culture et histoire - Page 982
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L’Athènes de Périclès - La guerre du Péloponnèse | Au cœur de l’histoire | Europe 1
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Climat : Au-delà du tollé !
par Felix D. Sbirov.
Dans la foulée de la sage décision de l’administration trump de se retirer de la calamiteuse & coûteuse COP21 & derrière l’onanisme desKhmers verts & la doxa pseudo-scientifique du GIEC, qu’en est-il réellement de l’environnement ? Petit rappel à l’ordre de Jean Cuny sur le sujet.
Le retrait des États-Unis de l‘Accord de Paris sur le climat a suscité un tollé dans la classe politique française qui une fois de plus fait preuve de sa grande hypocrisie. Le fameux accord sur le climat n’est qu’une déclaration d’intentions ne comportant aucun engagement juridique effectif.
Selon l’article 2, le réchauffement climatique devra être contenu « bien en deçà de 2°C » par rapport à l’ère préindustrielle. Pour atteindre cet objectif, les émissions de gaz à effet de serre devront atteindre « un pic aussi rapidement que possible ». Tous les cinq ans, un bilan sera effectué.
Le dogme de base est que le « réchauffement climatique » est d’origine humaine.
Et de pointer du doigt les émissions de carbone dues à l’automobile, à l’industrie et à la production d’électricité. Curieusement on ne se préoccupe pas de celles des avions(1) et des navires.
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Brocéliande contre le monde moderne
Notes pour servir à la constitution d'un Front Brocéliande contre le monde moderne
« J'ai revêtu plusieurs aspects
Avant d'atteindre ma forme naturelle.
J'ai été le fer étroit d'une épée
(Je le croirai si je le revois)
J'ai été une goutte dans l'air
J'ai été une étoile scintillante
J'ai été un mot dans un livre...
J'ai été un tisonnier dans le feu
J'ai été un arbre dans un fourré »Câd Goddeu (Le Combat des Arbres)
« ... l'intuition, qu'il y a quelque vaste processus à l'œuvre qui réalise l'acmé de la création, l'entéléchie de toute lutte vitale, dans ces larges et fraîches feuilles d'extase magique, qui s'ouvrent et frémissent dans l'air invisible ».
John Cowper Powys
La forêt était vivante. Par les rumeurs, les grands gestes, les hauteurs mouvantes, les silences tapis, les lueurs vertes, les éclats soudains lorsque le soleil tombe, la forêt vive nous parlait. Nous étions, en quelque sorte, ses enfants. Nous aimions la verticalité de la forêt, les cimes perdues, presque indiscernables, les racines tels de gros serpents, l'humus, le pourrissement délicieux des feuilles. Les troncs, plus ou moins espacés, évoquaient de longues notes de musique qui finissaient par s'accorder dans le tumulte polyphonique de la forêt. Mais chaque arbre avait son message, sa présence propre. Les arbres ont de si fortes individualités que nous en oublions les essences et les espèces. Comme les humains, les arbres ont leurs histoires et, je m'aventure à l'affirmer, leurs consciences !
Je crois à cette individualité ancrée dans la terre et doucement vaguante, en son faîte, avec le vent, le ciel ! Je crois à l'individualité farouche des arbres, des terres, des animaux et des hommes. L'homme moderne ne reconnaît que ce qu'il peut classer dans quelque abstraite catégorie. Aussi bien, je ne suis pas un homme moderne. La densité de l'être, sa force, sa vertu, son bonheur témoignent de l'intense singularité de toute chose...
Cet arbre qui m'adresse un signe de bienvenue lorsque le chemin tourne et revient du côté du soleil n'a pas son égal et je me soucie fort peu de ce qu'en pensent les naturalistes. Il verdoie doucement dans l'air encore pâle d'Avril. Toute la mélancolie du renouveau bruit avec le vent venu des hauteurs qui retourne vers elles les paumes cendrées des feuilles, comme des mains, avec leurs nervures intelligentes. Cet arbre me salue quand je passe — mais il me semble que sa grande tâche est un colloque avec des présences que je ne vois pas mais dont la profusion architecturale des branches est le Temple. Les Tibétains croyaient que la symétrie attire les démons. Mais ils croyaient aussi à l'harmonie et à l'interdépendance universelle, et je vois ce matin qu'il n'est rien de moins symétrique ni de plus harmonieux que ce Temple feuillu...
