Si la France s’enfonce, ne serait-pas parce qu’elle le veut un peu ? Visite de François Hollande en Russie : quand la diplomatie cède le pas à l’idéologie. Conséquences de l’intervention française en Libye et au Mali : la fin des échanges franco-brésiliens, au plus grand profit de la Russie. La France, le Paradis des politiciens : sang contaminé ou amiante, jamais coupables. Entretien avec Marion Maréchal-Le Pen : la benjamine de l’assemblée nationale, seule élue du Front National, pour un rapprochement avec la Russie. Colloques sur Pierre le Grand : le créateur de la Russie moderne, c’est à Paris, à la fin du mois de Mars. Chômage : Hollande va faire encore mieux. Marche pour la défense des enfants russes adoptés à l’étranger : 12 000 personnes dans les rues de Moscou. Elections en Italie : c’est une grande claque pour Bruxelles et pour Goldman Sachs. Syrie : les assassins n’arrivent plus à faire valoir leur point de vue…
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La Voix de la Russie relate la visite de Flanby à Moscou…
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Méridien Zéro - Hugo Chavez ?
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Appel pour la paix en Syrie
Voici bientôt deux ans que les pouvoirs publics et les médias occidentaux dirigent un concert d’accusations contre le Chef légal et légitime de l’Etat syrien, contre son gouvernement et contre l’armée de son pays. Ils cherchent ainsi à faire passer la victime pour le coupable, comme ils l’ont fait en Libye, comme il l’avaient fait précédemment pour d’autres Etats libres et indépendants. Car des bandes armées illégales, plus ou moins organisées, venues pour certaines de l’étranger, sèment la terreur en Syrie. Quoi de plus normal, pour le régime légal d’un pays, que de combattre une rébellion avec sa police et son armée ? Au regard des principes élémentaires du droit public, seuls garants d’une paix relative entre les nations, ceux qui sont à la tête d’un Etat n’ont-ils pas précisément pour premier devoir de protéger leur population des agressions intérieures et extérieures ? Le maintien de l’ordre n’est-il pas la première mission de l’Etat ? Que feraient les gouvernements de nos pays, si une partie de leur population prenaient les armes pour combattre leur gouvernement légitime avec l’aide de pays et de mercenaires étrangers ? Ne feraient-ils pas intervenir leur police et leur armée ? Et démissionneraient-ils sans rien dire comme ils le demandent au gouvernement légitime syrien ?
En vérité la Syrie n’est pas seulement victime d’une agression armée, mais également, de manière évidemment concertée, sur la scène internationale, d’une vaste opération de propagande médiatique d’agitation, de désinformation systématique (certaines images sur la prétendue répression de l’armée régulière n’étant même pas prises en Syrie) et de provocation. Le but de cette propagande est, au mépris le plus éclatant du droit international, d’encourager l’insurrection, de nourrir une guerre civile, de dénier, par la diabolisation, toute légitimité au pouvoir légal, et de se poser en juge et en bourreau.
Car ce sont bien les mêmes Etats, leurs serviteurs et leurs alliés (comme les régimes de l’Arabie Saoudite et du Qatar, monarchies absolutistes, sanguinaires et intolérants pour leurs propres populations autochtones), qui d’un côté se posent en Juges du gouvernement syrien et de l’armée régulière syrienne, et qui de l’autre encouragent, financent et arment les mercenaires, souvent étrangers, qui se livrent aux destructions et aux violences contre la population civile et contre lesquels lutte l’armée régulière syrienne. Les vrais criminels sont ainsi ces gouvernements occidentaux et leurs fantoches d’Arabie Saoudite et du Qatar. Ils ont déclenché, entretiennent et perpétuent cette guerre fratricide. Sans leur intervention et leur aide aux groupes rebelles et mercenaires il y a longtemps que l’ordre aurait été rétabli en Syrie et que les médias occidentaux ne pourraient plus se livrer à leur propagande et à son macabre décompte quotidien.
Les pouvoirs occidentaux ont profité des vents de révolte qui soufflaient dans certains pays musulmans pour provoquer une rébellion armée dans d’autres pays dont les dirigeants avaient le seul tort de leur déplaire politiquement pour n’être pas leurs obligés. Ces gouvernements occidentaux, avec certains médias serviles, entendent profiter des situations conflictuelles et difficiles qu’ils ont générées, pour dénoncer les pouvoirs légitimes de ces pays, les discréditer et finalement les combattre militairement. Ils n’hésitent pas pour cela à utiliser le mensonge et la désinformation, rendant systématiquement les pouvoirs en place et leur armée responsables d’exactions commises par les agresseurs extérieurs eux-mêmes.
Ignorants, lâches ou sans scrupules, participent de cette propagande insidieuse, en Europe, au Moyen-Orient et ailleurs, sous la bienveillante attention des Etats-Unis, des politiciens, des journalistes, des intellectuels, des juristes, tous croyant pouvoir impunément parler au nom du bon droit et du combat du Bien contre le Mal, avec l’arrogante certitude de l’unanimité.
Certitude erronée. Les signataires de la présente, avocats de différentes nationalités, ne prétendent pas s’immiscer dans les affaires intérieures syriennes, mais entendent exprimer, au nom de la seule raison et de l’honneur de l’esprit humain, leur honte et leur réprobation de tels procédés. Nous apportons notre soutien au gouvernement syrien dans sa juste lutte contre l’agression intérieure et extérieure dont il est victime. Nous dénonçons toutes les aides et soutiens extérieurs à ces vauriens, semeurs de troubles et de morts que l’Occident nous présente comme « armée syrienne libre ». Nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour aider le gouvernement Syrien à défendre la légitimité de son autorité et à faire la vérité sur cette vaste agression dont la seule victime est son peuple dont, comme il l’a fait précédemment en Irak, en Afghanistan, en Lybie, l’impérialisme occidental ose dénoncer la souffrance alors que c’est lui qui en est la cause.
1er Mars 2013
Liste des signataires
A ce jour l’appel a été signé par 10 avocats de 4 pays occidentaux.
Bruno BARDECHE, avocat au Barreau de Paris, André CHAMY, avocat au Barreau de Mulhouse, Fabrice DELINDE, avocat au Barreau des Hauts de Seine, Eric DELCROIX, ancien avocat au Barreau de Paris, Pascal JUNOD, avocat au Barreau de Genève, Henri LAQUAY, avocat au Barreau de Bruxelles, Philippe MISSAMOU, avocat au Barreau des Hauts de Seine, Bernard RIPERT, avocat au Barreau de Grenoble, Stefano SUTTI, avocat au Barreau de Milan, Damien VIGUIER, avocat au Barreau de l’Ain.
