économie et finance - Page 553
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Politique & Eco n°49
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La crise financière de 2008 était-elle un coup d’État ? | Entretien avec Michel Drac.
Michel Drac présente son livre Crise ou coup d’État ? (Le Retour aux sources, 2009)
Michel Drac revient pour Kontre-Kulture sur la genèse et le contenu de son livre Crise ou coup d’État ?, publié en 2009 aux éditions Le Retour aux sources puis réédité dans le recueil Essais, regroupant cinq textes de l’essayiste.
Michel Drac présente son livre "Crise ou coup d... par kontrekultureLien permanent Catégories : actualité, économie et finance, géopolitique, international 0 commentaire -
Le choc
Après le refus des créanciers de prolonger l’aide financière au-delà du 30 juin, l’annonce du référendum voulu par le gouvernement d’Alexis Tsipras sur l’acceptation ou non des nouvelles mesures d’austérité, la Grèce est « au bord du chaos », du « précipice » affirment avec une belle unanimité la plupart des médias ce matin. Comme si le peuple grec ne vivait pas déjà dans une situation de précarité souvent extrême et qui ne cesse de s’étendre ! Une chose est certaine, quel que soit le cas de figure et l’issue de cette crise, nos compatriotes ne reverront jamais l’argent -en moyenne 1000 euros par Français-, que nos dirigeants bruxellois ont pris dans nos poches et qui ont été donnés à la Grèce (dans les faits principalement aux banques) lors des derniers plans de sauvetage pour garder Athènes dans la zone euro….
L’actualité brûlante de cette fin de semaine ce fut aussi l’attentat meurtrier contre une mosquée chiite au Koweït commis par un saoudien fanatique, le massacre auquel s’est livré un « djihadiste » contre des touristes européens à Sousse (Tunisie). Le pays peut dire adieu à sa saison touristique, secteur vital pour son économie… Le même jour, notre pays a connu une nouvelle attaque, menée par le salafiste Yassin Salhi contre une usine classée Seveso en Isère, accompagnée de la décapitation de son employeur, Hervé Corona. Salhi a envoyé une photo ou il pose à côté du pauvre homme décapité à un de ses amis français combattant Bachar el-Assad en Syrie, dans les rangs des fous d’Allah...
Dans ce contexte, emporté par l’émotion ( ?) Manuel Valls a utilisé dimanche pour la première fois le terme de guerre de civilisation. Une expression proche de celle de choc des civilisations, tiré du livre au titre éponyme paru en 1993 de feu le géopoliticien américain Samuel Huntington, inspirateur des guerres menées ces dernières décennies par les Etats-Unis au Proche-Orient.
La lutte contre le djihadisme dans le monde est « une guerre de civilisation» a donc déclaré M. Valls, reprenant peu ou prou les termes de Nicolas Sarkozy.« C’est (sic) nos valeurs, notre société, nos civilisations que nous défendons (…). Les premières victimes de Daech dans le monde, ce sont les musulmans. La bataille se situe aussi au sein de l’islam, entre d’un côté un islam aux valeurs humanistes, universelles, et de l’autre un islam obscurantiste, totalitaire» a précisé le Premier ministre.
Dans un communiqué, le député Les Républicains Eric Ciotti a jugé que la gauche « semble enfin faire preuve de lucidité en reconnaissant que notre pays est désormais engagé dans ce qu’il faut bien appeler une guerre de civilisation.» Christian Estrosi, maire de Nice, adversaire de Marion-Maréchal-Le Pen en PACA pour les Régionales, a renchéri : « la guerre de civilisation, OUI, je l’ai déjà dit. Mais du Premier ministre nous attendons des actes, plus des mots. »
Au PS, la gêne est perceptible. «Les fanatiques de l’islam veulent la guerre de civilisations. Nous voulons la coexistence pacifique des civilisations» a expliqué le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis. « Il n’y a pas de guerre de civilisation. Je ne partage pas cette vision héritée de Georges W. Bush », a dit Pascal Cherki, député socialiste, sur la même longueur d’onde que son collègue Julien Dray. François Bayrou a jugé sur TF1 qu’il n’y avait pas de «guerre de civilisation, C’est une guerre de la barbarie contre la civilisation».
« Parler de guerre de civilisations, c’est le discours bushiste qui a mené à la catastrophique guerre d’Irak», a déclaré de son côté Florian Philippot sur France 3. Il est clair, comme l’a dit Bruno Gollnisch , que c’est cette théorie du « choc des civilisations», « brandi par les neocons, qui a contribué à la justification de la destruction de l’Irak en 2003, nous en voyons les effets désastreux aujourd’hui, et à une volonté plus générale de remodelage du Proche-Orient, toute aussi chaotique dans ses effets ».
