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culture et histoire - Page 1156

  • [Ile de France] Ingrid Riocreux au cercle de Flore Ce vendredi 3 juin, dernier cercle de Flore de l’année : comment les media fabriquent le consentement par Ingrid Riocreux ?

    Ce vendredi 3 juin, dernier cercle de Flore de l’année : comment les media fabriquent le consentement par Ingrid Riocreux ?

     

  • Pour briser le dogme des droits de l’homme ! par Thierry DUROLLE

    Dogme moderne a priori indépassable auquel la révérence est de mise, les Droits de l’Homme sont invoqués à tout bout de champ, notamment pour recadrer celles et ceux qui s’aventureraient hors des limites de la bienséance actuelle et du politiquement correcte. Comment une idéologie que l’on nous présente comme louable s’est-elle in fine retournée contre nous ? En effet, il suffit par exemple de critiquer l’invasion migratoire des soi-disant « réfugiés » pour recevoir en pleine face la sempiternelle réponse: « Et les Droits de l’Homme dans tout ça ? ». Le plus ironique est que, selon la  réponse – en l’occurrence la mauvaise – vous serez illico presto exclu de la dite Humanité… Bref, comprendre ces fameux Droits de l’Homme (que nous abrégerons en « DdH » par la suite) s’impose de toute évidence. Paru initialement en 2004,  Au-delà des droits de l’homme. Pour défendre les libertés d’Alain de Benoist s’attelle à disséquer ces derniers. L’ouvrage, augmenté d’une postface sur le libéralisme, est maintenant réédité aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.

    Pour Alain de Benoist au commencement des DdH était l’opposition entre objectivité et subjectivité. Selon lui « la tradition européenne a toujours affirmé la nécessité pour l’homme de lutter contre sa seul subjectivité. À l’inverse, toute l’histoire de la modernité, dit Heidegger, est l’histoire du déploiement de la métaphysique de la subjectivité ». La basculement d’un critérium objectif, c’est-à-dire qui nous dépasse, qui nous est supérieur, vers un critérium subjectif, c’est-à-dire anthropocentriste, « conduit obligatoirement au relativisme (tout se vaut), rejoignant ainsi la conclusion égalitaire de l’universalisme (tous se valent) ». Aussi « le relativisme ne peut-être surmonté que par l’arbitraire du moi (ou du nous) : mon point de vue doit prévaloir au seul motif qu’il est le mien (ou qu’il est le nôtre) ». Le tandem Universalisme/Subjectivisme des DdH agit de sorte que la personne est définie hors de son cadre d’appartenance (famille, culture, hiérarchie, etc.) et devient ainsi un individu dans l’Universel dont les droits seraient envisagés comme « des attributs subjectifs du seul individu ».

    D’un point de vue historique les DdH émergent tel que nous les connaissons à la fin du XVIIIe siècle, en 1776 aux États-Unis d’Amérique et en 1789 en France, mais ils ne constituent pas encore un « rôle essentiel dans le discours publique ». Ce changement va s’opérer dans les années soixante-dix avec la critique des régimes totalitaires (principalement communistes à l’époque) mais également avec l’essor du néo-libéralisme. Toujours d’un point de vue international, les DdH sont en outre synonyme du « retour de l’idée de « guerre juste » et la mise en place d’institutions judiciaires supra-nationales » même si, dans les faits, ils servent bien souvent d’alibi à la violation du droit international, à l’ingérence militaire et/ou humanitaire et au mépris de la souveraineté des États. Au sein des sociétés occidentales les DdH accompagnent les revendications sociétales (cf. l’homoconjugualité et l’homoparentalité), la désintégration du clivage gauche/droite et l’individualisation de la société. En fin de compte les DdH sont, volens nolens, du pain béni pour le système libérale-libertaire : « Intrinsèquement lié à l’expansion des marchés, le discours des droits de l’homme constitue de nos jours l’armature idéologique de la globalisation, écrit Alain de Benoist. Il est avant tout un instrument de domination, et doit être regardé comme tel. »

