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  • Du rififi chez les frontistes

    Un vent de sédition souffle sur les troupes frontistes. Florian Philippot serait-il sur la sellette ?

    Une semaine après la défaite de Marine Le Pen, un vent de sédition souffle sur les troupes frontistes. Florian Philippot serait-il sur la sellette ? Sa ligne politique semble, en tout cas, avoir du plomb dans l’aile. Le départ soudain de Marion Maréchal-Le Pen et les déclarations de plusieurs figures du nationalisme montrent un réel mécontentement quant à la stratégie du parti, prié de revenir aux fondamentaux (questions identitaires) et de modérer sa position sur l’Europe.

    Des voix s’élèvent même pour demander que la sortie de l’euro ne figure plus dans le programme. « Pour nous, la question de l’euro, c’est terminé ; le peuple a fait son référendum dimanche dernier », déclare le député Gilbert Collard. Invité sur RTL, Robert Ménard a également fait savoir son opposition à toute sortie de l’euro, ce qu’il avait déjà affirmé au Figaro en avril 2016, jugeant le FN actuel « trop colbertiste ». Selon le maire de Béziers, le FN devrait prendre un tournant plus libéral et renoncer à l’idée de monnaie nationale, « la victoire est à ce prix », écrit-il sur son compte Twitter.

    Une position partagée par l’intellectuel Laurent Ozon, qui pointe du doigt « l’échec » de la ligne Philippot.

    Le principal intéressé n’a pas tardé à régir, déclarant qu’il n’hésiterait pas à quitter le Front national si celui-ci revenait sur sa proposition de quitter la zone euro. Une sortie qui lui a valu les reproches de Nicolas Bay et de Bernard Monot, le conseiller économique de Marine Le Pen qui juge l’eurodéputé « trop radical » dans son positionnement sur l’euro.

    Depuis la scission de 1998, la discorde a rarement été aussi abyssale dans les rangs frontistes. La fracture entre le « FN du Nord », social-souverainiste, et le « FN du Sud », libéral-conservateur, clamée par les médias depuis de nombreuses années, en dépit des efforts du parti pour donner une image d’unité, éclate à présent au grand jour et menace le travail de longue haleine accompli par Florian Philippot, qui s’est évertué à faire du FN un parti de gouvernement. À croire que, comme en 98, certains préfèrent rester cantonnés au rang de contestataires. 

    À n’en plus douter, l’ennemi le plus redoutable du FN, c’est le FN lui-même. Il aura fallu une défaite (certes décevante) pour que renaissent querelles d’ego et de chapelles idéologiques, querelles que l’on pensait éteintes mais qui n’étaient en fait qu’en sommeil, attendant le moment propice pour resurgir. Marine Le Pen, dont l’autorité a pris un coup après sa piètre prestation, doit en effet se ressaisir au plus vite pour reprendre la main sur son parti et calmer les ardeurs des ténors de l’aile droite qui ne cachent plus leur mécontentement.

    Renvoyer le numéro deux du FN serait une erreur funeste. Une telle concession de Marine Le Pen face à son aile droite (sur laquelle elle garde encore le contrôle et dont elle jugule les élans) marquerait le retour en force de ces sudistes dont le national-libéralisme (oxymore, s’il en est !) est un véritable repoussoir pour les classes populaires.

    http://www.bvoltaire.fr/rififi-chez-frontistes/

  • Bistro Libertés « spécial élection présidentielle » avec François Bousquet

  • Législatives - Jacques Bompard : "je suis le candidat de la droite localiste, identitaire et enracinée"

    6a00d83451619c69e201b8d281d77e970c-800wi.jpgJacques Bompard, qui durant son mandat a été un infatigable défenseur de la vie et de la famille, se représente dans la circonscription d'Orange. Il a accepté de répondre à nos questions.

    Vous représentez à l'élection législative dans la circonscription d'Orange, mais est-ce bien utile ? N'avez-vous pas l'impression d'être isolé à l'Assemblée nationale ? La Ligue du Sud présente-t-elle d'autres candidats ?