On peut bien évidemment aussi établir une différence entre la thèse d’Huntington -dont le systématisme, le formalisme de sa grille de lecture peuvent aussi être légitimement critiqués-, et l’instrumentalisation qui en est faite. Dans son fameux livre, pour le résumer à grand trait, il développe l’argument principal selon lequel les facteurs culturels qui ont été en quelque sorte gelés au moment de la la guerre froide qui a divisé le monde en deux blocs, sont amenés à jouer un rôle essentiel depuis la chute du mur de Berlin. Les conflits du futur prédisait-il se dérouleront probablement aux points de contact entre les différentes civilisations qu’il identifie dans son ouvrage : «occidentale», «slave-orthodoxe», «islamique», «hindoue», «confucéenne», «japonaise», «latino-américaine » , « africaine» (en devenir…).
Rappelons pour la petite histoire qu’en 2007 l’anthropologue Emmanuel Todd et le démographe Youssef Courbage ont publié un livre pour déconstruire celui d’Huntington (« Le choc des civilisations n’aura pas lieu »), mobilisant pour se faire l’outil statistique. Ils expliquaient que la baisse sensible de la natalité dans le monde musulman et les progrès de l’alphabétisation permettraient l’entrée dans la modernité. «Un processus de désislamisaton s’est très probablement enclenché, dont la démographie porte la trace ». Le monde mahométan « est entré dans la révolution démographique, culturelle et mentale qui permit autrefois le développement des régions aujourd’hui les plus avancées » et « s’achemine vers le point de rendez-vous d’une histoire beaucoup plus universelle qu’on ne veut l’admettre ». Finalement, « la diversité des traditions culturelles ne sera plus perçue comme génératrice de conflit mais témoignera simplement de la richesse de l’histoire humaine », concluaient nos deux optimistes progressistes. Ont-ils mieux perçu l’avenir qu’Huntington ?
Dans un entretien accordé en 2013, Aymeric Chauprade notait plus prosaïquement qu’ Huntington a pourtant «eu le mérite de rappeler que les civilisations existent et que le monde ne se réduit pas à un affrontement idéologique entre les démocraties et les tyrannies, un conte pour enfants qui est pourtant vendu par les politiques occidentaux à leurs électeurs. Moi je dis que l’Histoire ne se réduit pas au choc des civilisations, car les nations et les figures historiques jouent aussi un rôle central, mais que le choc des civilisations est une réalité du temps long de l’Histoire.»
Interrogé de nouveau longuement ces dernières heures sur Boulevard voltaire, le député FN affirme que «le totalitarisme islamique nous mène une guerre implacable, et que notre classe politique refuse de regarder cette réalité en face, comme elle a refusé de le faire dans les années 30 face aux totalitarismes nazi et communiste (…). Le terrorisme continue d’être analysé en France comme une simple manifestation criminelle, comme une sorte de désordre psychologique (avez-vous remarqué cette épidémie de fous qui crient Allah Akhbar en agressant des gens ?) appelant des réponses sociales et judiciaires. Or, le terrorisme islamique, c’est l’expression, pour l’instant sporadique, d’une guerre mondiale contre ce que nous sommes, et cette guerre est d’autant plus inquiétante que son réservoir de recrutement en Europe est énorme » note Aymeric Chauprade.
Bruno Gollnisch l’a affirmé à de nombreuses reprises, le FN, mouvement responsable qui entend accéder aux plus hautes responsabilités, n’est bien évidemment pas en guerre avec les 1,5 milliards de musulmans, avec un islam qui n’est pas d’un bloc. Il ne confond pas les causes et les conséquences du grave, du déterminant problème identitaire qui se pose à notre pays.
La poussée communautariste et fondamentaliste est générée par une immigration de masse, subie par notre pays depuis quarante ans, qui la nourrit mécaniquement. la vérité consiste à dire qu’au-delà d’un certain seuil quantitatif, atteint dans de très nombreux quartiers ou villes européennes, l’assimilation ne fonctionne plus. Mais l’assimilation à quoi? A quel modèle? A quelles valeurs? Pour quel projet, quel devenir commun?
Dans un entretien accordé en janvier au journal autrichien Zur Zeit, Bruno Gollnisch relevait que « la nature a horreur du vide». «Nos églises se vident, les mosquées sont pleines. C’est aussi sur le vide spirituel de l’occident, de nos nations dites avancées, mais surtout désenchantées, que prospère l’islamisme. Quelles valeurs autres que matérialistes, hédonistes, marchandes, relativistes avons-nous à opposer à l’islam conquérant ? La quête du Beau, du Bien, du Vrai qui, dés la Grèce antique, a façonné l’esprit, le génie de notre civilisation, est battue en brèche, moquée, vilipendée. En refusant de reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe, les instances Bruxelloises ont fait aussi, à leur niveau, le jeu de l’islam radical. En désarmant les âmes, on affaiblit aussi les cœurs et les esprits». Les années qui viendront seront décisives à plus d’un titre.
