pouvoirs" explicitée par le Conseil Constitutionnel en janvier 1987, faisant à l'occasion se retourner Montesquieu dans sa tombe. Pour sa part le pouvoir judiciaire constitue peu à peu la jurisprudence de délits religieux ou d'expression d'opinions, dont un délit de blasphème, un délit de profanation etc. qui ne s'appliquent qu'à une seule religion. Ainsi les peines appliquées pour dépôt silencieux d'une pièce de porc devant une mosquée fermée sont désormais systématiquement bien plus lourdes que celles appliquées, s'il y en a, pour introduction dans une église en tenue indécente, interruption d'office, insultes envers les fidèles, voies de fait et destructions matérielles. Et c'est parfois au nom usurpé de la même laïcité que l'appareil étatique encourage les attaques contre le christianisme et professe le respect de l'islam.
Or justement, rien n'est plus étranger à l'islam que la notion de clercs et surtout de laïcs. Tout Mahométan a des devoirs islamiques, dont ceux d'actions sacrées ou sacrifices, notamment lorsqu'il est en présence de non-Mahométans. Ces devoirs vont bien au-delà de la pratique religieuse (étymologiquement relation avec Dieu) et touchent à la société mais aussi à autrui en tant qu'individu ou être humain vivant (au départ). Ainsi il est attendu de tout Mahométan qu'il ne soit pas seulement assistant mais officiant. Le Chrétien ou le Juif laïc prie chez lui ou à l'office tandis que le prêtre ou le rabbin procède au rituel sacré, alors que le Mahométan non moufti officie lui-même, et pas uniquement en s'adressant à Dieu mais aussi en agissant auprès (et sur) les autres au nom de Dieu. La notion de laïcité n'existe pas en islam. De même, l'islam étant plus une société qu'une foi, il ne conçoit pas l'athéisme. On naît en Islam comme on naît dans un pays, personne ne se pose la question des croyances personnelles ou des doutes d'un enfant né de parents musulmans, et lui être infidèle est une apostasie punissable de mort. Dans ce système de société (et même civilisationnel) complet où la religion est l'idéologie de l'Etat et où l'Etat est l'accomplissement de la religion, les philosophies questionnant l'existence d'un Dieu n'ont pas de place, Allah est une évidence révélée et il n'existe que différents degrés d'infidélité, jusqu'à l'extrême qui est l'adoration de faux dieux, le matérialisme existentiel athée n'étant que l'une de ces religions erronées, en l'occurrence une adoration de l'homme dictée par le diable Satan. Il n'y a pas de laïcité croyante en islam, et il n'y a pas non plus d'athéisme areligieux.
Ce que les peuples de France constatent à chaque fois que la république soi-disant laïque se mêle de religion, enfreignant le principe chrétien (conservé dans la société matérialiste post-chrétienne) de séparation des compétences temporelle et religieuse, c'est qu'elle a décidé de leur imposer une idéologie étrangère (inhumaine au demeurant), et pas seulement en matière religieuse mais dans toutes les sphères de la vie sociale organisée.
La préservation de la fête de Noël, repère majeur multiséculaire du calendrier civil et légal sans considération des croyances intimes des uns et des autres, est l'occasion pour les laïcs (abandonnés par les clercs), mais aussi pour les athées, de s'opposer à la confessionnalisation oppressive de l'Etat."
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Les Brigandes - Errant et fugitif
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Les trois liens de l’étudiant à la nation selon Heidegger
Il ne s’agit point de médire de notre enseignement, mais d’en déplorer l’écroulement national, si l’on prend au sérieux les résultats statistiques de sa partie primaire, hier classée au plus bas en Europe, pour ce qui est de l’arithmétique, et à une place médiocre, sinon alarmante pour un pays se voulant une grande puissance dans le monde, en grammaire. L’effort du présent ministre est à noter, après les folies ou divagations de ses prédécesseurs, d’introduire la discipline d’une dictée quotidienne, mais cela ressemble, à user d’une métaphore militaire, à une distribution de cartouches sans fusil, car tout l’édifice logique de la grammaire, qui est un art de bien penser, est depuis longtemps écroulé.
L’on parlera de réussites individuelles, ou de succès statistiques « d’apprenants » dans les examens généraux de fin d’études – mot absurde puisqu’il n ‘y aura pas eu de vrai commencement et de fondation assurée -, et de carrières, mais que vaut un savoir au sein d’une nation ou d’une nature de peuple fragilisée, et ignorant qu’elle porte en elle un destin, lequel la broiera si elle ne le maîtrise ? Cette question s’est posée au professeur Heidegger, le terme de professeur étant plus proche de la profession de foi que de l’exercice mécanique de répétitions vides, brillantes mais infécondes, comme une coque de noix vide.