    Je dois avouer un certain étonnement devant votre question. Je suis maire d’Orange depuis une vingtaine d’année et mon épouse dirige Bollène depuis deux mandats. Notre travail consiste à résoudre au quotidien des questions de bien commun au sein de nos Cités, d’aménagement du territoire et même à pallier à d’immenses manquements d’Etat notamment à travers une police municipale forte ou encore le soutien au patrimoine religieux.

    Aussi je ne me sens pas isolé, je me sens ancré, en pleine exercice de ma mission : porter la parole des Vauclusiens contre vents et marées.

    L’isolement à l’assemblée nationale est plutôt une épidémie qui touche les affidés des gros partis politiques : leur légitimité tient à une étiquette, au bon vouloir de carterons de dirigeants parisiens, et souvent à de savants calculs pour ne rien dire. On voit d’ailleurs l’échec frappant des « grandes stratégies nationales » ou du « témoignage du programme » des grosses structures. Cela donne des députés absents pour défendre de la vie, maladroits pour parler des problèmes politiques concrets, et qui ne peuvent par exemple pas dénoncer le Grand Remplacement.

    Franchement, je n’ai jamais entendu un Vauclusien regretter que je n’appliquasse pas les recommandations de Florian Philippot ou de Nathalie Kosciuko Morizet. En revanche, j’en connais un certain nombre qui sont exaspérés par les partis pachydermiques.

    De récents évènements en Vaucluse appellent à notre réflexion sur les candidatures. La nécessaire union des droites est encore ralentie par les quolibets politiques dont s’affublent le FN et Les Républicains. Dont acte.

    L’évidence, c’est que dans la IV ème circonscription de Vaucluse je suis le candidat de la droite. De la droite localiste, identitaire et enracinée. C’est-à-dire de la droite qui convient aux Vauclusiens.

    Face au poison Macron, il faut des hommes libres. Qui me disputera cette qualité ?

    Vous avez appelé à voter Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle : pourquoi ne pas vous rallier au candidat du Front National ? Le FN et vous-même avez-vous cherché une unité pour cette élection ? Et avec d'autres (DLF, LR ...) ? Ou partez-vous divisés, vérifiant la formule selon laquelle nous avons la droite la plus bête du monde ?

    6a00d83451619c69e201b8d281d7a2970c-200wi.pngVous devriez savoir au Salon Beige que les fruits du ralliement oscillent entre le désordre et l’incurie. J’ai suivi une logique politique à savoir l’union des droites et j’ai été de ceux qui présentaient la réalité de Macron. Mon pamphlet « Contre Macron » a déjà attiré plus de cinq milles lecteurs. Mes articles d’analyse du programme de Macron ont été largement utilisés…

    Il n’en reste pas moins que je garde mes préventions contre Marine Le Pen. Et pour cause : elle me fait livrer une guerre incessante parce que j’ai le tort de blesser la superbe de son mouvement politique. Je tiens à rappeler que sans l’entêtement frontiste, le département de Vaucluse serait aujourd’hui géré par la Ligue et par le FN.

    La droite ne part donc pas divisée. Elle propose deux candidats légitimes : monsieur Perilhou, maire de Vaison, mon concurrent, essaye de servir son terroir. Nous avons nos différences, mais il est un adversaire tout à fait valable. Pour ma part, je crois que chacun connait ma rectitude dans la défense des convictions de tous les Français.

    C’est une élection nationale, contre les manipulations partisanes et médiatiques, il est urgent de voter local !

    Etes-vous favorable à la formation d'un groupe parlementaire avec des élus d'autres partis, qu'ils soient LR, PCD, DLF, FN ?

    Je suis favorable à toutes les ententes dès lors qu’elles se fondent sur le service du bien commun et la liberté. J’avais été scandalisé d’entendre le Front National dire : « sans nous, monsieur Ménard ne serait pas maire de Béziers ». Ce fut une faute politique évidente, et je crois que Nanterre n’est pas prêt à faire sa mue sur le sujet. Tous les témoignages vont dans ce sens : l’échec de Marine Le Pen durant son débat s’explique principalement parce qu’elle s’entoure d’une cours et refuse la pluralité et la remise en cause en interne.