CONTACT : appeldu1ermars2013@outlook.comLien permanent Catégories : actualité, anti-national, géopolitique, international, lobby 0 commentaire -
Armes de destruction massive : Colin Powell accuse la CIA de l’avoir trompé
Il y a dix ans, le secrétaire d’État américain prononçait à l’ONU son discours sur les armes de destruction massive en Irak . Les « preuves » qu’il avancait se sont révélées fausses pour la plupart. À l’occasion de la publication de son livre J’ai eu de la chance aux éditions Odile Jacob, il revient sur cet épisode et sur la politique étrangère de son pays. Entretien exclusif avec Colin Powell.
Le Nouvel Observateur : Le 5 février 2003, vous avez prononcé à l’ONU votre « célèbre » discours sur les armes de destruction massive en Irak, dans lequel vous énonciez des « preuves » qui, pour la plupart, se sont révélées inexactes. Dix ans plus tard, vous écrivez dans votre nouveau livre que ce discours restera une « tache » dans votre carrière et que vous vous souvenez de ce 5 février aussi « profondément » que du jour de votre naissance. Pourquoi ?
Colin Powell : Il est très dur d’oublier un tel moment surtout quand on vous en parle chaque jour pendant dix ans ! Depuis que j’ai découvert qu’un grand nombre d’informations que l’on m’avait fournies étaient inexactes, je ne cesse de me demander : qu’aurais-je dû faire pour éviter cela ? Pour ma défense, je dirais que je n’ai eu que trois jours pour préparer cette présentation et que nous avions un très grand nombre de documents à analyser.
Pourquoi seulement trois jours ?
Le problème était le suivant : le président Bush m’a demandé de présenter nos preuves à l’ONU à partir d’un texte rédigé par un conseiller du vice-président Cheney. Or, quand j’ai demandé aux services de renseignement des éléments concrets pour étayer certaines parties de ce document, ils m’ont répondu qu’ils n’avaient jamais vu ces informations-là ! Il fallait donc repartir de zéro et écrire un autre discours. J’ai dit au président que j’avais besoin de plus de trois jours, mais il m’a répondu qu’il avait déjà annoncé au monde la date de ce discours à l’ONU, qu’il ne pouvait pas la reculer.
Le fait que le texte écrit par le bureau du vice-président était si étrange ne vous a-t-il pas alerté ? Ne vous êtes-vous pas dit : on essaie de me manipuler ?
Non, pas vraiment. J’étais déçu mais je ne paniquais pas : la CIA allait m’aider. Je suis allé au siège de l’Agence, et grâce aux informations fournies par son patron, George Tenet, j’ai pu bâtir le discours. Remarquez que j’y ai mis moins d’éléments controversés que le président, Condi Rice ou Rumsfeld avaient déjà utilisés publiquement et à plusieurs reprises. Le bureau de Cheney, par exemple, insistait pour que je parle des liens supposés entre Saddam Hussein et Al-Qaida, que le vice-président avait souvent évoqués. Mais, comme les éléments n’étaient pas probants, je ne l’ai pas fait. J’ai également très peu parlé du programme nucléaire.
Mais sur le reste aussi, le chimique et le biologique, les « preuves » étaient fausses.
Oui, mais ce n’était pas un mensonge délibéré de ma part. Je croyais à ce que je disais. Tout le monde, le président, les membres du gouvernement et le Congrès y croyaient. Le président m’a choisi parce que j’étais le plus crédible vis-à-vis de la communauté internationale, mais, encore une fois, je ne faisais que transmettre ce que les seize agences de renseignement disaient. Et je pense que si vous aviez été à ma place et que vous aviez vu les documents que l’on m’a présentés vous auriez cru à tout cela, vous aussi. Évidemment je pensais que la CIA avait vérifié ses informations. Aussi, quand, quelques semaines plus tard, l’Agence nous a dit que l’« information » sur les laboratoires biologiques ambulants venait d’Allemagne et qu’aucun agent américain n’avait interrogé la source principale de ce canular, j’ai été stupéfait.
George Tenet, le patron de la CIA, vous avait-il dit que les Allemands l’avaient prévenu du manque de fiabilité de cette source ?
Non et je ne sais toujours pas ce qu’il savait en réalité. Plus tard, il est apparu qu’un certain nombre de personnes dans les services de renseignement étaient au courant de cette alerte des Allemands et d’autres mises en garde. Ils ont dit : « Nous sommes allés voir Tenet mais il ne voulait pas nous écouter. » Est-ce vrai ? Je ne sais pas. En tout cas, lors de ma présentation à l’ONU, je voulais qu’il soit à mes côtés, que la présence du patron de la CIA signifie au monde que ce que je disais reflétait ses conclusions. Dix ans plus tard, Tenet n’a toujours pas reconnu que celles-ci étaient fausses ! Pas une fois, il a expliqué pourquoi ses services avaient écrit, par exemple, que Saddam Hussein avait des centaines de tonnes d’armes chimiques, « dont la plupart avaient été fabriquées l’année passée » alors qu’il n’en possédait pas un gramme !
Il y a quelques années, vous avez dit qu’une commission du Congrès devrait enquêter sur tout cela.
Passons à un autre sujet, voulez-vous ?
Propos recueillis à Washington par Vincent Jauvert-Le Nouvel Observateur
Article publié dans Le Nouvel Observateur du 28 février
Pour approfondir :
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Syrie : les américains aux côtés des islamistes…
Le gouvernement des États-Unis vient de décréter une nouvelle aide financière aux rebelles syriens. Le nouveau secrétaire d’État, John Kerry, vient d’annoncer en effet une aide financière complémentaire de 60 millions de $ pour soutenir une opposition désormais aux mains des milices islamistes : car ce sont plus de 60 000 djihadistes qui combattent sur le sol syrien !
Pendant ce temps là, la communauté chrétienne de Syrie, menacée et persécutés par les rebelles syriens, est désormais l’objet d’un « grand exil qui se déroule en silence », selon le mot d’un patriarche libanais. Les chrétiens sont présents sur le sol syrien depuis 2000 ans : actuellement deux millions, ils sont en train de fuir une terre devenue hostile, où les leurs sont martyrisés par les fanatiques musulmans. Ces chrétiens syriens affluent donc, par centaines chaque semaine, au Liban, terre voisine, qui accueille aujourd’hui plus de 920000 Syriens.
Ce sont aujourd’hui des villages entiers de chrétiens qui ont été vidés de leurs habitants. Les uns massacrés, les autres chassés par l’islam. D’autres encore qui fuient, anticipant la répression..