Je veux bien être traité de panthéiste ! C'est en effet la grande manie des abstracteurs modernes. Pourtant, ce mot, pour moi, ne veut rien dire. Car ce que disent les arbres à mon entendement est d'un ordre trop subtil pour convenir à de grossières terminologies. Panthéiste ? Si l'on y tient ! Mais avec Plotin et Saint-François, avec Taliesin et Novalis ! Je sais fort bien que la beauté — où s'unissent la transcendance et l'immanence — n'est pas omniprésente, que souvent la transcendance s'éloigne, et que l'immanence devient lourde en cet âge de fer. J'aime les arbres car ils nous enseignent la légèreté. Certes, les arbres ne volent pas mais ils accueillent les oiseaux, hôtes et protecteurs des libertés les plus fragiles. Il faut bien voir que les racines des arbres ne sont pas moins dans le Ciel que dans la terre. La plus haute branche est l'éloge ultime de la terrestre légèreté. Veulent-ils nous enseigner l'esprit ceux qui ne frissonnent point avec le souffle à la plus haute branche de leur désir ?
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GONZAGUE SAINT BRIS, C’ÉTAIT QUAND MÊME QUELQU’UN !
Par Nicolas GauthierC’était un aristocrate selon mon goût, c’est-à-dire passablement fêlé de la théière, accroché au château de ses ancêtres comme une bernique à son rocher (Repris de Boulevard Voltaire - 10.08 - cet excellent article pour saluer Saint-Bris).Gonzague Saint Bris n’est plus. Ce mardi, il s’est tué en voiture, contre un arbre. Triste journée, car moi, j’aimais bien Gonzague Saint Bris. C’était un aristocrate selon mon goût, c’est-à-dire passablement fêlé de la théière, accroché au château de ses ancêtres comme une bernique à son rocher. Mais aussi capable de consacrer un livre à Michael Jackson tout en traversant les Alpes à dos de mulet, en hommage à Léonard de Vinci et son périple jadis effectué pour répondre à la très royale invitation de François Ier.
Écrivain, essayiste, homme de presse et de radio, éphémère chargé de mission au ministère de la Culture, de 1986 à 1988, Gonzague Saint Bris était aussi conseiller municipal de Loches (ville rendue fameuse par « Les Grosses Têtes » et la non moins célèbre madame Bellepaire), tant il était viscéralement attaché à sa Touraine natale. En 1978, il fonde le mouvement des Nouveaux Romantiques, petit souffle d’air frais en ces temps de technocratie giscardienne triomphante, avec des camarades à peu près aussi ébouriffés que lui, quoique à demi-chauves pour la plupart : Patrick Poivre d’Arvor, Francis Huster, Étienne Roda-Gil, Frédéric Mitterrand et Brice Lalonde.
Tout cela ne mène évidemment pas à grand-chose, on s’en doute. Même pas à une intronisation par trois fois repoussée à l’Académie française. Dommage pour cet auteur prolifique – une cinquantaine d’ouvrages au compteur, ce n’est pas rien – qui, en 2016, reçoit le prix Hugues-Capet pour l’ensemble de son œuvre. Juste réparation pour cet homme qui, à l’instar d’un Max Gallo, ne fut jamais véritablement accepté par la communauté très fermée des historiens « officiels » ; un peu comme un Stéphane Bern ou un Lorànt Deutsch. Historiens du dimanche ? Pas du tout, ces personnes ayant le don de populariser l’Histoire de France à heures de grande écoute télévisuelle et de la vulgariser de la manière la plus intelligente qui soit.
Certes, ils vont droit à l’essentiel, résument plutôt que de se perdre dans les détails, ne prétendent pas au savoir universel, mais commettent finalement moins d’erreurs factuelles que nombre de leurs confrères universitaires. C’est l’école Alain Decaux, qui fut à l’Histoire ce que Jean Vilar était au théâtre : tous pour la culture et, surtout, la culture pour tous ! Il était donc logique qu’un Stéphane Bern salue la mémoire de son illustre devancier en la matière.
