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géopolitique - Page 847

  • « Il est dur d’être turc ». Analyse d’un ouvrage souverainiste eurasiste

    Membre de l’OTAN et candidate à l’UE, la Turquie compte un courant souverainiste pour qui la marche vers l’Europe est perçue comme une colonisation qui ne dit pas son nom. Tancrède Josseran présente un classique important pour connaître ce courant turc. Il s’agit de l’ouvrage de Suat Ilhan, Türk olmak zordur, (Il est dur d’être turc ), éd. Alfa, Istanbul.
    Depuis la fin des années 1980, un courant souverainiste (ulusalci) a émergé en Turquie. Toute l’originalité de ce mouvement réside dans son dépassement apparent du clivage droite-gauche. Il est le fruit d’une convergence de plusieurs traditions politiques différentes. Ainsi, une partie de la gauche kémaliste s’est rapprochée, par l’entremise des cercles militaires, de la droite radicale. Les tenants de cette synthèse conjuguent le rejet de l’impérialisme occidental avec celui de l’affirmation d’une identité nationale et étatique forte. Hostile au processus d’adhésion à l’Union européenne, favorable à la constitution d’un axe continental eurasiste avec Moscou, rejetant la mondialisation libérale, ce courant fait également appel aux grands canons du kémalisme traditionnel : refus des alliances militaires inégales, insistance sur l’idée d’une voie particulière au monde turc.
    Suat Ilhan est aujourd’hui l’un des représentants les plus connus de cette mouvance souverainiste. Dans ce livre en forme de manifeste, S. Ilhan brosse un panorama de l’histoire des Turcs et des grands défis auxquels ils sont confrontés.
    Suat Ilhan (1925-), ancien officier supérieur de l’armée turque, breveté de l’Académie militaire et de l’École d’artillerie (l’arme d’élite en Turquie) est un des maîtres de la pensée géopolitique turque contemporaine. Entre 1995 et 2006, il dirige au sein de l’Académie de Sécurité nationale (Milli Güvenlik Akademisi), la chaire de géostratégie. Comme une partie de l’armée sceptique quant au processus d’adhésion, S. Ilhan souligne non sans justesse que les orientations initiales de la politique turque ont été dévoyées, que l’appartenance à l’OTAN, la candidature à l’Union européenne sont autant de pertes de souveraineté et de reniement du kémalisme originel. Bien que rejetant l’islam politique, S. Ilhan établit au nom de la continuité nationale un lien entre les racines antéislamiques des Turcs, l’Empire Ottoman et la République. Toute l’histoire turque est comprise comme celle d’une « culture nationale » dont les traditions ont perduré à travers les âges pour trouver leur accomplissement ultime dans l’Etat kémaliste. Pour S. Ilhan, la Turquie doit devenir un acteur géopolitique à part entière en jouant de sa place centrale dans l’ensemble culturel turcique et non plus être l’objet des manipulations des puissances périphériques. L’idée d’un espace géographique d’envergure continentale amène S. Ilhan à souligner l’inévitable communauté de destin entre la République turque et ses épigones d’Asie Centrale.
    Le peuple de la steppe
    Au début de l’ère chrétienne, les ancêtres des Turcs, descendent progressivement des forêts sibériennes et atteignent les steppes d’Asie centrale. Ils chassent ou incorporent les populations indo-européennes préexistantes. Cette fusion est à l’origine des caractères spécifiques de la « race » turque. Avec le passage de la taïga à la steppe, les Turcs passent de la civilisation du chasseur-cueilleur à celle du cheval. Ils se meuvent sans difficulté dans les vastes étendues de l’Altaï et harcèlent sans discontinuer la Chine. Le centre de gravité de cet empire est délimité au nord par le lac Baïkal, au sud par le désert de Gobi. Au milieu coule une rivière, l’Orkhon, véritable îlot de verdure perdu dans l’immensité désolée. En ces lieux ont été retrouvées des inscriptions à la fin du XIXe siècle. Elles proclament à la face des siècles la grandeur du peuple turc et mettent en garde contre les dangers de l’acculturation qui guette la horde nomade. Textes fondateurs du nationalisme moderne turc, elles sont le fil conducteur du livre d’Ilhan. Ainsi, bien des vagues de cavaliers après avoir conquis la Chine se sont retrouvées subjuguées par leur conquête et au final absorbées. En ce sens, le titre du livre prend toute sa signification. « Il est dur d’être turc », est un avertissement [1]. Ce qui menace le peuple turc n’est pas tant l’asservissement, la défaite militaire mais l’oubli de ses racines, la perte de sa plus longue mémoire.
    Cavaliers réputés, les Turcs inventent la selle et l’étrier et font de redoutables archers. La distance et l’éloignement dans l’espace en Asie Centrale empêchent la création de forte entité étatique. Aussi la condition première à la survie d’un groupe organisé réside dans l’utilisation du cheval. Dans l’histoire turque la domestication du cheval est capitale [2]. Elle est la deuxième qualité la plus importante après la fonction guerrière. Suat Ilhan, résume : « Notre culture, depuis les premiers millénaires, découle de la géographie de l’Asie centrale et a pris la forme d’une culture du cavalier de la steppe » [3]. Cette caractéristique fait que tout en préservant une culture originale, les Turcs ont été capables d’emprunts à d’autres cultures. « À la fin des guerres nous avons empêché les autres cultures de fusionner dans la notre, mais nous avons pris dans les autres cultures ce que nous estimions le plus conforme à nos traditions » [4]. Dans une certaine mesure, S. Ilhan pense retrouver dans l’histoire pré-islamique des Turcs tout ce qu’est censée apporter deux mille ans plus tard la révolution kémaliste : la notion d’égalité entre les sexes, l’idée d’une société organique refusant l’antagonisme des classes, les qualités guerrières inhérentes à la « race » turque. S. Ilhan remarque « en raison des menaces qui ont pesé dans l’histoire turque, le soldat est un élément essentiel, ses qualités sont primordiales » [5].Il retrouve également certaines permanences géopolitiques. La particularité d’un État enclavé en Asie Centrale est de faire face à des attaques venant de tous les côtés. Dans les tables de l’Orkhon, on peut lire : « La nation turque est menacée des quatre coins cardinaux par ses ennemis ». De « telles caractéristiques se retrouvent également dans la Turquie moderne » selon S. Ilhan [6].