Il est amusant d’entendre certains nous expliquer que des « intégristes », il y en a dans toutes les religions… La rhétorique est commode pour éviter d’entrer dans le sujet. Faut-il conclure du discours de ces bien-pensants, qui ne veulent surtout pas « stigmatiser » une religion, que les fidèles de saint Nicolas du Chardonnay sont comparables aux kamikazes musulmans ? Car lorsqu’ils parlent des « intégristes » catholiques, en voulant les mettre sur le même plan que les « intégristes » musulmans, qui visent-ils exactement ?
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Quand la Russie montre sa puissance… douce
EXCLUSIVITÉ FORTUNE : Tribune libre de Vassily, l’un de nos lecteurs.
“Un plus large recours aux méthodes dénommées “soft power” devrait contribuer à améliorer l’efficacité de notre travail” - Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, 23 janvier 2013.
Pour modifier son image de pays agressif rongé par des instincts totalitaires, la Russie a décidé de passer à la vitesse supérieure en matière de “soft power” ou puissance douce: une série d’efforts visant à modifier l’image du pays directement au sein de l’opinion publique internationale, en défendant sa politique, ses valeurs et sa culture via des moyens non coercitifs. Un concept élaboré par le professeur américain Joseph Nye, mais qui trouve en réalité ses racines dans les efforts déployés par les États-Unis depuis l’après-guerre afin d’uniformiser les cultures et les modes de pensée.
Pour redorer son blason, la Russie a du pain sur la planche: le pays est systématiquement dépeint dans les médias dominants comme un État autoritaire ayant hérité des tendances dominatrices de son prédécesseur, l’URSS. La guerre d’août 2008 contre la Géorgie autour de deux régions indépendantistes a aggravé son cas: Moscou donnait l’image d’une immense puissance “agressant”, alors qu’elle contre-attaquait après des mois de mises en garde, son petit voisin de quatre millions d’habitants. Le régime de Tbilissi se trouvait être un allié de l’Otan, circonstance qui a fortement conditionné l’offensive diplomatico-médiatique qui s’est ensuite abattue sur Moscou.La position de la diplomatie russe s’avère d’une remarquable cohérence sur le long terme: que l’on songe à la prudence justifiée du pays dès le début du “printemps arabe”, à son opposition intangible à l’indépendance du Kosovo ou à sa détermination sur le dossier syrien. Son image figée et son langage très formel peinent toutefois à conquérir les cœurs et à faire valoir les intérêts du pays sur la scène internationale. Face à un Obama monopolisant la “cool-attitude”, la Russie risque d’être perçue comme un pays glacial et glaçant. Elle doit donc mettre en place une stratégie efficace pour séduire au niveau mondial.
La puissance douce “à la russe” comprend un éventail diffus d’initiatives, comme des forums de jeunesse et des associations (Dialogue franco-russe) et des manifestations culturelles dont nous ne souhaitons pas dresser un catalogue exhaustif ici. Nous avons décidé de nous focaliser sur la bataille médiatique menée par la Russie en France et dans le monde.
I. Le cas de la France
La France est en première ligne des efforts de Moscou. Rien d’étonnant à cela, car historiquement l’Hexagone est un référent traditionnel: que l’on songe à l’aristocratie russe dont la langue était le français, ou à la première page de Guerre et paix écrite dans notre langue. Aux yeux des Russes, la France est l’alter ego, un État où naissent des tendances historiques qui parcourent ensuite l’Europe et le monde. Une nation qui passionne la population russe et ses dirigeants. Un pays frère, qui désormais inquiète.Car les Russes, peuple conservateur paradoxalement protégé des évolutions occidentales par 70 ans de communisme et très largement épargné par les ravages du politiquement correct, ne se reconnaissent plus dans un Hexagone défiguré par l’immigration massive et le relativisme des mœurs. En témoigne l’adoption de la loi sur le “mariage pour tous”, à l’heure où les députés russes adoptent un texte condamnant le prosélytisme homosexuel auprès des mineurs.
La France, pays qui a pendant des siècles donné le ton et inspiré le cousin russe, devient peu à peu l’Afrance. Les touristes russes rentrent généralement dépités de Paris, leurs images d’Épinal éventées par les effluves des environs de Montmartre. En filigrane, la crainte que le même sort ne les attende alors que l’immigration s’intensifie dans leur pays. Face à une Europe qui a déjà basculé dans la sphère d’influence de l’Otan, ennemi juré de l’aïeul soviétique, alors que la décadence des mœurs est érigée en norme, la Russie risque à terme de se retrouver isolée sur la scène politique.
L’Hexagone est une priorité car il possède en outre une des classes médiatiques les plus fondamentalement hostiles à la Russie et à ses dirigeants. La nomination de Natalie Nougayrède, porte-voix officieux des indépendantistes tchétchènes durant la guerre, à la tête du Monde, constitue un symbole de plus de la posture antirusse du “quotidien de référence”. Un journal dont la rubrique “Russie” se résumait auparavant aux billets d’humeur au vitriol de Marie Jégo, à mille lieues de toute rigueur journalistique. De son côté, le correspondant du Figaro relaie fébrilement les griefs d’une opposition pro-occidentale ultra-minoritaire, tout en déplorant l’insuffisance du nombre de mosquées à Moscou.
De ce fait, la France a toujours été une des cibles de premier plan des efforts de communication de la Russie. On peut citer l’agence RIA Novosti, qui fournit des dépêches en neuf langues en plus du russe, à la Voix de la Russie, ou plus récemment au quotidien en ligne La Russie d’Aujourd’hui. Cependant, tous ces projets, destinés à parler de la Russie en court-circuitant les médias locaux, sont dans différentes langues, celle de Voltaire n’étant que l’une d’entre elles.
Un nouveau projet chapeauté par la Voix de la Russie constitue pourtant un virage, de par sa tonalité radicalement nouvelle, et parce qu’il ne s’adresse qu’à la France. Les lecteurs de Fortune sont déjà familiarisés avec Sylvie Collet de Prorussia.tv et son “rentre-dedans”, qui n’hésite plus à démonter les manipulations des médiamensonges (la scène de Poutine “abattant” un tigre) et à rappeler aux spectateurs que les journalistes, non contents de leur “faire les poches“, les “prennent pour des cons“.
En délivrant un discours musclé à destination des patriotes français, en insistant sans langue de bois sur la trahison de leurs élites, Radio Moscou se place dans le sillage direct de Radio Londres. Un remarquable retournement historique, qui prépare le terrain pour des bouleversements politiques susceptibles d’advenir dans un futur proche.
La France est une tête de pont essentielle pour remporter la bataille des opinions. De ce fait, l’épisode de Gérard Depardieu, devenu russe sur décret de Vladimir Poutine, avant de déclarer dans un pied de nez éclatant à la pensée dominante que “la Russie était une grande démocratie“, constitue une victoire symbolique de Moscou dans ses efforts en direction de la France et de l’Europe en général.