    Toutefois, si des individus, ancrés dans leurs territoires, veulent fracasser les frontières du politiquement correct pour travailler ensemble alors j’y suis tout à faire prêt ! Mes conditions sont simples : l’équité, le respect mutuel, et aucune intrusion de dictateurs en goguette qui confondent les couloirs de leurs partis politiques et le pays réel.

    Aux électeurs d’envoyer ce type d’élus à l’assemblée nationale et pas des marionnettes collant une photo sur leurs affiches en fantasmant d’acheter une légitimé de la sorte. Même le parti communiste est sorti de ce genre de lubies.

    J’espère avec vous que la droite mettra des hommes libres au pouvoir.

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Election présidentielle : le Bien commun oublié

    En date du 8 mai 2017, le CRAF (Centre Royaliste d'Action Française) a publié le communiqué suivant, avec lequel nous sommes ici en plein accord.  LFAR

    3815233371.jpgLe système politique fondé sur l’élection du président au suffrage universel a montré, une fois de plus et de façon particulièrement criante, ses limites et sa perversité.

    Un président élu par moins de 44 % des électeurs inscrits, dont presque la moitié revendiquent un vote par défaut, ne peut pas être légitime – d’autant moins avec le programme qu’il s’apprête à mettre en œuvre, dans la continuité du quinquennat qui s’achève.

    L’Action française déplore et s’inquiète de la division que cette élection a creusée au sein du peuple français. D’un côté les mondialistes, désireux de conserver leurs privilèges et totalement indifférents à la crise de civilisation que le libéralisme a engendrée et dont il s’alimente ; d’un autre côté, les souverainistes, pour qui la France signifie autre chose qu’une province européenne ou un segment de marché géographique ; d’un autre côté encore, ceux, de plus en plus nombreux, qui par leur abstention ou leur vote blanc expriment le décalage entre la classe politique et le peuple, voire rejettent et dénoncent un système en faillite.

    Cette faillite, c’est son incapacité à assurer le Bien commun, qui fut la seule préoccupation de nos souverains pendant des siècles et dont la classe politique actuelle a oublié jusqu’au sens. Au sortir d’une campagne avilissante, c’est donc autour de cette notion de Bien commun que l’Action française veut remobiliser les Français, à l’occasion du colloque public organisé le 13 mai avec la participation du Prince Jean de France, et autour de la figure de Jeanne d’Arc, qui sut si bien sacrifier son intérêt personnel pour celui de la France, et discerner dans la personne du Roi le seul vecteur d’espoir et d’unité : l’Action française le réaffirmera lors de sa fête nationale, dimanche 14 mai, avec son traditionnel cortège. 

    Colloque : Refonder le Bien commun
    Défilé d’hommage à Jeanne d’Arc

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/index-1.html

  • Le plafond de verre du FN est passé de 30 à 40 %. Mais pour gagner les élections, il faut plus de 50 % des voix

    Marc Rousset, économiste, auteur* ♦

    Quelle a été la plus grande erreur de Jean-Marie Le Pen dans sa carrière politique ? Imposer sa fille à la tête du FN.

    Lors de ses débuts, le père imposa la fille en lui donnant un titre de responsable de la communication, puis de vice-président du FN. Avant, bien sûr, d’être élue naturellement présidente du parti, mais avec l’aide et tout le poids de son père en faveur de sa candidature, par plus de 67 % des voix contre Bruno Gollnisch en janvier 2011.

    Aujourd’hui, pourquoi la droite a-t-elle encore perdu la présidentielle, face à la catastrophe Macron ? Parce que le FN a un programme économique socialiste irréaliste et utopique (35 heures, retraite à 60 ans, nombre de fonctionnaires…) qui fait peur à juste titre aux bourgeois, aux classes supérieures ou moyennes patriotes, réalistes et responsables.

    La droite ne peut gagner que s’il y a symbiose et désistement officiel ou tacite et officieux entre LR et le FN. La démarche de Nicolas Dupont-Aignan est salutaire, un premier pas important dans cette direction.

    La droite ne gagnera les élections que le jour où Florian Philippot aura quitté le FN ou que sa tendance sera devenue minoritaire. Le recul de Marine Le Pen sur l’euro, tout comme sa dernière prise de position « retour à l’emploi d’abord, retraite à 60 ans ensuite », est un autre pas dans la bonne direction, mais beaucoup trop tardif.

