culture et histoire - Page 1107
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Les chroniques de Xavier Eman, Dissection de l’Occident ménopausé
Les lecteurs d’Éléments connaissent bien Xavier Eman, il y tient depuis début 2012 le feuilleton de notre apocalypse molle : la « Chronique d’une fin du monde sans importance ». Les éditions Krisis en ont réuni la quintessence, assortis d’un choix de billets inédits, du moins pour ceux qui ne lisent pas son blog « A moy que chault », le tout préfacé par un François Bousquet enthousiaste. C’est à la fois cru et cruel, corrosif et triste, comique et désespérant. Mais pas seulement, nous confie Xavier Eman…Éléments : Te souviens-tu la première fois que tu as éprouvé la nécessité de coucher sur papier les aventures de François ?Xavier Eman. J’ai toujours tenu des sortes de « journaux » où je retranscrivais les conversations improbables entendues à la terrasse des cafés ou les saynètes tragi-comiques observées au cours d’une soirée. Lorsque s’est développée la mode des « blogs », j’ai décidé de les mettre en ligne en cherchant un fil conducteur pour donner une cohérence au tout. Ce fut le personnage de François. Ses non-aventures ayant intéressées quelques personnes, j’ai continué, sous des formes diverses… et notamment dans Éléments.Éléments : Pourquoi décrire la vie de cet être vide, qu’on imagine aussi moche physiquement que moralement ? Te semble-t-elle représentative d’une génération désenchantée et perdue, inapte à la vie, enfermée dans une négativité sans issue ?Xavier Eman. Je ne crois pas que « François » soit aussi abject que cela. C’est un être médiocre plongé dans une époque qui l’est encore plus et qui le tire vers le bas. C’est peut-être d’ailleurs ce deuxième aspect qui est le plus tragique. Je crois à une certaine permanence de la nature humaine et donc aucunement à un hypothétique « âge d’or » passé, mais il me semble que notre époque n’offre plus aucune des structures sociales (famille, communautés locales, syndicats, partis…) et des cadres spirituels et moraux (patrie, religion, culture…) qui permettaient jadis à l’homme d’échapper – relativement – à ses déterminismes et à s’élever – au moins un peu – au-dessus de sa condition. On a laissé l’homme libre – et seul – devant sa nullité. Et « François » se débat donc comme il peut dans cette situation. François n’est pas un archétype parce qu’il est lucide sur lui-même alors que la grande majorité de ceux qui vivent comme lui n’en sont pas conscients.Éléments : Dans sa préface, François Bousquet écrit que ton héros a des airs de Droopy, « rien de tel que son “I’m happy” las et éthylique pour plomber l’ambiance dans les soirées d’Homo Festivus ». Sommes-nous tombés si bas que Droopy devienne un personnage révolutionnaire ?Xavier Eman. « François » est en effet à mi-chemin entre Droopy et Calimero… Mais il n’est pas que ça. Bien sûr, ce n’est pas un personnage « révolutionnaire », ne serait-ce parce qu’il n’a aucune alternative à proposer. Mais c’est d’une certaine façon un « rebelle », car il refuse le monde tel qu’il est, il ne veut pas se confondre avec les zombies souriants qui prennent quotidiennement leur dose de « soma » pour y vivre sans penser. Mais il n’a ni les instruments ni l’énergie de sa « rébellion », ce qui en fait un personnage à la fois pathétique et tragique.Éléments : Autre dimension importante de ta radioscopie des nouveaux comportements citadins : la dérision. On a l’impression que tes personnages sont voués aux simulacres…Xavier Eman. L’artificialisation des existences modernes me semble être une absolue évidence. Nous sommes au temps de la mise en scène permanente du soi (donc du vide). On ne cherche plus à vivre mais à médiatiser son existence. C’est la « télé-réalité pour tous ». Facebook est bien évidemment le principal outil et le vecteur majeur de cette tendance… Pas un repas, pas une soirée, pas une spectacle sans prise de photos et de « selfies » mis en ligne immédiatement dans le but d’obtenir des « like » et des « commentaires »… Même le sexe est désormais soumis à cet impératif avec la mode des « sex tapes » qui sont devenus des objets de promotion et des accélérateurs de carrière… Et tous les milieux sont touchés… -
Verdun, aux portes de l'enfer : Arte
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L'habileté du roi, pour le règne inaugural. (2)
