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  • La responsabilité britannique dans la constitution de l'Etat islamique

    a Murr Nehme, Franco-libanaise, professeur, polémiste, historienne, politologue et islamologue vient de publier, aux éditions Salvator, « Quand les Anglais livraient le Levant à l’État islamique » sous titré «  OR, CORRUPTION ET POLITIQUE ÉTRANGÈRE BRITANNIQUE ». Elle a été longuement interrogée par Breizh-info.com. Extraits :

    Entre le 19ème siècle et le 20ème siècle, les Anglais ont, au moins par trois fois, (1840, 1915, 1925) sauvé ou aidé à fonder des états islamiques. Avec les conséquences actuelles que nous connaissons. Pour quelles raisons ?

    Les Anglais ont des intérêts à la fois économiques et stratégiques à sauvegarder.

    En 1840, ils étaient en plein essor industriel et cherchaient à améliorer l’écoulement de leurs produits et le transport des matières premières. En outre, les Indes étaient le “joyau” de leur Empire. Ils étudiaient donc les moyens par lesquels ils pourraient raccourcir les distances entre l’Inde et l’Angleterre. Ils avaient d’abord pensé à un canal à Suez, mais ils avaient estimé le projet irréalisable. Alors ils s’étaient rabattus sur l’idée de faire un canal pour relier l’Euphrate (fleuve irrigant l’Irak et la Syrie), à l’Oronte (fleuve prenant sa source au Liban, irriguant une partie du Liban et de la Syrie et aboutissant à Antioche, aujourd’hui en Turquie).

    Mais sur le plan humain, la chose était difficile. D’abord, les Libanais n’aimaient pas les Anglais (et c’était réciproque), à cause des missionnaires anglais qui se moquaient d’eux et de leurs rites, et qui étaient soutenus par le gouvernement. Ensuite, les tribus qui contrôlaient l’embouchure de l’Euphrate n’étaient pas commodes. Ce projet et son éventuel financement étaient étudiés très sérieusement au niveau parlementaire britannique à cette époque, quand soudain, ils apprennent que l’armée égyptienne, dirigée par un officier français, a occupé la Palestine, le Liban et la Syrie. Et après avoir écrasé l’armée ottomane après une série de victoires décisives, elle était arrivée en bordure de l’Euphrate. Les Égyptiens menaçaient ainsi de renverser le sultan et de prendre sa place.

    Le ministre britannique des Affaires Étrangères, lord Palmerston, paniqua à l’idée qu’on allait non seulement rendre le projet du canal irréalisable, mais aussi, couper carrément aux Anglais la route des Indes.

    Il décida de restaurer le pouvoir du calife et de restituer le Liban, la Syrie et la Palestine à l’État islamique. Il envoya des agents en déguisement qui promirent aux Libanais l’indépendance au nom des Français. Pendant ce temps, les Anglais assemblaient une flotte et arrivaient en rade de Beyrouth, qu’ils bombardèrent. Ils distribuèrent des armes aux Libanais, qui se révoltèrent et vainquirent les Égyptiens. Eux qui se battaient pour leur indépendance, furent très déçus d’apprendre qu’on les avait en fait livrés à l’État islamique. Les Anglais avaient obtenu la promesse que les chrétiens seraient bien traité, mais ce ne fut pas du tout le cas.

    En 1915, le même scénario resservit, mais à l’envers. Pour diviser les musulmans, les Anglais voulaient susciter une guerre de djihad arabe contre les Turcs. Ils tentèrent donc de convaincre Hussein, chérif de La Mecque, de lancer lui-même l’appel au djihad contre ses maîtres qui le finançaient. Hussein exigea un très gros bakchich, dont les Anglais acceptèrent de lui donner une partie : ils acceptèrent de reconnaître la création d’un État islamique ou califat arabe. Un État islamique, c’est un État régi par la charia : l’adultère y est lapidé s’il est marié (fouetté s’il ne l’est pas), la main du voleur y est coupée, l’athée et l’insulteur de Mahomet y sont décapités, etc. Cela s’opposait totalement aux valeurs occidentales, mais cela ne faisait rien au gouvernement britannique, puisque cela ne concernait pas des citoyens britanniques. Les Anglais acceptèrent aussi que le califat arabe englobe les pays entre la mer Rouge et la Méditerranée. En d’autres termes, ils acceptèrent de fermer les yeux sur l’invasion, par Hussein, de toutes ces régions.