    Pour aller plus loin dans la compréhension des DdH, il paraît inévitable de savoir de quels hommes et de quels droits l’on parle. « L’idéologie des droits de l’homme proclame ainsi que l’homme non politique et non social est l’homme « naturel » – et même que c’est en tant qu’il échappe au social qu’il doit être comme naturel. » Cette conception de l’homme-atome, autrement dit de l’individu, a pour effet notoire la « non-reconnaissance absolue du fait que les hommes ainsi définis, dénués de qualités, deviennent fondamentalement interchangeables ». Cette dernière qualité semble indispensable quant à la constitution du producteur-consommateur dont le néo-libéralisme se sert comme main d’œuvre, de l’expansion du libre-échange et de la société marchande en générale. D’ailleurs Alain de Benoist ne s’y trompe pas et de citer à plusieurs reprises Karl Marx qui fut extrêmement critique des DdH en tant qu’idéologie bourgeoise : « Cet être séparé, cette monade pour qui la société n’est qu’une limitation de son indépendance originelle […] n’est autre que l’homme tel que le conçoit l’idéologie libérale bourgeoise. » Alain de Benoist note que « l’argument central de Marx est que, sur la base des droits de l’homme, on ne peut faire aucune objection au rapport marchand comme libre contrat entre libres propriétaires égaux devant la loi. Celui qui vend sa force de travail et celui qui l’achète ont les mêmes droits […]. L’idéologie des droits de l’homme, selon une formule bien connue, accorde les mêmes droits au loup et au mouton, au renard et au poulailler ». Justement, en parlant de « droit », l’auteur sur la conception traditionnel de celui-ci : « À l’origine, le droit se définit nullement comme un ensemble règles et de normes de conduite (qui relèvent de la morale), mais comme une discipline visant à déterminer les meilleurs moyens d’instaurer l’équité au sein d’une relation », si bien que « dans cette conception du droit naturel classique, il n’y a place ni pour l’universalisme, ni pour le subjectivisme ni pour le contructualisme. Un droit subjectif, un droit qui serait une propriété de la personne en dehors de toute vie sociale est impensable ». Mais tout cela va changer avec l’essor du christianisme qui « proclame en effet la valeur unique de chaque être humain en la posant comme une valeur en soi » et qui « donne une définition purement individuelle de la liberté, dont il fait la faculté, pour être doué de raison, de  choisir conformément à la morale entre les moyens qui conduisent à une fin ». « Le droit cesse d’être conçu comme une relation d’équité et devient la reconnaissance sociale du pouvoir (potestas) de l’individu » pour ensuite, sous l’influence de la Scolastique espagnole, se teinter de morale : « L’individu, note Michel Villey, lui-même cité par l’auteur, devient le centre, et l’origine, de l’univers juridique. » C’est ici ce qui sépare ontologiquement le droit naturel classique, de nature « cosmologique » et de fait, objectif, du droit naturel moderne où le sujet est mesure de toute chose; « le droit n’a plus été pensé à partir de la loi divine, mais à partir de la seule nature humaine caractérisée par la raison. Révolution à la fois philosophique et méthodologique, qui va avoir des prolongements politiques d ’une ampleur considérable ». Ainsi « le droit est désormais une propriété individuelle, une qualité inhérente au sujet, une faculté morale qui donne des permissions et autorise à exiger »; par conséquent « l’État et la loi elle-même ne sont plus que des outils destinés à garantir les droits individuels et à servir les intentions des contractants ».

    Alain de Benoist, farouche opposant à l’idéologie du Même, en vient naturellement à questionner la compatibilité des DdH et de la diversité des cultures : « On est en fait au cœur d’un vieux débat portant sur l’un et le multiple, l’universel et le singulier, le Même et l’Autre, etc. ». Nous l’avons vu, les DdH sont une idéologie universelle car « valable en tous temps et tous lieux ». Dans ce cas, « comment comprendre que le caractère universel des droits ne soit apparu comme une « évidence » que dans une société particulière ? » Du coup, la notion même d’universalité devient problématique et c’est à juste titre l’une des critiques émises à l’encontre des DdH. D’autre part, qui aurait la légitimité et l’autorité (sans parler de la nature de celle-ci) pour décider de la bonne application de ces fameux droits urbi et orbi ? Étant donné que « la notion des droits de l’homme est purement occidentale, son universalisation à l’échelle planétaire représente de toute évidence une imposition du dehors, une manière détournée de convertir et de dominer, c’est-à-dire une continuation du syndrome colonial ». Difficile de ne pas voir dans les DdH une version sécularisée du christianisme. Mais là où ce dernier fut forcé à la compromission avec les théogonies et les coutumes locales pour s’imposer à divers endroits du globe (l’Europe en étant le parfait exemple), les DdH, quant à eux, vont nettement plus loin et son de toute manière, un pas de géant dans l’involution des civilisations, notamment la nôtre. Ce processus engendre parallèlement une uniformité basé sur des conceptions abstraites et « universelles » de la notion d’Homme et surtout de droits qui sont tout sauf propice à une diversité des cultures… 