Pour définir le « monarque inaugurateur », mon interlocuteur de la semaine dernière emploie le terme de « fin », c’est-à-dire d’habile, et il est vrai qu’il faudra une grande habileté et agilité d’esprit pour éviter les écueils d’une « inauguration » qui ne sera pas forcément acceptée par tous, en particulier par des élites qui, souvent, jouent les Frondeurs pour mieux marquer leur territoire de Pouvoir. Cette habileté, dans l’histoire de la Monarchie, est parfois au fondement des meilleurs moments de celle-ci mais se teinte aussi, dans des cas assez fréquents, d’un certain cynisme, « la fin (le bien de l’Etat) justifiant les moyens (entre manipulation et coercition) », et elle a parfois aussi manqué, précipitant des catastrophes et des révolutions : malgré toutes ses qualités, le roi Louis XVI, trop vertueux sans doute (et sans doute à cause de cela même), n’a pas été assez fin manœuvrier quand il aurait fallu l’être, et il en est mort, assumant ses erreurs stratégiques jusqu’au sacrifice suprême, ce qui peut en faire un martyr quand il aurait mieux valu être un « héros », au sens politique du terme…
L’histoire ne doit pas être un champ de ruines et la nostalgie ne fait pas de bonne politique, mais il faut tirer des leçons des bonheurs et des erreurs passés : le roi inaugurateur devra forcément « manœuvrer pour grandir », et il lui faudra un sens politique particulier, entre instinct et réflexion, pour ne pas tomber dans les chausse-trappes politiciennes. C’est sans doute là que son éducation politique et son entourage feront la différence, et c’est une des vertus de la Monarchie de penser, dès le plus jeune âge, à la formation du souverain à venir. « L’éducation du prince » est un élément majeur de la Monarchie elle-même, de son enracinement et de sa pérennité, de ses capacités et de ses réflexes. Quand les hommes et femmes politiques en République sont entraînés à conquérir le Pouvoir, le roi est d’abord éduqué à régner, son pouvoir n’étant pas issu d’une conquête électorale mais d’une simple suite « naturelle », de l’amour et de la naissance, mais aussi de la mort du précédent qui ouvre le règne du suivant.
Certes, en République, l’éducation du souverain putatif doit ajouter une dimension peut-être plus « républicaine », le Trône étant à fonder sur un terreau pas forcément favorable (sans être, en Cinquième République, forcément stérile), et la finesse politique du prétendant devra s’exercer en deux temps différents, celui de la République d’avant et celui de la Monarchie d’inauguration, le second étant ce qui nous intéresse ici.
L’histoire est parfois taquine : c’est un obèse qui, dans l’après-Révolution, fut le plus fin des hommes d’Etat (après Talleyrand, sans doute, mais qui sut justement être monarchiste et monarchique au bon moment…), et le règne d’outre-Empire de Louis XVIII, jusqu’alors considéré comme un piètre prétendant, fut, d’une certaine manière, exemplaire, sans pour autant être parfait bien sûr ! Il réussit à faire preuve d’une grande finesse en n’oubliant ni ses principes ni la logique royale, et en inscrivant son action dans un temps qui n’était pas celui de l’Ancien régime mais celui d’un Nouveau régime à fonder, qui renouvelait la Monarchie sans la trahir, et qui n’oubliait pas les souhaits et les rêves des hommes de 1789 sans forcément les partager tous… D’ailleurs, nos institutions doivent sans doute beaucoup plus à la Restauration qu’à la Révolution et à l’Empire, comme le remarquent, avec une raison certaine, les constitutionnalistes contemporains.
C’est cette possible habileté du monarque qui, reportée en nos temps contemporains, pourra permettre que le règne inaugural ne soit pas un échec, et il me semble bien que le principe même d’une monarchie qui n’a pas de comptes à régler avec le passé mais poursuit l’histoire sans épouser les querelles des uns et des autres (qu’ils soient, d’ailleurs, monarchistes ou républicains), et assume le passé, tout le passé du pays, monarchique comme républicain (et sans exclusive), autorise cette habileté du prince, mieux que ne pourrait le faire une République coincée entre deux élections et des clientèles électorales impatientes… Ainsi, l’institution monarchique « fait » le roi, et donne à l’homme royal un avantage certain en lui rendant une liberté non moins certaine par rapport à ceux qui se croient obligés de rallier une histoire pour en railler une autre, suivant en cela la logique purement démocratique de division entre Droite et Gauche.
