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La voie eurasiste // A.Douguine // 25 mai 2013 Paris
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Marché transatlantique ? Dormez braves gens… Par Franck Vinrech
PARIS (NOVOpress) – Le marché transatlantique que Pierre Hillard qualifie d’OTAN économique est un projet qui ne date pas d’hier, sauf pour les médias qui semblent le découvrir comme toujours quand les dés semblent jetés. Pour le simple citoyen, même chose, un matin il se lève et apprend par la radio que l’on a commencé les négociations pour la mise en place d’un marché transatlantique qui va faire voler en éclat ce qui reste de nos protections sociales. Pas de souci, la vie continue, le soleil brille et l’on nous ressort les perpétuels marronniers estivaux. Surtout n’oubliez pas la crème solaire pour protéger bébé mais pour les protections sociales c’est dormez brave gens…
Les hommes politiques qui nous gouvernent nous construisent l’enfer sur terre et se gardent bien de nous le dire. Un monde où si vous n’êtes pas financièrement performants on vous laissera crever sans le moindre état d’âme. Pour préparer l’avènement de ce marché, il faut courber encore plus l’échine devant le libéralisme le plus inhumain. De très nombreuses lois passent en Europe aujourd’hui et en France pour faciliter cette mise en esclavage orwellien. Si vous pensez par exemple que la loi adoptée par le sénat le 14 mai 2013 et appelée “loi sur la sécurisation de l’emploi” est une bonne chose, c’est que vous ne voyez rien venir et que l’on vous a berné…
Ce projet utlra-libéral a toujours été en toile de fond de toutes les idées prônées par les membres de la French-American Fondation, organisation créé en 1976 et les raisons évoquées pour légitimer sa création vous donneraient la larme à l’œil. Ici, il s’agirait de “promouvoir le dialogue et de renforcer les liens entre les deux pays”. Inattaquable, ça sent l’amitié, la paix, personne ne peut être contre…
Au cœur de la FAF, il y a le programme des Young Leaders, un programme dont le but est “de renforcer les relations transatlantiques et entretient un réseau informel d’hommes et de femmes appelés à occuper des postes clefs dans l’un ou l’autre pays”.
Appelés à occuper des postes clés…En d’autres termes, être un young leader, c’est moyennant votre asservissement idéologique au mondialisme le plus libéral un formidable tremplin pour parvenir au sommet. Dans les participants réguliers, on trouve par exemple Clinton, le général Wesley Clark, l’ancien président de la Banque Mondiale Robert Zoellick, etc.Dans notre gouvernement actuel, plusieurs anciens young leaders sont identifiables à commencer par François Hollande… On trouve également le ministre de l’économie et des finances Moscovici mais aussi Arnaud Montebourg (anciennement M. Made in France), Najat Vallaud-Belkacem ou encore Marisol Touraine.
Hé oui, vous le constaterez par vous même, ils ne choisissent pas forcément les plus brillants mais les plus serviles.Évidement pour faire avaler la couleuvre, il faut à la FAF des hommes et femmes de médias dominants. Ici, on trouve Croissandeau (rédacteur en chef adjoint au Nouvel obs) Laurent Joffrin (PDG de Libé), des journalistes à la pelle comme Sylvie Kauffmann et Cojean (du Monde), Yves de Kerdel (Le Figaro), Guetta (France Inter), ou encore le fondateur de Slate Jean-Marie Colombani.
Pourquoi notre président a demandé deux ans supplémentaires à l’Europe pour retrouver un déficit de moins 3% comme exigé par le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) entré en vigueur le 1er janvier 2013 ? Parce que deux ans, c’est ce qui est prévu pour mettre en place le marché transatlantique qui doit voir le jour en 2015… La mécanique est parfaitement huilée et vit sa vie sans nous demander notre avis.
L’Union Européenne n’était finalement dès ses débuts qu’un système dont le seul but était d’enfanter le monstre transatlantique qui commencera sa carrière en dévorant les peuples européens…Franck Vinrech http://fr.novopress.info
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Moyen-Orient : évolutions récentes de la guerre en Syrie
Le conflit syrien se poursuit de la manière la plus rude. Il concerne désormais tous les pays de la région, selon des alliances antagonistes : l'Iran continue de soutenir fortement Bachar Al-Assad, tandis que l’Égypte, la Turquie, l'Arabie Séoudite et le Qatar jouent un rôle essentiel en faveur des rebelles. Ces derniers demeurent très divisés, et chaque faction n'est pas encouragée par les mêmes États. Le Liban et la Jordanie, principalement le premier, sont en voie de contamination par le conflit. L'Irak demeure en guerre civile larvée, le pouvoir chiite de Bagdad favorise le régime de Damas, assurant l'acheminement de matériels militaires et volontaires iraniens, par voie aérienne et terrestre, tandis que les rebelles sunnites de l'Ouest de l'Irak appuient leurs coreligionnaires insurgés syriens, par une frontière de facto ouverte et largement aux mains de la rébellion. L'Entité Sioniste encourage le chaos général, sans qu'il faille lui attribuer nécessairement, concrètement, un rôle essentiel ; tout soutien trop voyant à un des intervenants arabes la discréditerait complètement, donc elle s'en abstient. Elle aspire donc à la poursuite de l'atomisation de ses voisins septentrionaux, la Syrie et le Liban, laissant s'accomplir l'autodestruction de ses adversaires potentiels, qui n'ont pas besoin d'encouragements. Les quelques bombardements menés en Syrie ont visé les réserves en armes lourdes, missiles à longue portée, de son ennemi principal, le Hezbollah libanais.
La semaine dernière les forces gouvernementales syriennes, avec l'aide active et essentielle du Hezbollah, formation politique et militaire chiite libanaise, ont repris la ville stratégique de Qousseir (parfois orthographiée Quseir ou Qusair, avec de nombreux sites homonymes en Syrie même), à la frontière entre la Syrie et la Liban, à proximité de la grande ville disputée de Homs. Elle servait jusqu'ici de place logistique importante pour les rebelles sunnites syriens de la Vallée de l'Oronte, avec des flux d'armes provenant des régions sunnites du Nord du Liban. Il s'agit d'un indiscutable succès local, mais il faut se garder de tout triomphalisme. Les lignes logistiques essentielles des rebelles passent par la Turquie, avec une très longue frontière qu'ils contrôlent assez largement, et, chose plus récente, la Jordanie, avec une arrivée massive d'armes, de fonds, de "volontaires" salafistes ou mercenaires financés par le Qatar, dans la région de Deraa, en une proximité dangereuse de la capitale syrienne Damas. L'Etat jordanien, très endetté, sous perfusion financière des Pays du Golfe, a fini par céder à leurs exigences ; le potentiel de déstabilisation interne est pourtant évident, tant il devient difficile de combattre à la fois le salafisme en Jordanie, opposé à la monarchie hachémite, et le soutenir en Syrie à partir de bases jordaniennes ; c'est un très dangereux calcul de court terme.
La rébellion ne progresse plus pour l'instant en particulier du fait de ses divisions internes criantes. Les salafistes armés, en particulier les Brigades Al-Nosra, tendent à s'imposer à la place de la déjà assez théorique et peu unie « Armée Syrienne Libre », y compris en combattant les unités de cette dernière, tout autant sinon davantage que les forces loyalistes. Les salafistes préfèrent s'assurer de leur victoire, celle de leur cause, non d'un conglomérat anti-Assad illisible, et n'hésiteront pas le cas échéant à prolonger le conflit. Les forces armées salafistes, reçoivent donc des soutiens de toute nature, essentiels, du Qatar et de l'Arabie Séoudite, y compris médiatiques : sont multipliés les reportages complaisants à leur endroit diffusés dans le monde entier par les chaînes mondialement diffusées, en arabe et anglais, Al-Jazeera du Qatar et Al-Arabiya d'Arabie Séoudite. Ces deux États rivalisent quelque peu, soutiennent concrètement des groupes armés différents, qui défendent toutefois un projet de société semblable, ultra-rétrograde, une Syrie qui ne serait peuplée que de musulmans sunnites de l'obédience la plus stricte, c'est-à-dire wahhabite ; les nouvelles autorités salafistes imposeraient la disparition de toutes les importantes minorités non-sunnites, formant de l'ordre du quart ou du tiers de la population du pays, à commencer par les Alaouites encore au pouvoir, secte d'origine chiite très particulière, les Chiites, les Druzes, les Chrétiens, qui n'auraient le choix qu'entre l'exil, la mort, la conversion forcée. Voilà le véritable drame humanitaire en préparation, non une bien hypothétique victoire de Bachar Al-Assad, qui serait la meilleure chose à souhaiter à la Syrie ; évidemment, elle s'accompagnerait d'une dure répression, mais le comptage macabre serait hors de proportion avec celui d'une victoire des salafistes, du reste fort capables aussi de se battre entre eux, avec les encouragements persistants des parrains du Golfe, en un scénario catastrophique à la somalienne, loin d'être exclu.