II. Russia Today
Nous avons évoqué les projets médiatiques “multilingues” menés par la Russie dans le domaine de la presse écrite (RIA Novosti) et de la radio (Voix de la Russie). Un projet crucial à mentionner est la chaîne satellitaire Russia Today qui émet elle aussi dans plusieurs langues. Le projet est néanmoins axé en premier lieu sur le monde anglo-saxon, auquel il transmet une vision différente, voire dissidente, de l’actualité internationale et américaine.
Caractérisé par un grand professionnalisme et des moyens importants, Russia Today n’hésite pas à se démarquer de la couverture médiatique traditionnelle, par exemple en diffusant une émission où Julian Assange interroge le leader du Hezbollah. La chaîne a abondamment relayé les revendications et les actions du mouvement anti-Wall Street aux États-Unis, en mettant l’accent sur les violences perpétrées par la police à l’encontre des manifestants.
La chaîne est régulièrement dans le viseur des autorités de différents pays, et gênée dans ses activités. Elle sera notamment brouillée en Libye durant la révolution (Moscou avait critiqué le fait que les alliés s’ingèrent dans la crise aux côtés des rebelles). Aux États-Unis, une équipe de tournage a été arrêtée en couvrant une action de protestation. La chaîne a même été qualifiée d’”ennemi de Washington” par Walter Isaacson, membre de la direction du Conseil de télédiffusion des États-Uni, le CSA local. Coïncidence? Le bureau de la chaîne à Gaza a été détruit par un missile israélien pendant le conflit de novembre 2012.
En osant offrir un autre son de cloche, Russia Today réalise un pari risqué qui s’avère néanmoins payant: sur fond de crise de confiance entre les Américains et les médias officiels, la chaîne est entrée sur le podium des trois chaînes d’informations les plus vues au Royaume-Uni, derrière BBC News et Sky News de Rupert Murdoch. A la mi 2012, Russia Today a indiqué avoir doublé son auditoire aux États-Unis.
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Le tournant du “soft power” mentionné par Sergueï Lavrov a en réalité été opéré il y a plusieurs années. Consciente de son isolement, la Russie sait qu’il est temps pour elle de prendre les devants afin d’anticiper des bouleversements mondiaux imminents, qui risquent de tourner en sa défaveur.Alors que la bataille des valeurs s’intensifie à l’échelle planétaire, la Russie moderne cherche à se poser en alternative politique au niveau mondial. Chantre de la souveraineté des nations et de l’identité européenne, la Russie de Poutine chercherait-elle à nous dire: “Patriotes de tous les pays, unissez-vous“?
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Relations Russie – Union Européenne
« La crise de l’Euro est bien plus profonde qu’une simple crise de la dette. L’Euro a été créé pour des raisons politiques et sans prendre en compte le niveau de technologie des pays, l’harmonisation du marché du travail, l’intégration politique et une langue commune. On aurait dû être davantage pragmatique. Quand la crise est survenue, les réponses ont été inadaptées. L’Union Européenne n’est pas une vraie Fédération et en a tous les inconvénients sans en avoir les avantages. »
Cette déclaration cassante de Vladimir Poutine le 25 octobre 2012 lors du Club Valdaï résume bien le sentiment russe vis-à-vis de l’Union Européenne : vous n’êtes pas un modèle pour la Russie. En d’autres termes, la monnaie est construite sur du sable, les disparités économiques et territoriales ont été négligées, vous ne disposez pas d’un socle identitaire solide et votre gouvernance est bancale. Qui êtes-vous pour nous donner des leçons ?
En cherchant à mieux comprendre ce désamour, l’on retrouve malheureusement beaucoup de qualificatifs émotionnels de part et d’autre: absence de respect mutuel, ambiguïté, incompréhension, divergences, méfiance, malentendus, concurrence. Comme dans un vieux couple, les reproches fusent et se répondent sans que l’on saisisse véritablement qui a eu tort le premier.
Ainsi, quand l’Europe parle à la Russie de liberté et de démocratie, cette dernière y voit hypocrisie et leçons de morale à géométrie variable. L’UE ne soutient-elle pas depuis longtemps des régimes notoirement corrompus et peu démocratiques comme celui de l’Algérie et la France n’a-t-elle pas reçu en grande pompe l’ubuesque Colonel Kadhafi, avec sa tente installée sur les Champs Élysées, avant de décider de le bombarder sans ménagement ?
Une Histoire européenne commune… Oubliant un peu vite le dépeçage de la Pologne, qui a tout de même marqué les esprits libéraux européens, et ses conquêtes aussi bien impériales que staliniennes vers la Baltique, la mer Noire, l’Asie Centrale et l’Extrême Orient, la Russie se souvient surtout des agressions militaires multiples qui se sont succédé au fil des siècles en provenance des Polono-Lithuaniens, des Suédois, des Allemands, des Français et des Anglo-saxons, lesquelles ont développé un sentiment de citadelle assiégée.
Abus de pouvoir énergétique envers l’Ukraine et l’Europe Centrale ? Un instrument d’influence qui vaut bien celui des multinationales, de la puissance de l’argent et des médias occidentaux. Une divergence sur les valeurs fondamentales ? Vu du côté russe, quelles sont les valeurs de cette Union Européenne qui ne reconnaît pas ses racines judéo-chrétiennes dans sa Constitution alors que l’orthodoxie fait partie intégrante de la nouvelle société russe ? Corruption des élites : certes, mais n’y a-t-il jamais eu de politiciens corrompus en Europe et, chose à peine croyable, l’un de ses pays membre n’est-il pas allé jusqu’à escroquer les autres en falsifiant à grande échelle sa comptabilité publique, engendrant ainsi des dizaines de milliards d’euros de pertes pour les banques, les sociétés et les citoyens européens? Et encore, le décompte de ce qui sera probablement la facture la plus salée de l’Histoire n’est pas définitif…
La brutalité de la répression en Tchétchénie ? Sans aucun doute mais les guerres coloniales, le Vietnam ou le déclenchement d’une invasion pour des armes de destruction massive jamais découvertes répondent en échos. La position du Kremlin est qu’aucune n’est propre : « pas plus la nôtre que les vôtres ». Cette affirmation n’est pas très morale mais elle a le mérite de ne pas la mettre systématiquement du même côté, comme dans les films hollywoodiens. Enfin, si le soutien à la Syrie de Bachar El Assad apparaît à raison injustifiable à la communauté internationale, les Russes demandent néanmoins pourquoi ce dernier était l’invité d’honneur au défilé du 14 juillet 2008 et pourquoi il était encore chouchouté par les capitales européennes il y a à peine plus de deux ans. La France et l’Europe pouvaient-elles alors feindre d’ignorer que, tout comme son père avant lui, il était déjà un dictateur implacable, ou alors ont-t-elle fait preuve d’un cynisme au moins équivalent à celui de la Russie et de la Chine aujourd’hui ? Vu du Kremlin, les Européens et les Américains font semblant d’oublier que la dernière base navale russe sur la Méditerranée est précisément située à Tartous, en Syrie, à quelques encablures d’Israël.