    [...] L’argent dépensé par les Anglais durant la Première Guerre mondiale a propulsé cet enseignement au premier plan. L’aide diplomatique et militaire accordée par les Anglais au chérif Hussein, était semblable à l’aide accordée par les Américains de nos jours d’abord à Ben Laden et à Al-Qaïda, puis à Daech, et maintenant, au Front Nosra ou Fatah-el-Cham. Elle ressemblait également à l’aide accordée par les Américains aux Frères Musulmans en Égypte et ailleurs. Elle a été le pétrole jeté sur le feu d’un mouvement qui n’était que latent, et qui est devenu assez puissant pour survivre aux modes communiste, socialiste, nassérienne, etc.Grâce à ce climat quasi hystérique, Hassan Al-Banna, grand-père de Tariq Ramadan, a pu fonder le mouvement des Frères Musulmans et avoir beaucoup de succès. Et son ami le mufti Hajj Amine Husseini, fait par les Anglais mufti de Jérusalem, a été en position de créer une guerre entre les juifs et les Palestiniens non-juifs, qui dure encore. Dans le livre, je cite les discours qui poussaient une infime minorité à massacrer les juifs. Une infime minorité, mais malheureusement, c’est sa volonté qui a prévalu, et le peuple palestinien a été divisé.

    Le Printemps arabe d’aujourd’hui ressemble comme deux gouttes d’eau au Printemps arabe qui a eu lieu en 1919-1920 en Syrie, en Palestine, en Égypte et que je décris dans le livre Quand les Anglais livraient le Levant à l’État islamique. [...]"

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Galileo : l'Europe qu'on aime...

    Oui, cela a pris du temps, c'est vrai : c'est en 1998 que le projet a été décidé et, s'il devait être actif en 2008, le déploiement opérationnel définitif de l'ensemble du système (que les ingénieurs appellent « constellation ») ne sera effectif qu'en 2020. Qu'importe ! Pour l'instant, 15 satellites sont déjà en place, permettant une précision d'un mètre, contre dix à quinze mètres pour le GPS états-unien (cela étant dit sans la moindre arrière-pensée de dénigrement : c'est simplement une constatation...)

    Et, donc, l'Europe acquiert de haute lutte son indépendance en matière de géolocalisation, ce qui est d'autant plus méritoire que ses trois prédécesseurs (les Russes avec le système Glonass, les Chinois avec le système Beidou 2 et les Etats-Uniens avec leur GPS avaient une maîtrise d'œuvre unique car nationale*, et, de surcroît, confiée à un seul opérateur : leur armée.

    Voilà un motif de satisfaction et, même, de fierté. Avec Galileo, l'Europe tient son rang, comme avec Airbus ou Arianespace. Elle existe pour le meilleur, comme, dans un domaine bien différent, avec les échanges estudiantins du programme Erasmus. Et elle offre la vision claire de ce qu'elle peut et doit être, « Europe réelle », Europe des peuples et des nations, Europe des compétences, à mille lieux de la caricature bouffonne et odieuse de l’ « Europe légale » avec son bâtiment genre stalinien du Berlaymont, son Parlement néfaste, sa Commission sans légitimité, ses figures de proue repoussantes (Juncker, Schultz...). 