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Lobby de l’eau : Histoire d’une mainmise inique
L’école française de l’eau, apparue à l’orée des années 1960, incarne un modèle de gestion aujourd’hui exporté dans le monde entier. Il a peu à peu été dévoyé par des groupes d’intérêts qui ont fait main basse sur un marché qui génère près de 25 milliards d’euros en France chaque année.
C’est après la seconde guerre mondiale qu’émergent les caractéristiques qui structurent encore aujourd’hui la gestion de l’eau en France. Des ingénieurs et administrateurs coloniaux ont mesuré en Afrique noire, au Maghreb, comme aux États-Unis, la complexité de la gestion de cette ressource précieuse.
Ils vont, dans le grand élan de la planification gaullienne, inventer un modèle de gestion des ressources en eau qui fera école. Il s’agit, dans une période marquée par une urbanisation rapide s’accompagnant d’une pollution croissante, de rationaliser les différents usages de l’eau, pour l’énergie, l’industrie et l’agriculture, et donc le développement économique, mais aussi de développer l’adduction d’eau dans les campagnes, où seuls 30 % des foyers disposaient de l’eau au robinet en 1953, puis de doter le pays d’infrastructures de traitement des eaux usées.
Un chantier colossal alors que le développement de l’industrie et la modernisation de l’agriculture provoquent un important mouvement de population des zones rurales vers les villes. « Avec pour conséquence un développement rapide des besoins en eau et des rejets polluants mal traités. Les ressources ont été ainsi étranglées des deux côtés, par des consommations accrues et des pollutions insupportables », souligne M. Ivan Chéret, l’inventeur des agences de l’eau [1].
« Les journaux publiaient des nouvelles alarmantes tous les étés : par exemple, à Toulon, 200.000 personnes sont privées d’eau chaque jour de 18 heures à l’aube ; la ville de Grenoble, dont la population est passée de 60.000 à 300.000 habitants, élit un nouveau maire et la “baignoire” de M. Dubedout fait une entrée remarquée en politique (en asseyant) sa campagne électorale sur le fait que les habitants de Grenoble subissaient des coupures fréquentes d’alimentation en eau, alors que la ville était entourée de ressources très abondante.
L’image de sa baignoire vide avait été largement diffusée par les médias. Sur la Seine, des masses blanches, provenant des détergents de plus en plus utilisés à la place des savons, flottent sur l’eau et inquiètent les Parisiens ; les associations de pêcheurs attirent l’attention sur tous les “accidents” qui tuent les poissons dans les rivières ; dans le Midi encore, les résidus provenant de l’exploitation de la bauxite par Péchiney, indignent la presse : des boues rouges dans la “belle bleue”, au large de Cassis ! ».
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L'heure de vérité, pour la Grèce, mais aussi pour l'UE
Très intéressant point de vue développé à ce sujet par Jacques Sapir.
"Les événements de ces derniers jours ont permis de voir en pleine lumière les divers aspects du différent entre la Grèce et ses créanciers. La décision d'Alexis Tsipras de provoquer un référendum le 5 juillet donne néanmoins à ce différent une dimension nouvelle, et dramatique.
Le différent entre la Grèce et les créanciers a désormais une dimension politique tout autant qu'une dimension économique. C'est la question de la démocratie au sein de la zone Euro et de l'Union européenne qui est aujourd'hui directement posée. Une des conséquences de cette nouvelle situation est que les leçons que l'on doit en tirer sont extrêmement importantes pour la suite des événements, tant en Grèce naturellement que dans d'autres pays qui entreraient à leur tour en conflit avec les différentes structures de l'Union européenne.
L'Union européenne et l'Eurogroupe ont toujours poursuivi un objectif politique.Le gouvernement grec a fait la démonstration que l'UE, l'Eurogroupe, et généralement l'ensemble des « institutions » européennes n'ont en réalité jamais admis le résultat des élections du 25 janvier 2015. Leurs actions n'ont eu de cesse que d'amener le gouvernement grec à se renier ou bien de provoquer un changement de gouvernement par des méthodes qui se situe en réalité hors de la sphère des principes démocratiques, même si elles en respectent formellement les codes. Le refus obstiné des « institutions » de prendre en compte les propositions du gouvernement grec, dont il est aujourd'hui clair qu'elles étaient raisonnables, et qu'elles étaient les seules capables de permettre à la Grèce de sortir de la crise, n'avait pas d'autre sens qu'un senspolitique. Il fallait faire la démonstration qu'aucune politique alternative n'est possible aujourd'hui dans l'UE. C'est ce à quoi s'est employé tant la Commission que l'Eurogroupe, renvoyant systématiquement les mêmes propositions au gouvernement grec et se refusant, en réalité, à toute négociation.