Ce jeu de ping-pong avec l’Europe et plus généralement entre l’Occident et la Russie pourrait être sans fin. Malgré sa culture profondément européenne (Cf ouvrages du Prof. Martin Malia, Berkeley University), notamment en tant qu’héritier de Byzance pour la chrétienté et d’une forte communauté juive l’ancrant également dans la tradition biblique occidentale, malgré une aristocratie qui fût francophone et germanophone, malgré le romantisme de l’amitié communiste entre les peuples ou bien la Maison européenne chère à Gorbatchev… la Russie n’a en fait jamais vraiment été une puissance géopolitique de nature européenne (Cf. ouvrage A. Leclercq : La Russie, puissance d’Eurasie – Histoire géopolitique des origines à nos jours, Ellipses décembre 2012) .
Il n’empêche que les relations existantes avec l’UE et leur potentiel à tous niveaux demeurent vitales aux deux parties. A cet égard, certains se demandent si ces relations doivent désormais reposer sur une logique de valeurs ou bien sur une logique d’intérêts. Là réside sans doute un premier élément de réponse pour comprendre la stérilité des relations entre la Russie et l’UE. En effet, nous ne nous posons pas vraiment la question en ces termes et avec la même acuité avec la Chine, l’Inde ou l’Afrique, civilisations bien éloignées de nos paradigmes occidentaux. Tout ne nous y plaît pas, mais l’on accepte cependant, résignés peut-être, que ce n’est pas tout à fait la même chose là-bas. En revanche, si on la pose de cette façon avec la Russie, c’est sans doute en raison de sa proximité culturelle et historique qui voudrait qu’elle soit très proche, voire en quelque sorte assimilable.
Or, la Russie est eurasiatique, elle n’est pas européenne. Au mieux, elle est perçue comme « entre-deux » mais n’est pas comprise par l’Occident comme une civilisation à part entière, d’où des malentendus car les Russes ne le voient pas de cette façon.
Les États-Unis, pourtant jeune nation, sont parvenus de façon remarquable à incarner un système de valeurs, que l’on apprécie ou pas, mais que l’on comprend et en général respecte. Si l’on considère que la Russie est « Autre », que la proximité avec l’Europe n’a été que conjoncturelle et fondée sur des malentendus, si notre regard occidental s’accorde une grille de lecture au moins équivalente à celle que l’on accepte naturellement pour des pays et civilisations nous apparaissant différents de façon plus immédiatement évidente, alors l’on évitera de se poser la question de notre relation en termes de logique de valeurs versus d’intérêts car il n’y a pas de meilleure façon pour stigmatiser des différences de l’Autre et lui imposer a priori un système qui n’est pas vraiment le sien.
A partir de là, le niveau d’attente et d’exigences de chacun envers l’Autre ne devient certes pas moindre et ne doit pas se transformer en complaisance, mais il se déplace sous un autre angle et donne davantage d’ouverture d’esprit pour accepter les différences, même choquantes au premier abord. Ainsi, les Russes pourront par exemple accepter que l’évolution des mœurs (mariage pour tous) n’est pas nécessairement synonyme de décadence, ou que la bureaucratie bruxelloise, malgré ses lourdeurs, a néanmoins contribué à construire une œuvre unique dans l’Histoire des peuples.
Les Européens pourront de même essayer de mieux comprendre la pensée russe qu’ils connaissent si mal, ainsi que la géographie de cet espace aussi vaste qu’un continent où l’on se fait une représentation mentale bien différente du chef de l’État, de la religion, de l’armée, des fonctionnaires, de l’argent et du territoire. Une approche moins émotionnelle montrera alors qu’aucun des deux systèmes n’est transposable in extenso, même si des points communs existent.
A l’instar de Winston Churchill, notre système de démocratie occidentale et d’Union Européenne sont peut-être les pires de tous les régimes à l’exception de tous les autres, et il est compréhensible que nous, Européens, les défendions jusqu’au messianisme. Si l’on veut sortir du « je t’aime, moi non plus » qui préside aux relations UE-Russie, il est indispensable que cette dernière mette davantage en évidence son système de valeurs et son fonctionnement qui lui sont propres.
La Russie n’est plus « l’empire du mal » (Cf discours de Ronald Reagan, 8 mars 1983) et a perdu en 1991 les stygmates soviétiques qui la caractérisaient si particulièrement. Pour être à nouveau acceptée comme une entité, voire comme une civilisation à part entière, par l’Occident, par la Chine ou par d’autres, la Russie doit mettre en évidence les fondements de son idéologie et donner des exemples de valeurs identifiables par les autres systèmes et civilisations.
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Bruxelles : la ville où plusieurs milliers de lobbies dirigent l’Union européenne !
Aux abords des institutions européennes, il existe 2500 structures de groupes de pression et plus de 15 000 lobbyistes : ce qui fait de Bruxelles le deuxième pôle de lobbying après Washington. Pour mieux comprendre ces réseaux d’influences, les réalisateurs de la vidéo ci-dessous ont rencontré certains de leurs membres. Pascal Keineis représente à lui seul quarante multinationales dans le secteur des services, des banques et des assurances et du tourisme, soit 50% du PNB de l’UE. A l’opposé, Olivier Hoedeman a créé il y a vingt ans un observatoire pour cerner l’influence de l’industrie sur les décisions de Bruxelles. Au début de ses recherches, il avait notamment découvert l’existence de l’ERT, groupe de pression réunissant les plus gros industriels européens.
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Charcot, le dernier explorateur
Le Figaro Magazine - 14/02/2013
Marin et médecin, explorateur et savant, découvreur de l’Antarctique, Jean-Baptiste Charcot, disparu en mer en 1936, fut une authentique légende vivante.
C’était au début de l’autre siècle. À l’issue des grandes explorations, la Terre ne recelait plus aucune contrée inconnue, à part l’Amazonie et les régions polaires. S’il appartiendra au Norvégien Amundsen, coiffant sur le poteau l’Anglais Scott, en 1911, de vaincre le pôle Sud, un Français attachera son nom à la découverte de cet univers voué au froid, à la glace et au blizzard : Jean-Baptiste Charcot.
