Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1111

  • Il y a mille deux cents ans, Louis Ier était le premier roi sacré à Reims

    Le 5 octobre 816, Louis Ier était le premier roi sacré à Reims

        Quatrième fils de Charlemagne, Louis, né en 778, fut le seul roi des Francs que l’on couronna trois fois et le premier que l’on sacra à Reims. En 781, son père en fit, à Rome, le roi des Aquitains, sacré par le pape Hadrien. En 813, devenu l’aîné des Carolingiens par la mort de ses trois frères, il fut proclamé par avance empereur à Aix-la-Chapelle, encore par son père, qui disparut l’année suivante. Enfin, le 5 octobre 816, le pape  Etienne IV le sacra à Reims.

       Le choix de ce lieu ne devait rien au hasard mais ne visait pas pour autant à instaurer un rite. Très pieux – d’où son surnom – et, plus encore, attaché aux traces symboliques de l’Histoire, Louis avait voulu inaugurer son règne par un pèlerinage en l’église où Clovis, par l’évêque Rémi,  avait été baptisé. Car il était le premier des Carolingiens à porter le nom du premier Mérovingien. Dérivé du prénom germain Hlodovic -signifiant «  glorieux à la guerre » -, qui évolua en Chlodowig, fut latinisé en Lodovico puis en Ludovicus, enfin francisé en Louis.

       Élu le 12 juin précédent, de façon précipitée par les cardinaux romains dont on disait qu’ils avaient ainsi voulu empêcher une intervention de l’Empereur, Étienne IV entendait, sinon se faire pardonner son élévation, du moins ne pas irriter l’empereur. C’est pourquoi, il demanda aussitôt au peuple romain de jurer fidélité au roi des Francs et empereur d’Occident. Puis il proposa à celui-ci de le rencontrer, dans un lieu à sa convenance : difficile de se monter plus conciliant. C’est ainsi que Reims, de surcroît sur la route de Rome à Aix-la-Chapelle, fut retenu.

        Mais les successeurs immédiats  de Louis ne suivirent pas son exemple. Charles II fut sacré à Orléans, Louis II à Compiègne, Louis III à Ferrières, Charles III à Rome. C’est Eudes qui renoua avec Reims, le 13 novembre 888 : le premier roi des Francs qui n’avait ni vocation ni prétention à la couronne impériale. C’est d’ailleurs pourquoi certains historiens regardent Eudes comme le véritable premier roi de France.

       Après quoi, la cérémonie du sacre se perfectionna et enrichit peu à peu sa symbolique, concentrant trois célébrations : le couronnement, qui place le monarque au sommet de la pyramide féodale, l’intronisation, qui lui attribue le pouvoir de suprême commandement, et l’onction qui atteste que son règne satisfait la volonté divine.

        En remontant au baptême de Clovis, Louis Ier avait conforté la doctrine esquissée par Grégoire de Tours, assimilant l’onction baptismale, qui donne naissance à l’homme nouveau, et l’onction royale qui, par la même grâce divine, fait d’un homme prédestiné le missionnaire de Dieu.

       Archevêque de Reims écrivant à la fin du neuvième siècle la vie de Saint Rémi, Hincmar exalta le miracle de la Sainte-Ampoule, déposée par une colombe venue du ciel entre les mains de l’officiant et renfermant le Saint-Chrême lors du baptême de Clovis. Le médiéviste Jacques le Goff voyait dans cette allégorie la « contamination » de l’iconographie du baptême du Christ, au cours duquel, selon les Évangiles, l’esprit de Dieu descendit sur Jésus sous la forme d’une colombe. Le parallélisme des deux scènes était propre à frapper les imaginations empreintes de mysticisme au cours du haut Moyen-Âge. C’est pourquoi l’onction royale, cœur de la cérémonie du sacre, relève bien d’un acte divin. Un  acte réservé au seul roi de France, faisant de lui un lointain successeur de David.

         Le prodige de la Sainte Ampoule n’est pas non plus sans rappeler le mystère de la transsubstantiation et de la présence charnelle du Christ au cours de la Communion. Plusieurs séquences de la cérémonie du sacre se réfèrent d’ailleurs clairement à la Cène : douze pairs du royaume, tels les apôtres, soutiennent la couronne au-dessus de la tête du roi puis l’entourent lors du festin servi dans la grande salle du Tau, le palais des archevêques de Reims. Comme auprès de Jésus, ils ne constituent que des témoins : déposer la couronne sur la tête du roi revient à l’Archevêque seul, qui opère en tant qu’officier de Dieu, postérieurement à l’onction.