    L'Europe légale, qui est devenue ce monstre techno-bureaucratique que l'on ne connaît que trop bien, c'est comme l'OTAN : il faut la dissoudre et la réinventer, la refonder. Nul besoin de cette immense machine, de cette paperasserie accablante, de ces fonctionnaires par milliers et des lourdeurs administratives qu'ils induisent, des paralysies et des effets directement pervers sur les économies nationales (en tout cas, sur la nôtre) des fameuses « normes » et « directives » bruxelloises.

    De simples accords entre les experts de chaque gouvernement national, et l'on retrouverait une souplesse qui a été écrasée sous un mammouth devenu lui-même sa propre raison d'être, et dont l'obésité n'a d'égale, évidemment, que l'inefficacité.

    Voilà deux axes d'une politique qui redeviendrait une politique d'indépendance et de progrès ; on peut y rêver, au moins, au moment où Galileo nous emmène dans les étoiles, avec ses satellites à 23.200 kilomètres de la terre (!) :

    - Supprimer l'OTAN ou - puisque cela ne dépend pas de nous - en faire sortir la France ; 

    - Déclarer la fin de cette « Europe légale » morte de sa propre stérilité et de sa propre malfaisance, et repartir dans la direction de la première Europe des Six, en reprenant les intuitions utiles qui avaient présidé à son établissement, et avec le français comme langue officielle, comme l'avaient proposé les Allemands aux débuts prometteurs de l'Europe des Six...

    Evidemment, pour l'instant, ce n'est qu'un songe, un vœu pieux. Mais l'Histoire est pleine de ces songes qu'une volonté politique ferme, et menée sur le long terme, a transformés en réalité heureuse. Qui a dit : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin... » ?  

    Soit dit en passant, et dans un autre domaine, là est l'explication principale des difficultés rencontrées par l'excellent et indispensable programme de l'Airbus militaire : trop de pays, trop de bureaux d'études, trop de différences de mentalités, trop de besoins différents, voire contradictoires...

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Journal du Vendredi 23 décembre 2016 - Terrorisme / Anis Amri : nouveau radicalisé express

  • La traque du djihadiste Anis Amri retardée par crainte d’attiser le racisme !

    23/12/2016 – ALLEMAGNE (NOVOpress) : Incroyable mais vrai : la traque d’Anis Amri, l’auteur de l’attentat de Berlin, a été retardée à cause d’un élu Vert de Hambourg, Till Steffen, qui a bloqué la diffusion de son avis de recherche sur Facebook, par crainte de la « stigmatisation raciste » dont le djihadiste aurait pu être victime !

    Die Welt rapporte en effet que Till Steffen, qui est président de l’Autorité judiciaire à Hambourg, n’a pas autorisé la police à lancer la procédure habituelle de diffusion du portrait d’Anis Amri sur les réseaux sociaux, dont Facebook, afin de ne pas donner prise à des « discours de haine » sur Internet.

    Dénonçant une méthode « incroyable et scandaleuse », l’AfD demande sa démission, ainsi que la CDU, qui qualifie Steffen de « sérieux risque de sécurité pour Hambourg »

  • EN CAS DE DUEL FN-PS EN 2017, FARID FILLON APPELLERA À VOTER POUR LE CANDIDAT SOCIALISTE « SANS AUCUNE HÉSITATION »

    Et ça étonne qui ?
    On vous avait dit quoi sur cet homme, qui a passé 5 ans le cul posé sur nos impôts et qui se la joue Trump pour bourgeois naïfs ?
    Peut-être bien que si Juppé a été aussi baboucholâtre, c’était pour assurer une victoire écrasante de Fillon sans qu’il n’ait un seul mot dur à dire contre l’islam, et ainsi passer pour le défenseur de la France sans prendre le risque de choquer son électorat de connards consensuels.
     

    Y.M.

  • Le vivre ensemble ou l'imposture de la novlang - Meta TV 3/3

  • Au crépuscule de la République

    Avec  l'annonce toute récente de la participation de Vincent Peillon à la Primaire socialiste, le spectre de la sixième République revient. En effet, Peillon, avec Arnaud Montebourg qui avait créé en 2001 « La convention pour la VIe République », est un des théoriciens de la sixième République ; idée reprise d'ailleurs par Jean-Luc Mélenchon(1).