    Le plafond de verre du FN, suite à la perte de vitesse du pseudo-front républicain, est passé de 30 à 40 %, mais pour gagner les élections, il faut plus de 50 % des voix. Le FN ne pourra être majoritaire en France que le jour où il sera devenu vraiment gaulliste, avec un programme plus libéral tourné vers l’efficacité en économie, et conservateur pour les valeurs, ce qu’avait compris le général de Gaulle.

    La droite a encore perdu la présidentielle ! Pour le savoir, il suffisait de lire les chroniques du Figaro, contrôlé par Serge Dassault, qui est devenu très fortement pro-Macron alors qu’il avait défendu Fillon, uniquement parce que le FN s’est trop éloigné de ses fondamentaux en économie. De même, la rébellion des chefs d’entreprise était justifiée car ils pensent efficacité économique, emplois, exportations et pas seulement bénéfices.

    Efficacité en économie, combat virulent et frontal contre l’immigration, révolution des valeurs, voilà le triptyque de la droite pour gagner les élections.

    Marine Le Pen est en progrès pour les voix, mais sur la sellette en tant que présidente du FN. Il manque au FN un chef valable et le troisième pied du triptyque gagnant : l’efficacité économique, laissée aux Républicains ! Si le FN avait adopté un programme économique plus réaliste, Laurent Wauquiez ou François Baroin auraient du souci à se faire pour relancer les LR après la présidentielle !

    adieu-argent-roi-192x300.jpg*MARC ROUSSET EST L’AUTEUR DE ADIEU L’ARGENT-ROI ! PLACE AUX HÉROS EUROPÉENS, CRITIQUE DE LA CIVILISATION DE L’ARGENT, APOLOGIE DE L’HÉROÏSME, GODEFROY DE BOUILLON ÉDITEUR, PARIS 2016, 37 EUROS.

    Source

  • Tristes tropiques géopolitiques

    Un bref retour sur la lecture des Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss pourrait bien faire la lumière sur l’Etat du monde en termes de géopolitique.

    Déjà au début du XXe siècle, à travers ses nombreux voyages et ses rencontres avec les Indiens du Brésil, Lévi-Strauss avait su démasquer les leurres du discours orientaliste et néocolonial, tout en démontrant les ravages que l’idéologie du progrès de la civilisation mécaniciste occidentale produit sur son environnement et les différentes cultures avec lesquelles elle entre en contact.

    Loin de méditer sur le devenir et le relativisme des civilisations sur le plan anthropologique et culturel, le National Intelligence Council (NIC) a remis, le 9 janvier dernier, au nouveau président des Etats-Unis  Donald Trump, son nouveau rapport sur l’Etat du monde, comprenant des pronostics sur l’évolution du monde dans les années à venir. Le rapport, qui rend compte des tendances démographiques, technologiques et environnementales (sous le titre de Tendances globales : les paradoxes du progrès), dégage toutes les thématiques en mouvement qui influeront à moyen et à long terme sur l’organisation du monde, et distingue trois scénarios d’organisation humaine possibles dans les vingt prochaines années.

    Le même rapport fait état des enjeux soulevés par « le paradoxe du progrès » : sous la poussée d’une démographie de plus en plus jeune dans les pays en voie de développement, l’économie, l’emploi et l’urbanisation vont augmenter dans certaines régions du monde (pays du BRICS), alors que la croissance économique dans les pays riches va rester faible dans un avenir proche. Cette croissance plus faible devrait aboutir à une remise en question de la mondialisation mais aussi des bienfaits de progrès technologique qui « aggraveront les disparités entre les “gagnants” et les “perdants” ». Le rapport dresse un éventail de risques naturels et polémogènes : le changement climatique et les questions de santé, une météo extrême, le manque d’eau et de nourriture et de fertilité des terres, l’acidification des océans, la fonte des glaces et la pollution, les maladies infectieuses ; autant de risques potentiels qui appellent à une collaboration étroite de la communauté internationale.

    La gouvernance mondiale devient de plus en plus difficile et inadaptée en raison de la prolifération du phénomène polyarchique et le nombre croissant d’acteurs qui rendent difficile la gestion commune des crises. Le rapport stigmatise la montée du populisme de gauche comme de droite, l’influence du facteur religieux, le nationalisme, qui « menaceront le libéralisme ».