Mais, récemment, un nouveau pas a été franchi. L'écho donné à l'accueil de « l'opposition » grecque à Bruxelles, que ce soit les dirigeants du parti de centre-gauche largement financé par les « institutions » européennes (To Potami), et qui ne représente que 7% de l'électorat, ou les dirigeants de la Nouvelle Démocratie, le parti de centre-droit qui gouverna la Grèce jusqu'aux dernières élections et qui est tombé aujourd'hui à moins de 15% des intentions de vote, ne représente pas moins que la tentative d'organiser un changement de gouvernement. Cela signifie que ces mêmes « institutions » européennes, si prompte à défendre la démocratie, complotent ouvertement avec un ensemble de politiciens faillis, souvent corrompus, et qui ont été rejetés par leur propre peuple pour remplacer un gouvernement démocratiquement élu. C'est une leçon importante, qu'il faudra apprendre par cœur, ne serait-ce que pour s'en prémunir. Elle décrédibilise totalement et complètement les discours sur la démocratie qui peuvent être tenus au seins des instances européennes.Lire la suite "L'heure de vérité, pour la Grèce, mais aussi pour l'UE"
http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html
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L’économie selon Houellebecq par Pierre LE VIGAN
L’économiste Bernard Maris est mort dans des circonstances qui évoquent le roman Plateforme de Michel Houellebecq. Au cours d’un attentat terroriste d’islamistes. Houellebecq, c’est l’auteur auquel est consacré son dernier livre.
Ce que Bernard Maris montre d’une manière lumineuse – nous ne l’avions pas toujours vu aussi clairement –, c’est que le cœur des livres de Houellebecq est une protestation passionnée contre la domination de l’économique sur nos vies. La science économique libérale est fausse. Maris écrit : « Bien entendu, les hommes ne sont ni rationnels ni calculateurs, C’est pourquoi ils sont surprenants, avec leurs passions, leurs peurs, leurs joies, leurs doutes, leurs naïfs désirs, leurs frustrations, et beaucoup de choses comme le mal au dos. »
Houellebecq illustre cela, notamment en montrant le rôle de l’amour dans la vie des hommes. Mais Houellebecq ne se contente pas de critiquer la « science » économique, sa prétention, sa vacuité. Il voit la nocivité de la domination des préoccupations économiques. C’est ce que Viviane Forrester appelait « l’horreur économique ».
Le bilan du libéralisme, c’est la lutte de tous contre tous, et c’est l’exacerbation des besoins et donc des insatisfactions. C’est le développement de l’individualisme, véritable tumeur maladive. « La conséquence logique de l’individualisme, c’est le meurtre et le malheur », indique Houellebecq. L’homme est rabaissé et soumis à la logique des désirs, avec comme seul idéal de « se goinfrer comme des enfants ». L’homme est infantilisé puis malheureux. Car c’est l’homme malheureux qui est entraîné par la loi tendancielle de baisse du taux de désir (qui est en fait le corollaire anthropologique de la baisse tendancielle du taux de profit). La loi du désir oblige à mettre de nouveaux désirs sans cesse sur le marché, toujours plus débiles et volatiles, soumis à une obsolescence toujours plus rapide.
On voit que toutes les leçons de Michel Clouscard et de Jean Baudrillard sont comprises et reformulées dans la création littéraire de Michel Houellebecq. Le monde est devenu le résidu de la production d’argent. « Le libéralisme redessinait la géographie du monde en fonction des attentes de la clientèle ». Contrairement à l’extrême gauche qui critique le capitalisme sans mettre en cause l’individualisme libertaire, Houellebecq va à la racine : il dénonce le règne du moi-je, le règne du « tout à l’ego », Ainsi, « nous avançons vers le désastre, guidé par une image fausse du monde […]. Cela fait cinq siècles que l’idée du moi occupe le terrain ; il est temps de bifurquer ».