La principe force armée théoriquement unifiée demeure encore pour l'instant l'Armée Syrienne Libre. UASL traverse des difficultés ces dernières semaines sur le terrain, reculant quelque peu face aux forces gouvernementales et aux salafistes. Elle se prétend, pour la presse internationale occidentale, multicon-fessionnelle, favorable à une démocratie aux normes onusiennes — du bout des lèvres d'ailleurs — ; en fait, elle a fondamentalement pour projet une Syrie gouvernée par les seuls Sunnites, clairement majoritaires il est vrai, selon l'idéal politique des Frères Musulmans, aujourd'hui au pouvoir en Egypte, à la présidence avec Mohamed Morsi comme au parlement. Contrairement aux salafistes, les non-sunnites seraient provisoirement tolérés, en attendant leur départ ou leur conversion au sunnisme, après des années et des années de persécution larvée, semblable à celle que subissent les Chrétiens en Egypte depuis les années 1970, avec l'acquiescement muet de Sadate puis Moubarak. Cette ASL bénéficie du soutien privilégié de l'Egypte et de la Turquie, puisque l'AKP au pouvoir est animé par une philosophie politico-religieuse très proche, même si l'origine cairote s'avère inavouable en une Turquie très nationaliste, y compris en sensibilité islamiste. Dans la fiction juridique de la prétendue « communauté internationale », l'ASL formerait l'armée de l'Etat syrien "légitime" reconnu autour d'un gouvernement en exil : or, les personnalités syriennes extérieures, ayant pour seul trait commun l'opposition à Bachar Al-Assad, se montrent obstinément incapables de se donner même un semblant d'unité de façade, leur intérêt ô combien évident pourtant, qui serait répercuté par les média si complaisants du Système, lors de ces multiples conférences dites des « Amis de la Syrie » - le titre para-maçonnique imposé par Fabius et Hollande forme une antiphrase flagrante avec la réalité -.
Tout ceci n'augure rien de bon en cas d'intervention militaire mordicus des forces otanesques, bien capables de passer outre le probable veto russe au Conseil de Sécurité de l'ONU, qui pourrait se déclencher brusquement, d'un jour à l'autre. Constatons que, s'il ne s'agit pas ici de chanter systématiquement les louanges de Poutine, au bilan et à la personnalité contrastés, comme certains nationalistes français enthousiastes - encore que cela ne nous dérange pas, contrairement à Tsahal ou aux salafistes selon des goûts bien plus douteux -, il a su développer une position cohérente, une analyse simple et juste : si Bachar Al-Assad, qu'il continue finalement - il avait prononcé il y a un an quelques propos distanciés inquiétants - à soutenir concrètement par la fourniture vitale d'armes russes, était renversé, selon tous les scénarios envisageables, de manière raisonnable, la situation en Syrie serait bien pire pour tous les habitants du pays et l'ensemble de la région, déstabilisée. La recherche de prétextes pour les bellicistes otanesques se poursuit, avec la France de Hollande hélas particulièrement en pointe, en reprenant obstinément le thème des armes chimiques, en particulier du gaz sarin - certainement utilisé par les rebelles salafistes -, de la crise humanitaire majeure à venir qui appellerait la mise en place de corridors de "sécurité" protégés par des casques bleus armés. Derrière un prétexte en apparence louable - qui serait contre une aide humanitaire massive dans un contexte protégé ? -, neutre, la constitution de zones rebelles sécurisées permettrait concrètement l'approvisionnement massif en armes des rebelles, selon un schéma déjà éprouvé en Bosnie-Herzégovine de 1993 à 1995, avec une armée mahométane bosniaque soutenue à bout de bras jusqu'à sa victoire de 1995 ; avec le recul, il est devenu clair que les Serbes de Bosnie avaient eu bien raison de se méfier de ces casques bleus, et même d'en capturer certains, même s'ils ont maladroitement géré médiatiquement la chose à l'époque.
François Hollande est nul, on le sait depuis un moment ; mais il est aussi dangereux. En visite en Libye, il vient d'obtenir l'autorisation du gouvernement fantoche local d'envoyer les troupes spéciales françaises combattre le salafisme bien implanté dans le Fezzan - résultat du bellicisme sarkozyste précédent -, ce qui accroît encore le champ d'action déjà aberrant pour des régiments excellents certes, surtout limités en effectifs, de plus en plus épuisés par une course permanente sans fin de l'Atlantique au Lac Tchad ; à l'évidence, un jour, quelque part dans le vaste désert, une embuscade salafiste réussie causera un drame, avec des dizaines de morts.
Cette guerre africaine est déjà beaucoup trop ambitieuse pour l'armée française, qui subit de plein fouet les coupes budgétaires massives, qu'il s'agirait donc en plus d'envoyer faire la guerre en Syrie, pour le triomphe de facto des salafistes combattus par ailleurs au Sahara. C'est complètement fou ! Folie des grandes lignes, ou des détails, avec par exemple toute la famille malienne salafiste du djihadiste Gilles Le Guen rapatriée en France, qu'il eût fallu à l'évidence laisser dans le Mali de leur cœur, et laisser gérer par les autorités locales à leur convenance. Même le Britannique Cameron suit moins, a fortiori l'essentiel Obama, car sans l'hyperpuissance américaine la surexcitation française demeure heureusement peu crédible au Moyen-Orient ; tous pourraient être cependant entraînés à la guerre par le thème du drame humanitaire, causé par les rebelles syriens en fait.
LA CONTAMINATION DE LA GUERRE CIVILE SYRIENNE AU LIBAN
Le Liban est désormais victime à son tour de combats réguliers, prolongements directs du conflit syrien, sans que pour l'instant heureusement tout le pays soit touché, tandis que l'intensité des affrontements demeure modérée. Le Liban est divisé en trois communautés principales, représentant un peu moins du tiers de la population, chrétienne, chiite, sunnite ; il s'y ajoute surtout des Druzes. Sur le plan politique, les Chiites dirigent un bloc, autour de leur parti-armé le Hezbollah, présidé par Hassan Nasrallah depuis 1992, appelé « mouvement du 8 mars », rejoint par une moitié des chrétiens, dont le général Aoun et son Courant Patriotique Libre. Les sunnites contrôlent le bloc politique antagoniste autour du « Courant lu Futur », bâti par la famille Hariri (après la mort de Rafic Hariri en 2005, ancien Premier ministre et grand ami du président français l'alors Chirac), cœur du « mouvement du 14 mars » rejoint par une autre moitié des chrétiens, subdivisés en un grand nombre de petits partis structurés le plus souvent autour des grandes familles traditionnelles - les Gemayel, Chamoun, Eddé, Geagea, etc. -. Les Druzes, suivant traditionnellement et très majoritairement la famille Joumblatt et leur Parti Socialiste Progressiste, louvoient, soutenant toujours le bloc le plus fort, donc jusqu'il y a peu celui du Hezbollah, avec des tiédeurs récentes assez fortes. Les deux blocs prétendent incarner les véritables intérêts nationaux du Liban, se réclament de l'antisionisme ; seul le Hezbollah occupe actuellement la ligne de front en Haute-Galilée, sans qu'il faille voir pour autant dans les Futuristes des zélateurs mal dissimulés de Tel-Aviv. Le Hezbollah contrôle directement plus de la moitié du Liban, le Sud face à l'Entité Sioniste, et l'Est avec la plaine de la Bekaa, les Sunnites que des enclaves côtières dont Saïda et Tripoli, les chrétiens le canton de Jounieh, entre Beyrouth et Tripoli, subdivisé lui-même en zones antagonistes aounistes (et alliées) et futuristes, tandis que les druzes contrôlent des enclaves montagneuses au Sud-Est de Beyrouth. Sur le plan extérieur, le Hezbollah prône l'alliance avec l'Iran, le courant du Futur celle avec l'Arabie Séoudite.