       C’est pourquoi le décret de la Convention du 16 septembre 1793 ordonnant la destruction publique de la Sainte-Ampoule avait, lui aussi, une portée plus que symbolique : il s’agissait de supprimer l’instrument unique et inreproductible par lequel Dieu fait les rois en France. En d’autres termes, de casser le moule. C’est pourquoi aussi, afin de pouvoir procéder, en 1825, au sacre de Charles X, il parut absolument indispensable de disposer du Saint-Chrême. On établit donc qu’au terme d’un parcours rocambolesque, quelques fragments brisés de la précieuse fiole avaient été récupérés, mis à l’abri et sauvegardés, nécessairement avec l’aide de Dieu.

        Plusieurs rois cependant avaient dû, dans le passé, renoncer au Saint-Chrême, soit en se faisant sacrer ailleurs qu’à Reims, siège unique de la Sainte-Ampoule, soit en ne se faisant pas sacrer du tout. Dans la première catégorie, figurent Hugues Capet, sacré probablement à Noyon en 987 (On ne sait en réalité que peu de choses de lui), son fils Robert II, sacré par avance la même année mais à Orléans, Louis VI en 1108 à Orléans toujours et Henri IV, en 1594, à Chartres. Dans ce dernier cas, on exhuma de l’abbaye de Marmoutier, fondée par Saint Martin de Tours, une autre ampoule miraculeuse, dont l’ancienneté dépassait celle de Reims : la raison d’État commandait de feindre d’y croire.

         Dans la deuxième liste, on ne trouve que trois rois : Jean Ier, dit le posthume, qui ne vécut que cinq jours en 1316, Louis XVII, emprisonné et empêché de régner, et Louis XVIII, qui retarda indéfiniment la cérémonie qu’il prétendait néanmoins avoir prévue.

         Mis à part les cas très particuliers de Jean Ier et de Louis XVII, il est évident que l’absence de sacre, comme de Sainte-Ampoule, n’en fit pas des monarques amputés de la moindre parcelle de pouvoir. Alors ? Quelle valeur faut-il finalement accorder au sacre et à l’onction ?

        La symbolique royale française était nécessairement appelée à évoluer. D’abord perfectionnée, jusqu’au sacre de Charles V en 1364, qui introduisit dans l’ordo (le protocole de la cérémonie) une prière royale en forme de promesse et d’humilité en faveur du peuple de France (« Qu’en ce jour naisse à tous équité et justice … »), elle ne cessa par la suite de s’alourdir, de s’épaissir, de s’allonger et de se bigarrer. Le sacre de Louis XIV fut morne. Celui de Louis XV prêta au ridicule lorsqu’on fit danser des poupées afin de distraire l’enfant royal. Celui de Louis XVI s’étira comme une ennuyeuse formalité. Les courtisans se marchaient sur les pieds et les questions de préséance avaient évacué toute ferveur religieuse. Avec l’institutionnalisation du pouvoir, le roi ne tenait  plus son pouvoir, ni de l’élection, ni de Dieu mais des lois fondamentales du royaume.

          Après la Révolution, le sacre de Napoléon passa, au choix,  pour une profanation ou pour une mascarade. Charles X voulut relever la tradition mais ruina son prestige dans ce que Chateaubriand appela « non un sacre mais la représentation d’un sacre », perturbée par de nombreux incidents parfois grotesques.

         En cas de Restauration, la question du sacre ne pourrait être éludée. Sans doute est-ce dans la pureté, la finesse et la simplicité de l’ordo de Charles V « revisité » qu’il conviendrait de puiser le ciment d’un nouveau contrat entre le roi et le peuple.

    Daniel de Montplaisir

    http://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2185-il-y-a-mille-deux-cents-ans-louis-ier-etait-le-premier-roi-sacre-a-reims

  • Tribune Libre – La disparition du monde rural, par Vincent Revel

    Malgré le choc des deux guerres mondiales, pouvant aussi ressembler pour les Européens à une longue, dramatique et coûteuse guerre civile, le choc majeur du XXe siècle pour notre continent aura probablement été la mort de notre paysannerie. Sous les coups d’une oligarchie mondialisée, l’ancien monde rural, enraciné dans un territoire, a laissé place à l’ère des villes mondes sans frontière.