Sur quoi est fondée l’économie ? Sur l’organisation de la rareté. S’il y a abondance, il n’y a plus d’économie. Ou plus précisément elle ne domine plus nos vies. C’est pourquoi l’économie libérale est la gestion de la frustration. En période d’abondance et notamment d’abondance de travail (donc de plein emploi), la domination de l’économie et des puissances d’argent ne disparaît certes pas mais elle s’affaiblit. C’est ce que remarque Houellebecq, dans la lignée de George Orwell : « En période de plein emploi, il y a une vraie dignité des classes prolétariennes. […] » Elles « vivent de leur travail, et n’ont jamais eu à tendre la main ». C’est évidemment pour cela que le capitalisme ne veut pas se donner pour objectif le plein emploi et pousse à la précarité, à l’immigration, à la flexibilité du travail, à un droit du travail réduit à des cendres.
Le capitalisme pousse ainsi à l’homogénéisation du producteur-consommateur, à l’exception de petites différences illusoires (ceux qui roulent en vélo, les gays, les internautes, etc.). Il s’agit moins de différences que de parts de marché.
Lucide sur le diagnostic, Michel Houellebecq n’y va pas par quatre chemins dans ses conclusions : « Nous refusons l’idéologie libérale parce qu’elle est incapable de fournir un sens, une voie à la réconciliation de l’individu avec son semblable dans une communauté que l’on pourrait qualifier d’humaine. » Il écrit encore : « Nous devons lutter pour la mise en tutelle de l’économie et pour sa soumission à certains critères que j’oserai appeler éthiques. »
Pierre Le Vigan
• Bernard Maris, Houellebecq économiste, Flammarion, 2014, 160 p., 14 €.
• D’abord mis en ligne sur Métamag, le 30 avril 2015.
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La fin du dollar roi – suite – Russie et Chine veulent remplacer le FMI !
Cheval de Troie de la politique libérale américaine et du dollar-roi, le FMI se voit maintenant concurrencé par l’ AIIB, son pendant monté par les BRICS et sous influence chinoise.
Le Président Vladimir Poutine a approuvé en mai dernier la création fonds de réserve équivalent à 100 milliards de dollars pour aider spécifiquement les BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. C’est une nouvelle étape des BRICS pour construire une alternative au Fonds Monétaire International pour toute aide financière et au-delà pour se dégager de l’emprise des USA.
Les BRIC représentent 40 % de la population mondiale et environ 20 % de l’activité économique du monde. Le Fonds de réserve aidera les BRICS ayant des problèmes de trésorerie. Il obtiendra la plus grande partie de son financement de démarrage de la Chine, qui contribuera pour 41 milliards de dollars en équivalent Yuan. La Russie, l’Inde et le Brésil apporteront 18 milliards chacun et l’Afrique du Sud donnera 5 milliards.
La Banque Internationale d’investissement pour l’Asie – AIIB – est sur les rails.Cette démarche non approuvée financièrement par les États-Unis est devenue une question épineuse pour le président Obama. Les nations européennes, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont bravé les demandes américaines de refuser l’adhésion et ont choisi de soutenir la Banque de Chine. Le Financial Times a ainsi attaqué le gouvernement britannique pour son « accommodation constante » avec la Chine, et pourrait être perçu comme un avertissement pour les autres pays tentés par l’aventure, mais à ce jour sans effet. La Corée du Sud a demandé son adhésion, et d’autres grands alliés dans la région, le Japon et l’Australie, semblent intéressés par le projet. Mais l’événement le plus embarrassant fut de voir Taïwan, qui n’a aucune relation officielle avec la Chine continentale, et n’a survécu au 20e siècle que par l’aide américaine de demander à rejoindre ce fonds.
Mais les USA semblent bien avoir raté le départ de cette nouvelle longue marche… Le message de la Chine vers le reste des pays de l’Asie est simple : « venez croître avec nous ». Et dans le même temps les dirigeants chinois veulent donner l’impression que la montée de la Chine est inévitable et que ces pays doivent décider s’ils veulent être l’ami ou ennemi de la plus grande puissance régionale.
Cette attirance concerne aussi le Japon et la Corée du Sud qui sont toujours très pragmatiques. La Chine absorbe tous ces pays sans avoir à recourir à la force, fidèle à la stratégie de leur grand général Sun Tzu pour qui l’art suprême de la guerre est de vaincre l’ennemi sans se battre. Les États-Unis auraient dû établir une zone de libre-échange avec l’Asie du Sud-Est il y a 30 ans, bien avant que l’aimant de l’immense marché chinois n’ait commencé à agir. Tous les pays d’Asie du Sud-Est auraient été liés à l’économie des États-Unis plutôt que de dépendre de la Chine.Outre cette inquiétude purement commerciale, les USA prennent en compte la menace croissante du yuan comme devise sous-jacente à tous les échanges de cette zone. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le dollar américain a constamment défendu son statut de monnaie de réserve du monde. Une demande moins forte de dollar entraînera inévitablement sa dépréciation. Officiellement les autorités américaines s’inquiètent des normes bancaires qui seront appliquées par ce fond international et de sa politique environnementale. Mais de fait les États-Unis voient là une remise en cause de leur rôle dans le développement de l’Asie et du maintien du dollar comme monnaie pivot.