    Suat Ilhan est un membre actif de la Haute Fondation Atatürk pour la culture, et la langue et l’Histoire (Atatürk Kültür, Dil ve Tarih Yüksek Kurumu - AKDTYK) qui centralise la vie culturelle depuis 1982. Elle est à l’origine de la synthèse turco-islamique, véritable idéologie d’État mise en place par l’armée après l’intervention militaire de septembre 1980. D’après la fondation, l’État a pour devoir de sauvegarder l’identité nationale, les deux piliers en sont la culture des steppes et les valeurs de l’Islam. Dans un contexte de fortes tensions internationales et sociales, où terrorismes de droite et de gauche se répondent mutuellement, l’armée voit en l’Islam la force susceptible de stabiliser la société et d’unifier la nation autour d’un socle commun [7]. La synthèse turco-islamique opère une fusion entre le passé antéislamique des Turcs et la foi de Mahomet. L’Islam a transcendé la culture turque, qui, sans lui, aurait périclité ; mais la turcité a sauvé et propagé l’Islam à travers le monde. Sans les Turcs, l’Islam aurait succombé sous les coups des croisés au XIe siècle [8] . C’est ici que transparaît dans les écrits d’Ilhan, l’idée d’une destinée manifeste. De tout temps les Turcs auraient été prédestinés à l’Islam. Le passage au monothéisme aurait été rendu possible par une forme d’hénothéisme, la croyance en un Dieu supérieur à tous les autres : « L’histoire de notre croyance est celle d’une prédilection spéciale. Avant l’arrivée de la croyance en un Dieu unique découlant des religions universelles, le chamanisme et son système de croyance psychique donnaient la direction, les coutumes turques étaient destinées à aboutir à une croyance unique. Dans les croyances turques préexistait l’idée d’un Dieu unique ou d’une seule personne divine » [9]. En d’autres termes, il existait une approche nationale de la religion chez les Turcs qui a perduré dans l’Islam, malgré son essence résolument universaliste. S. Ilhan poursuit jusqu’à sa conclusion logique son raisonnement : « Lorsqu’a été décidé le passage à la religion universelle, à l’Islam, l’ultime révélation, l’adoption s’est faite en moins de cent ans… Les Turcs ont reçu la charge de représenter et d’étendre l’Islam, d’en assurer la défense. Pendant neuf siècles, ils ont rendu service à l’Islam » [10].
    La révolution kémaliste
    De même que la République française n’a jamais caché sa filiation avec la tradition étatiste et centralisatrice de la monarchie, la république turque assume avec l’Empire ottoman une certaine continuité. La révolution kémaliste s’inscrit pour S. Ilhan dans un effort de contemporanisation (cagdas) du savoir et des connaissances. Il la situe dans la trajectoire des révolutions française, anglaise et américaine qui embrassent l’Occident du XVIIe au XVIIIe siècle [11] . « Avec la culture occidentale, écrit S. Ilhan, l’objectif est de parvenir étape après étape par s’approprier les acquis de la modernité, à adopter les changements contemporains en les mêlant à la culture turque » [12] . La Turquie est un pays à cheval sur deux mondes. Il est dès lors normal que les Turcs, peuple de nomades s’emparent de ce qui peut leur sembler utile dans la culture occidentale. Toutefois, il s’agit d’une culture laïque. L’incorporation d’éléments de la civilisation occidentale ne contredit pas l’essence nationale du projet kémaliste. Comme le note S. Ilhan, les « deux cultures religieuses ne se rencontrent pas et la culture turque n’est pas dénaturée » [13] . La grande erreur commise en Europe est de considérer Mustapha Kemal comme un occidentaliste ou un européiste avant l’heure. Toute son œuvre politique témoigne du contraire. C’est en luttant contre l’impérialisme occidental à l’occasion de la guerre d’indépendance en 1920 qu’il pose les fondements de l’État républicain. À aucun moment de son existence Kemal n’a utilisé le terme d’occidentalisation, mais a toujours insisté sur la contemporanisation. « Sans guerre d’indépendance, note S. Ilhan, il n’aurait pas pu y avoir d’État indépendant et de modernisation de la société » [14] . Dans cette rhétorique anti-occidentale, S. Ilhan va même plus loin, et n’hésite pas à faire de la guerre d’indépendance, la première victoire du monde musulman au XXe siècle : « L’aboutissement victorieux de la guerre de libération nationale, a de surcroît bénéficié aux pays musulmans et à l’Islam… Elle est le point tournant de la lutte entre Occident et Orient, Islam et christianisme » [15].
    Un Islam gallican ?
    Dès lors, comment S. Ilhan parvient-il à intégrer l’acquis majeur de la révolution kémaliste, c’est-à-dire la laïcité ? L’auteur reconnaît que c’est une question ardue. Depuis des siècles, la culture turque s’est formée au contact de l’Islam. « Les bases de la pensée s’appuient sur l’Islam ; les croyances, l’Histoire, les coutumes, les mœurs, le droit, le folklore, la morale, la science… L’Islam est le principal élément qui colore la culture » [16]. Par conséquent, pour S. Ilhan, il était impensable que le nouvel État se coupe du jour au lendemain de l’héritage islamique. Si coupure il y a, celle-ci doit permettre de libérer le politique du religieux en plaçant la mosquée sous le contrôle étroit de la République. En réalité, on assiste à la mise en place d’une laïcité concordataire pour ne pas dire d’un “Islam gallican”… L’Islam n’est « pas l’idéologie officielle de la République, elle est le système de croyance de la majorité des citoyens turcs » [17]. Le Ministère des affaires religieuses, le Dinayet, est la pierre angulaire de ce système qui permet à la fois d’affirmer la séparation du spirituel et du temporel, tout en maintenant la présence d’un Islam scientiste et national au cœur de la société. Les confréries religieuses n’ont pas à intervenir dans la gestion du culte sous peine de provoquer l’anarchie. L’article 1 du Dinayet stipule ainsi que le ministère des affaires religieuses a pour objet le bon fonctionnement des services relatifs à la croyance islamique. « Elle gère la religion et le culte dans un sens éclairé » [18]. Le Dinayet prend en compte l’histoire turque et les exigences de la laïcité. À juste titre Suat Ilhan rappelle que cette pratique de séparation du temporel et du spirituel n’est pas neuve chez les Turcs, et qu’il existe dès les Ottomans un droit laïc indépendant de la Charia. En outre, lorsque les Turcs venant d’Asie centrale font leur entrée à Bagdad en 1058, leur chef Tughril Beg se voit décerner par le calife abbasside le titre de Sultan. Le Calife, commandeur des croyants, se dépouille de ses prérogatives politiques pour les confier au Sultan et se concentrer sur son magistère spirituel [19]. Atatürk en fait de même lorsqu’il coupe le lien de souveraineté attachant l’État au califat, avant de supprimer définitivement le titre de Calife en 1924.
    Un État pivot
    La conscience d’appartenance à une aire géographique de taille continentale amène S. Ilhan à poser la question du pantouranisme. La Turquie est à la confluence de trois continents (l’Asie, l’Europe, l’Afrique). Elle contrôle les routes Nord-Sud et Est-Ouest [20] . Le monde turc, a son apogée, va des confins de l’Indus au bord du Nil, de l’Adriatique à la muraille de Chine. Le Taj Mahal en Inde, le pont de Mostar sur la Neretva, la Mosquée Tolun au Caire sont autant de « traces » de cette grandeur passée [21] .