Dans la guerre civile syrienne, le Hezbollah intervient, de plus en plus nettement, relativement tardivement selon certains, en alignant désormais sur le terrain des milliers de combattants, en faveur de Damas. Pour l'instant, le Courant du Futur n'est pas aussi directement impliqué, en tant que tel sur le terrain, mais soutient massivement l'Armée Syrienne Libre, grossie de volontaires sunnites libanais ; il y a peut-être un jeu complexe concernant les salafistes tacitement tolérés depuis peu, envoyés éventuellement délibérément se faire tuer dans le pays voisin pour soulager le Liban ; enfin les Frères Musulmans, à l'origine marginaux dans le Courant du Futur, connaîtraient un succès croissant, de nature à amoindrir l'hégémonie de la famille Hariri ; de même, les Chrétiens futuristes, à l'origine farouchement anti-Assad, largement du fait de haines terribles héritées de la guerre civile libanaise (1975-1990) et de l'occupation syrienne (1990-2005), se montrent de plus en plus gênés face aux pogroms antichrétiens qui ont indiscutablement lieu dans les zones contrôlées par les rebelles syriens. Tout ceci est bien compliqué ; au sein même des blocs, particulièrement celui du Courant du Futur, existent donc des concurrences plus ou moins déclarées, favorisant bien plus la surenchère belliciste que la responsabilité. Il faut ajouter le problème des camps palestiniens, toujours là depuis des décennies, villes fermées dans les villes, avec des centaines de milliers d'habitants, massivement sunnites, souvent armés, avec toutefois l'opposition entre des mouvements politico-militaires traditionnellement liés aux autorités de Damas, legs de la guerre civile libanaise et l'occupation syrienne, et des foules plutôt nettement favorables aux insurgés sunnites, de l'ASL aux salafistes ; des combats ont désormais lieu régulièrement entre Palestiniens à l'intérieur des limites étroites des camps ; le Hamas, jusqu'à l'hiver 2011-2012 ferme soutien de Damas, à la présence essentielle dans les camps, a basculé de l'autre côté, aidé en cela à Gaza comme à l'étranger dont le Liban par de nouveaux financement qataris massifs. La très hypothétique reconquête de la Palestine en est d'autant plus renvoyée aux calendes grecques. Les affrontements principaux ont eu lieu pour l'instant autour d'enclaves dans les zones sunnites, à Tripoli, avec les rares Alaouites du Liban, ou à Saïda, avec les quartiers périphériques chiites de la ville sunnite. Les affrontements ont pour l'instant heureusement épargné Beyrouth, où les manifestations antagonistes se succèdent, demeurent pacifiques, comportant dans chaque sens des centaines de milliers de personnes, foules considérables dans un Liban de 4 millions d'habitants. Mais la situation peut gravement dégénérer à tout instant.
Le Liban est donc divisé en deux blocs, qui possèdent aussi des forces parlementaires à peu près égales, reste donc complètement paralysé politiquement depuis plusieurs années, avec des gouvernements éphémères à la recherche permanente d'une majorité. Le compromis national, jamais facile, semble se révéler particulièrement impossible depuis deux ans avec chaque bloc soutenant énergiquement un camp antagoniste de la guerre civile syrienne voisine. Le Premier ministre actuel, sunnite comme le veut la constitution, Tammam Salam, du Courant du Futur, depuis avril, ne réussira pas mieux que son prédécesseur immédiat Najib Mikati, qui était du reste réputé plus consensuel. Un enjeu immédiat est constitué par les élections législatives, en principe imminentes ; or, outre quelques combats perturbateurs, elles ne peuvent concrètement guère se tenir faute de loi électorale. En cas de passage en force gouvernemental ou parlementaire, organisant mordicus les élections suivant par défaut la loi électorale précédente, l'abstention massive du bloc se sentant lésé ne résoudrait pas, au contraire, la crise politique actuelle. Alors que des notables de chaque communauté pourraient peut-être finir par s'entendre, il y a lieu de craindre le pire avec des dizaines de députés répercutant les cris de leurs électeurs surexcités ; comme quoi, il est faux de croire que la démocratie conduirait ipso facto à la paix, ce serait même plutôt le contraire - suivant la leçon de nombreux cas africains, en sus du Liban -.
La reprise de la guerre civile libanaise est certes annoncée comme imminente depuis 2008, avec déjà des arguments sérieux. Le risque paraît bien supérieur encore aujourd'hui. Le Hezbollah paraît encore en situation de force, avec en comptant les réservistes entraînés peut-être des dizaines de milliers d'hommes à sa disposition, ainsi qu'un armement lourd. Toutefois sa supériorité probable est moins écrasante aujourd'hui. Depuis 2010 à peu près, ont été renforcées de manière considérable des milices sunnites souvent semi-clandestines, mais très réelles, là encore bénéficiant du soutien logistique essentiel de l'Arabie Séoudite et du Qatar. Les chrétiens, très en retard sur les autres communautés dans la reconstitution de milices, se battraient à nouveau les uns contre les autres, ou plutôt fuiraient massivement le seul Etat arabe où ils avaient été majoritaires jusqu'aux années 1950. L'armée libanaise, peu puissante, éclaterait à nouveau ; la grande majorité chiite des soldats rejoindrait plutôt le Hezbollah.
Scipion de SALM. Rivarol 14 juin 2013 -
Mali : Opération aéroportée à Tessalit du 17e RGP, le 9 février 2013
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Pierre Hillard décortique les rouages du Nouvel Ordre Mondial
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Géostratégie : les Etats‑Unis se préparent à la guerre du climat
PARIS (NOVOpress via Bulletin de réinformation) – Des inondations causées par des pluies torrentielles frappent depuis plusieurs jours l’ouest de la Chine. Le bilan provisoire de ces intempéries, les pires qu’a connu l’Empire du Milieu depuis une cinquantaine d’années, était hier d’une quarantaine de morts, de plusieurs dizaines de disparus et de milliers de sans‑abris.
Taïwan vient d’évacuer plus de 2.000 touristes à l’approche du super typhon Soulik. Les autorités s’attendent à une réédition du typhon Morakot, lequel, en août 2009, avait fait plus de 600 victimes.Selon Jean‑Michel Valantin, chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche sur la paix, et d’études stratégiques, la multiplication de ces événements climatiques extrêmes et leurs conséquences économiques ont amené les Etats‑Unis à remettre entièrement à plat les bases de leur puissance stratégique.
Parfaitement conscient des enjeux dès son arrivée à la Maison‑Blanche, le président Obama a, en mars 2012, promulgué un décret sur la National Defense Ressources preparedness dans lequel il demande un inventaire de l’ensemble des ressources nécessaires à la conduite des opérations militaires, internes et externes, ainsi qu’à la survie du pays. L’administration américaine est en effet consciente du fait qu’une compétition acharnée pour la maîtrise des dernières ressources de la planète (eau, pétrole, terres cultivables, minerais) marquera les relations internationales dans les prochaines décennies.
Les principaux groupes de réflexion américains ont tiré les conclusions des échecs afghans et irakiens.
Même les plus proches des milieux néocons ne recommandent plus de poursuivre la stratégie de « leadership » militaire des Etats‑Unis pour accaparer les ressources, mais au contraire d’utiliser l’armée américaine pour venir en aide aux populations en détresse environnementale, et de sécuriser ainsi l’accès des Américains aux ressources dans ces contrées devenues « amies » de fait.
Cette nouvelle stratégie, aux allures très humanitaires mais dont la finalité répond parfaitement aux intérêts vitaux du pays, est détaillée dans le National Security Strategy de mai 2010, document de référence qui sert de pivot à la coordination de l’ensemble des services de l’administration américaine. A l’heure où le « peak everything » (c’est‑à‑dire la raréfaction généralisée de l’ensemble des ressources de la planète) se profile et menace la stabilité du monde, la nouvelle stratégie américaine, rien moins qu’angélique, est la seule qui permette à l’hyperpuissance d’espérer conserver sa domination mondiale dans les décennies qui viennent.