L’AIIB constitue une menace sur ces deux objectifs.Ce qui explique pourquoi l’administration Obama fait désespérément pression pour une exclusion de la Chine du traité de Partenariat Trans-Pacifique (TTP) qui vise à supprimer les droits de douane entre les USA et certains pays du Sud-est asiatique.
À l’opposé de cette attitude négative, la directrice du FMI, Christine Lagarde, a déclaré en octobre dernier qu’elle voit le nouveau fonds de réserve des BRICS comme un complément au FMI, et non un rival. « Je ne vois pas, comme certaines personnes l’ont dit, de concurrence avec le FMI, » a déclaré Lagarde lors d’une conférence de presse. « Nous travaillerons en partenariat avec cet arrangement si cela perdure ». Mais cette bienveillance ne doit pas cacher que deux logiques idéologiques opposées s’affrontent là, car le FMI n’accepte d’aider les pays en difficulté que si ceux-ci se soumettent totalement à la logique ultralibérale et mondialiste dictée par cet organisme contrôlé par les USA.
À travers le FMI et la Banque Mondiale, les États-Unis sont en mesure d’exercer leur influence sur le développement asiatique en tant que prêteur. Ils utilisent leur droit de vote majoritaire avec l’alignement des pays occidentaux pour sélectionner des projets spécifiques pour le développement de l’Asie. Mais maintenant au lieu de se tourner vers les USA comme puissance dominante, les pays asiatiques en plein développement verront la Chine comme leadership naturel, une tendance que l’Amérique ne veut pas voir se produire.Et avec désormais un rapprochement très marqué du côté de la Russie, ce puissant pôle économique pourrait avancer en Europe, mais surtout en Afrique et au Moyen-Orient. L’Iran est déjà clairement intéressé à rejoindre ce fonds d’investissement.
Ce qui laisse le président Obama, et ses successeurs, avec cette difficile question : Que doit faire Washington pour maintenir sa domination ?
Pour l’Amérique, être évincée, non pas dans le monde, mais seulement dans le Pacifique occidental, par un peuple d’Asie si longtemps méprisé et rejeté comme corrompu et inepte est mentalement difficile à accepter. Le sens de la suprématie culturelle des Américains rendra cet ajustement encore plus difficile. Les Américains croient que leurs idées sont universelles – l’individualisme absolu et la liberté d’expression. Mais elles ne le sont pas et ne le furent jamais. En fait, la société américaine a si bien réussi pendant si longtemps, non pas du fait de ses idées et principes, mais grâce à une certaine bonne fortune géopolitique, une abondance de ressources et de main-d’œuvre bon marché, un flux généreux de capitaux et de technologie de l’Europe, et deux vastes océans qui ont maintenu les conflits du monde loin de leurs côtes.En fait rien ne devrait véritablement bouger dans les prochaines années tant l’asymétrie des visions chinoises et américaines est grande. Les premiers fonctionnent sur la base du consensus et d’une vision à long terme. Alors que les USA paniquent et imaginent que le XXIe siècle sera celui de la confrontation avec la Chine, les autorités chinoises attendent en partageant ce siècle avec les États-Unis, car ils pensent au siècle suivant où ils auront rattrapé, et sans doute dépassé la puissance militaire et technologique américaine.
D’ici les Américains auront sans doute accepté de partager leur position prééminente et encore une fois il y aura une victoire sans combat pour l’empire du Milieu.http://fr.novopress.info/189838/fin-du-dollar-roi-suite-russie-chine-veulent-remplacer-fmi/
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Nous ne rembourserons jamais nos dettes
Un vaudeville à la Feydau se joue actuellement sur la scène européenne :
La Grèce ne souhaite pas sortir de l’euro mais ne veut plus payer pour y rester.
L’Europe sait que la Grèce ne paiera jamais sa dette mais ne veut pas qu’elle quitte l’euro.
Tsipras sait que l’Europe fera tout pour que la Grèce ne la quitte pas et, donc, il la fait chanter et danser sur un air de sirtaki.Et cette situation peut durer des semaines, des mois et sans doute même des années.
Ce vaudeville est payant, il nous coûte déjà 50 milliards (750 euros par Français, enfin pour ceux qui paient des impôts, les autres ne sont pas concernés).