    À l’époque moderne, le contrôle du bassin occidental de la Mer Égée et du Golfe persique était la clef de la position de la Sublime Porte en tant que puissance globale et indépendante. L’Empire Ottoman, dans sa lutte conte monde occidental fonctionnait, à la « manière d’un rideau protecteur pour le monde musulman ». Il entravait la marche des « puissances impérialistes », vers l’Afrique, l’Asie. Avec la fin de l’Empire ottoman, c’est l’ensemble du monde musulman qui s’est retrouvé « encerclé » [22]. Aujourd’hui, selon S. Ilhan, on retrouve dans la République kémaliste, les mêmes constances qu’à l’époque ottomane : « La géographie de la Turquie explique aussi bien les périls qui la menacent que les grands atouts qu’elle détient » [23] . En raison de ces atouts et de son emplacement stratégique, la Turquie et le monde turc restent un espace convoité. Aussi, pour S. Ilhan, les difficultés auxquelles se heurte Ankara sont-elles de quatre ordres :
    . « Le choc des civilisations » : S. Ilhan rapproche la notion de choc de civilisation de celle de guerre de religions puisque la « religion est le noyau essentiel de toute culture ». En raison de son dynamisme, de la puissance de son armée, de son poids dans le monde musulman, la Turquie est « une cible » [24].
    . « Le mondialisme » : S. Ilhan pointe du doigt comme autre grand péril la mondialisation à marche forcée. Le mondialisme travaille à effacer les États-nations car il les considère comme « une forme dépassée ». Le projet mondialiste est en contradiction fondamentale avec l’œuvre de Mustapha Kemal. « Atatürk a fondé un État-nation ; la république de Turquie est un État souverain, indépendant, il a été construit de cette façon. Or, le mondialisme occidental prend pour cible Atatürk et l’État-nation. Le mondialisme s’inscrit dans un cadre néo-impérialiste avec la banque mondiale, le FMI et l’OMC » [25].
    . « L’Union européenne » : opposé à tout abandon de souveraineté, S. Ilhan est donc logiquement hostile au processus d’adhésion. Un tel processus ne peut qu’aboutir à transformer la Turquie « en un État vassal ». La marche vers l’Europe est perçue comme une colonisation qui ne dit pas son nom. Les mesures d’harmonisation sont assimilées au régime des capitulations. Comme à l’époque du déclin de l’Empire ottoman, la Turquie est obligée d’abaisser ses barrières douanières, d’accorder des droits toujours plus importants à ses minorités. Plus grave encore, l’entrée dans l’Europe de Bruxelles sonne le glas de l’identité turque. Pour S. Ilhan : « Nous avons été en lutte 500 ans avec l’Europe, et nous voulons intégrer une telle société. La révolution turque est originale… Nous devons avoir en mémoire l’exemple des Turcs Tabgaç qui se sont fondus en Chine » [26] .
    . « Le pétrole » : la Turquie n’a pas de ressources pétrolières mais de par sa situation géographique elle fait figure de collecteur énergétique [27]. Son emplacement entre zone de production et zones de consommation attise les tensions. Les États-Unis, dans leur souci de contrôle des ressources en hydrocarbures de la planète, veulent éviter que l’Iran ou la Russie puissent contrôler les routes d’approvisionnement énergétique en provenance d’Asie Centrale (10 % des ressources en gaz et en pétrole de la planète). Le tracé du pipeline permettant le désenclavement du pétrole de Bakou via la Turquie illustre cette volonté d’éviter l’espace russe. Le Bakou-Tiflis-Ceyhan (BTC) exporte à travers la Géorgie jusqu’à la Méditerranée la production en gaz et hydrocarbure d’Azerbaïdjan. En outre, le projet Nabucco envisage d’étendre ces pompes énergétiques à l’ensemble de la Mer Caspienne en y adjoignant le Turkménistan.
    Le dilemme du monde turc est qu’il est encastré entre la Chine puissance émergeante, la Russie puissance renaissante et sujet aux appétits américains. À partir de la fin de la Guerre froide (1990), les États-Unis sont la seule puissance hégémonique. Dès lors, leur politique vise « à empêcher l’émergence d’une autre puissance globale susceptible de les concurrencer. Chose qui ne peut se passer qu’en Eurasie. Le monde turc du fait de son positionnement entre Russie, Chine, Inde, devient un enjeu » [28]. Ce projet géopolitique de grande ampleur s’accompagne également d’un volet idéologique. Les révolutions de couleurs qui ont touché les républiques d’Asie Centrale en sont la partie immergée : « Ils apportent le morcellement en répandant la démocratie, ainsi l’Occident entre et peut prendre plus facilement contrôle de la politique, de la culture, de l’économie » [29] .
    Favorable à une réorientation eurasiste
    S. Ilhan estime qu’Ankara doit réorienter sa politique dans un sens eurasiste. Il défend une option continentale radicale. Trop longtemps, la Turquie a essuyé les contrecoups des manipulations périphériques des États-Unis. Ce ressac incessant l’a empêchée d’affirmer sa propre spécificité et l’a coupée de son environnement géopolitique naturel. S. Ilhan estime que la Turquie n’a pas à épouser les desseins des États-Unis dans leur politique de néo-containement à l’égard de la Russie et de la Chine. Au contraire, la Turquie, État pivot, doit élaborer une politique étrangère indépendante. S. Ilhan est favorable à un rapprochement pragmatique avec Moscou. Il permettrait de faire contrepoids à Washington et en même temps limiterait l’influence de Pékin dans la région [30]. S. Ilhan se réfère à l’Eurasisme. Ce courant intellectuel ancien appelle à l’union de la steppe et de la forêt, des Turcs et des Slaves. Au XXe siècle, l’historien soviétique Lev Goumilev a synthétisé ces données dans un ouvrage fondamental, Ethnogénèse et biosphère. Un nouvel ensemble politique à la croisée de deux civilisations continentales reconstituerait l’empire de Gengis Khan. Au carrefour des routes énergétiques, la Turquie serait en mesure de jouer un rôle décisif sur l’échiquier planétaire et ne serait plus l’otage du bon vouloir de la thalassocratie anglo-saxonne. Le courant eurasiste turc (Avrasyacilik) est scindé en deux branches. Le premier dans l’orbite d’Alexandre Douguine défend un partenariat fort avec Moscou (Dogu Perinçek). Le second estime que sans exclure un rapprochement avec la Russie ou la Chine, le centre de gravité de gravité de la futur eurasie reste le Turkestan (Ümit Özdag, Suat Ilhan).
    Les cercles militaires sont très réceptifs à ces thèses. L’ancien secrétaire général du Conseil national de sécurité, le général Tuncer Kilinç, a publiquement défendu l’idée d’une sortie de l’OTAN et de l’abandon du processus d’adhésion à l’Union européenne pour un rapprochement avec l’Iran et la Russie [31].
    Avec la fin de l’Union soviétique, la Turquie a tenté de réaffirmer son rôle de chef de file du monde turcique de l’Égée à la Chine. Cependant, concède S. Ilhan, ces aspirations ne se sont pas concrétisées. Beaucoup d’occasions ont été perdues dans la décennie 1990. Mais l’essentiel n’est pas là. Le Touran plus qu’un projet, est un rêve. Il est le point de repère d’un inconscient collectif en quête de grandeur. Les mots tracés sur les stèles de l’Orkhon continuent peut-être à murmurer au vent dans l’immensité de la steppe : « Princes turcs, nation turque, écoutez ceci ! Comment la nation turque fut rassemblée, comment l’empire fut dirigé, je l’ai inscrit ici. J’ai gravé dans la pierre éternelle toutes ces paroles. Lisez-les et apprenez. Nation turque d’aujourd’hui, princes turcs, retomberez-vous dans les erreurs… » [32].
    Copyright Mars 2012-Josseran/Diploweb.com