    Enfin, les DdH sont examinés en rapport avec les questions de libertés, de politique et de démocratie. Et une fois de plus l’auteur ne trouve pas grand-chose de positif : « L’idéologie des droits de l’homme n’a empêché, par exemple, ni la domination des peuples par des élites mondialisées, ni le conditionnement publicitaire, ni l’instauration d’une société de surveillance et de contrôle tous azimuts. » L’individu, étant dorénavant émancipé et attribué de droits soi-disant universels, est libre d’être entièrement soumis à lui-même et à ses désirs, chose qui arrange bien les publicitaires et, en général, les chantres de la société marchande. Une autre dérive causé par les DdH est « l’extraordinaire montée en puissance de la sphère juridique, désormais perçue comme capable par elle-même de réguler la vie politique et de pacifier la vie sociale. […] Se dessine alors un océan procédural où les avocats et les juristes se retrouvent chargés de réguler, avec un bonheur inégal, la nouvelle lutte de tous contre tous. Et le discours des droits enfle encore avec l’internationalisation des litiges liés à l’extension des échanges commerciaux et des risques globaux ». Effectivement, il est clair que « le droit international issu de l’ordre westphalien (1648) est aujourd’hui pareillement bouleversé par l’idéologie des droits de l’homme, qui justifie le droit (ou le devoir) « d’ingérence humanitaire », c’est-à-dire la guerre préventive, naguère régulièrement assimilée à la guerre d’agression ». Il en résulte que « les nations et les peuples ne sont plus libre de mener la politique qu’ils veulent » et « qu’aussi longtemps qu’il n’existe pas de gouvernement mondial, le droit d’ingérence humanitaire ne peu être qu’un simulacre de droit ». Que cela soit à l’échelle de l’État-nation ou à l’échelle internationale, les bouleversements juridiques et politiques engendrés par les DdH sont incontestables. « La proclamation des droits revêt dès l’origine un sens antipolitique. Comme le remarque Carl Schmitt, elle signifie que « la sphère des libertés de l’individu est en principe illimitée, tandis que celle des pouvoirs de l’État est par principe limité ». Parallèlement, la théorie des droits de l’homme crée une nouveauté radicale : une liberté indépendante de toute participation aux affaires politiques, idée qui aurait été considérée dans l’Antiquité « comme absurde, immorale et indigne d’un homme libre (Carl Schmitt) ». » Ainsi les DdH contribuent à l’effacement du politique, ce qui arrange et s’accorde aussi avec la société marchande et le libéralisme. Parmi les concepts, les principes invoqués et récités ad nauseam tel des mantras, au côtés des DdH l’on retrouve le plus souvent l’idée de démocratie. Pourtant les deux ne sont si compatible que ça. Déjà le premier officie, en tant que doctrine, sur le terrain de la morale puis du juridique alors que la démocratie est quant à elle une doctrine politique; mais surtout leurs sujets respectifs, à savoir l’individu et le citoyen ne sont pas sujet du même droit : « La théorie des droits de l’homme donne indistinctement le droit de vote à tous hommes en tant qu’ils sont des hommes (« un homme, une voix »). La démocratie donne le droit de vote à tous les citoyens, mais le refuse aux non-citoyens. Les droits démocratiques du citoyen, écrit Carl Schmitt, ne présupposent pas l’individu humain libre dans l’état extra-étatique de « liberté », mais le citoyen vivant dans l’État. […] Ils ont de ce fait un caractère essentiellement politique. » Dès lors s’opposer au vote des étrangers lors d’élections locales par exemple devient un affront aux DdH, y compris si la majorité du peuple est en désaccord vis-à-vis d’un tel projet de loi; puis de toute façon « les votes démocratiques n’allant pas dans le sens des droits de l’homme sont donc immédiatement rejetés comme « irrationnels » et illégitimes ». « Le discours des droits de l’homme se donne d’emblée comme certitude morale, comme vérité universelle, censée s’imposer partout du seul fait de son universalité. Sa valeur ne dépend donc pas d’une ratification démocratique. Mieux encore, il peut s’y opposer. »