L’Europe prête des milliards à la Grèce pour qu’elle puisse rembourser une partie de sa dette, ce que la Grèce ne fait pas puisqu’elle en a l’utilisation ailleurs.
L’intérêt de l’Europe, l’intérêt de la Grèce même, serait qu’elle quitte l’euro, à présent qu’elle s’est reprise en mains et s’est réformée presque totalement puisque, en tous les cas on nous l’affirme, la Grèce dépense moins aujourd’hui que les impôts et taxes qu’elle encaisse. Donc elle ne pourra que remonter la pente avec des sacrifices moins contraignants que l’austérité que l’Europe veut lui imposer, notamment sur les retraites et la TVA.
La dévaluation de sa monnaie relancera les 33% de ses exportations et les 14% de son tourisme.
Valery Giscard-d’Estaing, pourtant européen convaincu, estime qu’il s’agit là de la seule solution viable pour la Grèce, qui pourra revenir dans l’euro lorsqu’elle aura recouvré une santé, c’est-à-dire dans quelques décennies.
Evidemment la grande peur de L’Union européenne est l’effet domino que cette sortie de la Grèce pourrait accélérer : il est tout au aussi certain que ni le Portugal, ni l’Espagne, ni l’Italie ni, bien entendu la France, ne rembourseront jamais leur dettes.
La crainte est également qu’en sortant de l’euro la Grèce se relève doucettement, ce qui donnerait des idées à d’autres nations…n’est-ce pas ?
La BCE prête des milliards aux banques qui, à leur tour, les avancent aux pays en prenant leur bénéfice au passage (alors qu’elle pourrait les prêter directement à ces mêmes pays).
Pour l’instant les créanciers de tous ces pays et l’Eurogroupe se tiennent sur leur réserve pour tenter de sauver ce qui peut l’être encore ; mais quand ils admettront que tout est perdu, les taux d’intérêts entameront leur progression et ce sera des faillites annoncées et une crise aussi meurtrière qu’en 1929, sinon plus !
Il y aura des perdants, l’Union Européenne, certainement mais aussi des vainqueurs, la Chine, les USA, peut-être même la Russie et l’Angleterre, qui sont restées hors zone euro, et certains pays émergents.
Nous ne pouvons qu’espérer que la prochaine crise, inévitable, ne sera que financière et ne comptabilisera pas des millions de vies humaines.
Manuel Gomez, 26/06/2015
Source : L’AURORE.overblog.fr
http://magoturf.over-blog.com/2015/06/nous-ne-rembourserons-jamais-nos-dettes.htmlhttp://www.polemia.com/nous-ne-rembourserons-jamais-nos-dettes/
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Selon la Cour des comptes, la France a le pire gouvernement de l’Union européenne
Tous les indicateurs sont au vert. Un seul pays n’en a pas profité : la France. Au secours, M. Hollande se représente !
Le rapport de la Cour des comptes vient d’être rendu public. Il est accablant pour le gouvernement socialiste en place depuis 3 ans. L’institution, pourtant dirigée par un ancien socialiste, M. Migaud, dit en termes mesurés et polis que notre gouvernement est le pire parmi ceux qui dirigent l’Europe. Elle note que le déficit n’a diminué en 2014 que de 1 % (et encore, sans une divine surprise en fin d’année, on était bien parti pour l’augmenter !).
Tous les autres pays ont amélioré sensiblement leurs comptes, si l’on excepte la Bulgarie (qui n’est qu’à 3,7 % contre 4,1 % pour nous), mais ce pays a été victime en 2014 de la faillite d’une de ses banques et son surplus de déficit est un accident qui ne se reproduira pas !
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Comment une si petite bulle peut-elle avoir un effet aussi dévastateur ?
Par J. Bradford DeLong
Ce n’était pas une très grosse bulle. Entre 2002 et 2006, la part de l’économie américaine consacrée à la construction résidentielle a augmenté de 1,2 points de pourcentage du PIB au-dessus de sa valeur tendancielle antérieure, avant de plonger au moment où les USA sont entrés dans leur plus grande crise économique depuis prés d’un siècle. Selon mes calculs, on peut chiffrer l’excès d’investissement dans le secteur de l’immobilier résidentiel durant cette époque à environ 500 milliards de dollars – une part minuscule de l’économie mondiale au moment où la crise a éclaté.Pourtant les dégâts furent énormes. Du fait de la crise, le niveau des économies des USA et de l’Europe est 6% plus bas que prévu. Autrement dit, un faible surinvestissement a entraîné une perte de production de 1.800 milliards de dollars par an, et rien n’indique que cet écart soit en voie de diminution.