Non content d’être un passeur, Gonzague Saint Bris était, de plus, un homme exquis. Je me souviens de lui, au début des années 1990. Je travaillais à l’hebdomadaire Minute. Entre première guerre du Golfe et psychose collective de la profanation du cimetière de Carpentras, l’ambiance était, comment dire, des plus chaudes… Désireux de m’entretenir avec le bonhomme, je finis par dénicher son numéro de téléphone personnel. Et là, je cite de mémoire :
– Allo, Gonzague Saint Bris ? Nicolas Gauthier, de Minute ! Ce serait pour une interview…
– Minute ? Quelle bonne surprise ! Inattendue, surtout…
– Ça ne vous dérange pas de me parler ?
– Et pourquoi donc, je vous prie ? Je lis souvent votre journal, fort bien écrit au demeurant…
– C’est un compliment ?
– Tout à fait, et dit sans malice…La vérité m’oblige à dire que je ne me souviens plus très bien de la suite, si ce n’est que nous avions parlé de la France et de son histoire. La première, il en était éperdument amoureux. La seconde, il déplorait que son enseignement, dispensé à des têtes de moins en moins blondes, devienne peu à peu passé en pertes et profits.
À l’époque sévissait un autre chevelu à chemise blanche au col perpétuellement ouvert été comme hiver – Bernard-Henri Lévy. Qu’il me soit permis, en termes de look, de gentillesse et d’intelligence, de préférer celui-ci à celui-là.
Sacré Gonzague !
Journaliste, écrivain -
COMMANDEZ LE N°46 (ÉTÉ 2017) DE LA REVUE SYNTHÈSE NATIONALE
Au sommaire :
ÉDITORIAL Roland Hélie
LE MOMENT MACRON Patrick Parment
MERCI MACRON Pierre Vial
LES CAPRICES DE MACRON Jean-Claude Rolinat
LA CHRONIQUE Philippe Randa
DU CHANGEMENT AU FN ? Marc Rousset
QUI PAYERA LA CASSE ? Pieter Kerstens
DE L’INCOMPÉTENCE DE LA FONCTION PUBLIQUE Bernard Plouvier
ASSEZ DE REPENTANCE Nicolas Gauthier
IL Y A 60 ANS : L’INDÉPENDANCE AFRICAINE Pieter Kerstens
LE CLIMAT, LES MOUCHES ET LES ABEILLES Aristide Leucate
LE BASTION SOCIAL Arnaud Menu
LES PAGES DU MARQUIS Jean-Paul Chayrigues de Olmetta
HOMMAGE À ROLAND GAUCHER Jean-François Touzé
PIERRE LAVAL LE MAUDIT Bernard Plouvier
LES LIVRES AU CRIBLE Georges Feltin-Tracol
LES BIOGRAPHIES LITTÉRAIRES Daniel Cologne
LES ENFANTS DE MAASTRICHT Un entretien avec Charles-Henri d’Elloy
LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE La chronique de Charles-Henri d’Elloy
LES BOUQUINS DE SYNTHÈSE NATIONALE
LA VIE DE L’ASSOCIATION SYNTHÈSE NATIONALE
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10 août 1792 : naissance de la République dans un massacre
Depuis la fuite de Varennes, le roi Louis XVI et sa famille sont assignés à résidence au palais des Tuileries (aujourd’hui disparu), à l’ouest du Louvre.
La tension est vive et, excitée par Danton, une foule de sans-culottes se masse aux abords du palais.La résidence royale est défendue par 900 gardes suisses et quelques centaines de gardes nationaux.
Louis XVI les passe en revue. Selon l’usage, les Suisses et les gardes nationaux crient : « Vive le roi ! ». Mais les artilleurs et le bataillon de la Croix-Rouge crient de leur côté : « Vive la Nation ! ». Situation confuse.
Le roi gagne là-dessus une terrasse et observe la foule des Parisiens massés. Ceux-ci l’insultent : « À bas le veto ! À bas le gros cochon ! ».
