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Dans les petits papiers du Qatar

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Numériser.jpegChristian Chesnot et Georges Malbrunot sont deux spécialistes reconnus de l’islam du Proche Orient et de l’islam de France, par extension. Leur intervention sur le dossier plombé de la construction de mosquées, et en particulier des mosquées cathédrales en France, ne peut pas passer inaperçue, après Nos très chers émirs sont-ils vraiment nos amis ? Ils publient Qatar Papers, une plongée dans le mécénat islamique de Doha et de sa minuscule principauté.

Qatar papers d'où viennent ces papiers ? Nos deux journalistes Chesnot et Malbrunot, ne sont pas très diserts sur leur source le veut la déontologie du métier. Ils invoquent « un lanceur d'alertes » qui leur a fait passer des centaines de dossiers, pour la plupart en arabe, archivés par une ONG au nom parfaitement banalisé Qatar Charity. Il a fallu traduire cette mine de renseignements de première main, pour s'apercevoir que presque toutes les constructions de mosquées importantes en France et en Europe avaient reçu une véritable manne financière, - cela se compte par millions d'euros chaque fois - de cette étrange entreprise islamique de bienfaisance.

Mais quelle contrepartie demandent les donateurs qataris ? Pour quelles raisons « un pays à peine plus grand que la Corse, peuplé seulement de 200 000 âmes » se lance-t-il dans un mécénat aux dimensions de l'Europe ? Lorsque le Qatar possède de grands clubs de football comme le FC Barcelone ou notre PSG, chacun trouve ce mécénat plutôt sympathique, tant il est vrai que, comme dit l'humoriste , « le football a besoin d'argent » les vedettes, ça coûte cher, même si c'est joli à regarder. Mais quand on sait que les plus grandes mosquées en France, au Royaume uni, en Italie ou en Suisse sont sponsorisées par les mêmes Qataris qui se servent du ballon rond pour affermir leur prestige, on ne peut pas ne pas se dire : il y a une stratégie d'ensemble. Le Qatar et ses dollars montent à l'assaut de l'Europe, dans une guerre culturelle, dont Nicolas Sarkozy, grand ami des Qataris, peine à voir l'importance.

D'un mot, on peut considérer que le but des qataris est de diffuser l'islam, mais attention, pas n'importe lequel  : avant tout l'islam politique des Frères musulmans, la confrérie fondée en 1929 par Hassan al Bana, dont le petit-fils, bien connu, est un certain Tariq Ramadan, que les accusations de viol rendent discret en ce moment, mais qui, enseignant dans une prestigieuse université anglaise, a été longtemps la tête pensante de l'islam en Europe.

Qui sont les Frères musulmans ?

Le qualificatif d'intégriste est un peu flou. En fait, parmi les intégristes, il y a d'une part les salafistes, soutenus par l'Arabie Saoudite. Ceux-là sont piétistes ou djihadistes, ils veulent casser la société dans laquelle ils évoluent ou, en tout cas, pour les plus paisibles d'entre eux - les salafistes piétistes - s'en séparer et former des contre-sociétés musulmanes observantes. Les fréristes, les adeptes des frères musulmans, que ce soit en Egypte, en Syrie ou au Qatar refusent ce piétisme. Ils ne veulent pas de séparation ; eux acceptent dans une certaine mesure les codes des sociétés dans lesquelles ils vivent, mais ils cherchent à les subvertir en les islamisant peu à peu. Exemple leurs femmes vont à la piscine municipale, mais il faut leur aménager des horaires séparés, sous peine de tomber sous la redoutable accusation d'islamophobie.

En France, c'est l'UOIF qui porte haut les couleurs des frères musulmans. Et parce que ce sigle « UOIF » faisait encore trop insulaire sans doute, il se sont autoproclamés aujourd'hui « les musulmans de France », au grand dam de ceux des musulmans de France qui refusent cet islam politique et dont l'existence se trouve déniée par ce petit coup d'état sémantique. Cela dit, la sémantique est elle-même une conséquence l'essentiel, c'est l'argent. Les dits Musulmans de France (UOIF) règnent par l'argent du Golfe, qui leur permet de construire des mosquées dont le Qatar veille qu'elles restent de claire obédience frériste. Ainsi, sans crier gare, petit à petit, l'islam de France, dont se targue Emmanuel Macron, est largement devenu un islam frériste, d'autant plus redoutable qu'il est plus politique, toujours capable de compromis voire de double langage sans jamais perdre son cap réaliser une contre société musulmane en France, qui affronte la France réelle, pour l'instant sur des sujets symboliques (le burkini, les horaires de piscine, l'arabe à l'école, le voile) et pour galvaniser les fidèles, organiser des mosquées qui soient des centres de vie musulmans, avec non seulement le culte, mais des salons de thé, des salles de sport (non mixtes), des salles de cours (où l'on apprend par cœur le Coran en arabe) etc.