L’homme n’était pas un ingrat. Il devait beaucoup à son père, le Dr Jean-Martin Charcot, célèbre médecin aliéniste. Il devait également beaucoup à son pays, la France ayant soutenu sa vocation scientifique, et aux donateurs étrangers qui l’avaient aidé. En 1906, rédigeant le récit de la première expédition française au pôle Sud, Charcot soulignait ceci : « Si la liste n’en était trop longue, je voudrais pouvoir remercier ici nominalement tous ceux qui, tant en France qu’à l’étranger (…), ont permis à un “fils à papa” de se rendre utile et de faire son devoir. À ceux qui liront ces lignes, je puis assurer que la reconnaissance est un sentiment qui ne m’effraie pas. »
La réédition des textes où Charcot relatait ses campagnes dans l’Antarctique * est l’occasion de rendre hommage à cette figure admirable, grand marin et grand savant, patriote et homme d’honneur.
Né à Neuilly-sur-Seine en 1867, Jean-Baptiste Charcot est élève à l’Ecole alsacienne. Très tôt, il se signale par son goût pour le sport : boxe, rugby (il sera champion de France en 1896), escrime et déjà la voile qu’il pratique l’été à Ouistreham. Très jeune également, il manifeste sa fascination pour l’exotisme en publiant dans un illustré les aventures d’un trois-mâts en Patagonie. Il voudrait être marin mais, répondant au vœu de ses parents, entreprend des études de médecine. Il voyage avec son père en Europe du Nord et en Scandinavie, ainsi qu’en Espagne et au Maroc, mais il conservera la phobie des pays chauds. En 1888, c’est en qualité de médecin auxiliaire qu’il effectue son service militaire dans les chasseurs alpins. Interne des hôpitaux en 1891, il entre à la Salpêtrière puis, en 1895, docteur en médecine, à l’hôpital Saint-Antoine.
En 1892, il achète son premier bateau, un sloop de 8 mètres. L’année suivante, alors que son père vient de mourir, il se fait construire un cotre de 20 mètres et le baptise Pourquoi Pas ? Ce sera le nom de quatre navires successifs de Jean-Baptiste Charcot.
Médaillé aux Jeux olympiques de 1900
En 1896, il épouse Jeanne Hugo, la petite-fille de l’écrivain, divorcée de Léon Daudet, son camarade de l’Ecole de médecine. Charcot revend le Pourquoi Pas ?, en fait construire un deuxième, puis un troisième avec lequel, en 1897, il remonte le Nil en compagnie du milliardaire américain Vanderbilt. En 1900, aux Jeux olympiques de Paris, il est double médaillé d’argent dans l’épreuve de voile. Ayant encore changé de navire, il effectue une série de croisières scientifiques dans les Shetland, aux Hébrides, aux îles Féroé, et franchit pour la première fois le cercle polaire arctique en 1902.
Entre 1903 et 1910, sur ses deux nouveaux bâtiments, Le Français , un trois-mâts goélette de 32 mètres, et le Pourquoi pas ? IV, un bateau d’exploration polaire de 40 mètres gréé en trois-mâts et équipé d’une machine auxiliaire à vapeur, il effectue plusieurs missions dans l’Antarctique. Il en revient avec une moisson impressionnante, ayant reconnu des milliers de kilomètres de côtes, établi des cartes et effectué des relevés dans des domaines scientifiques multiples : météorologie, magnétisme, glaciologie, zoologie, etc.
Après avoir divorcé de Jeanne Hugo, Charcot se remarie, en 1907, avec Marguerite Cléry, un peintre qui l’accompagnera dorénavant dans ses voyages. Depuis 1902, il est médecin de réserve de la Marine. Lorsque éclate la Grande Guerre, il est mobilisé et affecté à l’hôpital maritime de Cherbourg. En 1915, l’Amirauté britannique lui confie toutefois le commandement d’un baleinier armé par un équipage franco-anglais et chargé de surveiller les îles Féroé, que l’on soupçonne de servir de bases aux sous-marins ennemis. De 1916 à 1918, il croise le long des côtes bretonnes et normandes, au service de la Marine française, cette fois, sur des cargos banalisés, eux aussi chargés de la chasse aux sous-marins allemands. Charcot termine le conflit avec une décoration britannique, la croix de guerre française et une citation à l’ordre de la Marine.
La paix revenue, le Pourquoi Pas ? est définitivement transformé en navire de recherche scientifique, et affecté à des missions en Atlantique Nord, dans la Manche et en Méditerranée. Charcot est nommé capitaine de frégate en 1923 mais, deux ans plus tard, atteint par la limite d’âge, il perd son commandement. Il reste néanmoins à bord en tant que chef de mission.
Des obsèques nationales à Notre-Dame de Paris
Membre de l’Académie des sciences, de l’Académie de marine et de l’Académie de médecine, le « commandant Charcot », alors au sommet de sa gloire, est une sorte de légende vivante qui fait la liaison entre les milieux scientifiques et le monde de la mer, dans lequel l’élément militaire reste prédominant à l’époque.
Le 16 septembre 1936, de retour du Groenland où il est allé livrer du matériel au jeune Paul-Emile Victor, le Pourquoi pas ? est pris dans une effroyable tempête au large de l’Islande. Charcot, qui navigue depuis plus de cinquante ans, comprend que cette fois sera la dernière : son navire se fracasse sur les récifs d’Alftanes, laissant 23 morts, 17 disparus et un survivant. Le 12 octobre suivant, les dépouilles retrouvées ont droit à d’émouvantes funérailles nationales à Notre-Dame de Paris. À l’issue de la cérémonie, Jean-Baptiste Charcot est enterré au cimetière Montmartre. C’est là, sur les hauteurs de la capitale, que repose le dernier explorateur français. ¡
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
* Le Français au pôle Sud & Le Pourquoi Pas ? dans l’Antarctique , de Jean-Baptiste Charcot, Arthaud. -
Obama contre le lobby pro-Israël
Avec la nomination de Chuck Hagel au poste de secrétaire à la Défense, le Président se risque à une épreuve de force dont ses prédécesseurs s’étaient bien gardés. Cela pourrait-il être le signal d’un changement stratégique de politique étrangère ?
Pour la première fois depuis 40 ans, le chef du Pentagone est à nouveau un homme disposant d’une expérience militaire forgée au combat. En 1967, Chuck Hagel s’est porté volontaire pour le Vietnam où il a été blessé – son corps en porte encore les stigmates – et deux fois décoré. Il aurait pu pourtant effectuer son service militaire dans la paisible Allemagne de l’Ouest, cependant il choisit plutôt dans s’engager sur le théâtre de guerre, en Indochine. Contrairement à ses prédécesseurs, et sur la base de sa propre expérience, Hagel sait donc parfaitement ce que signifie envoyer des jeunes gens sur le front. Cela n’a pas fait de lui un pacifiste pour autant, mais plutôt un réaliste. Et c’est précisément pour cette raison que cet homme de 66 ans constitue pour certains un élément de perturbation.