    Travaux-des-champs-228x350.jpgDans son merveilleux livre Travaux des champs (éd. du Rocher, 2009), Alain Leygonie écrivait avec justesse que « le basculement dans la modernité » des populations rurales avait été l’événement le plus important des cent dernières années. Depuis les années 1960, nombreux furent nos hommes politiques à trahir la confiance de leurs électeurs habitant les zones rurales en leur laissant croire en un avenir meilleur. En 1945, près de 10 millions de Français travaillaient encore dans l’agriculture ! Aujourd’hui, la population active dans le monde agricole représente moins de 4 % des travailleurs !

    Le chiffre ne cesse de baisser au profit de gros exploitants, vivant de subventions, devenus pour certains « les jardiniers d’une nature sans hommes ». A la place des villages respirant la vie et l’activité, un désert rural s’est installé, transformé parfois, pour les régions les plus ensoleillées, en décor pour touristes et retraités fortunés. Le mal est profond et notre élite, profondément urbaine, ne cesse de se désintéresser de cette ruralité qui lui renvoie l’image d’un passé riche de sens.

    L’histoire de l’agriculture occidentale, basée sur l’exploitation familiale, a connu un bouleversement radical lorsque nos paysans sont devenus uniquement des exploitants, chefs d’entreprises, soucieux de productivisme avec un outil de travail complètement intégré à l’économie de marché. Dans cette agriculture moderne, les solidarités volent en éclat, le nombre de suicide augmente et les petites exploitations, à taille humaine, tendent, en règle générale, à disparaître.

    Bientôt, si nous continuons à suivre aveuglément les conseils de nos technocrates, la France, au passé agricole millénaire, connaîtra « l’aire du vide ». Seules les plus grosses exploitations subsisteront. Avec un désir accru de posséder le maximum de terrains agricoles, les nouveaux grands propriétaires mettront en place aveuglément les nouvelles méthodes de travail, basées sur l’extensification de la production, et de la ferme de nos anciens restera un lointain souvenir remplacé par les exploitations-usines chères à nos dirigeants européens.

    Le malaise est bien présent. L’endettement, parfois appuyé par des syndicats irresponsables, trop proches de lobbies puissants, pousse de nombreux agriculteurs à la faillite. Riches en terre mais pauvres socialement, de nombreux paysans travaillent à perte dans le seul but de ne pas tout perdre. Ceux pour qui le mot racine éveille encore quelque chose savent à quel point notre élite apatride est responsable de ce résultat catastrophique.

    Face à ce terrible constat, nous assistons à présent, impuissants, à la naissance des métropoles. Contribuant à déconstruire le socle identitaire des provinciaux, cette folie urbaine de nos élus-notables locaux pousse de plus en plus les zones rurales dans l’ombre, comme un encombrant héritage que l’on voudrait oublier.

    Avec la prochaine élection présidentielle, nous devrions tous avoir à cœur de reconstruire cette ruralité en nous détournant des faiseurs de rêves et de leurs grandes idées qui nous ont conduits la misère.

    Vincent Revel

    http://fr.novopress.info/

  • La Xe Journée de Synthèse nationale en photos (deuxième série) :

    14494681_1115486658529362_8163242469927793525_n.jpg

    IMG_3896.JPG

    14495498_898343883632428_5127723213870035521_n.jpg

    14495356_1753565814894023_5294178393653662589_n.jpg

    14563399_1747071908891935_4209082053988426242_n.jpg

    IMG_3873.JPG

    14517483_898344196965730_7540322713273720957_n.jpg

    14457438_1671594796487521_9074451787886226542_n.jpg

    Voir toutes les photos

  • Bruno Colson: «Clausewitz a toujours été noté comme un officier modèle»

    Ex: http://www.breizh-info.com

    (Breizh-info.com) – Bruno Colson vient de publier une biographie très attendue de Clausewitz, aux éditions Perrin. Belge et francophone, Professeur à l’université de Namur, Bruno Colson, spécialiste d’histoire militaire, a publié notamment La Culture stratégique américaine. L’influence de Jomini, L’Art de la guerre, de Machiavel à Clausewitz et, chez Perrin, a présenté leDe la guerre de Napoléon

    Carl von Clausewitz (1780-1831) appartient à la catégorie des illustres inconnus dont l’oeuvre a masqué la vie. C’est en effet grâce à Vom Kriege (De la guerre), publié quelques années après sa mort, qu’il acquiert une célébrité qui va défier le temps. Cet immense traité reste considéré comme le plus important jamais consacré aux questions militaires et stratégiques, inspirant les plus grands généraux, mais également des intellectuels comme Guy Debord, Raymond Aron ou René Girard.