Apeurés, le roi, la reine et le dauphin traversent le jardin des Tuileries et vont chercher refuge au sein de l’Assemblée.
Devant le palais, l’émeute enfle. Une porte est malencontreusement ouverte. Un flot de sans-culottes s’y engouffre. Les gardes suisses ouvrent le feu et provoquent un reflux éperdu vers le Carrousel.
Les émeutiers évacuent la place. Ils semblent près d’abandonner la partie.Mais vers dix heures, un groupe de volontaires marseillais parvient à s’introduire à l’intérieur des Tuileries. Le combat reprend de plus belle.
Le roi griffonne un billet ordonnant aux Suisses de déposer à l’instant les armes et de se retirer dans leurs casernes. Grave erreur du trop bon Louis XVI.Obéissants, les gardes se replient vers la place Louis XV (l’actuelle place de la Concorde).
Mais ils sont bientôt encerclés, capturés, conduits à l’Hôtel de Ville puis massacrés. Mêlées à la foule, les poissardes des halles se livrent à de honteuses mutilations sur les cadavres.
Les émeutiers envahissent maintenant les Tuileries et lynchent pêle-mêle gardes, serviteurs et fidèles avant de piller le palais.
Six cents Suisses ainsi que deux cents aristocrates et gens de maison perdent la vie en ce jour du 10 août.L’Assemblée législative, enhardie par le succès de l’émeute, prononce la « suspension » du roi. Elle convoque par ailleurs une Convention nationale en vue de prendre toutes mesures « pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l’égalité », et instaure pour la première fois le suffrage universel (masculin). Après une nuit de fortune, la famille royale est emmenée au donjon du Temple pour y être emprisonnée.
La période appelée « la Terreur » allait commencer.
Fin d’un régime millénaire qui avait construit la France mais était certes affaibli de l’intérieur.
Naissance de la République. -
Patrick Gofman vient de publier un nouveau livre : "Retours"
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André Le Nôtre (Au Coeur de l'Histoire)
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Homère : Les écrits restent ...
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Christian Millau : le dernier galop d’un hussard
Philippe Pichon
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Brillant, aventureux, taquin, assez solide à la riposte, excellent à l’escarmouche, Christian Millau appartenait à quelque chose comme l’école de Roger Nimier. Rien n’était beau comme cet écrivain parmi les uniformes littéraires. C’était la ligne elle-même. C’était la race de ces gamins de vingt ou trente ans qui, en 1950, étaient vraiment les enfants de la République des Lettres.
À tout juste quatre-vingt-huit ans, Christian Millau était un « jeune homme ». Il n’était pas né de la dernière pluie, et même mieux, il était né un Jour de l’An, ce qui lui évitait d’être un ravi de la crèche. Millau était venu au monde littéraire entre les hussards de droite à la Roger Nimier et les chevau-légers progressistes à la Claude Roy. Il semblait avoir tout abordé avec une fantaisie égale – surtout le pain quotidien d’une interminable après-guerre.
Mais la vie et l’œuvre de cet écrivain tardivement reconnu, capable de romans de mal du siècle, portaient pour blessures profondes des épreuves privées et l’impossible paix. À son succès Au galop des hussards (Grand prix de l’Académie française de la biographie 1999, prix Joseph Kessel 1999) succédaient bien d’autres dont un Dictionnaire amoureux de la gastronomie, neuvième opus d’une œuvre déjà bien fournie. Désormais, le besoin de tendresse et de fraternité animait le romancier en quête de sens et de poésie dans un monde qui lui paraissait en manquer singulièrement.
Le journaliste buissonnier écrivain gastronome
Après avoir raconté avec malice, dans son Guide des restaurants fantômes (Plon, 2007), les ridicules de la société française, il récidivait avec un copieux volume comportant des entrées d’une grande drôlerie : un pavé « bleu hussard » bien servi de huit cents pages d’un journaliste buissonnier écrivain gastronome.