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Guerre de l’information contre les OGM – Point d’étape
Les OGM sont un cas d’école de la guerre de l’information qui sévit dans le monde économique. Les groupes agrochimiques ont subi une défaite informationnelle majeure face à une minorité agissante qui a bâti toute sa stratégie d’attaque autour d’une question élémentaire : prouvez-nous que les OGM ne rendent pas malades ? Après plus d’une décennie d’affrontements informationnels, bien des interrogations demeurent dans ce dossier. Une des plus épineuses porte sur l’interprétation de cette campagne à travers une grille de lecture de guerre économique. L’industrie américaine est leader dans l’industrie des OGM. L’un des concurrentes les plus directes, à savoir la France est bloquée dans sa stratégie de développement. Il n’est pas inutile de se demander à ce propos si il y a eu ou non une orchestration pour empêcher les groupes agroalimentaires français de se positionner sur ce nouveau terrain concurrentiel ?
L’indépendance des acteurs de la société civile
L’association CRIIGEN (Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le Génie Génétique) est un organisme indépendant dont la création date de 1999 sur le modèle du CRIIRAD créé par Michèle Rivasi. Gilles Eric Séralini en est l’expert le plus médiatisé auteur de plusieurs études au centre de plusieurs polémiques. L'un de ses objectifs est de favoriser le doute sur l'innocuité des OGM en utilisant des méthodes choc et en jouant sur de multiples peurs.
Le CRIIGEN est-il pour autant un organisme à l’abri de toute forme d’influence extérieur dans la mesure où c’est la grande distribution qui a financé l'étude publiée en octobre 2012 à l'origine d'une nouvelle polémique. Le risque OGM a été pris en compte par la grande distribution au fur et à mesure de l’augmentation de la résonance médiatique liée à la campagne anti-OGM au début des années 2000. En effet, les consommateurs perdant confiance en ces produits supposés contenir des OGM ont tout naturellement la possibilité de se tourner vers le bio, ce qui ne sert pas forcément les intérêts immédiats de la politique commerciale de ses groupes. Le groupe Carrefour avait même déclenché une polémique publique avec Nestlé qui n’acceptait pas qu’un des leaders mondiaux de la grande distribution puisse déclarer ouvertement qu’il ne vendrait pas de produits à base d’OGM.Une contre information pro OGM maladroite
Au cours des dernières années, de nombreuses contre attaques informationnelles se sont échelonnées au gré de publications et interventions médiatiques du CRIIGEN. Les tactiques utilisées par les défenseurs des OGM, qu'elles soient virales ou diffamatoires dissimulent leurs liens avec cette industrie par le rattachement à une caution morale telle que l'appartenance à une université ou un centre de recherche renommé.
Cette recherche systématique d’une caution scientifique « déguisée a affaibli plus que renforcé la position des groupes agrochimiques. Le crédit apporté par ce fait, utilisé à outrance par les lobbyistes est tel que nos politiques afin de retrouver un peu de sérénité, ont envisagé de bannir de L'Assemblée Nationale les représentants du lobby OGM, alors même que deux autorités scientifiques devaient rendre leurs conclusions sur la dernière étude en date relative à un maïs génétiquement modifié. Monsanto et consorts privés d’accès privilégié à nos décideurs, le site Acteurs publics n'a pas manqué de relever l’information : "les députés qui ont la main sur le fonctionnement du Palais Bourbon, font actuellement le ménage dans la liste des lobbyistes accrédités". Et ces agents d’influence jugés persona non grata travaillent majoritairement pour l’industrie des OGM : Monsanto, Dupont, Bayer Cropscience et Syngenta. Même si, sur le fond, cela ne change pas grand chose pour ces entreprises, la symbolique du message envoyé est en revanche très forte : l’hémicycle envoie ainsi un signe défiance à l’égard d’un secteur qui bataille pour faire autoriser ses produits à base d’OGM en France.
Cette maladresse récurrente souligne l’incapacité culturelle de groupes agrochimiques enfermés dans le culte du secret à mener des guerres de l’information efficaces. Citons par exemple leur incapacité à utiliser les zones d’ombre de la parie adverse comme la passivité inexplicable des groupes anti-OGM qui laissent passer les importations importantes de bétail de boucherie élevé aux OGM (en provenance d’Amérique Latine).Déplacement de la guerre de l'information relative aux OGM
Mais le fond du problème probablement est ailleurs. Dans son combat contre les OGM, le CRIIGEN reste favorable à l'utilisation des ressources du génie génétique dans le cadre de la recherche mais un nouveau cheval de bataille apparaît, la lutte contre l'opacité relative aux résultats d'analyses toxicologiques. Ces analyses tendent à être protégées par le secret, même si elles concernent un produit tombé dans le domaine public depuis longtemps. Il faut remarquer que le problème situe à la fois le principe actif mis en cause, le glyphosate, mais aussi les autres composants entrant dans la formulation des traitements.
Le CRIIGEN a donc publié en Octobre 2012 des résultats de recherche présentés de façon à être choquants vis à vis de l'opinion publique, afin de déclencher une importante polémique qui remet les OGM sur le devant de la scène et braque les projecteurs sur Le responsable de cette étude, le Pr Gilles Eric Seralini. S'en est suivie la publication d'un livre à destination du grand public, "Tous cobayes" et d'un documentaire. Rapidement, le monde médiatique s'est emparé de ces faits, donnant une résonnance médiatique mondiale à ce qui n'est au fond qu'un ensemble de résultats d'analyse.
Les pouvoirs publics, contraints de réagir, mandatent le Haut conseil des biotechnologies (HCB) pour examiner l'étude controversée. Le HCB estime que l'étude du Pr Gilles-Eric Séralini, ne permet pas de conclure à un risque sanitaire lié à la consommation du maïs transgénique NK 603 commercialisé par la firme américaine Monsanto. «Le dispositif expérimental mis en œuvre est inadapté aux objectifs de l'étude». «Les conclusions d'effets délétères de la consommation de maïs NK603 ne sont pas soutenues par l'analyse des résultats présentés dans l'article», publié dans la revue scientifique Food and Chemical Toxicology le 19 septembre, poursuit le HCB qui estime donc que «cet article ne remet pas en cause les conclusions des évaluations précédentes sur cet OGM». Le conseil économique éthique et social du HCB recommande toutefois qu'une «étude de long terme, indépendante et contradictoire soit entreprise sous l'égide des pouvoirs publics quant à la sécurité sanitaire du maïs NK603», produit par Monsanto. L'objectif de cette étude est de répondre aux interrogations de la société sur l'innocuité de ce maïs OGM afin de lever le doute qui s'est installé dans l'opinion après les scandales sanitaires de ces dernières années.
Les pouvoirs publics, la Communauté Européenne, demandent la communication des données brutes expérimentales, ce à quoi le CRIIGEN, par la voix de sa vice présidente et députée européenne Corinne Lepage répond par une autre demande : que soient communiquées les données brutes ayant conduit à l'obtention des autorisations de mise sur le marché du glyphosate que l'AFCE s'est toujours refusée à fournir au nom du secret industriel.Intérêts contradictoires
Les études réalisées par le CRIIGEN viennent perturber la mécanique d'une stratégie informationnelle au service d'une politique commerciale bien huilée et déterminée à réduire au silence toute initiative contraire au développement des OGM. Mais la clé de voute de l'argumentation scientifique symbolisée par le Professeur Gilles Eric Séralini peut être affectée par une menace informationnelle portant sur la qualité des relations professionnelles de ce dernier. Présenté comme un scientifique indépendant, il interviendrait régulièrement à la demande d'une société impliquée dans la fabrication de médicaments homéopathiques Sévène Pharma, située dans le Gard. Ce laboratoire homéopathique est détenu pour partie par Daniel Chauvin adhérent de longue date au Mouvement d'Invitation pour la Vie (IVI) classé en 1995 et 1999 parmi les 'Sectes guérisseuses pseudo catholiques par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. De plus, il est troublant de constater que le siège d'IVI à Boulogne Billancourt héberge la direction commerciale et marketing du laboratoire. Le site web d'IVI est lié à pelargo.com qui n'est autre que le site de la plateforme maladies rares info services. La nébuleuse de cette nouvelle chaîne d’intérêts dans la mouvance anti-OGM est elle de nature à modifier le rapport des forces ? -
Une Europe sans ambitions (arch 2011)
Les événements tumultueux d'Afrique du Nord permettent de tirer une conclusion remarquable : il est désormais incontestable que l’Union Européenne a perdu toute son importance en tant que force politique sur l’échiquier international.
