Angela Merkel ne laisse d'étonner la classe politique européenne dans sa gestion germano-allemande de la crise migratoire du Proche et Moyen Orient. Ledeal conclu avec le Premier ministre turc Davutoglu a été mis au point la veille du sommet européen lors d'un dîner de travail à l'ambassade de Turquie à Bruxelles auquel participaient le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, au titre de la présidence semestrielle du Conseil de l'Union, la chancelière allemande et c'est tout ! Ni Donald Tusk, président du Conseil européen, ni Jean-Claude Juncker, président de la Commission, ni Federica Mogherini, chargée des affaires extérieures de l'Union, n'étaient convoqués. Le paquet est arrivé tout ficelé sur le tapis vert de la conférence le lendemain 7 mars. A prendre ou à prendre ! Son contenu n'est pas le sujet du jour (1 asile accordé en Europe pour chaque migrant expulsé en Turquie, 6 milliards d'euros de concours européens à Ankara en plusieurs tranches) mais le diktat prussien, si !
Coup d'Etat, coup fumant ? Un coup pour sûr ! Le deal est dans la droite ligne du pacte d'Ankara négocié un mois avant sur place et personnellement par la chancelière avec le Sultan Erdogan. Sans voiles vaporeux qui masqueraient la diplomatie de Berlin, l'Allemagne a pris la crise migratoire à bras le corps, laissant glapir autour d'elle qui veut glapir. Elle n'en a cure, elle l'a dit, elle n'a pas de plan B ou C, elle gouverne ! Sans attendre l'exégèse des droits de l'homme et du réfugié, les je-veux-tu-veux-pas de son partenaire historique (c'est nous), la peur panique de ses clients orientaux devant les hordes basanées, elle renforce le pan low-cost de son économie, dut-il en cuire d'ailleurs aux Tchèques rétifs qui hébergent encore de l'industrie teutonne.
(Aparté : la France est complètement gommée de l'épure. Est-ce une réplique aux déclarations avantageuses de notre Premier ministre qui, menton haut, débinait la politique immigrationniste à Munich ? Peut-être bien, quoique M. Valls compte pour du beurre à la Chancellerie, ce qui reste de l'attelage franco-allemand étant géré à l'Elysée, ils le savent.)
On feint d'oublier que la relation germano-turque est ancienne et plus solide qu'on ne veut l'accepter ici. C'est le 24 mai 1902 que le Grand Vizir ottoman, Mehmed Said Pascha, reçut l'ordre du Mérite de la Couronne de Prusse. Cette décoration consacrait les efforts de Guillaume II à attirer dans son camp l'Empire ottoman promis au dépeçage par les hyènes anglo-françaises. Ce sera le Bagdadbahn Berlin-Byzance-Bagdad, l'alliance militaire qui sera actionnée lors de la guerre pour les détroits dans la Bataille des Dardannelles (1915), une coopération intense etc... jusqu'à aujourd'hui. Plus de cinq mille entreprises allemandes prospèrent en Turquie et la République fédérale "détient" quatre millions de citoyens turcs sur son sol. De quoi discuter concrètement !
Pourquoi dès lors engager des négociations visqueuses avec vingt-sept partenaires de l'Union puisque le programme allemand est déjà affiché : on prend tout ce qu'il y a de bon dans les colonnes de réfugiés et migrants, on expulse les indésirables quand on a un motif même mince¹, mais il fallait pour cela disposer d'une poubelle : la Turquie veut bien gagner quelques sous. On décourage les autres, les pas qualifiés mais en règle, en les poussant chez les voisins qui ont des systèmes sociaux en capilotade et n'y verront que du feu. Le Pacte de
Que conclure ?
Que l'Allemagne est gérée.
On peut critiquer la Chancelière de Prusse sur la pertinence de ses décisions solitaires (elle consulte peu en fait au sein de son cabinet) mais nous, Français, ne pouvons qu'être étonnés de voir un chef de gouvernement gouverner. Ici, tout est com, tables rondes ou carrées, bavardages, procès d'intention, hystérie pour des choses minuscules, voyages de la Cour au soleil, célébration des pizzaioli au Palais Bourbon (mdr).
Entre-temps notre cousin germain a terminé l'exercice 2015 sur "une croissance à 1,7%, un chômage au plus bas depuis 24 ans à moins de 5%, une dette publique en chute libre à 71,4% du PIB, un excédent budgétaire de 0,9% du PIB, un excédent commercial record de 248 milliards d'euros, et un record d'exportations à 1196 milliards d'euros" (source Marc Fiorentino).
Alors dites-vous bien qu'en dépit des sourires et des politesses diplomatiques, la Chancellerie du Reich nous conchie !
Et il ne nous reste qu'à la boucler, hélas. Serons-nous critiques qu'au prochain conseil européen ils étaleront à plaisir notre gouvernance gélatineuse, notre incurable gabegie, notre impuissance à la tarir, le risque que nous représentons pour l'Europe sérieuse !
Trois quart de siècle plus tard, nous sommes toujours des Französisch Schweinen ! Rien compris, rien appris !