Par sa plume et par le passé, Millau a rempli plusieurs milliers de restaurants aussi vite et aussi sûrement que Josyane Savigneau a vidé Le Monde des livres de toute saveur littéraire. « La gastronomie n’est pas un dogme, mais, comme l’amour, un plaisir, dont il est normal de discuter », écrivait-il.
Bref, un élément de la culture. Millau, qui avait le gosier littéraire en pente douce, ne démystifiait pas la cuisine, il désacralisait les restaurants. Si François Villon, notre grand poète, n’avait été (de peu) son aîné, Millau l’eût invité dans une des « tavernes de vin » qui fleurissaient à Paris, au temps de l’amour courtois et eût apporté de friands morceaux. Certes, c’était le petit bout de la fourchette, mais il plantait juste.
Une seule oreille de cochon lui manque et tout est dépeuplé
Car, depuis ses débuts à Opéra, l’hebdomadaire culturel dont un certain Roger Nimier vient de prendre la direction en 1951, Millau trouve sa voie dans la chronique caustique et amusée de la littérature et de l’actualité : des périodiques célèbres ou confidentiels des années cinquante à Service littéraire aujourd’hui, la feuille de chou d’écrivains faite par des écrivains (et cuisinée par notre ami François Cérésa).
Christian Millau appartient, par les meilleurs de ses livres, à la tradition des écrivains « charnels », voués à une observation dépourvue de prédication. Il compose de brefs chapitres où, avec humour et gravité, il rêve sur un moment où le destin prend figure. Dans Paris m’a dit (de Fallois, 2000), la crise de l’homme mûr éclate au seuil de la mort et l’introspection se colore de tragique en même temps que d’épicurisme. Et quand Millau abandonne de sa légèreté toute française, c’est pour gagner en tendresse et en majesté. En effet, il appartient à cette version d’écrivains dont l’idéologie (pardon Christian !) ne rive pas l’art aux contingences de l’époque.
Malgré ses vingt ans en 1950, on trouverait difficilement en Christian Millau les aspects attendus, et en quelque sorte négatifs, de ce qu’il est convenu d’appeler « la génération de la défaite ». Nulle trace, semble-t-il, de cette prostration qui fut le lot de la plus grande partie de la jeunesse au temps des effondrements. Son romantisme et sa désinvolture aigüe ne sont pourtant pas sans rapport avec ce qui caractérise tout un secteur du roman français d’après-guerre.
Des années Solex aux années Mac Do’
Né à Paris d’un père français et d’une mère originaire de Moscou (Bons baisers du Goulag, Plon, 2004), le jeune Millau, tout en poursuivant ses études à Sciences-Po et à la Faculté de droit, entre en 1949 au Monde de Beuve-Méry, au service politique, dirigé par Jacques Fauvet. Après la disparition d’Opéra en 1952, il reste aux côtés de Nimier et de Jacques Laurent lors d’un parcours de journalisme littéraire qui le conduit simultanément à noircir avec talent les colonnes de Carrefour, Arts, duBulletin de Paris, duNouveau Fémina, de La Parisienne, de Candide pour devenir, après la mort tragique de Nimier en septembre 1962, rédacteur en chef adjoint au quotidien Paris-Presse où il couvre, notamment, les événements d’Algérie, les grands procès de l’OAS et, à Dallas, les suites de l’assassinat de Kennedy, avec le procès de Jack Ruby.
Il collabore à Paris-Match, Elle, L’Express, aux magazines américains Holiday et Esquire, avant de devenir l’assistant-réalisateur d’Orson Wells à Hong-Kong pour un documentaire que Pierre Lazareff fait projeter à « 5 Colonnes à la une ». Millau est un touche-à-tout.
De retour en France, il lance avec son partenaire, Henri Gault, les guides et le magazine Gault-Millau, sorte de Lagarde-et-Michard de la gastronomie et du bien vivre, entreprise (presque) philanthropique dont il quitte la présidence pour prendre sa retraite en 1995. Il a même le privilège rare d’être, entre-temps, le 42e Français à décrocher la « couv’» du Time depuis la création, au début des années 1920, du célébrissime hebdomadaire américain.