    Or, Clausewitz a été aussi un officier supérieur de premier ordre et un acteur influent des guerres napoléoniennes. Témoin de la « grande catastrophe » de 1806, il devient l’un des artisans de la réforme de l’armée prussienne des années 1808-1811, puis participe à la campagne de Russie dans l’armée du tsar, la Prusse étant alors alliée de Napoléon, ce qui lui vaut une disgrâce durable à sa cour. On le retrouve dans les états-majors et sur les principaux champs de bataille jusqu’à Ligny et Waterloo où ses décisions prirent une portée considérable. Général, penseur, conseiller à l’occasion frondeur, mari aimant et ami exemplaire, il consacra les dernières années de sa vie à rédiger les récits de ses principales campagnes et à écrire son chef-d’oeuvre. Avec l’exigence et le talent qui le caractérisent, Bruno Colson est parti pendant plusieurs années à sa découverte, exhumant notamment de nombreuses archives inédites pour restituer l’homme dans ses multiples facettes.

    Nous nous sommes entretenus avec l’auteur (ci-dessous) d’un ouvrage majeur, en Français, pour qui veut comprendre et découvrir la vie d’un homme dont les écrits sont fondamentaux en terme de stratégie militaire.

    199326840.jpgBruno Colson – Clausewitz – Perrin – 27 € 

    Entretien avec Bruno Colson

    Breizh-info.com : Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a amené à vous passionner pour l’histoire ? Pour l’histoire militaire ensuite ?

    Bruno Colson : C’est une passion qui remonte à l’enfance et que j’ai « intellectualisée » ensuite. Comme le dit Jean Tulard, le déclic est souvent provoqué soit par les livres d’histoire illustrés, soit par les soldats de plomb. Dans mon cas, ce fut les deux. Ensuite, j’ai bien réalisé que la guerre avait toujours entraîné des souffrances et des malheurs indicibles. C’est un phénomène provoqué par les hommes et il mérite d’être étudié sérieusement.

    Breizh-info.com : Si vous deviez résumer la vie de Clausewitz en quelques lignes, que diriez-vous ?

    Bruno Colson : Issu d’une famille modeste mais désireuse de monter dans l’échelle sociale, Carl von Clausewitz a grandi dans le culte de l’armée prussienne et du métier d’officier, tout en étant doué d’une intelligence peu commune, d’une sensibilité de poète et d’une grande ouverture d’esprit. Témoin de l’humiliation subie par son pays face à Napoléon, il a redoublé d’efforts pour réformer l’armée prussienne et aussi comprendre ce qu’est fondamentalement la guerre. De là sont issus ses nombreux écrits, dont le plus important est Vom Kriege (De la guerre),toujours considéré comme l’ouvrage de réflexion le plus approfondi sur ce thème.

    Breizh-info.com :  En quoi Clausewitz fut-il un grand officier avant d’être le théoricien que l’on connait ? 

    Bruno Colson : Il a toujours été noté comme un officier modèle, très appliqué et connaissant parfaitement son métier. Il a d’abord réussi à traduire en textes les idées du général Scharnhorst, le grand réformateur de l’armée prussienne. En 1812, son choix de servir la Russie lui a permis de jouer un rôle capital dans le changement de camp de la Prusse, ce qui a préludé à la dernière grande coalition contre Napoléon. Comme chef d’état-major d’un corps d’armée prussien en 1815, il a contribué à la victoire alliée de Waterloo en résistant aux forces du maréchal Grouchy à Wavre.

    Breizh-info.com : Clausewitz n’a-t-il pas finalement été « l’anti » Napoléon ?