    Prenant en compte les différentes problématiques et défis dans les 20 années à venir, le NIC prévoit trois scénarios possibles : « Islands » (Iles), « Orbites » (Orbites) et « Communities » (Communautés).

    -Le premier des scénarios des « Iles » correspondrait au pire des scénarios d’un repli sur soi des Etats et envisage un monde dans lequel les Etats se fermeraient aux défis externes et les collaborations entre Etats seraient très restreintes.

    -Le deuxième scénario, celui des « Orbites », ferait des Etats-Unis une sorte d’orbite globale centripète, puissance-pivot mondiale bienveillante qui devrait être capable de rassurer ses alliés sur fond de coopération renforcée et de déployer de nouvelles capacités militaires qui devraient neutraliser les nouvelles dynamiques d’escalade qui augmentent le risque de guerre.

    -Enfin le troisième scénario, celui des « Communautés », consisterait à faire des démocraties libérales les nouveaux leviers d’une gouvernance décentralisée et des partenariats public-privé. On note le rôle de sous-traitant dédié aux grandes entreprises multinationales qui pourraient compléter le travail et le rôle des gouvernements « en fournissant des recherches, une éducation, des formations, une couverture médicale et des services d’information pour les sociétés dans le besoin.

    Alors que les Etats-Unis persistent dans leur tropisme géoconstructiviste global, en inventant et réactivant des discours-images et des guerres de représentations en faveur de la légitimation de leurs interventions dans le monde, ce tropisme géopolitique est le plus souvent en contradiction, en conflit avec le tropisme local, social et culturel des lieux. En effet, l’équation entre représentation géopolitique et territorialité réelle n’est jamais aisée. Le géopolitique et la dynamique sociale et territoriale d’un lieu, même s’ils peuvent entrer en résonance, leurs cadres spatiaux ne se calquent jamais. Les frontières, les nouvelles situations géopolitiques contribuent à l’émergence d’un espace public communautaire singulier, en marge des pesanteurs idéologiques, des volontés réductrices et uniformisatrices du discours géopolitique.

    Les mêmes erreurs produisent souvent les mêmes effets. Et si l’on résume les grandes lignes prospectives de ce dernier rapport, les Etats-Unis devraient s’engager, en dépit de l’arrivée d’un président loué pour son antisystémisme, sur la voie d’un ordre mondial, certes, perturbé et en mouvement, mais reposant sur le libéralisme marchand, une gouvernance mondiale hybride revisitée et relookée élargie au secteur des ONG et des grandes corporations, dans lequel seraient bannies toutes formes de populisme et de nationalisme jugées comme principales ennemies » de cette nouvelle communauté globale. Ce tropisme piétiste voire messianique ne date pas d’hier et coïncide parfaitement avec le divorce entre les élites mondialistes et les citoyens, non seulement en Europe mais aussi dans le monde entier. Il correspond à ce que l’éditorialiste économique Martin Wolf (dans Le Monde du 18 janvier 2014) nomme « La faillite des élites ». L’auteur y développe la thèse du manquement des élites européennes et mondiales dans la crise actuelle et dans celle de la Première Guerre mondiale (1914-18). Le trait commun d’hier et d’aujourd’hui est représenté par un cumul impressionnant d’ignorance et de préjugés ayant conduit, avec le premier conflit, à détruire les deux piliers de l’économie du XIXe siècle : le libre-échange et l’étalon or, avec la crise actuelle qui a encouragé un gigantesque pari consistant à dissocier responsabilité (répercussions d’une crise systémique) et pouvoir (système de décision) portant atteinte à la gouvernance démocratique. Le divorce entre élites et citoyens a engendré en Europe une concentration du pouvoir entre trois bureaucraties non élues (la Commission, la Banque Centrale européenne et le Fonds monétaire international) et une série de pays créanciers.