En 1995, commence une troisième vie : celle d’écrivain à temps plein. Dès son premier livre, Les Fous du palais(Robert Laffont, 1994) pour lequel il obtient le prix Rabelais, sa fidélité aux « hussards » le met à part. Le reste est connu, de Commissaire Corcoran (Plon, 2005) à Dieu est-il gascon ? (Le Rocher, 2006)
Un simple regard et la journée vide s’embrase
Une lumière d’or vient mourir sur la table d’un lieu où Millau n’est que de passage. Il y a là des gens, des gens en bout de zinc. Tout leur corps en témoigne. C’est un endroit où ils viennent parler, s’entendre, s’écouter depuis des lustres. C’est un petit bistrot de nulle part, ni de campagne ni de banlieue, un café de bord de route où il aime tant aller se perdre au gré des errances, des promenades et des hasards. En bruit de fond, une radio. Des ouvriers qui entrent et sortent.
De médiocres reproductions sur les murs, la sciure qui traîne sur le plancher, quelques verres vides sur une table et l’arrière-salle que l’on devine derrière l’étoffe d’un rideau, avec des bruits de pas, des mains de servantes que l’on aperçoit de temps à autre, le cartable de l’enfant posé au sol et le chat qui dort près du radiateur où trônait autrefois un vieux poêle. C’est un jour insensé dans une vie insensée, un temps où il ne se passe rien, où rien ne survient jamais et c’est pourtant la plus haute vie qui soit, la vie en bordure, en lisière du monde, la vie que remet en lumière le moindre rayon de soleil, le moindre regard qui se pose sur elle.
En effet, il suffit d’un regard, d’un simple regard et la journée s’embrase, les choses sont revivifiées. Ainsi ce marronnier dans la cour déserte d’une modeste auberge de province où Millau a fait halte. Une table, un vin frais, les pages blanches d’un tout petit carnet de rondes gustatives et il demeure des heures à contempler cet arbre, la bicyclette que l’on pose contre son tronc puis les mains qui l’emportent plus loin, de l’autre côté invisible de la rue. Il entend, sans le vouloir, les musiques d’une conversation, le choc des casseroles de cuivre dans une cuisine proche et seul le vent se dépose sur les pages, seul le vent, l’air frais, feuillettent les pages qu’un soleil adoucit mais il n’écrit pas, surtout pas.
L’écriture, ce sera pour plus tard ou ce sera pour jamais mais il est tout à cet arbre qui lui survivra sans doute et, en un tel moment, l’écriture est sans importance, d’aucun secours, car un livre s’écrit, justement, sous les phrases qui bruissent et lui échappent. On peut le dire ainsi : chez Christian Millau, le plaisir écrit un livre à sa place.
Saint-Tropez : Une campagne au soleil (De Fallois, 2002)
Bien sûr, je ne vous dirais pas comment j’ai rencontré Millau dans les couloirs du commissariat de police de Saint-Tropez où j’officiais, et où sévissait un chef de service aux allures de garenne déjà faisandé. Ce n’est pas rien de rencontrer l’un des derniers hussards. Nous devînmes amis, enfin, je crois, à en croire l’affection réciproque qui s’accumulait autour de verres de blanc pris sous la tonnelle de sa villa, La Vigne Saint-Anne. Je l’écoutais me raconter les hontes de la vie humaine qui sont aussi les génies de la littérature française, parmi lesquels un certain Louis-Ferdinand Destouches dit Céline se taillait la part délicieuse du lion maudit.
Christian écrivait ainsi chaque jour, dans le lit de cette errance, dans ce passage qui est mouvement et l’entraînait dans les endroits les plus délaissés où le battement même de la vie devient souvent imperceptible, à l’image de la mort glissant sous sa peau, lui interdisant de faire autre chose que d’aimer car la vie est trop brève pour entamer un autre chant que le chant de la célébration, de la vénération pour la beauté du monde établie n’importe où, en des lieux innombrables et, peut-être, innommables. Millau accueillait et il servait. Puis, aussitôt, il oubliait qu’il fut serviteur, mais il n’oubliait jamais d’accueillir. Vous m’entendez : jamais.
Adieu Christian, ou plutôt, à ce soir.