On appelle cela des Mosquées cathédrales. C'est le cas, par exemple, de la grande mosquée de Reims, inaugurée tout récemment. Le nouvel évêque catholique, Mgr de Moulins-Beaufort, avait jugé bon d'honorer de sa présence cette fête musulmane. Hélas, il n'a jamais évoqué l'argent du Qatar et la confrérie qui est à l'origine de cette construction gigantesque. Pourtant gageons que, comme il est écrit à longueur de pages dans les Qatar papers, la principauté restera garante de l'islam politique qui y sera enseigné. On pourra dire de Reims ce que Mohammed Gerroumi, responsable communication de la grande Mosquée de Nantes dit des cadres de l'UOIF qui y tiennent la baraque « C'est un islam trop traditionnel, avec trop d'idéologie, qui est prêché. Certes beaucoup moins que chez les salafistes. Ici on peut afficher une certaine ouverture, mais ce n'est qu'une apparence ». L'ouverture chez les Frères musulmans est toujours affichée mais pour des motifs politiques.

Le pavé des martyrs

Allons au hasard de nos pérégrinations en France du côté de la mosquée de Poitiers, à propos de laquelle les identitaires avaient mis en garde la population. Peut-on dire que ces jeunes Français de droite ont alors « joué avec les peurs », comme on le leur a reproché ? Voici le discours de Hadj Hamor, le responsable de la construction de la mosquée de Poitiers, passant ni vu ni connu, et en arabe bien sûr, à la télévision qatarienne. On lui demande pourquoi il a appelé sa mosquée le pavé des martyrs et il répond en se référant à la bataille de Poitiers où Charles Martel l'avait emporté en 732. On peut lire ce texte comme un manifeste de la Politique des frères musulmans en Europe. Les martyrs sont bien entendu les musulmans morts au cours de cette bataille en 732. Mais le pavé ? « C'est une route qui a été pavée par les Romains. On est situé sur le chemin principal emprunté par l'armée islamique. C'est pour cela qu'on a appelé notre centre le pavé des martyrs. Tous les enfants des écoles apprennent l'histoire de la bataille de Poitiers et bien sûr en France on insiste sur cette victoire, car c'est la seule victoire des chrétiens sur les musulmans. Ils racontent que la conquête s'était faite par le sabre ».

Hadj Hamor répond à cette objection bien connue que font souvent les chrétiens européens, quand ils soulignent que le christianisme s'est d'abord répandu au milieu des persécutions subies par les chrétiens, quand au contraire les musulmans faisaient subir la persécution aux non-musulmans et répandaient leur religion « par le sabre ». Pas de repentance chez Hadj Hamor, il ne faut pas lui en demander trop. Mais il accepte le fait que l'islam pour l'instant doive changer de méthode « Nous voulons que le Centre de Poitiers soit une nouvelle étape de la conquête musulmane mais d'une autre façon. Les temps ont changé. Les civilisations dialoguent. L'Occident comme vous le savez souffre d'un vide spirituel et idéologique. Pas une semaine ne se passe sans qu'un adolescent, fille ou garçon, vienne découvrir l'islam et se convertir ici. Nous espérons que ce lieu deviendra un centre de dialogue pour faire rayonner l'islam ». Voilà la prédication frériste dans toute sa volonté hégémonique. Les mosquées construites par le Qatar sont là pour répercuter la bonne parole et continuer la bataille de Poitiers, mais par d'autres moyens, selon les opportunités.

Cette prédication de la charia possède désormais des bases redoutables dans la plupart des grandes villes de France, tout comme à l'étranger, en Sicile par exemple, qui constitue un objectif particulièrement important car la Sicile était restée dominée par les musulmans jusqu'au tournant du XIIe siècle. Comment de telles bases ont-elles pu se monter en deux ou trois décennies ? Il faut chercher la poule aux œufs d'or. Je laisserai le dernier mot à Saïda Keller-Messalhi, une musulmane antifrériste qui félicite Chesnot et Malbrunot pour leur travail de lucidité « Votre travail montre que toutes ces structures sont absolument liées entre elles. Je l'ai toujours dit, on retrouve les mêmes personnes dans ces organisations. C'est vraiment un réseau. Vous montrez qu'il y a un financement systématique venant de l'étranger et un intérêt de Qatar Charity à soutenir les gens qui travaillent pour cette structure ». On appelle cela une maffia, en bon français.

Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Qatar papers, comment l’émirat finance l'islam de France et d'Europe, Michel Lafon, 19 €

Joël Prieur monde&vie 4 mai 2019

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