    Si le Tropisme rend compte de la tendance d’un organisme à croître dans une direction donnée, par exemple vers le bas ou vers le haut, on sait de longue date que le tropisme politique voire idéologique aboutit le plus souvent à un déni de réalité, en persistant dans l’erreur et la reproduction ad vitam æternam d’un simulacre géopolitique déstructurant. Eh bien, tout comme hier les Tristes tropiques dévoilaient l’eurocentrisme culturel et civilisationnel de l’Occident, aujourd’hui ces erreurs d’optique et de sens rendent compte du désordre géopolitique mondial.

    L’élection de Donald Trump en tant qu’outsider de l’Establishment américain annonçait, certes, pour le camp multipolaire et antiglobaliste des lendemains joyeux mais très vite désenchanteurs face à la pression de l’Etat profond étatsunien et surtout après l’attaque surprise étatsunienne en Syrie. Il faut rappeler que le camp atlantiste interprétait le tropisme géopolitique de Trump sous la forme d’une nouvelle opportunité pour refonder des relations transatlantiques plus équilibrées, plus inclusives et plus resserrées, dans un espace géopolitique « de Vancouver à Vladivostok ». En tout état de cause, la nouvelle feuille de route étatsunienne et sa représentation géopolitique du monde semblent souffrir du même tropisme atavique de cette super-puissance hégémonique au moment même où cet Empire est en voie de reflux sur le plan économique. Le tropisme bruxellois, à la fois technocratique et normativiste,   complète le tropisme globaliste du grand marché, le tropisme ONUsien, et puis, au niveau macro-régional, les différents tropismes néo-impériaux des puissances ayant connu dans le passé une expérience impériale.

    Bien sûr, il serait naïf de croire que le tropisme en géopolitique est uniquement un attribut de puissances globales qui prétendent au hegemon global. Le plus souvent, ce même tropisme globaliste se nourrit de tropismes régionaux, sub-régionaux et panistes qui, en tant qu’éléments apparemment perturbateurs, font très souvent le jeu des puissances globales, ainsi : tropisme néo-ottoman, tropisme grand-russe néosoviétique, micro-panismes dans les Balkans, le tropisme grand-albanais, le tropisme grand-serbe, etc. (le tropisme ethno-confessionnel qui cumule souvent les uchronies et les mythes fondateurs).

    D’autre part, une autre tendance plus scientifique et intellectuelle voire universitaire consiste à systématiquement déceler, classifier, découper le tout en parties indépendantes voire manichéennes, dans un cadre d’analyse autoréférentiel binaire, polaire, les dynamiques géopolitiques à l’œuvre dans le monde. Ce tropisme systémiste ne prend pas en compte les dynamiques plus complexes et conjoncturelles, les alliances ad hoc croisées, plus souvent dictées par le contexte et le moment que par des constantes statiques. En effet, la précarité des équilibres de puissance (balances) et l’incertitude stratégique permanente impliquent de reconsidérer le concept d’hégémonie géopolitique du passé et la « Global dominance » du système unipolaire du passé.

    Un autre tropisme que l’on peut qualifier de tropisme géopolitique postmoderne consisterait à se représenter le monde comme un vaste laboratoire anarchique voué à une sorte de chaos entropique qui s’auto-organise spontanément. Le système-monde serait a-polaire, un monde « sans pôle », hostile à toute structure géopolitique polaire. Ce tropisme d’ailleurs serait un épiphénomène issu de la convergence entre le tropisme globaliste qui repose sur le dogme du marché transnational unificateur et le tropisme néocivilisationnel déconstructeur qui décompose les Etats et les entités politiques jugées hostiles à l’ordre néolibéral capitaliste.

    Or, même s’il est vrai que nous sommes sortis du système unipolaire américanocentré vers un monde multipolaire, il n’en demeure pas moins vrai que notre système international reste marqué par une hégémonie ou une rivalité hégémonique entre plusieurs pȏles au sein de constellations diplomatiques et militaires disparates et mouvantes. Derrière l’asymétrie des acteurs, le caractère a–polaire et les incertitudes stratégiques sont toujours à l’œuvre des stratégies de puissances et dispositifs hégémoniques. La nouveauté est que, depuis le Traité de Westphalie et l’ordre mondial de Yalta, la stabilité du système ne peut plus être le fruit d’un seul acteur global dominant. D’autre part, aucune puissance globale, y compris les Etats-Unis, ne peut prétendre au statut d’Hegemon « de sens », c’est-à-dire être en mesure de produire une stabilité de sens, une communauté de destin, une nouvelle narration intégratrice au niveau mondial. Enfin, une chose est sûre : l’inflation de tropismes en géopolitique dans ces temps d’incertitudes stratégiques ne peut être que génératrice de démesures d’hybris, de confusion et de chaos.