    Tancrède Josseran http://www.voxnr.com

    Notes :

    Tancrède Josseran est spécialiste de la Turquie, auteur de « La Nouvelle puissance turque… l’adieu à Moustapha Kemal », Paris, éd. Ellipses, 2010. Il dirige l’Observatoire du monde turc et des relations euro-turques pour la Lettre Sentinel Analyses et Solutions.
    Plus :
    Voir sur le courant néo-eurasiste russe une présentation par Philippe Condé de "L’empire au miroir. Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie", par D. Chaudet, F. Parmentier et B. Pélopidas (Genève-Paris : Librairie Droz, 2007)
    [1] Suat Ilhan, Türk olmak zordur, (Il est dur d’être turc), Alfa, Istanbul, 2009.
    [2] Ibid.p.610.
    [3] Ibid.p.13-14.
    [4] Idem
    [5] Ibid.p.610.
    [6] Idem.
    [7] Etienne Copeaux, Espace et temps de la nation turque, CNRS Editions, Paris 2000.
    [8] Op.cit. (1).p.556.
    [9] Ibid.p.16.
    [10] Idem.
    [11] Ibid.p.674-688.
    [12] Ibid.p.673.
    [13] Ibid.p.714.
    [14] Ibid.p.693.
    [15] Ibid.p.708.
    [16] Ibid.p.726.
    [17] Ibid.p.728.
    [18] Ibid.p.727.
    [19] Ibid.p.729.
    [20] Ibid.p.605.
    [21] Ibid.p.632.
    [22] Ibid.p.556.
    [23] Ibid.p.602.
    [24] Ibid.p.18-19.
    [25] Ibid.p.19-20.
    [26] Ibid.p.20.
    [27] Idem.
    [28] Ibid.p.638.
    [29] Ibid.p.640.
    [30] Ibid.p.641.
    [31] Hürriyet, 8 mars 2002, “AB disinda, rusya ve Iran’la yeni arayasi girilmeli”, ( À l’extérieur de l’UE, l’on doit entreprendre une nouvelle approche avec la Russie et l’Iran).
    [32] Op.cit. (7). p.168.

  • Le terrorisme sert à terroriser et Obama en est le champion

    On croyait avoir déjà tout connu : Colin Powell et sa fiole de poudre de perlimpinpin à l’ONU, les New-Yorkais calfeutrés chez eux, fenêtres hermétiquement closes au scotch marron dans l’attente d’un attentat à l’arme chimique, des agents de la CIA trahis par leur propre gouvernement pour couvrir ses magouilles… Les sbires de Bush, croyait-on, avaient tout tenté – et peut-être tout fait ? 1 – dans le registre de la trouille au ventre pour manipuler leur opinion publique et nous avec.

    À l’évidence, Barack Obama a bien retenu la leçon. Désigné par les révélations de Snowden pour ce qu’il est, soit un président des États-Unis semblable à tous ceux qui l’ont précédé, n’agissant que pour sa gueule, tout pour sa gueule, rien que pour sa gueule au mépris de tous les accords et toutes les conventions internationales, il choisit pour s’en sortir la méthode habituelle : la trouille.

    Ce bel homme à la peau bronzée et au sourire Ultra Brite qui a reçu en « à-valoir » un prix Nobel de la paix en 2009, ce chantre de la démocratie et des libertés s’assied comme ses prédécesseurs sur le droit international. Avec sa bénédiction, son PRISM nous a tous fichés, enregistrés, traqués. Pour notre bien, assurément, puisqu’il s’agit là encore de « terroriser les terroristes ». Mais Snowden a tout balancé, comme le soldat Manning avant lui, et la planète politique feint de s’offusquer. Alors, pour faire de nouveau briller les étoiles de sa bannière et redorer le S de son caleçon de Superman, Obama nous refait le coup d’Al-Qaïda et de ses attentats géants pour la fin du ramadan. Un piège déjoué par qui ? Par PRISM, bien sûr. Comme ça tombe bien !

    Des preuves ? Pas besoin, puisqu’on nous le dit. Et les copains, les Hollande et compagnie, d’annoncer au porte-voix qu’ils ferment leurs ambassades. Une publicité sans précédent, comme le souligne Le Point, relevant que les États « ne communiquent que très rarement sur les mesures de sécurité qu’ils prennent dans leur réseau diplomatique ». Mais que ne ferait-on pas pour notre grand allié, ange du Bien et parangon de la Vertu ?

    Aujourd’hui, les USA évacuent avec force publicité leurs ressortissants du Yémen, pays dont le président et les forces armées apportent « toute leur coopération » aux États-Unis dans leur lutte contre le Mal. « Nous avons vu Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) battre en retraite des territoires qu’il contrôlait », a déclaré Obama voilà quelques jours, oubliant de mentionner les pilonnages répétés par des drones américains contre des extrémistes présumés. Oublié de dire aussi que les Yéménites constituent toujours le plus fort contingent des détenus de Guantánamo, détenus jamais inculpés ni jugés et prison dont le président des États-Unis promet depuis plus de quatre ans la fermeture.

    La tricherie et le cynisme sont les maux endémiques des États-Unis. Obama n’est pas pire que ses prédécesseurs, il est juste pareil à eux. La bêtise du monde est d’avoir pensé qu’il pouvait être différent.

    Marie Delarue dans Boulevard Voltaire

    http://fr.altermedia.info/

  • Algérie : appel à livrer la guerre au peuple Kabyle et à raser les églises suite à l’acte des non-jeûneurs

    Suite de l’affaire des kabyles ayant mangé en plein jour et en public en Algérie. Les réactions négatives ne se sont pas faites attendre, tout comme les appels à la haine. Diviser pour mieux régner ou justifier certaines attaques, quoi qu’il en soit, mieux vaut observer et analyser la situation plutôt que de prendre l’info brute et se fourvoyer. N’oubliez pas que si l’Algérie à échappé jusqu’à présent aux printemps arabes, le pays n’en est pas moins dans le viseur d’autres nations quand aux ressources naturelles notamment…

    Le 3 août, des centaines de personnes ont mangé en public en plein ramadan à Tizi-Ouzou en Kabylie pour affirmer la liberté de conscience et dénoncer l’Inquisition de l’État. Un rassemblement s’est tenu à Montréal le même jour par solidarité. Dans cette interview diffusée sur Dzaîr le 4 août au JT Soir, Samia Ait Tahar, initiatrice de cette action, explique la démarche des non-jeûneurs :

    Les réactions ne se sont pas fait attendre. Les non-jeûneurs se sont attirés les foudres du Haut conseil islamique d’Algérie. (source : AFP via 20 minutes) :

    « Nous condamnons avec force cette attitude qui relève de la provocation et de l’exhibitionnisme », déclare le HCI qui critique cette « minorité d’individus » qui ont affiché « avec ostentation leur non respect du jeûne en plein jour ».