Le roi inaugurateur, par le simple fait qu’il devient roi « malgré » la République préexistante et au-delà d’elle, a « un coup d’avance » : il dépendra de lui de ne pas gâcher cet avantage éminemment monarchique ! A lui, donc, de jouer finement, en étant pleinement roi donc souverainement indépendant, y compris des royalistes…
(à suivre)
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Dès maintenant, une date à retenir : dimanche 11 décembre...
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Avez-vous lu le livre consacré aux 10 ans de Synthèse nationale ?
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Perles de cultures n°91 : "La sage des Louis", la fresque romanesque qui fait comprendre le présent
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La bataille des Ardennes- Bastogne
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Il y a mille deux cents ans, Louis Ier était le premier roi sacré à Reims
Le 5 octobre 816, Louis Ier était le premier roi sacré à Reims
Quatrième fils de Charlemagne, Louis, né en 778, fut le seul roi des Francs que l’on couronna trois fois et le premier que l’on sacra à Reims. En 781, son père en fit, à Rome, le roi des Aquitains, sacré par le pape Hadrien. En 813, devenu l’aîné des Carolingiens par la mort de ses trois frères, il fut proclamé par avance empereur à Aix-la-Chapelle, encore par son père, qui disparut l’année suivante. Enfin, le 5 octobre 816, le pape Etienne IV le sacra à Reims.
Le choix de ce lieu ne devait rien au hasard mais ne visait pas pour autant à instaurer un rite. Très pieux – d’où son surnom – et, plus encore, attaché aux traces symboliques de l’Histoire, Louis avait voulu inaugurer son règne par un pèlerinage en l’église où Clovis, par l’évêque Rémi, avait été baptisé. Car il était le premier des Carolingiens à porter le nom du premier Mérovingien. Dérivé du prénom germain Hlodovic -signifiant « glorieux à la guerre » -, qui évolua en Chlodowig, fut latinisé en Lodovico puis en Ludovicus, enfin francisé en Louis.
Élu le 12 juin précédent, de façon précipitée par les cardinaux romains dont on disait qu’ils avaient ainsi voulu empêcher une intervention de l’Empereur, Étienne IV entendait, sinon se faire pardonner son élévation, du moins ne pas irriter l’empereur. C’est pourquoi, il demanda aussitôt au peuple romain de jurer fidélité au roi des Francs et empereur d’Occident. Puis il proposa à celui-ci de le rencontrer, dans un lieu à sa convenance : difficile de se monter plus conciliant. C’est ainsi que Reims, de surcroît sur la route de Rome à Aix-la-Chapelle, fut retenu.
Mais les successeurs immédiats de Louis ne suivirent pas son exemple. Charles II fut sacré à Orléans, Louis II à Compiègne, Louis III à Ferrières, Charles III à Rome. C’est Eudes qui renoua avec Reims, le 13 novembre 888 : le premier roi des Francs qui n’avait ni vocation ni prétention à la couronne impériale. C’est d’ailleurs pourquoi certains historiens regardent Eudes comme le véritable premier roi de France.
Après quoi, la cérémonie du sacre se perfectionna et enrichit peu à peu sa symbolique, concentrant trois célébrations : le couronnement, qui place le monarque au sommet de la pyramide féodale, l’intronisation, qui lui attribue le pouvoir de suprême commandement, et l’onction qui atteste que son règne satisfait la volonté divine.
En remontant au baptême de Clovis, Louis Ier avait conforté la doctrine esquissée par Grégoire de Tours, assimilant l’onction baptismale, qui donne naissance à l’homme nouveau, et l’onction royale qui, par la même grâce divine, fait d’un homme prédestiné le missionnaire de Dieu.