Cela n’a rien de sensationnel. Contrairement aux déclarations répétitives de l’Europe unifiée, selon lesquelles elle se serait transformée en un acteur mondial, au cours de la dernière décennie elle est surtout restée confinée à ses problèmes internes. Le dernier projet d’envergure planétaire, dont l’Union Européenne a tenté d’assumer le leadership, a consisté en la lutte contre le changement climatique, mais même dans ce domaine, les efforts européens n’ont pas été couronnés de succès. Les États-Unis et les grands pays émergents se sont arrogé le premier rôle. Personne ne s’attend donc à ce que l’Europe exerce une grande influence sur les événements dans le monde.
Toutefois, pour l’Union Européenne, l’Afrique du Nord n’est pas une notion abstraite dans le lexique de la terminologie internationale. Cette région est un voisin immédiat de l’Europe auquel cette dernière est liée par des liens historiques, culturels, économiques, énergétiques, politiques et humains très étroits. La France, qui a toujours donné le ton des ambitions de l’Union Européenne dans l’arène internationale, a traditionnellement l’impression de parrainer le Maghreb, surtout sa partie francophone. Pour la Grande-Bretagne, le Proche-Orient en général, et l’Afrique du Nord en particulier, est le rappel d’un passé impérial relativement récent et un objet d’intérêt particulier. Ce n’est pas par hasard que l’ancien premier ministre britannique, Tony Blair, a cherché coûte que coûte à se faire nommer représentant permanent du "quatuor" pour le Proche-Orient. La situation dans la région préoccupe au plus haut point l’Espagne qui n’est séparée du Maroc que par un détroit large de quelques kilomètres. Il en est de même pour le Portugal, l’Italie et la Grèce qui sont des centres d’attraction pour des émigrés clandestins en provenance des pays nord-africains. Des communautés nombreuses de ressortissants de ces pays sont présentes dans la majorité des pays européens. Sans parler de Chypre et de Malte, membres de l’Union Européenne qui se trouvent, en fait, au sein de cette région.
Il est donc parfaitement logique que l’Union Européenne ait toujours attaché une importance particulière au renforcement de son influence en Méditerranée et en Afrique du Nord. Dans les années 1990, dans le cadre de l'intégration croissante au sein de l’Union Européenne, la question d’une politique internationale commune s’est posée et, en premier lieu, des outils de travail avec les territoires adjacents ont été créés sous la forme du Partenariat euro-méditerranéen, du "Nouveau voisinage" et de la "Grande Europe." Enfin, la Politique européenne de voisinage a été formulée qui englobait les pays allant du Maroc et de la Mauritanie à la Moldavie et à la Géorgie. Il est rapidement devenu clair qu’il était inefficace de réunir des Etats aussi disparates, et deux projets ont été formulés, à savoir "Le partenariat oriental" pour les anciennes républiques soviétiques et l’Union méditerranéenne. Cette dernière a été particulièrement préconisée par le président français, Nicolas Sarkozy, qui cherchait à renforcer de cette manière la prééminence de son pays dans la région et d’étayer par la même occasion le rôle de l’Union Européenne dans son ensemble. Il est vrai que le président français avait espéré un soutien financier généreux de la part de l’Allemagne, mais la chancelière allemande, Angela Merkel, l’a rapidement ramené sur terre.
Toujours est-il, si la panoplie de l’Union Européenne en matière de politique internationale paraissait peu efficace dans les autres régions du monde, l’Europe croyait ne pas devoir redouter la concurrence le long de ses propres frontières.
Il y a une semaine, Ahmad Khalaf Masa'deh, diplomate jordanien et secrétaire général de l’Union méditerranéenne, a donné sa démission. Il s’est abstenu de faire des déclarations retentissantes, mais personne n’a douté que son départ était dû à l’inertie et à l’impuissance de son organisation créée pour contribuer à "la stabilité et la prospérité" de la région. Au cours des semaines pendant lesquelles la tension n’a pas cessé de croître en Tunisie d’abord et en Egypte ensuite, l’Union Européenne et ses membres clés n’ont formulé aucune réaction cohérente. Il s’est surtout avéré que personne ne s’était attendu à ce que la situation prenne une telle tournure. Et cela même après que tout le monde s’était mis à évoquer l’"étincelle" tunisienne et le danger de l’"effet domino." Aucun plan n’avait été élaboré en prévision d’un tel cas de figure. Quant à expédier enfin une mission de crise en Tunisie ou en Égypte, ces initiatives s’enlisent dans l’incapacité de l’Union Européenne de déterminer le format de la mission, son mandat, son niveau et les autres détails procéduraux. De nombreuses déclarations faites par des politiciens européens à tous les niveaux, y compris par le chef la diplomatie européenne, la baronne Catherine Ashton, n’ont aucun effet sur l’évolution de la situation, car tout le monde voit clairement que l’Europe n'a pas de position commune, voire de vision claire de ses propres intérêts et des scénarios souhaitables.
La confusion actuelle ne marque pas seulement le début de graves problèmes. Il est très probable que la région entière subira un "remodelage" général, et toutes les grandes puissances souhaitant y exercer leur influence devront rapidement mettre au point de nouvelles stratégies. Quels que soient les successeurs des politiciens âgés sortants, les principaux pays devront établir des relations avec les nouveaux dirigeants des États ayant une importance stratégique, c’est-à-dire avec pratiquement tous les pays de la région. Les nouveaux acteurs, surtout l’Iran et la Turquie, y intensifieront également leur présence.
Les événements qui se déroulent au sud du continent européen revêtent la plus grande importance pour les pays clés de l’Union Européenne, notamment pour la France, l’Espagne, l’Italie et la Grande-Bretagne, en raison des liens multiples mentionnés ci-dessus (surtout dans le domaine démographique et énergétique). L’expérience montre que l’Union Européenne est peu apte à formuler une politique commune, les membres de l’Union chercheront donc sans doute à faire respecter leurs intérêts en agissant séparément, chacun fera ce qu’il pourra. (À titre d’exemple, il suffit de se rappeler le "pardon" de la Lybie par les Etats-Unis il y a quelques années. Juste après cela, les chefs des Etats clés de l’Union Européenne se sont empressés, à qui mieux mieux, à se lier d’amitié avec Mouammar Kadhafi considéré juste avant comme étant "infréquentable"). Ces efforts disparates saperont encore davantage les bases de l’unité politique de l’Union Européenne, déjà fortement branlantes. Or, aucun pays européen, pris séparément, n’est comparable aux Etats-Unis ou à la Chine. Quant au levier traditionnel de ‘Union Européenne, à savoir l’aide économique, sa portée est également limitée car, en raison de la crise, la zone euro ne dispose pas des ressources financières qu’elle pourrait allouer à cet effet.
Heureusement, l’Union Européenne est tout de même en mesure de faire preuve d’unité en s’opposant au régime dictatorial haï de Minsk. Toutefois, contrairement aux Etats-Unis, qui ont adopté des sanctions économiques réelles contre la Biélorussie, le Vieux Continent se limite à des déclarations belliqueuses et à des gestes symboliques, car en réduisant les échanges économiques avec la Biélorussie, l’Europe lèserait aussi ses propres intérêts. Or, ces derniers priment sur les principes inviolables.
Fedor Loukianov
notes :
Fedor Loukianov est rédacteur en chef du magazine Russia in Global Affairs.
source : RIA Novosti -
Printemps arabe : l’échec de la démocratie en Orient ?
L'armée égyptienne est finalement intervenue pour déposer le président Mohamed Morsi, pourtant premier président démocratiquement élu du pays. Le printemps arabe, né en Tunisie fin 2010, a atteint l’Egypte dès le début 2011 et a abouti au départ du président Moubarak qui dirigeait l'Egypte depuis trente ans.
Les revendications d’une grande partie de la jeunesse égyptienne qui a mené cette révolution dite du Nil ou du Papyrus sur la place centrale du Caire (la place Tahrir) ont abouti à des élections libres qui ont vu une déferlante islamique.