    Les prélats et les gardiens du temple de la République, depuis une quinzaine d'années, s'agitent pour, peut-être inconsciemment, sauver leur "religion", leurs temples, leur contre-église dont les bases s'effritent, auxquels plus personne ne croit... Car si en apparence il s'agit d'une transformation des institutions et de leur fonctionnement(2), au fond, par là, c'est bien une croyance religieuse qu'ils veulent régénérer avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'avec sa mort elle n'entraîne celle de la République que leurs pères spirituels ont eu tant de mal à édifier. Trop peu d'intellectuels contemporains et adversaires de la République se sont penchés sur son histoire "religieuse" et aucun n'a saisi qu'il fallait analyser la Révolution et ce qu'elle a engendré, à savoir la République, en historien des religions. Car toute l'histoire de la révolution et du républicanisme est celle de fanatiques, apprentis prophètes, qui ont essayé, tout en chassant l’Église, d'édifier une religion avec son organisation et ses temples.

    Aujourd'hui, si la République vacille, c'est parce que la religion qui la sous-tend s'effondre.

    En quête d’une religion dès 1789 : un anticléricalisme religieux

    Les Révolutionnaires, dans l'imaginaire collectif, ne sont connus que comme des antireligieux, des athées n'ayant comme projet que de détruire la religion. Or, la réalité est plus complexe. Ils étaient, comme les philosophes des Lumières, matérialistes, sceptiques et anticléricaux mais pas antireligieux, dans le sens où leur projet n'était pas de détruire la religion au sens large du terme, mais de détruire le Catholicisme en particulier et de fonder à sa place, sur ses ruines, une nouvelle religion. Nous avons en fait affaire à des fanatiques d'une religion au caractère occulte.

    Le républicain et socialiste Pierre Leroux (1797-1871), auteur de L'encyclopédie nouvelle, fait remarquer que si Voltaire fut d'abord un critique du passé dont l'œuvre principale ne fut pas de fonder mais de détruire, il fut toutefois, dans cette œuvre même utile, car pour Pierre Leroux, Voltaire est « l'Antéchrist nécessaire »(3).

    Un des grands spécialistes de l'histoire de la laïcité, le socialiste Vincent Peillon, qui vient de déclarer sa candidature à la primaire socialiste, le dit très clairement, l'idée que la République est areligieuse est une idée fausse. Très tôt après l'échec de la Constitution civile du clergé, voté en juin 1790, les jacobins, inquiets du mouvement des prêtres réfractaires et de l'importance, en vis-à-vis, du mouvement anticlérical, ont mis en œuvre l'idée d'un « culte civique » et d'une « religion de l'avenir ». La fête des Fédérations (premier anniversaire de la prise de la Bastille fêté le 14 juillet 1790) apparaît à Jules Michelet (1798-1874) comme le moment d'émergence d'une religion révolutionnaire, « la première manifestation d'émergence de cette religion révolutionnaire, la première manifestation de la foi nouvelle »(4).

    L'on peut dire que les premiers révolutionnaires à avoir forgé un début de religion pour la République sont les jacobins ; ils formaient une nouvelle Eglise et édifiaient une théologie. Le philosophe français Paul Janet (1823-1899) dira à leur propos : « Les Jacobins se trouvaient investis du rôle qui semblait ne devoir appartenir qu'à l'Eglise, à savoir le rôle de décréter infailliblement le dogme du devoir social... Avec eux la Révolution devient un dogme. »(5)

