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culture et histoire - Page 1037

  • Le patriotisme pour sauver la France, par Yvan Blot

    Contrairement à un préjugé tenace, le patriotisme n’est pas une idéologie. Le patriotisme est l’amour de la mère-patrie. Dit-on d’un enfant qui aime ses parents qu’il a une idéologie ? Ce serait absurde. Toutefois, le patriotisme peut se mêler à des idéologies, laïques comme religieuses. Il peut aussi se heurter à des idéologies comme on le voit dans l’Occident actuel. Un Etat démocratique libre ne saurait interdire telle ou telle idéologie sauf s’il est avéré qu’elle est criminelle. C’est le cas des idéologies révolutionnaires parce qu’elles prônent la violence. Mais un tel Etat peut difficilement admettre l’absence de patriotisme car il peut exiger des citoyens de « mourir pour la patrie ». Il doit combattre les idéologies qui s’opposent au patriotisme comme le socialisme ou le libéralisme de types cosmopolites ou comme l’islamisme radical, lui aussi cosmopolite.

    Combattre l’antipatriotisme n’est pas combattre une opinion. C’est combattre une attitude délinquante où un citoyen s’arroge le droit de ne pas défendre ses compatriotes, notamment en cas de guerre avec l’étranger.

    Combattre l’islamisme radical consiste à combattre des individus prêts à retourner leurs armes contre la patrie, par des attentats terroristes notamment. Combattre une telle idéologie cosmopolite fondée sur le rêve d’un califat mondial ne peut pas se faire par la seule répression physique pour empêcher de nuire physiquement. Un tel combat n’est efficace que s’il se fonde sur le patriotisme.

    Les échecs des tentatives de « déradicaliser » les prisonniers islamistes étaient prévisibles. On ne combat pas une foi religieuse avec des arguments intellectuels qui n’ont aucune prise sur le cœur des hommes. Invoquer la laïcité ou la constitution, voire la « République » pour stopper l’islamisme révolutionnaire, est stupide.

    On ne meurt pas pour des idées froides mais pour sa famille, sa patrie ou son Dieu car ils font l’objet d’un amour humain.

    C’est révélateur de notre société sans amour, fondée sur l’utilitarisme individuel et sur le calcul, de ne pas comprendre un mouvement fondé sur des sentiments capables de vous conduire jusqu’au sacrifice. Le sentiment de l’honneur peut conduire à son propre sacrifice. La rapacité financière ou juridique (culte de ses « droits ») ne va jamais jusque-là puisque elle est fondée sur l’utilitarisme de l’individu déraciné.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Français qui se sont engagés dans la Résistance l’ont fait par amour de la France, ils ne l’ont pas fait pour sauver la Sécurité sociale ou pour payer moins d’impôts !

    Staline lui-même, tout communiste qu’il était, lorsqu’il eut peur de perdre la guerre contre Hitler, s’est résolu à parler au peuple russe à la radio en disant : « Mes frères, il faut sauver notre sainte Russie ». Il n’a pas parlé de sauver le socialisme ou la laïcité. Il était à sa façon très psychologue.

    Il s’agit de voir aussi comment le patriotisme peut s’associer à des courants idéologiques. Cela donne alors des idéologies politiques à plusieurs dimensions comme le national-libéralisme (Mme Thatcher par exemple) ou comme le national-socialisme (révolutionnaire totalitaire ou simplement réformiste). Dans certains cas, cette synthèse est impossible : c’est le cas de toutes les formes d’idéologies cosmopolites de l’anarchisme au communisme en passant par le libéralisme anti conservateur que le professeur Hayek appelait « constructiviste ».

    Le patriotisme fait bon ménage en général avec les traditions, religieuses, culturelles ou autres car il tient lui-même son origine de la matrice des traditions et non d’un discours intellectuel fait ex cathedra. C’est pourquoi un patriote conscient doit savoir ce que sont les traditions qui ne sont pas nécessairement issues de la pensée rationnelle mais de l’expérience existentielle de nombreuses générations : les œuvres d’Edmund Burke, de Hayek ou de Gehlen, notamment sont incontournables.