En effet, aux premières élections législatives de l’après Moubarak, qui a vu une participation de 55%, les frères musulmans ont obtenu 44.6 % des voix, concurrencés seulement par les plus radicaux qu’eux, les salafistes, qui ont obtenu 22,5% des voix, le premier parti pseudo libéral obtenant seulement 7,8% des voix. A l’élection présidentielle de 2012, la scission du pays en deux (Islamo-conservateurs contre réformistes) était palpable et l’élection s'est résumée à un duel politique entre un homme de l’époque Moubarak et le candidat des frères musulmans, le scientifique Mohamed Morsi, qui a notamment étudié aux Etats-Unis. Celui-ci remportera l’élection avec 51,73 % des voix (la participation s’élevant à seulement 45%) et sera investi en juin 2012.
Un an plus tard, il sera donc déposé par l’armée après de nouvelles et immenses manifestations (plusieurs millions de personnes) place Tahrir et ailleurs en Egypte. Les opposants lui reprochent principalement sa piteuse gestion de la situation économique du pays. Ce Week-end, plusieurs centaines de milliers de partisans du président déchu sont eux aussi descendus dans la rue, invoquant eux à juste titre le respect des urnes et la démocratie. Les manifestations ont tourné à l’affrontement entre partisans de Mohamed Morsi et l’armée et en ce 10 juillet 2013 on parle déjà de dizaines de morts et de centaines de blessés.
Il y a là des dilemmes visiblement insolubles pour l’Egypte, pour les pays du printemps arabe et pour la communauté internationale.
La démocratie du printemps arabe a vu l’émergence et la prise de pouvoir de mouvements islamo-conservateurs (principalement les frères musulmans) qui étaient soit interdits, soit tenus à l'écart de la vie politique par les anciens pouvoirs laïcisants issus de la guerre froide. Ce retour au pouvoir des clergés et d’un Islam politique a accentué les batailles d’influences trans-territoriales entre confréries, menant à la situation que l’on connaît par exemple en Syrie. Ce pays fait en effet face à une guerre au niveau régional et confessionnel, ou le courant sunnite régional le plus radical tente de mettre à mal le croissant chiite en s’attaquant à sa composante la plus hérétique selon lui mais aussi la plus laïque selon les critères occidentaux. La Syrie est ainsi devenue le champ de bataille par ricochet d’une coalition Russo-chiite qui est en conflit ouvert avec un axe Occidentalo-sunnite.
Le mythe d’un Islam compatible avec la démocratie semble remis en cause.
Les victoires électorales des Frères musulmans en Egypte, en Tunisie ou en Libye, qui auraient pu amener à des cohabitations entre charia et démocratie, ne semblent plus viables. Il y a une crise culturelle profonde qui traverse les sociétés arabo-musulmanes. Les nouveaux régimes issus des élections semblent avoir du mal à bien intégrer la pluralité, qu’elle soit ethnico-culturelle, religieuse ou comportementale. Hormis en Tunisie ou les islamistes composent, la situation économique de tous les pays concernés par ces nouveaux régimes est d’ailleurs plus que catastrophique et qui semble inévitablement génératrice de protestations dans un avenir proche, comme c’est le cas en Egypte aujourd’hui.
Les coups d'état militaires et les juntes au pouvoir ont toujours été fermement condamnés par les pays occidentaux, que ce soit en Birmanie, en Grèce ou en Argentine. La mollesse des réactions occidentales face au coup d'état militaire en Egypte démontre bien le dilemme, entre armée et islamisation. Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a lui tenté d’empêcher une intervention de l’armée contre le président égyptien, en avertissant les capitales européennes hébétées mais cela a échoué.
L’armée apparaît pourtant de plus en plus comme un nouveau pouvoir (ou contre pouvoir) seul à même de maintenir une forme d’équilibre national et de protéger l’équilibre communautaire (et les minorités) face à une islamisation à outrance des pays concernés. Cette tendance n’est pas nouvelle. En Algérie, la victoire des islamistes fut annulée en 1991, plongeant le pays dans une guerre civile de 10 ans durant laquelle l’Armée affronta, jusqu'à sa victoire en 2002, divers groupes islamistes. En Turquie, Recep Erdogan, depuis son élection en 2003, a lui mené d’intensives campagnes pour désactiver l’armée et faire mettre en prison les officier qui auraient pu s’opposer à l’islamisation lente que le pays connaît, entrainant l’inquiétude des minorités et des laïcs qui ont manifesté récemment. En Syrie, l'armée parait être aujourd’hui le seul garant du rétablissement de l’ordre constitutionnel mis à mal.
Parmi les nombreux manifestants Egyptiens place Tahrir, certains brandissaient aussi des drapeaux syriens et des portraits de Bashar-El-Assad, traduisant ainsi leur bonne compréhension des événements géopolitiques régionaux mais aussi peut être leur profonde intuition que Syrie et Egypte doivent être unis et non en guerre. Il faut se souvenir qu’historiquement, Egypte et Syrie ont déjà été un seul et même état, pour faire face a la menace communiste d’un coté (qui n’existe plus aujourd’hui) et américaine de l’autre. Est-ce la raison pour laquelle de nombreux manifestants place Tahrir brandissaient également des pancartes dénonçant le soutien américain au candidat Morsi ?
Il est certain que des groupes radicaux ne vont pas tarder à menacer l’armée Egyptienne d’un conflit pour le rétablissement du pouvoir islamique arrivé au pouvoir par les urnes. On peut se poser la question de savoir si l’Egypte va désormais connaître une guerre civile larvée sur le modèle de l’Algérie quand les élections de 1991 ont été annulées par l'armée.
Alors que le monde arabo-musulman risque de traverser au cours de ce siècle sa grande guerre interne, politique, confessionnelle et générationnelle. Pour les américains, il semble que l’agenda de remodelage du grand moyen orient soit remis aux calendes grecques. Il faut maintenant essayer d’imaginer quelles seront les conséquences directes des ces bouleversements pour les états de la région, et les conséquences possibles et imaginables pour la France, l’Europe et la Russie.Alexandre Latsa http://www.voxnr.com
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Révolution et crise politique en Egypte : état des lieux et perspectives
Le 30 juin 2013, les Égyptiens sont descendus en masse dans la rue pour réclamer le départ du Président Morsi. Le 3 juillet, l’armée le destitue et confie le pouvoir à Adly Mansour, présenté comme un inconnu. Les récents événement survenus en Égypte et ayant amenés au départ de Mohammad Morsi démontrent que la révolution égyptienne n’est pas terminée et que le peuple égyptien est déterminé à voir ses revendications aboutir. Pour bien comprendre la portée des événements et leur place dans la révolution égyptienne, ainsi que la nature des principales forces politiques (ici les Frères Musulmans et l’institution militaire), il est nécessaire de revenir, même brièvement, sur l’Égypte et sur les début de la révolution égyptienne de 2011. Explications.