    Et pour cause, un des théoriciens de la religion de la République est un membre du club des Jacobins, Junius Frey, juif, frankiste, petit cousin de Jacob Frank, et qui, à la demande de ses camarades, rédige un livre dans lequel il théorise les fondements théologiques (en fait kabbalistiques) de la démocratie et de la République. L'ouvrage a pour titre Recherches sur quelques matières principales de la Philosophie Sociale (1793). L'on retrouvera, sous la IIIe République, des éléments de la kabbale dans cette religion qu'est la laïcité…(6)

    La laïcité, explique Vincent Peillon, est un mouvement entamé en 1789, celui de la recherche permanente de la religion qui pourra réaliser la Révolution comme promesse politique, morale, sociale, spirituelle. Il faut pour cela une religion universelle : ce sera la laïcité. Il lui faut aussi, dit-il, son temple ou son église : ce sera l'école. Enfin, il lui faut son nouveau clergé : ce seront les « hussards noirs de la République »(7) (les enseignants sous la IIIe République).

    Le protestantisme libéral comme religion de la République

    Les bégaiements de l'histoire révolutionnaires qui se traduisent par la période napoléonienne - bien que Napoléon joue un rôle dans l'expansion hors du territoire français de l'esprit révolutionnaire -, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la Deuxième République, le Second Empire, vont être perçus, à raison, par les Républicains, comme un problème dont le fond est religieux. Ils comprendront très vite que ce qui empêche la République de s'installer pour de bon c'est l'absence d'une religion complète qui peut soutenir le régime politique. Pierre Leroux (1797-1874) est celui qui - dès le lendemain de la chute de Charles X qui sonne la fin de la Restauration -, entre 1831 et 1841, va inaugurer la nouvelle religion de la République que l'on retrouvera chez les deux grands artisans de la laïcité, Ferdinand Buisson et Jean Jaurès(8).

    Pierre Leroux, qui s'adresse à ceux qui veulent établir une république sans religion, explique que : « La société sans religion, c'est une pure abstraction que vous faites, car c'est une absurde chimère qui n'a jamais existé. La pensée humaine est une, et elle est à la fois sociale et religieuse, c'est-à-dire qu'elle a deux faces qui se correspondent et s'engendrent mutuellement. À telle terre répond tel ciel ; et réciproquement, le ciel étant donné, la terre s'en suit. »(9)

    La religion que propose Leroux n'est ni catholique, ni protestante ni robespierriste il prône une religion propre à la Révolution, une religion universelle, religion de l'Humanité, des droits de l'homme comme nouvel évangile, le tout emprunt de socialisme.

    Mais dans la même période, l'on voit émerger d'autres penseurs républicains qui proposent un christianisme réformé en guise de religion de la République, comme Claude-Henri de Rouvroy Saint-Simon (1760-1825) qui propose, pour préparer la société future, de propager des croyances communes, supérieures aux croyances catholiques : un dogme plus large que le dogme catholique ; car, comme nombre de républicains, il pense qu'il ne suffit pas de critiquer et de détruire(10). C'est le cas aussi de Pierre-Simon Ballanche (1776-1847) qui établit une parfaite continuité entre l’Évangile et la Révolution, le sens révolutionnaire de l’Évangile. Pour lui, l'enseignement de Jésus, c'est l'égalité des hommes, l'abolition des castes et le refus de la théocratie. Il explique que la seule façon de sauver la Révolution, de lui donner un sens, de ne pas en rester aux ruines, à la violence ou à la vengeance, de ne pas sombrer dans l'apologie des sacrifices, des guerres, du sang, du bourreau, c'est de lui donner un sens providentiel, religieux, d'en faire une ère nouvelle. Ce qu'il propose c'est d'écrire la religion de cette nouvelle époque de l'esprit humain, caractérisée par la « confrontation générale », l'égalité de tous les hommes(11).

    Après 1848, Edgar Quinet (1803-1875) et toute une génération ne croient plus en la possibilité de démocratiser le Catholicisme(12). Alors, à défaut de pouvoir formater le Catholicisme pour le mouler dans la République et en faire la religion du régime, une partie des républicains ira chercher dans le protestantisme libéral et aussi dans un gnosticisme chrétien, les éléments de la religion de la "liberté" idéale.