    Bruno Colson : Même s’il était déjà un officier intellectuel avant d’affronter Napoléon en 1806, la défaite infligée par celui-ci à la Prusse l’a effectivement marqué pour la vie. Clausewitz a vu Napoléon comme celui qui avait ouvert la porte d’une forme de guerre plus intense et plus violente. Il fallait donc, pour lui résister, s’inspirer de ses méthodes et faire appel à l’énergie du peuple, comme les Français le faisaient depuis leur Révolution.

    Breizh-info.com : Votre ouvrage permet de se familiariser avec un travailleur acharné, et avec un penseur hors pair, en quête permanente de défi (pour lui-même, pour son armée …). Finalement, on dirait que Clausewitz a tellement pensé et agi qu’il n’a pas eu le temps de synthétiser son œuvre. Qu’en dites-vous ?

    Bruno Colson : Son De la guerre est en effet inachevé, mais les spécialistes discutent du degré d’inachèvement et on découvre encore des manuscrits inédits. Clausewitz est mort à 51 ans, du choléra. Il n’a pas eu le temps de mettre la dernière main à son œuvre, qui était néanmoins presque terminée. Cela contribue paradoxalement à la richesse de celle-ci, car elle laisse la porte ouverte à des réflexions ultérieures, au fur et à mesure de l’évolution du monde. Clausewitz considérait d’ailleurs que son ouvrage ne devait pas servir de manuel sur le champ de bataille mais former l’esprit de son lecteur en aidant ce dernier à développer son propre jugement.

    Breizh-info.com : Pourquoi ses écrits, presque deux siècles après sa mort, restent-ils toujours profondément d’actualité, lus, et assimilés, notamment au sein des armées modernes ? 

    Bruno Colson : C’est dû à la profondeur de la réflexion clausewitzienne, qui ne s’enferme pas dans une époque mais cherche à comprendre « la guerre en soi ». Celle-ci se révèle en « une étonnante trinité », écrit Clausewitz, où interagissent les dirigeants politiques, les chefs militaires et les peuples. Ces trois groupes sont animés par des calculs rationnels, d’autres fondés sur des probabilités où il faut faire la part du hasard, et enfin des passions hostiles. L’ordre d’énumération de ces attitudes correspond plutôt à celui des trois groupes, mais pas toujours, ce qui engendre beaucoup plus de possibilités et permet de rendre compte de situations très diverses.

    Breizh-info.com : Qu’est-ce qui différencie un Clausewitz d’un Sun Tzu dans l’analyse de la guerre ?

    Bruno Colson : La réflexion de Sun Tzu est beaucoup plus laconique, ce qui la rend plus accessible dans notre monde de gens pressés. Elle est subtile et peut avoir plus directement des implications pratiques, mais elle n’atteint pas selon moi la profondeur de celle de Clausewitz.

    Breizh-info.com : Quelles lectures conseilleriez-vous à nos lecteurs férus de cette époque, et de stratégie militaire ? Quels sont les livres qui vous ont marqué récemment ?

    Bruno Colson : Les publications en anglais sont aujourd’hui, dans ce domaine comme dans d’autres, les plus nombreuses et les plus variées. Pour me limiter à des productions en français, je citerais d’abord le Relire De la guerre de Clausewitz, par Benoît Durieux. C’est une excellente introduction, qui peut être suivie du Clausewitz en France, où le même auteur retrace la façon dont les Français ont pris connaissance des idées du général prussien et les ont commentées et assimilées.

    Jean-Jacques Langendorf offre un panorama plus large avec La Pensée militaire prussienne, une synthèse capitale qui part de Frédéric II pour s’arrêter en 1914. Jean-Yves Guiomar a bien alimenté le débat avec L’Invention de la guerre totale, XVIIIe-XIXe siècle, où il pointe la responsabilité des dirigeants révolutionnaires français, dont les buts de guerre avaient le grave défaut d’être trop vagues. Enfin, je citerais la version publiée de la thèse de doctorat de Gilles Candela, L’Armée d’Italie. Des missionnaires armés à la naissance de la guerre napoléonienne.

    C’est une étude novatrice qui pourrait en susciter d’autres sur les différentes armées conduites par Napoléon.