L’Égypte, bon élève du FMI et de l’impérialisme américain
La fin des années 70 voit l’émergence d’un nouveau paradigme dans la vision américaine du monde. La lutte contre l’islamisme succède à la lutte contre le communisme comme argument justifiant toutes les agressions de l’impérialisme américain contre les peuples. Après avoir utilisé les Frères Musulmans pour affaiblir les organisations syndicales et les militants de gauche, le régime égyptien, largement dominé par l’institution militaire depuis le coup d’État de Nasser, fait sien cet argument pour entreprendre une féroce répression du peuple égyptien cherchant à s’organiser pour obtenir de meilleures conditions de vie et plus de démocratie. Les accords entre l’armée égyptienne et l’État fédéral américain aboutissent en 1978 à la signature des accords de Camp David (accord de paix avec l’État d’Israël), sous l’égide de l’administration américaine. Depuis, l’état major égyptien à reçu 27 milliards de dollars d’aide militaire américaine et continue à recevoir un milliard de dollars par an. En 1991, l’Égypte s’engage auprès de la coalition américaine dans la première guerre du Golfe. Suite à cela, une importante partie de sa dette militaire vis à vis des États-Unis est annulée. En contre partie, le FMI exige l’application en Égypte de Plans d’Ajustement Structurel (PAS), véritables entreprises de pillage et de vassalisation des pays du Sud. Un premier plan aboutit à la privatisation de plus de 150 entreprises publiques. Ce qu’il restait de socialisant dans le régime égyptien vole en éclat: répartition équitable des revenus, subventions et embauche systématique des diplômés de l’Université par l’État. Le FMI dicte, l’État égyptien applique, le peuple paie et les proches du pouvoir se remplissent les poches. Le plan quinquennal 1992-1997 poursuit sur la même voie et accentue les privatisations des secteurs rentables. Le taux de population vivant sous le seuil de pauvreté atteint 40%. Un rapport de l’OCDE de 1997 consacré à l’Égypte rapporte :
au cours des années 1990, ce pays a adopté avec succès des politiques de stabilisation macro-économique et engagé les programmes de réforme structurelle nécessaires pour entrer sur le chemin d’une croissance forte, tirée par les exportations. La principale contrainte reste d’introduire les changements à un rythme qui ne mette pas en danger la stabilité politique (1)
Le lien entre le tournant néo-libéral de la politique économique égyptienne et le mécontentement populaire est donné par l’OCDE elle même. En effet, les années 1990 et 2000 verront se multiplier les mouvements de grèves qui rassembleront, entre 2004 et 2008, plus de 1,7 million d’ouvriers dans plus de 1900 grèves. Ces mouvement de contestation contre les dirigeants égyptiens expriment l’opposition radicale du peuple à l’ordre voulu par l’impérialisme américain, au « Grand Moyen-Orient« . Cet ordre, c’est celui de la remise en cause des barrières douanières, de la déréglementation, de la privatisation et de l’instauration d’un dispositif militaire sous contrôle américain. Cet ordre, c’est celui dans lequel s’est engagé, entre autres, le régime égyptien depuis la fin des années 1970, sommé par le FMI d’aller plus loin dans les réformes. La Tunisie et Égypte, dont les partis dirigeants étaient membres de l’Internationale socialiste, sont les pays qui ont le plus avancé dans ce sens, provoquant la réaction des populations.
De la contestation à la révolution : le peuple face à Moubarak, à Tantaoui et à Shafiq, le peuple face à la subordination à l’impérialisme américain.
Les vagues de grèves et les soulèvements populaires contre les politiques anti-ouvrières et anti-démocratiques du régime égyptien ont eu raison du dirigeant de celui là, Hosni Moubarak. Pour autant, le régime à survécut, en premier lieu grâce à l’intervention de l’armée. Il est évident, depuis la publication de télégrammes par Wikileaks, que l’administration américaine à financé la formation de cyber-dissidents dans le monde arabe. Néanmoins, le déroulement des événements en Egypte comme en Tunisie, ont montrés que les peuples étaient déterminé à s’affranchir de la domination américaine et que la principale intervention américaine ne se situait pas dans la formation de blogueurs, mais à travers l’institution militaire égyptienne. Mansouria Mokhefi, responsable du programme Maghreb/Moyen-Orient de l’Ifri, rappelle :
S’il est vrai que lors des soulèvement tunisien et égyptien, on n’a guère vu ou entendu de slogans antiaméricains, le ressentiment s’est exprimé dès mars 2011 à la fois en Tunisie et en Égypte lors de la visite d’Hillary Clinton. Celle-ci a été accueillie à Tunis par des manifestants aux slogans hostiles tels que: « Tunisia is free – America get out » et les Jeunes Égyptiens de la coalition du 25 janvier ont tout simplement refusé de s’entretenir avec elle. (2)
Toujours Mansouria Mokhefi, à propos de l’attitude américaine face aux révoltes arabes :
Après quelques hésitations , il était apparu nécessaire et urgent de s’assurer de la fidélité de l’armée égyptienne – qui reçoit l’essentiel de son équipement des États-Unis – et de convaincre les Israéliens que la stabilité de la région ne serait pas remise en cause par l’arrivée au pouvoir de cette armée. [...] Les commentaires arabes de la rue et dans la presse ainsi que les blogs font remarquer qu’il n’y a rien de nouveau dans le fait que les États-Unis aient lâché la Tunisie, où leurs intérêts étaient moindres, ou qu’ils aient négocié la stabilité égyptienne avec une armée qu’ils savent fidèle, qu’ils financent à hauteur de 1,3 milliard de dollars par an, qui est au pouvoir depuis 60 ans et qui détient plus de 40% de l’économie du pays. (3)
Les soulèvements égyptiens ont eu raison de Moubarak, puis du général Tantaoui et du premier ministre Ahmed Shafiq. Après la chute de Moubarak, jamais les mobilisations n’ont faiblis, les égyptiens restant déterminés a voir leurs revendications satisfaites. Des dizaines de milliers d’ouvriers et d’ouvrières se sont mis en grève dans l’industrie pétrolière, les arsenaux, l’autorité du canal de Suez, les transports, le textile, le ciment, la métallurgie, les hôpitaux, les universités, les télécommunications etc. Les revendications avaient une forte charge économiques et sociales: augmentation de salaire, salaire minimum à 1200 livres égyptiennes (150 euros), fin des disparités salariales et de meilleures conditions de travail et surtout, la liberté syndicale (4). Le mouvement des travailleurs s’est ainsi joint au soulèvement général du peuple autour de la revendication d’une Assemblée Constituante.
Moubarak est destitué et remet le pouvoir au Conseil suprême des forces armées (CSFA). les grèves se multiplient et les « Morsi dégage » deviennent des « Tantaoui dégage« , « le peuple veut la chute du régime » (Mohamed Hussein Tantaoui préside le Haut Comité militaire issu du CSFA). Le CSFA s’empresse de rassurer les américains et affirme sa volonté de maintenir l’Égypte dans le cadre des accords passés: les accords de Camp David, les PAS du FMI et le remboursement de la dette. Une fois élus, c’est ce que feront également les responsables des Frères Musulmans. La base d’une union nationale entre l’armée et les Frères Musulmans se réalisait alors, à la grande satisfaction de l’administration américaine
Troisième secousse de la révolution égyptienne : entre mobilisations populaires et coup d’Etat
En commentant la dernière de mobilisation en Égypte qui a aboutit à la chute de Morsi, Ibrahim al-Amin, rédacteur en chef du quotidien libanais Al-Akhbar souligne :
C’était une révolte contre l’échec assourdissant dans la gestion des affaires du peuple, la suppression continue des droits individuels et collectifs, sans mentionner une incapacité à introduire quoique ce soit de nouveau à même de reconsidérer le rôle de l’Égypte dans les mondes Arabe et Islamique.
La Confrérie (Frères Musulmans) ont échoués dans tout cela et plus encore. Ils n’ont réussis qu’une seule chose, nettoyer la bureaucratie de l’ancienne garde et la remplacer par leurs propres partisans dans l’intention de maintenir les institutions étatiques sous le contrôle de leur clan. Ils ont fait cela sans compromis – la majorité des Égyptiens n’ont rien eu dans ce processus, pas même un sentiment d’espoir qu’un changement était à l’horizon.
Quant à leur performance dans le domaine des relations extérieures, les perspectives de la Confrérie n’étaient que des copies de celles de Moubarak. Ils ont d’abord couru vers les Américains, croyant que la bénédiction de Washington leur garantirait la survie et leur procurerait une immunité contre une destitution. Et sans aucun doute, beaucoup d’Egyptiens n’ont pas vu d’un très bon oeil que leur gouvernement joue les seconds violons des volontés du Qatar et de l’Arabie Saoudite en échange d’un patronage économique et financier douteux. (5)
Les Frères Musulmans n’auront pas tenus plus d’un an face à la détermination populaire à en finir avec un système d’exploitation ne promettant que misère et souffrance. Les conditions de vie se sont encore plus détériorées sous leur administration. Le 30 juin 2013, dans la continuité des mobilisations de 2011, plus de 10 millions d’Egyptiens sont descendus dans les rues pour exiger le départ de Mohammad Morsi. Les Frères Musulmans ont pu exposer à la face de 80 millions d’Égyptiens leur véritable nature: une organisation en quête de pouvoir, inféodée à la bourgeoisie nationale et déterminée à maintenir l’ordre capitaliste internationale. L’excellent article de Gilbert Achcar publié dans Le Monde Diplomatique de février 2013 le souligne bien :
Le principal obstacle à la collaboration de la confrérie avec le capitalisme égyptien, la répression qu’elle subissait sous M. Moubarak, est maintenant levé. Les Frères musulmans s’efforcent de prendre exemple sur l’expérience turque en créant une association d’hommes d’affaires s’adressant en particulier aux petites et moyennes entreprises, l’Egyptian Business Development Association (EBDA). A l’instar du Parti de la justice et du développement (AKP) et du gouvernement de M. Recep Tayyip Erdogan, la confrérie et M. Mohamed Morsi estiment toutefois représenter les intérêts du capitalisme égyptien dans toutes ses composantes, sans exclure la plupart des collaborateurs de l’ancien régime qui, par la force des choses, en constituent une partie importante, surtout au sommet.