Lui-même n’eût point été surpris du délabrement de ce corps étudiant, car son engagement politique et celui de sa nation meurtrie et recouvrant cette santé de l’âme qu’est la vérité (selon le mot de Descartes) fut de surmonter le nihilisme ou réduction au néant de la culture entendue comme volonté populaire de garder le savoir et de se former par lui.
Dans un précédent article nous traduisions l’Appel de ce même Heidegger à ses collègues d’approuver l’appel du Guide du peuple allemand à quitter l’O.N.U. de son temps, la S.D.N. ou Ligue, Société des Nations de Genève, pour suivre son propre devoir. Nous reprenons ici le texte déjà traduit en 1987 par un défunt ancien maître de philosophie à l’université de Toulouse, Gérard Granel (1930-2000), que nous retraduisons de nouveau, pour être plus fidèle au texte allemand, du discours dit de Rectorat, adressé par Heidegger à ses étudiants de Fribourg-en-Brisgau, tenu le 27 mai 1933, lors de la solennité de sa prise en charge :
« La prise en charge du Rectorat est l’obligation de la conduite spirituelle de cette école supérieure. La suite [le mot Gefolgschaft étant employé au sens ancien chevaleresque d’une suite accompagnant un guide] des maîtres et des élèves croît et se renforce seulement à partir de l’enracinement véritable et commun dans l’essence de l’université allemande. Mais cette essence n’accède d’abord à la clarté, au rang et à la puissance, que si préalablement et en tout temps les guides sont eux-mêmes guidés par l’inflexibilité de cette charge spirituelle qui fait entrer de force le destin du peuple allemand dans l’empreinte de son histoire. »
Heidegger indique le sens d’être un Guide et en même temps un Guidé ! Alors s’évanouissent toutes les caricatures ou fantômes de fascisme que nous servent les fast-food de l’esprit.
« Car le décisif dans (l’acte) de conduire [« im Führen »] n’est pas le pur et simple aller de l’avant, mais est la force de pouvoir aller seul, non pas par égoïsme et plaisir de dominer, mais en vertu d’une détermination très profonde et d’une obligation très étendue. Une telle force oblige à l’essentiel, crée la sélection des meilleurs et éveille l’authentique suite de ceux qui sont d’un nouveau courage. Mais nous n’avons pas besoin d’abord d’éveiller. La corporation allemande est en marche [die deutsche Studentenchaft ist auf dem Marsch].
Et ceux qu’elle cherche, ce sont ces guides par lesquels elle veut élever sa propre détermination à une vérité fondée, savante et la placer dans la clarté de la parole qui agit significativement et de l’œuvre.
A partir de la décision de la corporation étudiante allemande de tenir ferme au destin allemand dans son extrême détresse advient une volonté d’essence de l’Université. Cette volonté est une vraie volonté, pour autant que la corporation étudiante grâce au nouveau droit estudiantin se place lui-même sous la loi de son essence et par là délimite avant tout cette essence. Se donner à soi-même la loi, est la plus haute liberté. »
La fausse liberté académique
Heidegger de poursuivre en dénonçant les slogans dont on abreuve aujourd’hui la masse qui est invitée à tout sauf à connaître cette essence populaire ou nationale, au point que le mot traditionnel de peuple (Volk) est en langage officiel de moins en moins usé en Allemagne, remplacé par du « social », pays où – sachons le – le père de Madame Merkel, pasteur passé à l’Est après guerre pour mette son séminaire sous la coupe du ministre de l’Instruction Publique, de famille israélite berlinoise immigrée, au début du XXe siècle, de Suisse, nommé Gyzi, père de l’actuel chef berlinois de « La Gauche » (Die Linke), refusa d’admettre la réunification du pays de novembre 1989 :
« La tant vantée « liberté académique » sera repoussée de l’université allemande; car cette liberté était inauthentique [unech]), parce que seulement négatrice. Elle signifiait surtout insouciance, arbitraire des vues et des inclinations, licence [Ungebundenheit] dans le faire et laisser-faire. Le concept de liberté de la corporation étudiante allemande est maintenant ramené à sa vérité. A partir d’elle se déploient à l’avenir lien et service de la corporation étudiante.