    Propos recueillis par Yann Vallerie
    [cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2016/10/01/bruno-colson-clausewitz-a-toujours-ete-note-comme-un-officier-modele.html

  • La véritable urgence : retrouver le sens de Dieu

    Après le succès de Dieu ou rien (Fayard, 2015), le cardinal Robert Sarah publie début octobre un nouveau livre avec Nicolas Diat : La Force du silence. Il est interrogé dans La Nef de ce mois. Extraits :

    6a00d83451619c69e201b7c89ae078970b-250wi.jpg"[...] Il est temps de retrouver l'ordre véritable des priorités. Il est temps de remettre Dieu au centre de nos préoccupations, au centre de notre agir et de notre vie, à la seule place qu’Il doit occuper. Ainsi, notre cheminement chrétien pourra graviter autour de ce Roc, se structurer dans la lumière de la foi et se nourrir dans la prière, qui est un moment de rencontre silencieuse et intime où l’homme se tient face à face avec Dieu pour l’adorer et lui exprimer son amour filial.

    Ne nous trompons pas. La véritable urgence est ici : retrouver le sens de Dieu. Or le Père ne se laisse approcher que dans le silence. Ce dont l'Église a le plus besoin aujourd'hui, ce n'est pas d'une réforme administrative, d'un programme pastoral de plus, d’un changement structurel. Le programme existe déjà : c’est celui de toujours, tiré de l’Evangile et de la tradition vivante. Il est centré sur le Christ lui-même que nous devons connaître, aimer, imiter, pour vivre en Lui et par Lui, transformer notre monde qui se dégrade car les hommes vivent comme si Dieu n’existait pas. Comme prêtre, comme pasteur, comme Préfet, comme Cardinal, ma priorité est de dire que Dieu seul peut combler le cœur de l'homme.

    6a00d83451619c69e201b8d224b57e970c-250wi.jpgJe crois que nous sommes victimes de la superficialité, de l’égoïsme et de l'esprit mondain que répand la société médiatique. Nous nous perdons dans des luttes d'influences, des conflits de personnes, dans un activisme narcissique et vain. Nous nous gonflons d’orgueil, de prétention, prisonnier d’une volonté de puissance. Pour des titres, des charges professionnelles ou ecclésiastiques, nous acceptons de viles compromissions. Mais tout cela passe comme la fumée. Dans mon nouveau livre, j'ai voulu inviter les chrétiens et les hommes de bonne volonté à entrer dans le silence ; sans lui, nous sommes dans l'illusion. La seule réalité qui mérite notre attention, c'est Dieu lui-même, et Dieu est silencieux. Il attend notre silence pour se révéler.

    Retrouver le sens du silence est donc une priorité, une nécessité, une urgence. Le silence est plus important que toute autre œuvre humaine. Car il exprime Dieu. La véritable révolution vient du silence, elle nous conduit vers Dieu et les autres pour nous mettre humblement à leur service. [...]

    Dans le monde moderne, l'homme silencieux devient celui qui ne sait pas se défendre. Il est un « sous-homme » face au soi-disant fort qui écrase et noie l'autre dans les flots de ses discours. L'homme silencieux est un homme en trop. C'est la raison profonde des crimes abominables ou du mépris et de la haine des modernes contre ces êtres silencieux que sont les enfants non nés, les malades ou les personnes en fin de vie. Ces hommes sont les prophètes magnifiques du silence. Avec eux, je ne crains pas d'affirmer que les prêtres de la modernité, qui déclarent une forme de guerre au silence, ont perdu la bataille. Car nous pouvons rester silencieux au milieu des plus grands fatras, des agitations abjectes, au milieu des vacarmes et des hurlements de ces machines infernales qui invitent à l'activisme en nous arrachant à toute dimension transcendante et à toute vie intérieure. [...]

    La liturgie est malade. Le symptôme le plus frappant de cette maladie est l'omniprésence du micro. Il est devenu si indispensable qu'on se demande comment on a pu célébrer avant son invention ! Le bruit du dehors, et nos propres bruits intérieurs, nous rendent étrangers à nous-mêmes. Dans le bruit, l’homme ne peut que déchoir dans la banalité : nous sommes superficiels dans ce que nous disons, nous prononçons des discours creux, où l’on parle et parle encore… jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose à dire, une sorte de « mélimélo » irresponsable fait de blagues et de mots qui tuent. Nous sommes superficiels aussi dans ce que nous faisons : nous vivons dans une banalité, prétendument logique et morale, sans rien y trouver d’anormal. Nous sortons souvent de nos liturgies bruyantes et superficielles sans y avoir rencontré Dieu et la paix intérieure qu’il veut nous offrir.