    Patriotisme et attachement aux traditions vont de pair et ceux qui veulent détruire les traditions, soit par haine reptilienne (les traditions limitent mes caprices), soit par rationalisme borné (telle tradition n’est pas fondée en raison abstraite, comme la famille ou la propriété), veulent aussi détruire l’amour de la patrie.

    La raison calculatrice et l’instinct pulsionnel se liguent contre les traditions au nom des caprices de l’égo : telle est la situation de l’Occident en proie au Gestell (l’arraisonnement utilitaire). Sortir du monde inhumain du Gestell, où l’homme n’est plus considéré que comme matière première, suppose de retrouver un vrai monde humain, structuré autour des racines, des missions (plutôt que des « valeurs » purement subjectives), des hommes avec leur cœur (pas seulement leur raison et leurs instincts), et autour de la divinité transcendante.

    Tel est l’enjeu de la période historique où nous sommes où les peuples retrouvent, à partir de la souffrance, leurs traditions bienfaisantes, au besoin en s’opposant à des élites devenues décadentes car centrées sur l’ego de leur membre : « France combattante », la devise de l’ENA à ses débuts, a été remplacée par « carrière méritante », mais la carrière comme valeur suprême peut se construire sur l’absence de cœur envers les humains, « dans les eaux glacées du calcul égoïste ».

    Yvan Blot

    Texte repris de Polémia

    http://fr.novopress.info/

  • JEUDI PROCHAIN 16 MARS : SAMUEL MARTIN, DU QUOTIDIEN "PRÉSENT", INVITÉ DE SYNTHÈSE SUR RADIO LIBERTÉS

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  • Vive l'Europe - Yvan Benedetti et Daniel Conversano, le nationalisme et la Tradition

  • La partie "politique" de la journée de Civitas

     

     http://synthesenationale.hautetfort.com/

  • Maurras son lecteur et Dieu

    Il y a toujours « un autre Maurras » selon la formule déjà ancienne de Gérard Leclerc. La publication du dernier numéro de la revue Nouvelle École, fondée par Alain de Benoist, a cela de passionnant qu’elle laisse le lecteur avec plusieurs images du même personnage.

    Si Maurras est si grand, s'il continue à faire couler tant d'encre plus de soixante ans après son décès (1952), c'est justement parce qu'il offre plusieurs lectures de son œuvre transversale, toutes aussi catégoriques, toutes aussi paradoxales, toutes aussi libres. En Mai 68, les jeunes d'Action Française opposaient souvent Maurras à Marx. Aucune pensée de gauche n'a pu jusqu'à maintenant s'affranchir totalement de Karl Marx, sauf peut-être, ; aujourd'hui, celle de Monsieur Hollande et de Monsieur Valls, et l'on peut constater que i cela ne leur a pas porté chance électoralement. Mais de la même façon, aucune pensée de droite ne peut s'affranchir totalement de l'âpre prose maurrassienne, qui a su inspirer conjointement Charles de Gaulle et François Mitterrand (cet homme de droite qui a structuré le socialisme français jusqu'à nos jours), ou, pour en venir à notre bel aujourd'hui, Patrick Buisson et Philippe de Villiers.

    Une méthode maurrassienne

    Comment Maurras est-il un maître ? Non pas tant en imposant des concepts, comme Marx a pu le faire avec les concepts de lutte des classes ou de dictature du Prolétariat par exemple. Gérard Leclerc l'expliquait bien dans cette brochure militante, qui se voulait aussi un petit discours de la méthode à l'usage des royalistes de la deuxième moitié du XXe siècle « Ma lecture de l'œuvre maurrassienne est toujours commandée par les soucis quotidiens, par les débats qui sont ceux de l’actualité, par les incessantes questions que me pose la société, ses luttes, ses drames et le devenir du monde ». Maurras, c'est effectivement avant tout une méthode, l'empirisme organisateur. L'expression intimide, elle se voulait sans doute un peu intimidante. Gérard Leclerc, dans ce texte ancien qu'il cite de nouveau parce qu'il n'a pas pris une ride, en exprime bien la simplicité il ne faut négliger aucun fait et toujours préférer les faits, ces témoins de la vérité vivante, plutôt que les idées, qui, pures représentations, gardent des traces de vérités mortes. Voilà ce qu'est l'empirisme organisateur et voilà pourquoi les faits, advenant dans un monde qui n'en aura jamais fini avec son histoire, lui donnent sans cesse de nouvelles occasions de se manifester, d'une génération à l'autre.

