ÉLÉMENTS: Vous tentez une comparaison entre limage de la femme chez Balzac et chez Houellebecq. Qu'est-ce que cette comparaison nous apprend ?
EUGÉNIE BASTIÉ. Balzac et Houellebecq sont des auteurs intéressants car ils décrivent chacun la « comédie humaine » de leur époque, ce sont des romanciers-sociologues; je pense d'ailleurs que c'est souvent la littérature qui est la vraie sociologie. Chez Balzac, la femme est le centre du jeu social, qu'elle soit séductrice, qu'elle manigance, qu'elle soit femme de cœur ou femme de tête, alors que chez Houellebecq elle est souvent réduite à une pute ou à une emmerdeuse. Il décrit un monde où la femme et la mère disparaissent. Contrairement à Éric Zemmour - qui, je pense, se trompe lourdement sur ce point -, il a compris que nous ne vivions pas du tout une phase de féminisation de la société. La prof de lettres désabusée, la musulmane, la pute thaïlandaise, l'artiste, la journaliste, etc. : autant de figures différentes qui témoignent pourtant dans ses romans d'une réduction radicale de l'imaginaire féminin symptomatique de ce qu'a provoqué le féminisme, c'est-à-dire une dévalorisation de la femme.