À peine l’éventualité d’une nomination de Hagel fut-elle envisagée en décembre 2012, qu’une campagne hostile et nauséabonde s’engageait dans les médias américains et israéliens. Selon le Jerusalem Post, ce dernier aurait un « problème juif » alors que, selon l’influent Sénateur Lindsay Graham, il se situerait « en dehors du courant dominant » puisqu’il deviendrait alors « le secrétaire à la Défense le plus hostile à Israël de l’histoire de notre nation ». Selon le Wall Street Journal, il exhalerait de lui comme « une odeur » d’antisémitisme. Le Weekly Standard, l’organe maison des néoconservateurs – Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense de Bush, en faisait distribuer systématiquement quelques centaines d’exemplaires au Pentagone – accusa Hagel de faire preuve d’une « hostilité récurrente » envers Israël. Ainsi, le journal rapporta les propos suivant d’un employé républicain du Sénat : « Qu’on nous impose Hagel et nous allons faire en sorte que chaque Américain sache qu’il est un antisémite. » Quand Obama donna confirmation de son choix début janvier, le journal Hayom, proche du gouvernement israélien, fit savoir que l’entourage de Benjamin Netanyahou considérait la nomination de Hagel comme « un très mauvais choix ». Entre-temps, en Allemagne, la presse Springer avait également dégainé. [1]
Ainsi, dans le journal Die Welt, il fut qualifié de « stupide », tandis que le Bild-Zeitung estima que la décision du Président « avait soulevé une vague d’indignation » dans un article ayant pour titre « Le nouveau ministre d’Obama : Un ennemi d’Israël ? »
La violence de ces attaques est également à rechercher dans le fait qu’avec Hagel, le Président issu du camp démocrate a choisi d’envoyer un républicain au Pentagone, comme ce fut déjà le cas en 2009 avec Robert Gates. Cela suscite de la rage au sein du parti d’opposition, avant tout parmi les néoconservateurs, qui voient en Hagel le type même du conservateur traditionnel qui, s’il devait faire bonne figure aux yeux de la base conservatrice, à son poste ministériel, pourrait constituer une dangereuse épine dans leur pied. Hagel s’affiche ostensiblement comme catholique et opposant à l’avortement. De plus, en 1998, il s’est ouvertement opposé à la nomination au poste d’ambassadeur des États-Unis d’un candidat qualifié par lui d’« homosexuel agressif » [2].
Voilà qui plaît aux fermiers du Middle West et qui devrait pousser son parti à mettre en avant un vieux briscard de ce calibre. Pourtant, de façon malveillante, il est décrit comme étant « à la gauche d’Obama », ce qui a à peu près aussi pertinent que de situer Peter Gauweiler, le poil à gratter de la CSU, à la gauche de Steinbrück [3].
Le fait que les néoconservateurs s’opposent ainsi à Hagel repose sur quatre raisons principales qui ont toutes à voir avec le Proche-Orient. Tout d’abord, il n’a soutenu la guerre en Irak qu’à ses tout débuts, en 2003, avant de s’y opposer par la suite, arguant que Bush « jouait au ping-pong avec la vie d’Américains ». Par ailleurs, il a défendu le point de vue suivant : « Israël est notre ami et notre allié et nous devons assurer nos devoirs à son égard mais en aucun cas au détriment du peuple palestinien. » Troisièmement, il a voté plusieurs fois contre une aggravation des sanctions à l’égard de l’Iran et, dans la continuité de sa position, il s’est toujours opposé à toute intervention militaire. Concernant la question d’une hypothétique arme nucléaire iranienne, il ne partage ni l’obsession panique des néoconservateurs, ni l’opposition mesurée tout autant que ferme d’Obama à ce sujet. Le « génie des armes nucléaires est déjà sorti de sa bouteille, quoi que fasse l’Iran », a-t-il écrit de façon lapidaire, en 2008. Et enfin, et ce n’est pas le moindre, en 2006, dans le cadre du Congrès des États-Unis il a exprimé le constat suivant : « Au sein de cette assemblée beaucoup de gens sont sous l’intimidation du lobby juif. » C’est ainsi que lorsque la puissante organisation lobbyiste American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) présente un projet de résolution, elle recueille la signature de 80 à 90 sénateurs en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Si lui-même n’a encore désigné personne nommément, il a fait savoir qu’il tient une telle attitude pour « stupide ». Pour conclure avec ses propres mots, il n’est en aucun cas « un sénateur israélien mais un sénateur des États-Unis ».
L’utilisation de l’expression « lobby juif » par Hagel est particulièrement significative. À ce propos, il convient de rappeler qu’en Israël même – cf. l’article que le Jerusalem Post a consacré à Hagel le 26 décembre 2012 – l’AIPAC est décrite comme « ha lobby hayehudi », à savoir sous les termes de « lobby juif ».
En dénonçant comme il le fait les pressions exercées par cette organisation sur les politiciens, Hagel exprime ce que beaucoup pensent tout bas. En l’occurrence, le mécanisme d’intimidation ne repose pas sur des manifestations de violence pure mais sous une autre forme. Par exemple, quand un politicien prend des positions conformes aux intérêts du lobby, alors l’AIPAC intervient pour le mettre en contact avec des sponsors. Au contraire, s’il ne le fait pas, il voit une campagne dans les médias ou sur Internet immédiatement diligentée contre lui. En février 2007, l’ancien président Jimmy Carter a résumé les choses de la façon suivante : « Pour un membre du Congrès qui souhaite être réélu, ce serait presque un suicide politique que de soutenir une position contraire à celle du gouvernement conservateur israélien. »
Un autre ancien président, à savoir Bill Clinton, a évoqué quant à lui le « lobby le plus efficace de Washington ». Qu’on en juge : chaque année, l’AIPAC peut compter sur un budget de 47 millions de dollars, sur 100 000 membres à l’échelle du pays et sur un siège national situé à Washington comptant plus de cent lobbyistes, spin doctors [4], publicitaires et autres éminences grises classés parmi les plus illustres sur la liste publiée par le National Journal en 2005, ce qui fait de cette organisation le deuxième lobby en importance après celui des armes représenté par la fameuse National Rifle Association. À l’occasion de l’assemblée générale annuelle de l’organisation, l’énonciation de la liste de tous ses sympathisants dans le monde politique dure pratiquement une demi-heure. Depuis des années, indépendamment de l’appartenance politique des présidents successifs, la majorité des membres du Sénat, un quart des membres de la Chambre des représentants, plus de 50 ambassadeurs ainsi que des douzaines de hauts fonctionnaires gouvernementaux figurent sur cette liste.