Ce qui s’impose à l’étudiant : le lien de la nation au savoir.
1.Le premier lien est dans la communauté du peuple [Volksgemeinschaft].Il fait un devoir d’avoir part , en aidant à porter et en co-agissant, aux efforts et à la capacité de tous les états [terme préféré à celui plus égoïste et autodestructeur, au plan national, de classe] et membres du peuple. Ce lien est dorénavant affermi et enraciné dans l’existence estudiantine par le service du travail.
2. Le deuxième lien est attenant à l’honneur et au sort de la nation au milieu des autres peuples. Elle réclame la disponibilité, assurée dans le savoir et le pouvoir et sanctionnée par la discipline, à l’engagement jusqu’au bout. Ce lien embrasse et parcourt dans l’avenir toue l’existence étudiante comme un service de défense [Wehrdienst].
Le distingué Granel traduit par « service militaire », la Wehrmacht étant littéralement une force de défense, tout comme la vérité, selon la même origine indo-germanique, est une défense de la réalité contre les forces destructrices.
Le dernier point, ou lien, – [le mot allemand de Bindung ne signifie pas proprement une obligation, mais un attachement, un lien, comme un membre est lié au corps, à l’organisme)] – est le plus important et touche au vif notre société qui n’est plus digne de cette qualification.
3. Le troisième lien de la corporation étudiante est liée à la charge spirituelle du peuple allemand. Ce peuple œuvre à son destin, tandis qu’il insère son histoire dans la manifestation de la surpuissance de toutes les puissances de l’existence humaine façonnant le monde, et entreprend de combattre toujours à nouveau pour son monde spirituel. Ainsi exposé au questionnement extrême de l’existence propre, ce peuple veut être un peuple spirituel. Il exige de lui-même et pour lui-même dans ses guides et protecteurs, la clarté la plus dure du savoir le plus élevé, le plus étendu et le plus riche. Une jeunesse étudiante qui se risque tôt dans la virilité et déploie sa volonté sur le sol futur de la nation, se contraint à partir du fond [von Grund aus] à ce savoir. Pour elle le service du savoir [Wissensdienst] ne devra plus être le dressage accablant et rapide à une vocation « distinguée ». Parce que l’homme d’Etat et le maître, le médecin et le juge, le pasteur et l’architecte guident [führen] l’existence populaire-étatique et dans ses traits fondamentaux éveillent aux forces de l’être humain façonnant le monde et se tiennent acérées, pour cette raison ces métiers et l’éducation attachée à eux sont confiés au service du savoir.
Le savoir n’est pas au service des vocations, mais à l’inverse: les vocations [ou métiers] suscitent et régissent ce suprême et essentiel savoir du peuple pour sa propre existence. Mais ce savoir n’est pas pour nous la prise de connaissance tranquille d’entités et de valeurs en soi, mais au contraire la plus aiguisée dangerosité de l’existence au milieu de la surpuissance des étants. Le questionnement de l’être en général arrache au peuple travail et combat et le contraint à son Etat auquel appartiennent les vocations.
Les trois liens – par le peuple au sort de l’Etat dans la charge spirituelle – sont pour l’essence allemande également originels [gleichursprünglich]. Les trois des services qui en jaillissent – service du travail service de défense et service du savoir – sont également nécessaires et de rang égal.
Le but de l’enseignement: faire germer ce que le temps seul mûrira
Après la guerre, Heidegger poursuit cet effort ou patience de pensée, en citant le poète Heinrich von Kleist qui assurait que le sens de l’effort de penser, travailler, combattre, ou l’effort en un mot qui les lie tous, de poétiser ou, pour le dire mieux, de renforcer et serrer de plus près le travail de l’activité scientifique dans lequel s’épanouit le philosophie, devait déboucher un siècle plus tard sur la germination d’une créativité qui continuerait de faire renaître l’existence, celle des peuples et du savoir dont ils sont l’enveloppe. Ce message est dans la vidéo aux sous-titres anglais ci-dessus.
Cela exige sérieux, continuité de l’effort, persévérance, un questionnement constant de notre origine, ce qui va plus loin et plus haut que l’imitation de modèles, et qu’il entend par la métaphysique. Inutile de dire que notre présent monde a ce dernier terme en horreur. Aussi l’avenir se dérobera-t-il à lui.
Pierre Dortiguier
VIDEO: https://archive.org/details/MartinHeideggerVolkPhilosopher
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Notre ennemi le Capital (Jean-Claude Michéa)