    C'est ce qui expliquera pourquoi un certain nombre de protestants vont occuper des postes importants dans les débuts de la Troisième République. Vincent Peillon explique qu'il y a une surreprésentation des protestants chez les responsables républicains : « Par rapport à leur poids dans la population française, moins de 2 %, on peut donc considérer qu'il y a surreprésentation des protestants chez les responsables républicains : entre 1871 et 1914, de 6 à 8% des ministres, 12 % des sénateurs inamovibles, 9 % des sénateurs éligibles en 1885 », par ailleurs, ajoute Vincent Peillon « Louis Blanc, Edgar Quinet, Jules Ferry, Ernest Renan ont tous épousé une protestante. On ne peut contester une influence morale, idéologique et spirituelle, qui est aussi liée à l'ouverture des protestants français sur l'Allemagne, les États-Unis et les autres peuplés nordiques. »(13)

    La religion de la IIIe République

    Depuis 1789, et ce pendant près d'un siècle, les républicains ne cesseront d'essayer de trouver et de fabriquer, avec des éléments composites, une religion pour le régime. Et la formule est finalement trouvée sous la Troisième République.

    Partant de son constat sur l'incompatibilité du Catholicisme avec la "liberté" (selon la conception républicaine) et l'impossibilité d'acclimater le protestantisme en France, Edgar Quinet propose de séparer la société ecclésiastique de la société laïque, l'Eglise et l'Etat. Et il propose une religion de substitution à travers l'école laïque : le christianisme universel qu'il appelle « le socialisme de l'humanité moderne ». Il veut forger des Christ républicains, forger en chaque élève un sauveur, celui par qui le salut peut se produire(14). Nous avons là une fusion entre protestantisme, panthéisme gnostique, avec en arrière-fond un messianisme kabbalistique prônant une action volontariste de l'Homme pour hâter la rédemption(15).

    Edgar Quinet aura une forte influence sur Ferdinand Buisson (1841-1932), qui collabora avec Jules Ferry (1832-1893) et qui fut avec lui l'un des principaux théoriciens de la laïcité. Ferdinand Buisson est le co-fondateur et le président de la Ligue des Droits de l'Homme, le président de la Ligue de l'enseignement, le directeur de l'enseignement primaire de 1902 à 1906 et en 1905 président de la commission parlementaire chargée de la séparation des Églises et de l'État.

    Ferdinand Buisson, qui est à l'origine un protestant, va chercher à concilier mysticisme, libéralisme et rationalisme. C'est ce qui, selon lui, permettra à la République de se doter d'une profondeur spirituelle qu'un rationalisme étroit, voire un scientisme, serait incapable de lui donner(16).

    Il est celui qui va parachever cette longue recherche d'une religion républicaine ; il agrégera, pour forger la religion laïque, à la fois le rationalisme, mais aussi cette gnose chrétienne, à quoi il ajoute les éléments kabbalistique qui sont là, dans le code source de la République depuis 1793 avec le fameux traité de théologie-politique de Junius Frey.

    C'est pour cette raison qu'il ne faut pas se méprendre sur l'essence de la laïcité que l'on nous présente comme une loi appliquant le principe de neutralité de l'État par rapport au fait religieux. Ferdinand Buisson lui-même prétend restaurer le christianisme originel, considérant le Catholicisme comme une trahison de l'essence du religieux. Lui et Saint-Simon attaquent le Catholicisme pour restaurer ce qu'ils considèrent être la vraie religion(17).

    Ferdinand Buisson, nous explique Vincent Peillon, n'a jamais imaginé une laïcité qui puisse être indifférente. Pour Buisson il n'est pas question de neutralité, bien au contraire, son objectif est de fonder la laïcité sur la reconnaissance d'une transcendance, une religiosité, sous peine de laisser le champ libre à l'Église catholique et d'échouer dans sa tâche politique ; plus que cela, il croit qu'il ne peut y avoir de démocratie que religieuse.