    L’instance officielle affirme sa « solidarité avec la population de Tizi Ouzou et à sa tête les imams et les forces politiques représentatives de la région qui se sont fermement opposés à cette minorité de semeurs de discorde ». Citant l’un des préceptes de l’islam sur la liberté de conscience, le HCI estime que les manifestants « ne se seraient pas livrés à une telle provocation s’ils n’étaient encouragés par certains cercles à l’intérieur du pays, notamment certains médias, mais aussi à l’étranger et qui oeuvrent à déstabiliser notre Nation ».

    Ils ont également suscité une violente réaction des islamistes, dans un langage qui n’est pas sans rappeler celui des fanatiques ayant massacré 200.000 Algériens dans les années 1990. (source : Tamurt.info) :

    Les islamistes appellent à une guerre contre le peuple Kabyle. Le déjeuner contre l’inquisition organisé, samedi dernier, à Tizi Wezzu, a provoqué l’ire des arabisants et des islamistes. [ ]

    Ils ont violemment critiqué les militants du MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie) et le président du Gouvernement provisoire kabyle, Ferhat Mehenni. Un appel est lancé à tous les Algérois de brûler le drapeau Kabyle et les poster du MAK, le mercredi prochain, 07 aout.

    Selon un militant du MAK qui a été présent à Alger, les intégristes ont appelé au meurtre de tous les militants de la cause berbère. Cela s’est passé en présence des éléments des services de sécurité qui n’on pas réagi à ces appels aux meurtres. « Nous demandons à nos frères Moudjahidine dans les maquis de Kabylie – allusion faite aux terroristes – de raser toutes les églises en Kabylie et de liquider physiquement tous les mécréants », a lancé un barbu.

    Source+vidéo: Agoravox.tv

  • Obama, un président sous l’influence du “puissant lobby de la guerre froide”

    L’asile accordé à Edward Snowden était la goutte de trop : le président des Etats-Unis annule sa visite à Moscou. Sur place, la presse est deçue et craint deux ans d’âge de glace dans les relations américano-russes.

     

    C’est une événement sans précédent depuis la fin de la guerre froide. Barack Obama refuse de rencontrer le président russe Vladimir Poutine après que Moscou ait attribué l’asile pour une année au lanceur d’alerte américain Edward Snowden. L’homme, dont Washington demande l’extradition depuis des semaines, n’est pourtant que le dernier litige en date, après plusieurs mois de tensions.

    Les Etat-Unis déplorent notamment l’interdiction faites aux familles américaines d’adopter des enfants russes, l’obligation des ONG recevant des financements étrangers de s’enregistrer comme “agents de l’étranger et l’adoption d’une législation sanctionnant la “propagande homosexuelle” devant mineurs de peines de prison.

    Mais à Moscou, les réactions sont réservées, teintées de déception et de politesse.

     

    La décision de Barack Obama “est liée au cas de l’ex-collaborateur des services secrets américains Edward Snowden, une situation qui n’a pas été créée par nous“, a déclaré Youri Ouchakov, conseiller du président Vladimir Poutine, cité par le journal en ligne Vzgliad. Pour lui, “cela prouve que les Etats-Unis ne sont pas prêts à construire les relations avec la Russie sur des bases d’égalité“.

     

    Le refroidissement entre Washington et Moscou va retarder la discussion sur des questions importantes [la défense anti-missile, la réduction d’armes conventionnels, la guerre en Syrie, le programme nucléaire iranien, l'affaire Snowden, etc.] jusqu’à ce qu’une nouvelle ‘fenêtre d’opportunité’ s’ouvre, mais cela n’arrivera pas avant un à deux ans“, analyse le quotidien russe Nezavissimaïa Gazeta.

     

    De son côté, le directeur de l’Institut russe des Etats-Unis et du Canada, Serguéï Rogov, constate que “la crise dans les relations bilatérales n’a pas pu être évitée, et une chance a été perdue de donner une nouvelle impulsion à l’agenda russo-américain“.

     

    Le quotidien russe Izvestia qualifie la réaction d’Obama d’ “asymétrique, qui “met en péril la relance des relations bilatérales“. L’expert de la Fondation russe pour le développement de la société civile, Maxime Minaev, rappelle qu’en 2010, “la traîtrise de l’agent du service de contre-espionnage russe Alexandre Poteev et l’arrestation d’un groupe d’espions russes qui s’en est suivie, n’ont pas conduit à l’annulation de la visite aux Etats-Unis du président Dmitri Medvedev“.

     

    Pour le directeur de l’Institut de recherche politique russe Serguéï Markov, Obama a été victime du “puissant lobby de la guerre froide au Sénat et au Congrès, et qui l’empêche d’améliorer les relations avec la Russie“.

     

    L’optimisme raisonnable est pourtant de mise, estime dans les pages de Nezavissimaïa Gazeta l’académicien Alexéï Arbatov, car “dès qu’une nouvelle porte politique s’ouvrira, on pourra trouver un compromis, il n’existe pas d’obstacles infranchissables. Par le passé, il y avait aussi des problèmes complexes, mais les deux pays les ont résolus.

     

    Le conseiller du président Youri Ouchakov ajoute que “dans les relations russo-américaines, il y a beaucoup d’émotions négatives, et une discussion entre les deux présidents aurait été utile, mais – hélas – le refus d’Obama de venir à Moscou ne permet pas d’entamer le dialogue“. Mais le spécialiste de tempérer : “Il faut accepter cette décision [d'Obama] calmement. Le monde ne se retournera pas, et le ciel ne tombera pas sur la terre“.

     

    Courrier International   http://fortune.fdesouche.com

  • Hollande et ses Aliés Terroristes veulent Détruire la Syrie et Imposer la Charia …


    Hollande et ses Aliés Terroristes veulent... par Darwin_Kayser

  • Pourquoi faut-il être anti-américain ? par Robert Steuckers

     

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    1. Parce que l'Amérique est l'ennemi géopolitique:

    Quand l'Amérique a proclamé la Doctrine de Monroe en 1823, elle souhaitait chasser les puissances européennes hors du Nouveau Monde et les remplacer en Amérique latine. C'était de bonne guerre. Mais elle n'a pas poursuivi cette politique de domination de l'hémisphère occidental, où un nord développé entendait organiser un sud moins développé. Infidèle à la Doctrine de Monroe, elle n'a cessé d'intervenir en Extrême-Orient et en Europe, pour empêcher les processus d'unification continentale à l'¦uvre dans ces régions du monde. D'isolationniste, l'Amérique est devenue interventionniste, mondialiste, globaliste. Elle a cassé les axes de développement nord-sud, créant en chaîne des conflits est-ouest. Or toutes les oppositions est-ouest de l'histoire génèrent des conflits insolubles, des guerres civiles au sein des unités civilisationnelles. Pour nous, l'avenir réside a) dans une collaboration nord-sud eurafricaine, où la Russie est partie intégrante de l'Europe et où les flux migratoires s'écoulent vers le sud, et b) dans une synergie pacifique nippo-centrée où les flux migratoires et culturels s'écoulent également vers le sud, sans interférences américaines.

