Christine Lagarde, actuelle directrice du FMI, ancienne ministre de l’Économie, comparaissait hier devant la Cour de justice de la République, pour « négligences » dans l’abracadabrantesque dossier Tapie, affirmant devant les juges qu’elle « n’excluait pas » d’avoir été « abusée ». Tromperie, c’est aussi un mot qui revient souvent au fur et à mesure que les Français découvrent le programme de François Fillon, ou plus exactement les versions successives qu’il en donne. Hier toujours, dans une tribune publiée dans Le Figaro, le champion de la droite eurolibérale expliquait qu’on l’avait mal compris. Il s’est défendu de vouloir « privatiser l’assurance maladie », promettant que s’il était élu, « l’assurance maladie continuera (it) à couvrir les soins comme aujourd’hui ». Difficile de donner tort au candidat à la primaire socialiste Arnaud Montebourg, qui a vu dans cette tribune un « rétropédalage qui n’est pas sincère et clair ». « C’est (M. Fillon) lui-même (qui) employait (dans son programme) les mots de privatisation et désétatisation, s’est souvenu M. Montebourg sur BFMTV.
Les insincérités successives de François Fillon, qui sont la marque de son parcours politique, nous aurons l’occasion d’y revenir, brouillent aussi son discours sur les questions internationales, le Proche-Orient, la Syrie, la Russie. Quel crédit lui apporter ? Certes, il parait difficile (?) de faire pire que la diplomatie de l’ère Sarkozy-Hollande, des Alain Juppé, Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault qui ont rabaissé, démonétisé la voix de la France.
Un nouvel exemple en a été donné hier avec cet entretien accordé par M. Ayrault au quotidien libanaisL’Orient-Le jour. Il y a dénoncé avec virulence, toute honte bue, “une forme de mensonge permanent” de Moscou ; “la volonté de sauver le régime de Bachar el-Assad et de faire tomber (libérer, NDLR) Alep, mais à quel prix ? À quel prix humanitaire ?” Une question qui n’effleure pas M Ayrault quand le gouvernement dont il fait partie arme depuis des années maintenant des miliciens qui ont contribué à plonger la Syrie dans le chaos. Il accuse même “les Russes qui prétendent (sic) lutter contre le terrorisme” d’être responsables de la reprise (?) de Palmyre (de violents combats font toujours rage) par les milices de l’État islamique (EI) dont ils avaient été chassés il y a quelques mois. Un discours proprement affligeant.
Reste que comme l’a rapporté notamment SOS Chrétiens d’orient, de scènes de liesse ont éclaté dans Alep dans les quartiers libérés du joug des rebelles islamistes ou dits “modérés” ; la reconquête de cette cité acte le contrôle par le gouvernement légal de la République arabe syrienne des cinq principales villes du pays que sont outre Damas et Alep, Hama, Homs et Lattaquié.
Alors François Fillon qui, peu après Bruno Gollnisch, a lui aussi réaffirmé dimanche son “soutien avec les Coptes d’Égypte victimes de l’intégrisme” (d’un attentat islamiste), est lui auréolé d’une volonté de rapprochement avec M. Poutine. Une Russie qui poursuit la politique menée par les tsars, qui ne fut pas abandonnée lors de la période soviétique et qui fut aussi une constante multiséculaire de la diplomatie française, en se posant en protectrice traditionnelle des chrétiens d’orient. Ce qui est plutôt payant en France quand on sait à quel point Vladimir Poutine a la cote auprès de l’électorat droitier, conservateur, patriote, souverainiste et nationaliste dans notre pays. Pour ne rien dire de la persistance, même chez les sympathisants de gauche d’un tropisme anti-atlantiste assez prononcé.
Le site du magazine Challenges citait cette anecdote dans un article consacré le 7 décembre à la politique étrangère de M. Fillon. Jean de Boishue, ex-Secrétaire d’État de Jacques Chirac rappelait que “lors d’une visite de Vladimir Poutine à Matignon en 2011, François Fillon lui demande sur le perron (…) : Vladimir, est-ce qu’on peut se parler franchement ? Poutine lui répond Est-ce que nos conseillers nous le permettront? Puis François Fillon lui dit : Comment peux-tu soutenir ce salaud de Bachar devenu le bourreau du peuple syrien? Et Poutine de lui répondre Et toi, François, peux-tu me dire qui sont ces gens en face de Bachar ? Non, tu ne le sais pas.”
Si la naïveté de la remarque de M. Fillon rapportée ici est confondante, a fortiori dans la bouche d’un Premier ministre, nous pouvons douter aussi de sa capacité à résister au lobby progressiste, euromondialiste. Sur France Inter le 9 décembre Thomas Legrand relevait que le vainqueur de la primaire de la droite “s’apprête à designer Bruno Le Maire pour s’occuper des questions internationales en son nom lequel, comme Alain Juppé (est) très critique de l’action de Vladimir Poutine et donc pas raccord avec la position de F.Fillon (…). Au moment des cérémonies commémoratives du débarquement, en 2014, Bruno Le Maire député de Normandie, avait dit avec fracas Vladimir Poutine n’est pas le bienvenu en France. Va-t-il mettre de l’eau dans son vin pour espérer décrocher le Quai d’Orsay si la droite gagne en 2017 ? Ou est-ce François Fillon qui va se rapprocher de la ligne plus classique du parti, et, en réalité de la diplomatie française ? À LR, on parie plutôt sur cette seconde option”.
La ligne classique qu’évoque M. Legrand n’est classique que depuis peu… si ce n’est en rien. Elle est en fait une rupture avec la traditionnelle politique étrangère, indépendante, de la France au profit d’une soumission accrue aux intérêts du Nouvel ordre mondial, matérialisé par notre réintégration sein du commandement intégré de l’OTAN par Sarkozy.
Ce déclassement de la France fait certes la joie de certains. Sur le site communautaire oumma.com, le journaliste nationaliste arabe René Naba, très hostile au FN, mais qui campe sur des positions de bon sens sur le conflit syrien, semble se satisfaire (?) aujourd’hui de l’état pitoyable de notre diplomatie. Dans son article (La bataille d’Alep, un échec au plan de partition de la Syrie) il affirme “sur fond d’éradication populaire des principaux responsables français de la guerre de Syrie (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, Laurent Fabius, Manuel Valls), la défaite d’Alep, au-delà la défaite de Syrie, se range parmi les défaites majeures qui ont jalonné l’histoire militaire et diplomatique française depuis deux siècles. Très exactement depuis Waterloo, en 1815, en passant par Fachoda, l’expédition du Mexique, Sedan (1870), la capitulation devant l’Allemagne nazie au terme de 39 jours de combat, en juin 1940, enfin Diên Biên Phu, 1954, l’expédition de Suez (1956) et l’Algérie (1962). Un tel palmarès explique la relégation diplomatique dont la France est l’objet, que l’historien Marcel Gauchet a diagnostiqué dans un verdict sans appel : En juin 1940, la France a brutalement cessé d’être une grande puissance.”
Cet effacement de la France sur la scène internationale, devenue une puissance moyenne, mais dont la voix restait audible et singulière dans le concert des nations, faut-il le redire, au Front National nous ne nous y résignons pas. Et si le duopole LR-PS n’est pas comptable des défaites passées, il est pleinement responsable des errances actuelles.
http://gollnisch.com/2016/12/13/ne-faisons-confiance/