Tenant compte du taux de croissance qui était prévu et de la rentabilité de la Bourse qui était attendue, j’estime la perte totale de production à presque 3 millions de milliards de dollars! Chaque dollar surinvesti dans l’immobilier a provoqué une perte de 6.000 dollars dans l’économie mondiale. Comment est-ce possible ?
Toutes les récessions ne sont pas aussi douloureuses. Les crises financières de 1987, 1991, 1997, 1998 et 2001 (au cours de laquelle quelques 4 000 milliards de surinvestissement ont été perdus au moment où la bulle internet a explosé) n’ont eu qu’une faible incidence sur l’économie réelle au sens large.
Un récent article d’Oscar Jorda, Moritz Schularick et Alan M. Taylor explique pourquoi cette fois-ci les choses ne se sont pas passées ainsi ; il montre qu’un boom du crédit peut démultiplier considérablement les dégâts causés par l’éclatement d’une bulle.
Historiquement, hors boom du crédit, quand l’éclatement d’une bulle des actifs entraîne une récession, 5 ans après le début de la crise le niveau de l’économie est de 1 à 1,5% inférieur à ce qu’il aurait été en l’absence de crise. Mais s’il y a boom du crédit, les dégâts sont beaucoup plus considérables.
Quand il s’agit d’une bulle boursière, après 5 ans les résultats de l’économie sont inférieurs de 4% en moyenne – et jusqu’à 9% quand il s’agit d’une bulle immobilière. Compte tenu de ces éléments, il est clair que les problèmes engendrés par la crise actuelle sont proches de ceux que l’on a observés lors des crises précédentes.
Beaucoup d’économistes considèrent que les récessions sont part intégrante du cycle des affaires, la conséquence inévitable d’un boom. Mais ce n’était pas l’avis de Keynes. “Il paraît d’une extraordinaire imbécillité que cette merveilleuse explosion d’énergie productive soit le prélude à l’appauvrissement et à la dépression“, écrivait-il en 1931 après le boom des années 1920 qui avait ouvert la voie à la Grande dépression.
“Je trouve que l’explication de la diminution du chiffre d’affaires des entreprises, de la réduction de la production et du chômage qui suivent obligatoirement ne réside pas dans le haut niveau d’investissement qui continua jusqu’au printemps 1929, mais dans l’arrêt de l’investissement dans la période suivante“.
Quelques années plus tard, Keynes a proposé une solution. Dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, il explique que les booms se produisent quand des investissements qui vont rapporter 2% suscitent l’attente d’un rendement de 6% par exemple et sont évalués selon. Dans une récession, c’est l’inverse, “on évalue à moins que rien” le rendement d’investissements qui pourraient rapporter 6%.
Il en résulte une prophétie autoréalisatrice dans laquelle un chômage massif réduit à moins que rien le rendement de ces investissements. “Nous atteignons un point dans lequel le logement est insuffisant“, écrit Keynes, “mais où néanmoins personne n’a les moyens de vivre dans les maisons existantes”.
Sa solution est simple: “Il ne faut pas corriger le problème du cycle des affaires en supprimant les booms et en restant de ce fait dans un semi-ralentissement permanent, mais en abolissant les ralentissements de manière à rester dans un état d’essor permanent“.
Pour lui, le problème sous-jacent tient à un dysfonctionnement des canaux de crédit au sein de l’économie. La réaction financière à l’éclatement d’une bulle et la vague de faillites qui en résulte conduit les taux d’intérêt en dessous de zéro, alors qu’il existe encore bien des manières de mettre les gens au travail de manière productive.
Aujourd’hui on reconnaît que le dysfonctionnement du crédit peut provoquer un ralentissement économique. Face à cette situation il existe trois solutions classiques. La première est une politique budgétaire expansionniste, l’État compensant la faiblesse de l’investissement privé.
La seconde est de choisir une cible d’inflation plus élevée, ce qui permet aux banques centrales de réagir plus facilement aux crises financières. Et la troisième consiste à adopter des mesures drastiques pour réduire l’endettement et le crédit, notamment dans l’immobilier, pour éviter la formation d’une bulle des prix alimentés par le crédit.
A ces trois solutions, Keynes aurait sans doute ajouté une quatrième, ce que l’on appelle aujourd’hui le “Greenspan put” – c’est à dire le recours à des mesures monétaires pour valider le prix maximum des actifs atteint lors du boom.
Malheureusement, dans un monde dans lequel les responsables politiques semblent hypnotisés par l’austérité, et avec une inflation cible de 2% qui semble gravée dans le marbre, les choix sont très limités. C’est pourquoi l’explosion d’une petite bulle peut avoir un effet dévastateur.