    2. Parce que l'Amérique est l'ennemi intérieur:

    L'Amérique est en nous, parce que le parti américain détermine la gestion de nos Etats et influe leur diplomatie. L'Amérique parie toujours sur les strates sociales corruptibles pour installer son pouvoir. C'était évident au Sud-Vietnam comme ce l'est depuis toujours en Amérique latine. Mais, à regarder de près, cette règle ne vaut-elle pas pour l'Europe aussi? Lutter contre l'Amérique signifie lutter contre les strates sociales qui hissent l'économisme au rang de valeur cardinale, oubliant que les règles de la politique nécessitent d'autres vertus, non matérielles, et que la "plus-value de légitimité" repose sur la mémoire historique et non sur le présentisme de la jouissance. Le parti américain regroupe ceux qui ont perdu le sens de l'Etat, du devoir politique, pour poursuivre des objectifs lucratifs, toujours axés sur le court terme. A ces politiques à court terme, nous opposons le long terme de la mémoire historique.

    3. Parce que l'Amérique est l'ennemi culturel:

    Les Etats-Unis véhiculent une culture purement individualiste et dépourvue de racines pluriséculaires voire plurimillénaires. Cet individualisme et cette absence de mémoire ont un effet dissolvant sur les cultures périphériques, ne disposant pas d'emblée d'un "marché" de 250 millions de consommateurs. Sur l'ensemble de la planète, la culture léguée par les ancêtres fait peu à peu place à une culture artificielle, construite à l'aide d'affects psychologiques, de lambeaux de mythe, de fiction minable, collés bout à bout. Cette culture artificielle n'est pas arrivée en Europe et en Asie de manière fortuite: elle y a été sciemment greffée. Rappellons que la France a été mise au pied du mur en 1948: ou elle acceptait sans restriction l'importation massive de produits culturels et cinématographiques américains ou elle était rayée de la liste des bénéficiaires du Plan Marshall. L'Amérique, en tant que puissance dominante, pratique l'ethnocide culturel; quand les peuples auront perdu leur mémoire, ils seront archi-mûrs, c'est-à-dire suffisamment pourris, pour accepter le super-ersatz offert par Washington. Mais cette éradication à l'échelle planétaire des mémoires recèle le danger de l'uniformité: elle ôte quantité de potentialités à l'humanité, quantité d'alternatives, qui auront été gommées irrémédiablement.

    4. Parce que l'Amérique est l'ennemi du genre humain:

    L'Amérique a réintroduit dans la pratique politique et diplomatique la notion d'"ennemi absolu", c'est-à-dire d'un ennemi qu'il ne s'agit plus seulement de vaincre mais d'exterminer. Tous les peuples de la planète peuvent devenir, au gré des circonstances, ennemis de l'Amérique. Ils risquent l'extermination, à l'instar des populations amérindiennes, liquidées par des couvertures vérolées, de l'alcool frelatée, les balles de la cavalerie, etc. Le XVIIIième siècle et l'Europe du XIXième, régie par la Pentarchie (France, Angleterre, Prusse, Autriche, Russie), avaient tenté d'humaniser la guerre, de traiter correctement les prisonniers, de soigner les blessés, de mettre les populations civiles à l'abri des conflits. L'irruption de l'Amérique dans les conflits du monde, surtout à partir de la dernière guerre mondiale, a conduit à la destruction massive d'objectifs civils (Dresde, Hiroshima, Hanoï, villages vietnamiens, Panama), au pilonnage de colonnes en retraite (Koweit/Irak), au meurtre collectif des prisonniers de guerre (les "morts pour raisons diverses", dont a parlé l'historien canadien James Bacque). Cette déshumanisation de la guerre dérive en droite ligne de l'idéologie messianique américaine: quand une personne, un pouvoir ou une puissance politique croit détenir la Vérité Ultime, elle ne tolère plus la moindre déviation idéologique, la moindre entorse à sa volonté. Et elle frappe. Cruellement. Sans égard pour autrui. Parce qu'il incarne le Diable. Aux guerres messianiques, réintroduites par les Etats-Unis, nous entendons substituer un nouveau jus publicum qui redonnera à la guerre une dimension moins absolue.

    The_Faces_of_Capitalism_by_Pit_Kuruma.jpg5. Que faire ?

    A l'heure où le capitalisme américain semble triompher, où il est de fait la dernière idéologie économique en lice, des lézardes strient déjà l'édifice. Au sein de l'économie-monde capitaliste, des contradictions apparaissent; ses pôles accusent des divergences entre eux parce que des mémoires culturellement déterminées les agissent en dépit de l'arasement que Washington avait voulu. Incontournable demeure la solidité des communautés japonaises et de l'épargne allemande, soit autant de signes que les peuples non-américains, même largement américanisés, ont le sens de la durée et ne se contentent pas de jouir de l'instant. Qu'ils privilégient le long terme et ne s'abandonnent pas entièrement à l'"individual choice", indice économique de l'American Way of Life. Et que ce pari pour le long terme, amorcé depuis plusieurs décennies déjà, en dépit de Reagan et de Thatcher,engrange désormais de formidables succès. L'éducation japonaise, le taux d'épargne nippon, scandinave et germanique, la formation des apprentis allemands en tous domaines, la plus-value que donnent tous les enracinements, battent à platte couture la permissivité américaine, l'économie basée sur le crédit, l'absence d'investissements pour la formation du personnel, l'absence de racines stabilisantes. Les Etats-Unis battent de l'aile parce que leurs écoliers demeurent analphabètes, ne maîtrisent même plus un anglais simplifié, parce que leurs ménages dépensent plus qu'ils ne gagnent, parce que l'angoisse de vivre, dû à l'absence de racines solides, conduit à la toxicomanie. Les rodomontades de Panama ou du Golfe n'y changeront rien.
    Nous Européens devons adopter le modèle rhénan du capitalisme (comme nous l'enjoint Michel Albert dans Capitalisme contre capitalisme), car ce modèle, malgré ses insuffisances, porte quand même en lui la volonté de parier sur l'éducation, d'investir dans la recherche et dans la formation, parce qu'il
    lie le passé au futur grâce à l'épargne de ses citoyens. En germe, cette forme incomplète de capitalisme génèrera la puissance,précisément parce qu'elle conserve des formes qui ne sont pas libérales: rigueur de l'enseignement et de la formation, qui ne sont possibles que si l'on ne se laisse pas aveugler par le profit à court terme, tare du libéralisme. Concrètement, lutter contre l'américanisme aujourd'hui, c'est soutenir toutes les politiques qui visent le renforcement de l'épargne des ménages, l'investissement massif dans la recherche et dans l'éducation, l'euro-centrage de nos énergies. Car alors nous aurons les armes qu'il faudra pour contenir les folies américaines au-delà de l'Atlantique. Et pour laisser, là-bas où le soleil se couche, l'anomalie historique américaine imploser, lentement mais sûrement.