    Peut-être, le lecteur de Monde&Vie s'étonnera-t-il de trouver ce petit discours de la méthode dans une évocation de l'esprit maurrassien. Mais c'est l'explication de la force de cette pensée à la fois elle est intimement liée aux circonstances qui l'on fait naître elle a forcément suscité les passions et à la fois elle devra être envisagée en dehors de ces faits contingents du passé, à propos desquels Maurras, sanguin, colérique, a bien entendu commis des erreurs, au cours d'une vie qui fut un long engagement. L'approche maurrassienne du monde demeure pourtant, comme un instrument intellectuel et même une tradition intellectuelle en constant enrichissement, elle est disponible pour aujourd'hui. Être maurrassien a un sens et les maurrassiens d'aujourd'hui, on ne les trouve pas forcément là où l'on croit, dans une certaine élite vieille France bien fatiguée ! Témoin Steve Bannon, le puissant patron du groupe Breibart, qui fut directeur exécutif de la campagne de Donald Trump et qui est devenu son « haut conseiller » à la Maison Blanche. Il a été surpris récemment, lors d'un voyage en France, à évoquer « le pays légal et le pays réel », déclarant « Le cycle des Lumières, c'est fini, vous avez lu Maurras ? »

    Un antiromantisme romantique

    Autre raison de la passion maurrassienne toujours présente au sein du public la critique de la critique maurrassienne est particulièrement difficile à opérer. Elle fait elle-même polémique. La pensée de Maurras, faite de mots d'ordre, de textes courts et sublimes (parfois d'autant plus sublimes qu'ils sont plus courts) et d'observations critiques plutôt que d'idées, agglomère toute critique qui lui est faite, comme le démontre, à sa manière, le magnifique article d'Alain de Benoist, dans le numéro de Nouvelle École qui nous occupe, sur Maurras et le romantisme. Si Maurras était simplement l'antiromantique que l'on qualifie souvent comme tel, la messe serait vite dite, sa pensée vite épuisée et bien sûr aujourd'hui périmée. Avec une érudition étourdissante, le directeur de Nouvelle École montre l'ambiguïté de l'attitude de Charles Maurras face au romantisme.

    Qu'on en juge ! Le jeune Maurras commence par faire du romantisme (mouvement plutôt spiritualiste et nostalgique donc ancré à droite) l'origine de l'anarchie républicaine. De Jean-Jacques Rousseau, il fait le père du romantisme, alors que celui-ci est évidemment beaucoup plus proche du rationalisme des Lumières que l'on ne veut bien le reconnaître dans les rangs de l'Action Française. Il fait de l'esprit allemand le foyer du romantisme mondial et de Hitler l'apothéose du romantisme allemand. Pourtant, c'est le romantisme français de Chateaubriand, qui a été à l'origine de ce mouvement littéraire, pendant que Gœthe en restait à un néo-classicisme pour le moins barbant. Quant au romantisme de Hitler. On pourrait aussi bien dire que Hitler est le plus terrible des rationalistes, éliminant tout ce qui ne rentre pas dans son idée de l'Allemagne nouvelle, les juifs, les homosexuels, les handicapés, etc. Maurras avait beau y trouver une critique du désordre pulsionnel allemand, rétrospectivement cette reductio du romantisme ad Hitlerum, opérée par le Maître de l'Action Française est tout sauf évidente. Reste la puissance d'une lecture de l'histoire qui indiscutablement fait réagir.

    À la fin de cet article fleuve, Alain de Benoist souligne combien Maurras est peu traditionaliste, lui le monarchiste. Il montre comment on peut même trouver chez lui une exaltation du Progrès. Et de citer François Huguenin sur Maurras le réactionnaire qui, pour cette raison même qu'il réagit, ne peut pas être insensible à son temps. Paradoxes maurrassiens, source des ambiguïtés qui ont fait et feront son succès on peut dire à la fois sa légende dorée et sa légende noire.