Qu’Obama ait réussi à imposer son secrétaire à la Défense dans ce contexte de vents contraires et à se sortir de l’impasse dans laquelle il risquait de s’enfermer, ne fut rendu possible qu’en raison du soutien d’une grande partie des généraux les plus et les mieux décorés, ainsi que de celui des experts en stratégie les plus renommés. Pour aller plus loin, on pourrait d’ailleurs avancer que ce sont précisément les accusations du lobby pro-Israël et des néoconservateurs contre Hagel qui, par leur côté excessif et perfide, ont suscité une contre-réaction au sein de l’establishment, pour la première fois depuis bien longtemps, et encouragé l’école dite réaliste à oser sortir de la clandestinité.
À cet égard, ceux qui ont toujours pensé que la politique extérieure US était conduite en sous-main par un centre de pouvoir collectif à trois têtes, à savoir Henry Kissinger, Georges Soros et Zbigniew Brzezinski, sont désormais dans l’obligation de reconnaître, devant les marques d’hostilité qui s’expriment au grand jour, qu’un tel centre de pouvoir homogène n’existe pas. C’est ainsi que Zbigniew Brzezinski s’est ouvertement exprimé, aux côtés d’autres conseillers de présidents précédents (James L. Jones, Brent Scowcroft, Frank Carlucci) et cela avant même que le président Obama ait fait connaître son choix en faveur de Hagel, pour faire savoir qu’à ses yeux, le sénateur serait « un homme d’une intégrité et d’une sagesse inébranlables qui, dans la guerre comme dans la paix, avait servi son pays de la manière la plus noble ». De même, dans une prise de position commune, onze responsables militaires parmi les plus haut gradés se sont prononcés de manière élogieuse en faveur de Hagel, voyant en lui un « solide dirigeant du Pentagone » ainsi qu’ « une voix modérée et équilibrée dans une époque troublée et déséquilibrée ». Parmi d’autres signataires, on compte par exemple l’amiral William J. Fallon et le général Anthony Zinni, , deux des plus récents responsables de l’US Central Command (CENTCOM) qui est la structure de commandement des opérations de guerre au Proche-Orient (Zinni en fut le responsable de 1997 à 2000 et Fallon de 2007 à 2008).
Tout comme son mentor John Kerry, le nouveau ministre des Affaires étrangères Hagel est un tenant de la doctrine Powell, doctrine qui fut mise en œuvre lors de la première guerre d’Irak, en 1991, alors que Colin Powell était commandant suprême des forces armées US. À cette époque, il était convenu que les États-Unis ne rentraient en guerre que quand les conditions suivantes étaient réunies : lorsque la Nation était face à une menace, lorsque l’on disposait d’une supériorité militaire importante, lorsque l’on disposait du soutien de l’opinion publique et enfin lorsqu’il existait une claire stratégie de sortie de guerre.
Lors de la deuxième guerre d’Irak menée sous la présidence de Georges W. Bush, c’est au contraire principalement la doctrine Rumsfeld qui prévalut, celle-ci étant fondée sur les principes suivants : il serait autorisé et parfaitement légitime d’intervenir militairement pour exporter la démocratie ; il ne serait nullement nécessaire pour cela de disposer d’une supériorité militaire avérée puisque les opprimés accueilleraient de toute façon les soldats US comme des libérateurs ; enfin, l’existence d’une stratégie de sortie de la guerre ne constituerait qu’un luxe supplémentaire.
Le général Petraeus, chef des forces armées américaines en Afghanistan de 2010 à 2011 puis chef de la CIA sous le premier mandat Obama, ne fit que mettre en œuvre cette doctrine dans une version modifiée. En lieu et place des strictes conditions nécessaires au déclenchement d’un « large » conflit avancées par Powell, il substitua l’idée de conflits « limités » et de guerre antiterroriste généralisée. C’est dans cette perspective que Petraeus révisa le manuel officiel de contre-insurrection (Field Manual on Counterinsurgency). Ce qu’il avance dans cette nouvelle mouture pourrait paraître parfaitement inoffensif à première lecture. Ainsi, dans cette version, c’est la protection des populations civiles qui est mise en avant plutôt que l’élimination physique de l’adversaire. Dès lors, cela implique que la victoire militaire ne constitue plus forcément l’objectif recherché mais que c’est plutôt l’équilibre fragile d’une situation qu’on essaie de préserver. C’est exactement ainsi que les choses se sont déroulées en Afghanistan : sans critères pour juger d’une victoire, il n’existe plus aucun repère pour savoir s’il faut rester ou quitter le pays. Dans ces conditions, on peut laisser des troupes éternellement sur les bords de l’Hindu Kush puisqu’il y a toujours des populations civiles à « protéger ». Le fait que cette entreprise de « protection » suscite de nombreuses pertes parmi la population civile par effet collatéral n’entre pas évidemment pas dans les calculs.
Certes, la nomination de Hagel au poste de secrétaire à la Défense renforce l’espoir que les USA accélèreront leur départ de l’Hindu Kush et qu’au Proche-Orient ils prendront leurs distances avec les va-t-en-guerre de Tel-Aviv et d’ailleurs également. Quoi qu’il en soit, on ne devrait pas se faire trop d’illusions en la matière. Ce n’est pas Hagel qui fait la politique des États-Unis mais bel et bien le Président. En matière de Sécurité nationale, plus que tout autre avant lui, ce dernier a concentré les capacités décisionnaires à la Maison Blanche, ce que le Pentagone et le Département d’État n’ont d’autre choix que d’accepter. Et malheureusement, Obama en a fait la preuve lors de son premier mandat : il est tout à fait capable de décisions négatives.
Notes
[1] Les commentaires, analyses et réactions diverses suite à la nomination de Hagel ont pris beaucoup plus d’importance dans la presse allemande que dans la presse française. Cela confirme à la fois le niveau supérieur de l’information dans ce pays sur les questions de géopolitique ainsi que l’allégeance d’une partie importante de ses élites au grand frère américain, ce qui ne surprendra pas les visiteurs du site E&R familiarisés avec les conférences de François Asselineau – NdT.
[2] En 1998, en tant que sénateur, Hagel s’est opposé à la nomination au poste d’ambassadeur US au Luxembourg de James Hormel au motif que ce dernier serait « ostensiblement et agressivement homosexuel ». Lors des auditions préalables à sa nomination au poste de secrétaire d’État US, en décembre 2012, il a dit regretter ses propos de l’époque – NdT.
[3] En Allemagne où certaines valeurs issues des traditions catholiques, protestantes ou prussiennes influencent encore certaines franges du corps social, ce type de comparaison apparaît comme pertinente, ce qui est beaucoup moins le cas en France. Pour rappel, Peer Steinbruck sera le candidat-chancelier du SPD aux prochaines élections de 2013 – NdT.
[4] Conseillers en communication et en marketing politiques.
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