    D'ailleurs, Jean Jaurès, cette grande figure du socialisme et de la laïcité, disait que seul le néant est neutre ! La laïcité n'est pas neutre, elle est offensive, conquérante... ce sont les mots de Vincent Peillon(18).

    L'action de Ferdinand Buisson lui vaut l'attaque d'un membre de l'Action Française, Georges Valois (1878-1945), qui comprend de quoi il retourne et qui écrit : « Mais le sombre et hypocrite fanatique qui administrait l'enseignement primaire, Ferdinand Buisson, empoisonnait secrètement, méthodiquement, tout le personnel de l'enseignement de ce déisme humain, et, sa tâche faite, il nous a livré son secret », Georges Valois cite alors Ferdinand Buisson qui écrit : « Il n'y a pas de choses divines qui ne soient humaines. C'est au cœur de l'humanité que réside le divin. »(19)

    Vincent Peillon, dans un excès de franchise, écrit : « Il nous découvre aussi la raison pour laquelle la laïcité a besoin de se faire passer pour une religion. C'est une raison, en définitive, politique. Cela ne doit pas nous étonner dès lors que le religieux détermine tous les autres ordres, ce que Buisson, disciple de Quinet, avait bien compris. C'est pour asseoir une "domination temporelle" que le "déisme humain" a été élevé au rang de "religion officielle de l'Etat". La religion de Buisson est d'abord une religion démocratique. Le sombre et hypocrite fanatique s'est toujours servi du masque de la religion pour séduire les masses, pour les convaincre de choisir la démocratie qu'elles n'auraient jamais choisie si elles n 'avaient été ainsi abusées. »20

    Comprenez donc que ce qui se joue depuis 1789 jusqu'à nos jours et demain encore, ce n'est pas une lutte bassement politique, entre la gauche et la droite, entre socialisme et libéralisme, mais une guerre hautement religieuse dont découle tout le reste. Il s'agit donc, pour la combattre efficacement, d'identifier l'essence de cette religion occulte de la République et ses finalités eschatologiques.

    Jean Terrien. Rivarol du 15 décembre 2016

    1) Voir :

    http ://www.jlm2017.fr/convoquer_as-semblee_constituante_et_passer_a_la_6e_repu-blique

    2) La VIe République en six principes, Le Figaro, 04/05/2013 : http ://www.lefigaro.fr/ politique/2013/05/04/01002-20130504ART-FIG00271-la-vie-republique-en-six-principes. php#

    3) Dans : Vincent Peillon, Une religion pour la République, Seuil, 2010, p. 52.

    4) Vincent Peillon, op. cit., p. 65.

    5) Paul Janet, Philosophie de la Révolution française, p. 67,60. Cité par Vincent Peillon, op. cit., 79.

    6) Vincent Peillon, op. cit., p. 261.

    7) Vincent Peillon, op. cit., p. 48.

    8) Vincent Peillon, op. cit., p. 81.

    9) Cité par : Vincent Peillon, op. cit., p. 79.

    10) Vincent Peillon, op. cit., pp. 77-78.

    11) Vincent Peillon, op. cit., p. 74.

    12) Vincent Peillon, op. cit., p. 86.

    13) Vincent Peillon, op. cit., p. 119.

    14) Vincent Peillon, op. cit., pp. 140-141.

    15) Voir : Youssef Hindi, Occident et Islam : sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015.

    16) Vincent Peillon, op. cit., pp. 153-154.

    17) Vincent Peillon, op. cit., p. 174.

    18) Vincent Peillon, op. cit., p. 193.

    19) Georges Valois, La Religion de la laïcité. L'enseignement de la morale à l'école laïque, Paris, Librairie de l'Action française, 1925, p. 62.

    20) Vincent Peillon, op. cit., p. 196.