    Michel Janva

  • Chronique de livre: Varg Vikernes « Magie et religion en ancienne Scandinavie »

    1795136784.jpgVarg Vikernes, Magie et religion en ancienne Scandinavie

    (Editions du Rubicon, 2016)

    Connu avant tout pour son projet musical Burzum (dont les premiers albums ont été l'une des drogues de ma jeunesse), Varg Vikernes est aussi l'auteur de quelques livres dont le dernier en date, Sorcery and religion in ancien Scandinavia,vient d'être traduit en français. C'est grâce aux bons soins des éditions du Rubicon, réputées pour la qualité de leurs parutions (Casapound ; une terrible beauté est née et La jeunesse au pouvoir notamment) que le public francophone peut enfin découvrir les écrits du plus sulfureux des musiciens de (Black) Metal. Sulfureux ? Oui, Vikernes l'est indubitablement par son rejet du monde moderne et sa défense de l'Europe, tant culturellement que racialement.

    Vikernes étudie depuis des années la mythologie, le folklore (dont les contes de fées qui sont « les histoires païennes qui ont le plus longtemps perduré en Europe ») et les traditions nordiques. Il livre dans Magie et religion en ancienne Scandinavie le résultat de ses recherches et analyses personnelles. Loin d'être une simple synthèse sur le sujet, cette étude se singularise par son originalité, loin des canons universitaires. Le lecteur est mis en garde dès le début : il lui faudra « ouvrir son esprit et accepter l'inexactitude de ce qu'il connaît déjà ». Il devra par ailleurs avoir de sérieuses notions de mythologie nordique car un novice pourrait se retrouver noyé sous la profusion des informations contenues dans certaines parties du livre.

    Si, comme son titre l'indique, Magie et religion en ancienne Scandinavie, se focalise sur les croyances et la culture du nord de l'Europe, Varg Vikernes considère que « toutes les tribus de l'Europe antique avaient initialement la même religion ». A cet égard, on lira avec attention les pages où sont décrites les évolutions des croyances de l'homme du néolithique. A la base, celui-ci « ignorait presque tout du monde dans lequel il vivait ». Il observa la nature et essaya progressivement de comprendre les forces et esprits qui composaient celle-ci. C'est ce qui lui permit peu à peu de passer de l'animisme puis de la magie à une religion à proprement parler. La religion, c'est le moment où l'homme commence à prier les esprits pour leur demander de l'aide; il ne tente plus de les contrôler par la magie (même si celle-ci perdura sous certaines formes). Dès lors, « les esprits de la nature, omniprésents et impersonnels, devinrent des divinités anthropomorphes » auxquelles on donna des noms. Ces derniers divergent selon les endroits car c'est à cette époque que se développèrent des langues légèrement différentes d'une région à l'autre de notre continent (le terme indo-européen n'est, curieusement, pas employé).

    Etudiant nombre de composants de l'ancienne religion nordique (des fêtes aux runes en passant par la Völuspá dont l'interprétation courante est, selon lui, « incorrecte »), Vikernes entend avant tout, par cet ouvrage, aider les Européens conscients à comprendre leur héritage et à retrouver leurs racines car : « Tous les peuples d'Europe ont les mêmes racines. Nous venons des mêmes. Nous sommes les mêmes. »

    « La magie et la religion de l’Europe antique sont les fondements sur lesquels notre culture et notre civilisation se sont édifiées. Nous en voyons les traces tout autour de nous, dans chaque chose que nous faisons, construisons et dont nous nous entourons, ainsi qu’en nous-mêmes. Il est temps de nous en rendre compte et d’en prendre la juste mesure. »

    Pour l'auteur, étudier les anciennes croyances européennes sert en outre à nous remémorer une chose fondamentale: notre culture est basée sur l'honneur. « De toutes nos anciennes croyances, il s'agit peut-être de celle que nous devons nous rappeler et mettre en valeur aujourd'hui, et qu'il nous faut porter avec nous pour l'avenir. » On ne saurait lui donner tort... à qui ce mot (cette conception de la vie) parle-t-il encore ?

    Rüdiger / C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2016/10/03/chronique-de-livre-varg-vikernes-magie-et-religion-en-ancie-5855793.html