    Autre difficulté interprétative, ô combien sensible parce qu'elle a donné lieu à une condamnation par le Vatican de Pie XI de tous les catholiques lisant le journal L’Action française la question de la foi personnelle de Maurras. Jacques Prévotat, universitaire, spécialiste de la condamnation de l'Action Française, donne crédit à la légende d'un Maurras athée. Elle est reprise en chœur aujourd'hui par ceux qui croient qu'il suffit de faire un peu d'histoire des idées, avec l'étiquetage rapide que cela suppose, pour connaître, comprendre et pratiquer une pensée.. Dans le même numéro de Nouvelle École, Gérard Leclerc, maurrassien de toujours, chroniqueur pour Royaliste, s'en prend violemment à cette légende de l'athéisme de Maurras « Je me suis disputé récemment avec quelques amis qui veulent à toutes fins faire de Maurras un athée. Je ne connais aucun texte de lui se réclamant de l'athéisme. En revanche on pourrait le définir comme proche de Malraux, en tant qu 'agnostique, mais d'une certaine espèce. Maurras ne professe pas qu'il est impossible de connaître l'existence de Dieu. Il marque son incertitude personnelle, qui ne lui a pas permis de conclure. Et il ne s'en fait pas gloire ! Par ailleurs, c 'est quand même aussi un drôle d'agnostique. Il semble bien qu 'il ait gardé sur son cœur pendant toute sa vie, le scapulaire de la Vierge Marie, dont il parlait dans un conte célèbre du Chemin de Paradis ».

    « La Mort n'est qu'une fable »

    Beaucoup de nos lecteurs connaissent bien sûr sa Prière de la fin « Seigneur, endormez moi dans votre paix certaine, entre les bras de l'Espérance et de l'Amour ». Cette prière n'est pas un hapax, un cas unique dans la poésie maurrassienne. Le recueil intitulé À mes vieux oliviers, contient lui aussi quelques vers sublimes de foi conquise sur le doute. Je cite quelques extraits d'un poème intitulé Le Pèlerin, ils sont peu connus. Ils sont difficiles. Ils disent pudiquement la quête d'un vieux pèlerin, enfermé pour ses idées dans la prison de Riom, mais qui cherche encore, l'esprit toujours libre « Quelque ébriété que la Grâce épanche/ Pour nous délier des mornes rigueurs/ L'ordre universel des êtres commande/ Qu'une loi s'impose aux voltes du Chœur / Quelle loi ? La mort ? Ce n 'est qu 'une fable. / La Vie? Elle flotte, ayant tout tenté. / Je veux remonter au verbe ineffable/ Du fatal essor d'une Charité Sois ! O Bien des Biens, cime qui flamboies, / Mère des vallons aux mille miroirs / Qui donne l'élan de toutes nos joies / Dans la volupté de TE concevoir. »

    À qui, Maurras ordonne-t-il d'être ? Qui Maurras tutoie-t-il ainsi ? Une femme ? Une Mère. On lit en note « L'auteur s'excuse d'avoir toujours pensé le Dieu d'Aristote comme une divinité féminine ». Ce que l'on appelle, de façon trop virile sans doute, le Premier moteur non mû, pour Maurras ne saurait être qu'au féminin, parce qu'il est grâce, volupté, et amour. Le dernier vers du Poète laisse éclater l'espérance d'une renaissance, dont cette divine Féminité soit la matrice « Puis des langes bleus qu'irise une flamme,/ Comme un nouveau-né dont s'ouvre les yeux,/ Le Régénéré du Corps et de l'Ame / Longtemps vagira : - DÉESSE, Ô MON DIEU ! ».

    Voilà une bonne fois pour l'athée Maurras avec la dialectique qui conduisit Aristote vers le Premier moteur non mû, il portait aussi l'espérance d'un salut, qui soit une nouvelle naissance. Il voulait que « s'ouvrent ses yeux » ? Ses dernières paroles (un alexandrin) laissent penser que celui qui était sourd depuis ses 14 ans, a trouvé à renaître. « Pour la première fois, murmura-t-il, j'entends venir quelqu'un ».

    Abbé G. de Tanouarn monde&vie  23 février 2017

    Revue Nouvelle Ecole, Charles Maurras, 216 p., 25 €.