    Robert Steuckers

    Source: http://robertsteuckers.blogspot.fr/2012/09/pourquoi-faut-...

    Note du C.N.C: Bien que nous soyons plutôt favorable au socialisme qu'à n'importe quelle forme de capitalisme, y compris rhénan, nous jugeons secondaire cet aspect du texte de M. Steuckers dont la pertinence est totale sur la question "américaine".

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com

  • Syrie : Bachar al Assad optimiste sur la fin prochaine des hostilités

     

    Syrie : Bachar al Assad optimiste sur la fin prochaine des hostilités

    DAMAS (NOVOpress) – Bachar al Assad (à gauche sur la photo en compagnie de Bernard Kouchner en 2010) a déclaré lundi que seule une défaite militaire des insurgés permettrait de mettre fin à la guerre civile qui déchire la Syrie depuis plus de deux ans. Le président syrien a souligné que son armée était en mesure de vaincre les insurgés « d’ici quelques mois » à condition d’être soutenue par le peuple. Le camp gouvernemental a engrangé depuis plusieurs mois une série de victoires, aidées par les chiites libanais du Hezbollah. Elles ont notamment permis à l’armée loyaliste de chasser les rebelles de Damas et de gagner du terrain dans la province centrale de Homs.

     

    « Le terrorisme et la politique sont diamétralement opposés », a souligné Bachar al Assad. « Il ne peut y avoir d’action politique et de progrès sur ce plan tant que le terrorisme frappera partout », a-t-il noté. Le remède ? « Aucune solution ne peut être trouvée face à la terreur, sauf en la frappant d’un poing de fer ». « Si en Syrie nous n’étions pas sûrs de la victoire, nous n’aurions pas eu la capacité de résister et nous n’aurions pas pu poursuivre (la bataille) », a ajouté le dirigeant syrien.

    Crédit photo : francediplomatie , via Flickr, (cc). http://fr.novopress.info

  • L’Iran, de la “révolution blanche” à la révolution tout court

     

    shah011.jpgJanvier 1978-janvier 1979. C’est au moment où elle se modernisait que la monarchie des Pahlavi s’est défaite dans la confusion. De là date l’essor de l’islamisme radical.

    Une tasse de thé, un dernier regard, Mohammad Réza Pahlavi quitte son palais presque vide, le 16 janvier 1979. Dans les jardins, il retrouve la chahbanou, puis gagne l’aéroport international de Téhéran. Un petit groupe les attend, mais ni ambassadeur étranger ni ministre. Des militaires supplient le chah de rester. Le général Badreï, chef de l’armée de terre, s’agenouille selon un vieil usage tribal et lui baise les genoux. Le chah enlève ses lunettes, le relève. Il pleure en public. À Chapour Bakhtiar, nommé à la tête du gouvernement deux semaines plus tôt, le 31 décembre 1978, il dit : « Je vous confie l’Iran et vous remets entre les mains de Dieu. »

    Le chah pilote lui-même son Boeing 707 jusqu’à la sortie de l’espace aérien iranien. Il craint une attaque surprise. Commence pour le souverain une longue errance. Rongé par un lymphome, repoussé par tous, il trouve asile en Égypte où il mourra le 27 juillet 1980. Il régnait depuis le 16 septembre 1941 et allait avoir 61 ans.

    Moins de dix ans plus tôt, il avait célébré à Persépolis les 2 500 ans de l’Empire perse dont il se voulait le continuateur. En même temps, son régime exaltait la modernisation de l’Iran et la “révolution blanche”, ce plan ambitieux de réformes lancé en 1963. La “grande civilisation” à laquelle le chah avait rendu hommage semblait de retour.

    Mais à quel prix ! Omniprésence de la Savak (la police politique), pouvoir autocratique, cassure entre la capitale et la province, fracture entre une élite occidentalisée et le peuple, autisme du chah qui ignore l’aspiration de la société à intervenir dans la vie politique, corruption, vénalité, et hausse des prix. À ceux qui évoquent les ravages sociaux et politiques de l’inflation, le chah répond : « Mon gouvernement m’assure du contraire. Vous ne répercutez que des bavardages de salon ! »

    La “révolution blanche” a heurté les plus traditionalistes de la société iranienne, les chefs de tribus et une partie du clergé conduite par un mollah nommé Ruhollah Khomeiny. Né en 1902, celui-ci nie toute valeur au référendum qui doit approuver la “révolution blanche”. C’est surtout la proclamation de l’égalité entre homme et femme et la modernisation du système judiciaire qui le font réagir car il estime que ce sont deux atteintes aux préceptes de l’Islam et du Coran. Sans oublier que la réforme agraire est, dit-il, préparée par Israël pour transformer l’Iran en protectorat…

    De Qom, ville sainte du chiisme, Khomeiny provoque le chah le 3 mai 1963. Il est arrêté. Suivent trois jours d’émeutes, les 15, 16 et 17 juin, 75 victimes, 400 arrestations et un constat : l’alliance “du rouge et du noir”, une minorité religieuse active et fanatisée avec les réseaux clandestins du Toudeh, le parti communiste iranien. Pour éviter la peine de mort à Khomeiny, des ayatollahs lui accordent le titre de docteur de la loi faisant de lui un ayatollah. Libéré, il récidive en 1964 et s’installe en Irak.

    Ces oppositions, le chah les connaît. Elles le préoccupent. Il lance un appel aux intellectuels pour qu’ils en discutent en toute liberté. En avril 1973 se réunit le “Groupe d’études sur les problèmes iraniens”, composé de personnalités indépendantes. En juillet 1974, un rapport est remis au chah qui l’annote, puis le transmet à Amir Abbas Hoveida, son premier ministre. « Sire, lui répond-il, ces intellectuels n’ont rien trouvé de mieux pour gâcher vos vacances. N’y faites pas attention, ce sont des bavardages. » En fait, il s’agit d’un inventaire sans complaisance de l’état du pays complété de mesures correctives avec cet avertissement : si elles ne sont pas prises au plus vite, une crise très grave pourrait éclater. Cinq mois plus tard, le chef de l’état-major général des forces armées remet à son tour un rapport confidentiel et aussi alarmant que celui des intellectuels : l’armée résistera à une agression extérieure mais un grave malaise interne peut mettre en danger la sécurité nationale.