    A la suite des divers grands modèles d’ordonnancement géopolitique − les modèles de l’Antiquité et de l’ordre impérial, du féodal, de la modernité – notre monde se trouve au cœur de la grande parenthèse qui consomme encore le modèle de la « révolution systémique de l’âge planétaire », débutée au XXe siècle et qui coïncide avec l’implosion de l’ordre bipolaire de la Guerre froide. C’est ce que l’historien Hobsbawm appelle le « long XIXe siècle » : « Il ne fait aucun doute que la fin des années 1980 et le début des années 1990 constituent la fin d’une période, et l’entrée dans une nouvelle ère de l’histoire du monde ». Ainsi, les événements des années 1990 sont en corrélation directe avec un processus amorcé à Sarajevo en 1914. Dans un monde qui a perdu ses repères, le tropisme géopolitique consiste à attiser ou à gérer le désordre, sans possibilité de dépassement.

    Alors que les Tristes Tropiques de Lévi-Strauss finissaient avec une mise en perspective salutaire, une annonce optimiste à savoir qu’en comparaison avec les autres cultures « primitives » la civilisation occidentale apparaît comme une option, un choix, parmi d’autres offerts à l’humanité, les tropismes géopolitiques en raison de leurs implications pratiques destructrices sur le terrain annulent le choix, car ils aboutissent à un déni de réalité face à des situations complexes, protéiformes et mouvantes. Et c’est la raison pour laquelle ces tropismes se soldent le plus souvent par la pérennisation ou le gel d’une situation conflictuelle sans issue. Et c’est aussi la raison pour laquelle nous avons l’impression d’assister à du déjà-vu, lorsque l’histoire se répète. C’est le propre du tropisme que d’obéir à une dynamique de simulation, tout comme le notait Nietzsche dans La Naissance de la philosophie : « Le monde apparent est l’unique monde. C’est un mensonge que d’y ajouter le monde vrai. »

    Jure Georges Vujic
    5/05/2017

    Voir aussi : Les paradoxes du progrès : la CIA se penche sur notre avenir et ce n’est pas drôle
    Fabrice Frossard,  28/01/2017

    http://balises.info/2017/01/28/cia-se-penche-avenir-paradoxes-progres-nest-drole/

    https://www.polemia.com/tristes-tropiques-geopolitiques/

  • Bérénice Levet : « Le crépuscule des idoles progressistes »

    Bérénice-Levet-600x319.jpg

    Bérénice-Levet-Livre-220x350.jpgBérénice Levet appartient à cette nouvelle génération d’intellectuels qui vient bousculer les vieilles badernes du politiquement correct qui hantent encore les plateaux de télévision et les amphis des universités. Docteur en philosophie et enseignante, spécialiste d’Hannah Arendt, Bérénice Levet vient de publier un ouvrage de combat intitulé : Le Crépuscule des idoles progressistes (Stock). Elle y analyse les fondements de l’idéologie progressiste, son échec annoncé et ses possibles remèdes.

    L’écrivain indique qu’il est urgent de renouer avec notre héritage, quitte à se rendre suspect dans une époque où celui-ci est vu comme un privilège oppresseur. Il est tout aussi vital d’assumer le droit des peuples à la continuité historique en transmettant une identité civilisationnelle à nos enfants.

    Pour ne pas les jeter dans un monde sans repère ni profondeur, il convient de les escorter dans un univers riche de signes, de symboles, de degrés et en faire des hommes libres.

    Pour cela, la philosophe considère qu’il est impératif de refondre l’école dont la vocation de transmission structurante et d’édification a été dévoyée pour en faire un outil de déconstruction et de désaffiliation.

    Un ouvrage à lire de toute urgence et un entretien accordé à TVLibertés à regarder pour détenir les clés d’une lutte efficace contre l’idéologie moderniste incarnée, notamment, par Emmanuel Macron.