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De la victimisation à la diabolisation

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L’efficacité politique de la victimisation n’est possible que dans les pays de marque chrétienne. Surprise ! Ces pays pratiquent avec tout autant d’allégresse la bonne vieille diabolisation.  Diaboliser ou victimiser : dans ces deux verbes se tient le pouvoir des minorités.

C’est René Girard qui note souvent dans ses derniers ouvrages comment la christianisation du monde continue, malgré la lente dégradation de l'institution papale. Tout se passe comme si la chrétienté progressait et continuait à marquer le paysage social, alors même que le christianisme est actuellement en déclin. De ce progrès social de l'idée chrétienne, je donnerais deux exemples saisis immédiatement dans l'actualité de notre France la lutte contre les féminicides, qui correspond à la valorisation chrétienne de la femme qui jouit d'une dignité égale à celle de l'homme et la méfiance quasi-générale vis-à-vis du voile islamique qui traduit une relation de soumission des femmes vis-à-vis des hommes que nos Français ne veulent pas admettre. L’exemple que donne Girard lui-même de ce progrès constant de la christianisation des mentalités, malgré la crise de l'institution est plus délicat à interpréter, mais il est central : il s’agit du processus de victimisation. Pour Girard, c'est le Christ mort sur la croix, le Christ et personne d'autre qui manifeste, jusque dans sa propre personne, l'innocence des victimes et la culpabilité des lyncheurs.

Les processus de victimisation se multiplient dans nos sociétés chrétiennes, avec et plutôt sans Christ. On assiste à une ultra-christianisation, qui répute innocente toute victime. Il suffit dès lors de se faire passer pour une victime pour être innocentée. Chesterton parlait de vertus chrétiennes devenues folles. Ces victimisations deviennent théâtrales, elles sont ultra-médiatisées. Ainsi en fut-il de Fatima la femme voilée dont l'élu RN Julien Odoul s'était offusqué de la présence, dans l’enceinte d'une assemblée régionale elle a eu l'aplomb, en bonne victime, d'articuler « Ils ont détruit ma vie », alors que personne n'avait rien détruit du tout. L'ultra-médiatisation de cet épisode montre un processus de victimisation, sans proportion avec l'incident qui l'a fait naître. Cette histoire, où intervient immédiatement un membre du CCIF (association anti-islamophobe est typique du jeu de la minorité islamiste, animée d'ailleurs par une stratégie internationale. On sait, en effet, les liens obscurs qui unissent le CCIF et les Frères musulmans. On comprend, sans le moindre procès d'intention, que l'épisode remastérisé par des pros de la communication, passant en boucle pendant 48 H sur toutes les télés, doit conduire à pleurer ensemble sur une victime autoproclamée, qui était en fait à la limite de la légalité.

On vit ainsi dans un monde qui n’a plus grand-chose à voir avec la réalité, un monde dans lequel les minorités organisées l'emporteront toujours sur la majorité silencieuse, parce qu’elles prennent les moyens à la fois médiatiques et juridiques d'y parvenir.

Et les chrétiens ?

Le paradoxe est que ceux qui tentent de victimiser certaines "bonnes causes" n'y parviennent pas. Voyez avec quelle facilité est criminalisée l'islamophobie et avec quelle difficulté on reconnaît, mais alors du bout des lèvres, l’existence de la christianophobie. Cherchant à se victimiser, les chrétiens se heurtent à un phénomène inverse qui est celui de la diabolisation. Les victimes ont toujours raison, mais le diabolisé fait partie des exceptions qui confirment la règle. Le diabolisé est une victime qui a tort. Certaines victimes ne trouveront jamais grâce, elles seront toujours des victimes, elles mériteront aux yeux de tous d'être sacrifiées. Tel est le paradoxe dont vit l’hyper-victimisation d'aujourd'hui. C'est une arme utilisée toujours dans le même sens : les minorités sont reconnues comme des agents de la culture publique dans la mesure où elles contribuent à dynamiter l’ordre établi. Si ce n’est pas le cas, si par hasard elles contribuaient à son maintien, alors ces minorités sont diabolisées.

Ce n’est pas un hasard si aujourd'hui, les chrétiens, minoritaires, ne peuvent en aucun cas accéder au statut de minorité, avec la victimisation qui va avec. Ils représentent l'ancien monde, dans l'univers dit progressiste, mais que l’on doit plutôt nommer dialectique.

La victimisation et la diabolisation sont les deux armes dialectiques qui permettent de mettre en avant ou de condamner un groupe minoritaire, de l’accepter comme une minorité, avec des droits, ou de n'y voir qu'un groupuscule toléré, parce qu'issu du passé.

Comment sortir de cet infernal dilemme ! victimisation ou diabolisation ? En montrant comment ces deux attitudes qui sont comme des archétypes de la morale publique d'aujourd'hui sont, aussi bien l'une que l’autre, profondément immorales. La diabolisation consiste à condamner avant d'avoir entendu, parce qu on n’écoute pas le diable. C'est la vieille morale archaïque, païenne, dirait René Girard : il faut des sacrifices et des sacrificateurs. La victimisation, elle, est issue de la morale chrétienne. Mais elle apparaît comme une vaste hypocrisie, à laquelle le public croit d'ailleurs de moins en moins. D'où l'inquiétude des politiques aujourd'hui il y a grâce à Internet tant d'informations à la portée de tous que le système ne fonctionne plus aussi efficacement… C'est peut-être la bonne nouvelle du moment. La vérité nue aurait encore un avenir.

Alain Hasso monde&vie  5 décembre 2019

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