Archevêque de Reims écrivant à la fin du neuvième siècle la vie de Saint Rémi, Hincmar exalta le miracle de la Sainte-Ampoule, déposée par une colombe venue du ciel entre les mains de l’officiant et renfermant le Saint-Chrême lors du baptême de Clovis. Le médiéviste Jacques le Goff voyait dans cette allégorie la « contamination » de l’iconographie du baptême du Christ, au cours duquel, selon les Évangiles, l’esprit de Dieu descendit sur Jésus sous la forme d’une colombe. Le parallélisme des deux scènes était propre à frapper les imaginations empreintes de mysticisme au cours du haut Moyen-Âge. C’est pourquoi l’onction royale, cœur de la cérémonie du sacre, relève bien d’un acte divin. Un acte réservé au seul roi de France, faisant de lui un lointain successeur de David.
Le prodige de la Sainte Ampoule n’est pas non plus sans rappeler le mystère de la transsubstantiation et de la présence charnelle du Christ au cours de la Communion. Plusieurs séquences de la cérémonie du sacre se réfèrent d’ailleurs clairement à la Cène : douze pairs du royaume, tels les apôtres, soutiennent la couronne au-dessus de la tête du roi puis l’entourent lors du festin servi dans la grande salle du Tau, le palais des archevêques de Reims. Comme auprès de Jésus, ils ne constituent que des témoins : déposer la couronne sur la tête du roi revient à l’Archevêque seul, qui opère en tant qu’officier de Dieu, postérieurement à l’onction.
C’est pourquoi le décret de la Convention du 16 septembre 1793 ordonnant la destruction publique de la Sainte-Ampoule avait, lui aussi, une portée plus que symbolique : il s’agissait de supprimer l’instrument unique et inreproductible par lequel Dieu fait les rois en France. En d’autres termes, de casser le moule. C’est pourquoi aussi, afin de pouvoir procéder, en 1825, au sacre de Charles X, il parut absolument indispensable de disposer du Saint-Chrême. On établit donc qu’au terme d’un parcours rocambolesque, quelques fragments brisés de la précieuse fiole avaient été récupérés, mis à l’abri et sauvegardés, nécessairement avec l’aide de Dieu.
Plusieurs rois cependant avaient dû, dans le passé, renoncer au Saint-Chrême, soit en se faisant sacrer ailleurs qu’à Reims, siège unique de la Sainte-Ampoule, soit en ne se faisant pas sacrer du tout. Dans la première catégorie, figurent Hugues Capet, sacré probablement à Noyon en 987 (On ne sait en réalité que peu de choses de lui), son fils Robert II, sacré par avance la même année mais à Orléans, Louis VI en 1108 à Orléans toujours et Henri IV, en 1594, à Chartres. Dans ce dernier cas, on exhuma de l’abbaye de Marmoutier, fondée par Saint Martin de Tours, une autre ampoule miraculeuse, dont l’ancienneté dépassait celle de Reims : la raison d’État commandait de feindre d’y croire.
Dans la deuxième liste, on ne trouve que trois rois : Jean Ier, dit le posthume, qui ne vécut que cinq jours en 1316, Louis XVII, emprisonné et empêché de régner, et Louis XVIII, qui retarda indéfiniment la cérémonie qu’il prétendait néanmoins avoir prévue.
Mis à part les cas très particuliers de Jean Ier et de Louis XVII, il est évident que l’absence de sacre, comme de Sainte-Ampoule, n’en fit pas des monarques amputés de la moindre parcelle de pouvoir. Alors ? Quelle valeur faut-il finalement accorder au sacre et à l’onction ?
La symbolique royale française était nécessairement appelée à évoluer. D’abord perfectionnée, jusqu’au sacre de Charles V en 1364, qui introduisit dans l’ordo (le protocole de la cérémonie) une prière royale en forme de promesse et d’humilité en faveur du peuple de France (« Qu’en ce jour naisse à tous équité et justice … »), elle ne cessa par la suite de s’alourdir, de s’épaissir, de s’allonger et de se bigarrer. Le sacre de Louis XIV fut morne. Celui de Louis XV prêta au ridicule lorsqu’on fit danser des poupées afin de distraire l’enfant royal. Celui de Louis XVI s’étira comme une ennuyeuse formalité. Les courtisans se marchaient sur les pieds et les questions de préséance avaient évacué toute ferveur religieuse. Avec l’institutionnalisation du pouvoir, le roi ne tenait plus son pouvoir, ni de l’élection, ni de Dieu mais des lois fondamentales du royaume.
