A moins d’un mois du premier tour des élections européennes, Bruno Gollnisch a accordé un entretien au quotidien Présent . Le député frontiste répondait aux questions d’Yves Chiron sur laBabel bruxelloise et ses menées contre-nature. Les appels au sursaut se multiplient, la Résistance nationale, populaire et sociale s’organise…
Présent : Un mot, d’abord, de votre présence au Parlement européen. Vous y avez été élu pour la première fois en 1989, puis réélu sans discontinuité en 1994, 1999, 2004, 2009. Vous allez donc, si les électeurs le veulent, obtenir votre 6e mandat.En un quart de siècle de présence au Parlement européen, avez-vous vu une évolution des esprits parmi les députés ?
Bruno Gollnisch : Oui, hélas, et pas dans le bon sens ! Il règne dans cette institution un étrange état d’esprit, fait de messianisme euro-mondialiste, de bonne conscience, et de satisfaction de soi, qui laisse peu de place à la discussion. C’est d’autant plus choquant qu’en présence d’un échec aussi manifeste, dans toute autre entreprise humaine on serait conduit à se remettre en question. Ici, non ! On accumule d’une part les normes et les charges de toutes sortes pesant sur nos sociétés, cependant qu’on ouvre nos économies à la concurrence de pays qui, eux, n’ont presque aucune contrainte de salaires minimum, de protection sociale, d’hygiène, de sécurité, de représentation syndicale, etc. Et quand le résultat désastreux ne peut plus être nié, on explique que c’est parce qu’il n’y a pas encore assez d’Europe ! Tout se passe comme si on était à bord d’un train fou, qui roule vers le précipice, dans l’allégresse de ses passagers. Il faut d’urgence arrêter ce train.Heureusement, on constate dans plusieurs pays l’émergence de mouvements qui vont dans ce sens, et dont plusieurs s’inspirent de notre exemple.
Présent : Pour coordonner l’action des députés européens qui partagent le patriotisme du Front National, vous avez créé le groupe Identité, Tradition, Souveraineté (ITS) puis l’Alliance Européenne des Mouvements nationaux (AEMN). Quels sont les valeurs communes et les objectifs communs à ces députés venus de différents pays ?
Bruno Gollnisch : C’est évidemment la défense des identités et des libertés nationales face aux empiètements incessants de l’Euro-mondialisme, aveuglément soutenu par la majorité de ce Parlement, qu’il s’agisse du groupe PPE (Parti Populaire Européen), abusivement dénommés démocrates-chrétiens, dont font partie les députés français UMP, socialistes et libéraux. Je dois vous dire que Marine Le Pen a souhaité préparer le prochain groupe parlementaire avec les membres de l’Alliance Européenne des Libertés, autre regroupement souverainiste , et non avec l’Alliance Européenne des Mouvements nationaux (AEMN). Elle est la présidente du Front National, et je m’incline devant ce choix. En tout état de cause, il est certain que l’on a assisté, depuis plusieurs années, à un rejet de l’Euro-mondialisme, de la destruction des libertés et identités nationales, de la négation des véritables valeurs de la Civilisation européenne, etc. Je suis sûr que ce phénomène va s’amplifier considérablement lors des prochaines élections.
Présent : Le 10 avril dernier, vous avez pu prendre la parole au cours d’une audition solennelle concernant l’Initiative citoyenne européenne « Un de nous/One of us », qui demande l’introduction dans le droit européen du principe suivant : « Aucun fonds de l’Union européenne ne doit être attribué à des activités qui détruisent des embryons humains ou qui présupposent leur destruction ».La pétition permettant cette Initiative avait recueilli plus de 2 millions de signatures en Europe. Pouvez-nous nous en dire un peu plus sur cette Initiative citoyenne européenne et ses enjeux ?
Bruno Gollnisch : Cette pétition utilise un dispositif qui introduit, à dose tout-à-fait homéopathique, un peu de démocratie directe dans le fonctionnement de l’Union Européenne. Ne nous faisons aucune illusion quant au résultat final. Mais la pétition a eu le très grand mérite de réveiller quelques consciences, y compris au sein du Parlement, et d’obliger règlementairement les commissions parlementaires compétentes à en débattre publiquement. C’est dans ce cadre que, modestement, je suis intervenu.
Présent : Au Parlement européen, vous défendez aussi l’agriculture française contre les trusts multinationaux et l’industrie européenne contre la concurrence déloyale. Mais n’est-ce pas d’abord le fonctionnement des institutions européennes, et d’abord le pouvoir de la Commission européenne, qu’il faut contester ?
Bruno Gollnisch : C’est naturellement l’ensemble du système, et nous ne nous en privons pas. Mais je voudrais mettre en garde contre une légende, qui voudrait attribuer tous les maux de l’Union Européenne à la seule Commission. Échappatoire bien facile, surtout en période électorale. La Commission est bien sûr co-responsable des dérives de l’institution, mais elle n’est pas la seule !
L’idée selon laquelle il suffirait de donner plus de pouvoirs au Parlement pour lui permettre de faire entendre à la Commission la voix de la sagesse ne serait vraie que si la majorité des Parlementaires étaient eux-mêmes des sages. Or c’est très loin d’être le cas. Il est très fréquent que cette majorité parlementaire aggrave encore les aspects bureaucratiques, confus, verbeux, des propositions de la Commission…Ce qu’il faut, c’est arrêter net ce délire normatif, et en revenir à des coopérations concrètes, sur des sujets précis, chiffrés, quantifiables. Si c’est encore possible…
Présent : Au Parlement européen, certains refusent d’admettre que l’Europe a un héritage chrétien. Benoît XVI soulignait que c’est « un signe d’immaturité, voire de faiblesse » que de s’y opposer ou de l’ignorer. Il mettait en cause « une certaine intransigeance séculière ». Observez-vous une aggravation de cette tendance ?
Bruno Gollnisch : Oui, malheureusement, du moins de la part du courant actuellement dominant. Il faut bien comprendre que le fait religieux est toléré, mais comme une espèce de pré-humanisme , appelé seulement à coopérer au triomphe mondial du libéralisme économique et philosophique. Il n’a d’autre légitimité que de se fondre dans l’appel au brassage universel qui résultera de la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. C’est là que se trouve en fait le véritable dogme religieux de l’actuelle Union Européenne. Il y a bien sûr un habillage idéologique à tout cela : les droits de l’homme , en réalité ce que le regretté Jean Madiran appelait très justement les DHSD , c’est-à-dire les Droits de l’Homme sans Dieu . Et le sacré, c’est l’indifférenciation dans tous les domaines. Il est littéralement blasphématoire de faire des distinctions entre les peuples, les cultures, les sexes, etc. Malheur par exemple à qui s’opposera à la promotion méthodique du LGBTI , c’est-à-dire : Lesbienne/Gay/Bi/Trans/Inter-sexuel . Ce serait discriminatoire .
Comme est cataloguée discriminatoire toute tentative de s’opposer à l’immigration massive, ou de protéger nos marchés, etc. Dans ce contexte, il est consternant de lire les communiqués lénifiants de la Conférence des Evêques d’Europe , qui ne formule aucune objection aux déviances de l’Union Européenne, et ne s’inquiète que du rejet que l’on sent monter chez les peuples ! Heureusement, cela ne suffira pas à étouffer les légitimes réactions.