par Élie Hatem
La laïcité est-elle un facteur de concorde sociale ? À l’opposé, on peut y voir une menace contre le ciment de l’identité nationale, forgée au fil d’une histoire influencée par le catholicisme.
La nation se forme progressivement en regroupant des individus autour de symboles et de valeurs communes qui constituent la civilisation. Les groupes humains s’identifient par des éléments d’appartenance commune, tant sur le plan local que national. Ces éléments d’identification, notamment la langue, la gastronomie, l’art, la musique ainsi que la religion (ou l’affinité religieuse), constituent la culture, qui est l’un des éléments fondamentaux de l’identité nationale.
Baptême de Clovis
C’est ainsi que la nation française s’est forgée progressivement autour du roi qui a fédéré les régions, non seulement par le pouvoir politique, mais également par la langue, les traditions communes, les intérêts économiques et militaires, la construction d’un ordre social et d’une affinité religieuse commune entre les Français. Depuis le baptême de Clovis, la France est une nation catholique, "fille aînée de l’Église". Cela n’a pas exclu l’existence d’autres communautés religieuses minoritaires, voire d’autres rites chrétiens. L’affirmation de la catholicité de la France, non sans difficultés inhérentes au contexte de l’époque et rencontrées dans la construction d’autres civilisations et nations, a teinté notre identité millénaire. À part les valeurs spirituelles qu’elle forge dans le comportement et l’éducation des hommes, la religion comporte des aspects culturels qui personnifient l’identité des peuples grâce aux traditions qu’elle crée autour des pratiques et des cultes, tant dans les civilisations monoreligieuses, caractérisées par la prépondérance d’une religion sur d’autres religions ou croyances minoritaires, que dans celles qu’on appelle des civilisations confessionnelles, constituées par plusieurs religions ou confessions. Dans son livre Qu’est ce qu’une nation ? publiée au XIXe siècle, Ernest Renan rappelait qu’« une nation est une âme, un principe spirituel [...] l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements ; avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses, vouloir faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple ».
La patrie défrancisée
La Révolution française a voulu faire table rase du passé, en détruisant la nation avec sa construction sociale, ses symboles, sa culture et sa religion. On assiste, depuis, à une défrancisation progressive de la patrie par une dénégation de notre histoire millénaire, de nos valeurs et de notre culture profonde. Cet esprit de rupture avec la nation, avec la France, est en partie l’œuvre de la franc-maçonnerie qui a instauré le socle de la République autour de la maxime "liberté, égalité, fraternité", et cherche à éradiquer notre identité catholique en renforçant la laïcité par un combat acharné, d’une manière tant officielle que latente. Loin d’une simple séparation de l’Église et de l’État, rendant « à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu », les laïcisateurs veulent gommer notre identité religieuse nationale et culturelle afin de nous faire perdre nos repères d’identification politique. En effet, la religion joue un rôle fondamental dans l’affermissement des identités nationales. Elle n’est pas uniquement constituée de connaissances ou de convictions intellectuelles, ni d’institutions chargées de les produire, de les répandre et de les surveiller, mais de sentiments et d’aspirations, de valeurs et d’incitations morales, de rites et de cérémonies, de comportements et de règles de vie, voire de solidarités communautaires et extra-communautaires. On ne peut donc pas ignorer, voire négliger, son poids comme facteur identitaire qui constitue le ciment des valeurs culturelles et politiques.
Tant d’exemples le démontrent : les Anglais, croyants, agnostiques ou athées, affichent leur appartenance à l’Église anglicane par appartenance nationale ; les Grecs à l’Église orthodoxe, de même que les Russes, malgré la dictature laïciste et athée que le communisme a exercé sur eux durant des décennies ; les Juifs ont construit une nation sur le fondement culturel de leur religion ; de même que les pays à majorité musulmane, qui fondent leur identité en partie sur leur culte religieux.
Un vide national
En imposant une laïcité outrancière et en rompant avec le facteur culturel et identitaire religieux, la République crée un vide national. Or, la nature a horreur du vide. C’est la raison qui explique l’émergence de courants religieux, notamment fanatiques, aussi bien chez certains Français qui, dépourvus de repères identitaires, voire spirituels, se convertissent à d’autre religions, notamment à l’islam, que chez des étrangers, qui retrouvent leurs repères par des pratiques religieuses ostentatoires. Au lieu d’assurer leur intégration à la nation française, la République désintègre la France et va à la recherche d’une nouvelle "identité nationale". Le débat sur "l’identité nationale", lancé il y a quelques années, doit être relancé sur le thème de "l’affirmation de l’identité nationale", fondée sur les facteurs identitaires immuables de la France, nation catholique depuis Clovis.
DOSSIER SUR LA LAÏCITÉ DANS L’AF 2875
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