    Ces deux avertissements venus du coeur même du régime restent lettre morte. Un nouveau parti officiel créé en 1975, un nouveau premier ministre nommé en août 1977 ne changent rien : les ministres valsent, les fonctionnaires cherchent un second emploi, le bazar de Téhéran gronde. Or dès l’année 1976, le chah sent que la maladie ronge son avenir. « Six à huit ans », lui a dit le professeur français Jean Bernard. C’est un homme fatigué qui affronte la montée de la violence révolutionnaire dans son pays.

    D’Irak, Khomeiny redouble ses attaques. Le chah, dit-il, n’est qu’« un agent juif, un serpent américain dont la tête doit être écrasée avec une pierre ». Le 8 janvier 1978, un article paru dans un quotidien du soir de Téhéran fait l’effet d’une bombe. Il s’agit d’une réponse virulente à Khomeiny, qui a été visée au préalable par le ministre de l’Information. Or la polémique mêle vérités et mensonges. Le lendemain, à Qom, des manifestants envahissent la ville sainte : un mort, le premier de la révolution. Le 19 février, quarante jours après ce décès, le grand ayatollah Shariatmadari organise à Tabriz une réunion commémorative. À nouveau, du vandalisme, des morts, des blessés. L’engrenage manifestation-répression est engagé. Et à chaque quarantième jour, à Téhéran, à Tabriz, à Qom, se déroule une manifestation qui tourne à l’émeute. La police appréhende des jeunes gens rentrés récemment des États-Unis et connus pour leur appartenance à des groupes d’extrême gauche, ou des activistes sortis des camps palestiniens, des individus ne parlant que l’arabe. Les forces de l’ordre ne tentent quasi rien contre eux.

    Le pouvoir s’affaiblit et s’enlise. Le chah nie la réalité, ignore le raidissement du clergé, continue à raisonner en termes de croissance de PIB. Et puis les Britanniques et les Américains ont leur propre vision de la situation ; ils conseillent de pratiquer une ouverture politique et de libéraliser le régime : le général Nassiri, cible de la presse internationale et qui dirigeait la Savak depuis 1965, est écarté en juin 1978. Loin de soutenir le chah, comme le faisait Richard Nixon, le président Carter envisage son départ et son remplacement. Au nom des droits de l’homme, les diplomates américains poussent aux dissidences les plus radicales. Une ceinture verte islamiste, pensent-ils, est plus apte à arrêter l’expansion du communisme soviétique.

    Le 5 août 1978, le chah annonce des élections “libres à 100 %” pour juin 1979, une déclaration considérée comme un signe de faiblesse. Le 11, débute le ramadan. Des manifestations violentes éclatent à Ispahan : pour la première fois, des slogans visent directement le chah. Le 19, se produit un fait divers dramatique : un cinéma brûle, 417 morts. Un incendie criminel. L’auteur ? Des religieux radicaux ? La Savak ? Le soir même, la reine mère donne un dîner de gala. L’effet sur l’opinion est désastreux, alors que les indices orientent l’enquête vers l’entourage de Khomeiny.

    Le nouveau premier ministre, Jafar Sharif- Emami, surnommé “Monsieur 5 %” tant il prélève de commissions, déclare sous le coup de l’émotion “la patrie en danger”. Le 7 septembre, 100 000 personnes manifestent à Téhéran avec des ayatollahs : des portraits de Khomeiny apparaissent. La loi martiale est décrétée pour le lendemain 8. Les manifestants prennent de vitesse police et armée. Ils veulent occuper la “maison de la Nation” et y proclamer une “République islamique”. Le service d’ordre tire en l’air, des tireurs embusqués ouvrent le feu sur la foule. C’est le “vendredi noir”, soigneusement « préparé et financé par l’étranger » affirment les auteurs. Au total, 191 victimes. La rupture entre le régime et les partisans de Khomeiny est totale.

    Le chah est anéanti. « Jamais, confie-t-il, je ne ferai tirer sur mon peuple ! » Lui qui croyait être tant aimé se sent trahi : « Mais que leur ai-je donc fait ? ». Un seul souci l’habite : éviter la guerre civile, sa hantise. Le “vendredi noir” marque le début de son inexorable chute.

    Le désordre et l’anarchie s’installent ; Khomeiny gagne la France, reçoit intellectuels et journalistes (mais pas ceux de Valeurs actuelles à qui les auteurs de l’ouvrage que nous citons en référence rendent hommage) qui raffolent de l’ermite de Neauphle-le-Château ; en Iran, les marches en sa faveur se multiplient et façonnent l’image d’une révolution romantique et démocratique ; les Américains organisent en secret la phase finale de leur plan : neutraliser l’armée iranienne et le haut état-major fidèles au chah. Les jeux sont faits.

    « L’Iran des Pahlavi n’était certes pas parfait, mais il était en pleine modernisation, écrira Maurice Druon dans le Figaro du 12 novembre 2004. Fallait-il pousser à le remplacer par un régime arriéré, animé par un fanatisme aveugle ? L’essor de l’islamisme radical date de là. »

    À lire Mohammad Réza Pahlavi. Le Dernier Shah/ 1919-1980, de Houchang Nahavandi et Yves Bomati, Perrin, 622 pages, 27 €.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Proche Orient: l'Occident, comme "un éléphant dans un magasin de porcelaine" Medvedev

    En s'ingérant dans les affaires intérieures de certaines régions, notamment au Proche-Orient, l'Occident se comporte comme "un éléphant dans un magasin de porcelaine", a déclaré le premier ministre russe Dmitri Medvedev dans une interview à la chaîne de télévision Russia Today.

    "Nos partenaires occidentaux se comportent souvent comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ils interviennent, détruisent tout à l'intérieur et puis ne savent pas qu'en faire. Je suis parfois étonné par leurs analystes et par le manque de cohérence de leurs projets", a souligné le chef du gouvernement russe.

    "Le printemps arabe, qu'est-ce qu'il a apporté de bien? La Liberté? Partiellement. Dans la plupart des pays, [il a eu pour conséquence] des affrontements sanglants, des changements de régimes et des troubles perpétuels", a poursuivi M.Medvedev avant d'ajouter que souvent l'Occident basculait des peuples entiers vers le point du non-retour.

    Sous prétexte d'une lutte pour les intérêts nationaux et pour les droits de l'homme, ils ont procédé à une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de plusieurs pays et ont conduit au pouvoir des régimes politiques favorables à leurs intérêts, a expliqué le premier ministre russe.

    "L'Irak est en proie à des tensions. Des dizaines de personnes y perdent la vie quotidiennement. (…) La Libye déchirée par cette guerre reste à ce jour morcelée, sans parler du sort horrible de [l'ex-dirigeant du pays Mouammar] Kadhafi. (…) La Syrie, elle aussi est au seuil d'un conflit armé. Ce pays est secoué par une guerre civile, ce qui est lamentable", a dit M.Medvedev avant de conclure que l'ingérence étrangère dans les affaires de ce pays, risquait d'engendrer encore un Etat de l'instabilité permanente.

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