Ainsi, une délégation de quatre-vingts hommes d’affaires a accompagné M. Morsi en Chine en août 2012. Le nouveau président souhaitant, à la manière des chefs d’Etat occidentaux, jouer les commis voyageurs du capitalisme national, plusieurs chefs d’entreprise liés à l’ancien régime furent invités à faire partie du voyage. (6)
Cela fait échos aux analyses de Mansoor Hekmat, homme politique iranien, sur l’Islam politique (2001) :
A mon avis, l’Islam politique est un mouvement réactionnaire contemporain qui n’a rien à voir, si ce n’est dans la forme, avec les mouvements islamiques de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Quant à son contenu social et aux objectifs socio-politiques et économiques, ce nouveau mouvement est complètement enraciné dans la société contemporaine. Ce n’est pas une répétition du vieux même phénomène. C’est le résultat de la défaite – ou de l’avortement – du projet de modernisation à l’occidentale dans les pays musulmans dans les années 60 et au début des années 70, ainsi que du déclin du mouvement laïc et nationaliste, qui était l’agent principal de cette modernisation économique, administrative et culturelle. La crise idéologique et gouvernementales dans la région s’est accrue. Avec ce vide idéologique et politique et la confusion de la bourgeoisie locale, le mouvement islamiste s’est imposé comme une alternative de droite pour la réorganisation de la domination bourgeoise et pour affronter la gauche et la classe ouvrière, qui avait émergé avec l’avènement du capitalisme. (7)
Le 3 juillet 2013, l’armée destitue le Président. Le lendemain, des responsables des Frères Musulmans, dont le désormais ex-Président, sont arrêtés. D’aucun diront qu’il s’agit d’un coup d’État contre le premier président démocratiquement élu de l’Égypte. Ce n’est pas faux. Les Frères Musulmans ont bénéficié d’une vague de sympathie populaire due d’une part, à un légitimité venue de leurs activités sociales sous l’ancien régime et de leur ancrage dans la scène politique égyptienne et, d’autre part, à la terrible répression à laquelle ils ont fait face de Nasser à Moubarak. Dans le tumulte de la révolution, ils constituaient aussi l’une des forces politiques les mieux organisé. Mais en inscrivant leur politique dans une parfaite continuité avec celle de Moubarak, dans tous les domaines, ils ont provoqués la colère et la sanction irrémédiable d’un peuple qui décidé à prendre son destin en main. Le CSFA vient de nommer Président par intérim Adly Mansour, présenté par la presse comme un « inconnu ». Sa mission est de diriger l’Etat le temps de réviser la Constitution et d’organiser de nouvelles élections. En réalité, il n’est pas si inconnu. L’homme est un juriste ayant connu une brillante carrière sous le régime de Moubarak. Exerçant dans des tribunaux religieux encadrés par l’Etat, il intègre le conseil d’Etat, en gravit les échelons avant de devenir vice-président du Conseil constitutionnel en 1992. En 2012, il est nommé par Mohammad Morsi président du Conseil Constitutionnel.
Certaines lectures un peu trop optimistes font apparaître l’intervention de l’institution militaire comme allant dans le sens de la révolution. Julien Salingue, doctorant en science politique à l’Université Paris 8 et membre de l’observatoire critique des médias ACRIMED, précise:
Telle est en effet la faiblesse des lectures trop enthousiastes qui voient dans l’intervention de l’armée une nouvelle étape de la révolution, alors que l’objectif de l’état-major est précisément d’y mettre un terme. Le paradoxe n’est pas des moindres : les événements de ces derniers jours sont l’expression simultanée de l’existence d’une dynamique populaire et révolutionnaire et de rapports de forces politiques très défavorables pour les révolutionnaires. Ces derniers n’ont pas réussi jusqu’à aujourd’hui à se doter de structures suffisamment unifiées, fortes et légitimes pour jouer le rôle que l’état-major joue aujourd’hui, laissant dès lors l’initiative à une force sociale qui est essentiellement préoccupée par le retour à la normale et non par la satisfaction des revendications de la révolution. (8)
Sous les coups de la révolution du peuple égyptien, le régime n’en finit pas de s’enfoncer dans la crise politique. Moubarak, Tantaoui, Shafiq et Morsi sont tombés. Adly Mansour, promut par Moubarak, par Morsi et aujourd’hui par l’armée, à le profil de la mission qui lui est confié: s’assurer de la transition, c’est à dire de la sauvegarde du régime en attendant la mise en place d’une nouvelle gouvernance. Il n’y a aucune perspective pour le peuple égyptien dans le coup d’Etat militaire, pas plus qu’il n’y en avait par le gouvernement de transition mis en place par Moubarak, pas plus qu’il y en avait dans le gouvernement des Frères Musulmans.
Loin « d’apprendre la démocratie » ou de se faire « confisquer sa révolution », le peuple égyptien à démontré et démontre qu’il à très bien compris les ressorts de la lutte pour la démocratie et pour l’émancipation. Le coup d’Etat militaire ne doit pas faire oublier que c’est avant tout la mobilisation populaire qui à amené à la chute de Morsi. Sans la mobilisation populaire, l’entente entre les Frères Musulmans et l’armée se serait perpétué, dans le cadre fixé par l’impérialisme américain et par le FMI. Plutôt que de dire que l’Egypte vit une nouvelle période de transition, il est plus juste d’affirmer que s’ouvre une nouvelle phase dans la période de transition que constitue la révolution égyptienne. Celle-ci continue, autour de la revendication d’une Assemblée Constituante, seule force capable de prendre les mesures urgentes de sauvegarde de la population, contre l’exploitation, contre la guerre et contre l’impérialisme américain. Nous faisons notre la conclusion de Julien Salingue :
Depuis 30 mois, la population égyptienne a en réalité fait la démonstration qu’elle n’entendait pas laisser qui que ce soit, civil ou militaire, lui confisquer sa révolution. Et rien n’indique, bien au contraire, que cette dynamique populaire soit brisée. (9)
Il revient aux d’Europe et d’Amérique du nord de s’organiser et de poursuivre leur lutte contre leurs propres dirigeants, qui organisent guerres et exploitation sur les cinq continents. C’est le meilleur hommage et coup de main que nous pouvons rendre au peuple égyptien.
Simon Assoun http://www.cercledesvolontaires.fr
Références
(1) http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/5lgsjhvj7clw.pdf?expires=1372942088&id=id&accname=guest&checksum=BF0A2F39123A8DBEECC1C30CC20973ED (page 7)
(2) Mokhefi Mansouria « Washington face aux révolutions arabes », Politique étrangère, 2011/3 Automne p.12
(3) Ibid. p 9 et 12
(4) quelques exemples (non exhaustif): Dans les banques, les grèves furent si massives que la Banque centrale d’Egypte a décidé unilatéralement de fermer toutes les banques du pays pendant une semaine en février 2011. Dans l’usine minière Abu Hamda, 200 ouvriers en grève contre les bas salaires, l’augmentation du nombre d’heures travaillées et des conditions de travail déplorables. 70 employés des magasins Omar Effendi manifestent pour les mêmes raisons. A Mahalla al-Kubra, 15 000 ouvriers et ouvrières de l’usine de tissage et filature Misr se mettent en grève.
(5) http://english.al-akhbar.com/content/warning-against-exaggerated-hopes-egypt
(6) Gilbert Achcar, « Le capitalisme extrême des Frères Musulmans », in Le Monde Diplomatique, février 2013. Aussi accessible sur l’espace abonné du site duMonde Diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/2013/02/ACHCAR/48742
(7) en anglais : http://www.marxists.org/archive/hekmat-mansoor/2001/misc/rise-fall-islam.htm
(8) http://resisteralairdutemps.blogspot.fr/p/mefiez-vous-de-larmee-et-si-on-arretait.html
(9) Ibid.