Après la Révolution, le sacre de Napoléon passa, au choix, pour une profanation ou pour une mascarade. Charles X voulut relever la tradition mais ruina son prestige dans ce que Chateaubriand appela « non un sacre mais la représentation d’un sacre », perturbée par de nombreux incidents parfois grotesques.
En cas de Restauration, la question du sacre ne pourrait être éludée. Sans doute est-ce dans la pureté, la finesse et la simplicité de l’ordo de Charles V « revisité » qu’il conviendrait de puiser le ciment d’un nouveau contrat entre le roi et le peuple.
Daniel de Montplaisir
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Tribune Libre – La disparition du monde rural, par Vincent Revel
Malgré le choc des deux guerres mondiales, pouvant aussi ressembler pour les Européens à une longue, dramatique et coûteuse guerre civile, le choc majeur du XXe siècle pour notre continent aura probablement été la mort de notre paysannerie. Sous les coups d’une oligarchie mondialisée, l’ancien monde rural, enraciné dans un territoire, a laissé place à l’ère des villes mondes sans frontière.
Dans son merveilleux livre Travaux des champs (éd. du Rocher, 2009), Alain Leygonie écrivait avec justesse que « le basculement dans la modernité » des populations rurales avait été l’événement le plus important des cent dernières années. Depuis les années 1960, nombreux furent nos hommes politiques à trahir la confiance de leurs électeurs habitant les zones rurales en leur laissant croire en un avenir meilleur. En 1945, près de 10 millions de Français travaillaient encore dans l’agriculture ! Aujourd’hui, la population active dans le monde agricole représente moins de 4 % des travailleurs !
Le chiffre ne cesse de baisser au profit de gros exploitants, vivant de subventions, devenus pour certains « les jardiniers d’une nature sans hommes ». A la place des villages respirant la vie et l’activité, un désert rural s’est installé, transformé parfois, pour les régions les plus ensoleillées, en décor pour touristes et retraités fortunés. Le mal est profond et notre élite, profondément urbaine, ne cesse de se désintéresser de cette ruralité qui lui renvoie l’image d’un passé riche de sens.
L’histoire de l’agriculture occidentale, basée sur l’exploitation familiale, a connu un bouleversement radical lorsque nos paysans sont devenus uniquement des exploitants, chefs d’entreprises, soucieux de productivisme avec un outil de travail complètement intégré à l’économie de marché. Dans cette agriculture moderne, les solidarités volent en éclat, le nombre de suicide augmente et les petites exploitations, à taille humaine, tendent, en règle générale, à disparaître.
Bientôt, si nous continuons à suivre aveuglément les conseils de nos technocrates, la France, au passé agricole millénaire, connaîtra « l’aire du vide ». Seules les plus grosses exploitations subsisteront. Avec un désir accru de posséder le maximum de terrains agricoles, les nouveaux grands propriétaires mettront en place aveuglément les nouvelles méthodes de travail, basées sur l’extensification de la production, et de la ferme de nos anciens restera un lointain souvenir remplacé par les exploitations-usines chères à nos dirigeants européens.
Le malaise est bien présent. L’endettement, parfois appuyé par des syndicats irresponsables, trop proches de lobbies puissants, pousse de nombreux agriculteurs à la faillite. Riches en terre mais pauvres socialement, de nombreux paysans travaillent à perte dans le seul but de ne pas tout perdre. Ceux pour qui le mot racine éveille encore quelque chose savent à quel point notre élite apatride est responsable de ce résultat catastrophique.
Face à ce terrible constat, nous assistons à présent, impuissants, à la naissance des métropoles. Contribuant à déconstruire le socle identitaire des provinciaux, cette folie urbaine de nos élus-notables locaux pousse de plus en plus les zones rurales dans l’ombre, comme un encombrant héritage que l’on voudrait oublier.
Avec la prochaine élection présidentielle, nous devrions tous avoir à cœur de reconstruire cette ruralité en nous détournant des faiseurs de rêves et de leurs grandes idées qui nous ont conduits la misère.
Vincent Revel
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La Xe Journée de Synthèse nationale en photos (deuxième série) :