    Réquisitoire parfaitement argumenté et documenté par un panel de critiques allant des auteurs de la Contre-Révolution ou même Karl Marx, Au-delà des droits de l’homme. Pour défendre les libertés est une lecture obligatoire pour le lecteur désirant étoffer son argumentaire DdH. La postface n’apporte pas vraiment un plus et le lecteur bien au fait des articles du directeur de Krisis et de Nouvelle École est sans doute déjà coutumier du discours de l’auteur sur le libéralisme. En tout cas cette roborative lecture est à conseiller à tous les ennemis du Même et surtout aux militants identitaires de tous poils !

    Thierry Durolle

    • Alain de Benoist, Au-delà des droits de l’homme. Pour défendre les libertés, Éditions Pierre-Guillaume de Roux (41, rue de Richelieu, F – 75001 Paris), 185 p., 2016, 19 €.

    • Nouveau collaborateur régulier à Europe Maxima, Thierry Durolle vient aussi de participer au prochain numéro (juin – juillet 2016) de Réfléchir & Agir.

    http://www.europemaxima.com/

  • Une réflexion sur les intellectuels médiatiques

    Le terme d’intellectuel, comme tant d’autres aujourd’hui, est désormais galvaudé. On l’utilise donc beaucoup, sans avoir en tête ce qu’il signifie exactement. Qu’est-ce au juste qu’un intellectuel ? Il s’agit d’un homme qui fait autorité dans son domaine de prédilection et qui, au nom de cette compétence réelle, prend position dans un secteur qui n’est pas le sien.
    C’est ainsi que lorsque le communisme commença à monter en puissance il obtint le soutien aussi bien de grands écrivains comme de grands scientifiques. Si bien des premiers restèrent fidèles, la plupart des second quittèrent assez vite la politique.
    Jean Paul Sartre fut l’intellectuel emblématique du vingtième siècle en France. On peut citer Russel pour le monde anglo-saxon. Sartre, maître de l’existentialisme, vantait la liberté totale humaine ; face à une vie dénuée de sens, l’engagement était la solution. D’où la propension de Sartre à participer à de très nombreuses manifestations. Paradoxalement, lorsque le grand moment de l’engagement – la seconde guerre mondiale – Sartre ne choisit de s’investir ni dans la Résistance, ni dans la collaboration …
    On peut, au sujet des intellectuels émettre plusieurs réserves :
    1/ On peut se demander si un mathématicien ou un physicien, même de renom, sont les mieux placés pour exprimer un point de vue sensé quant à la politique.
    2/ La notion d’intellectuel s’est aujourd’hui généralisée et ce sont désormais les « people » qui se prennent pour des intellectuels. Ainsi par exemple les footballeurs qui se permettent de donner leurs avis sur les problèmes sociétaux.
    3/ Les occidentaux aujourd’hui, contrairement au passé (voir Sartre ou Camus), ne se préoccupent plus des prises de position des cérébraux comme on pourrait les appeler. Ils considèrent que telle ou telle prise de position sont, pour utiliser l’expression à la mode, « prise de tête ». En ce sens, les engagements des uns et des autres n’intéressent plus personne…
    4/Concernant l’intellectuel typique en France, Bernard Henri Levy, il n’est pas philosophe. Pas davantage que Michel Onfray. Ce ne sont que des essayistes, de formation philosophique certes, mais sans être philosophe. Comme la plupart des « intellectuels médiatiques », ils ne cherchent que les feux de la rampe, ce afin que leur ego soit valorisé. D’où leur omniprésence sur les plateaux de télévision, là où ils seront vus, ce qui constitue leur préoccupation majeure. On est ici bien éloigné des valeurs supérieures que sont le Vrai, le Bien et le Beau …
    5/ Il n’est pas inutile de rappeler que des grands chercheurs tels Claude Levi-Strauss ou Paul Ricoeur, répugnaient eux, à prendre position dans des domaines intellectuels qui n’étaient pas les leurs …

    Philippe Delbauvre Emprise : Façonner le réel :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/di_varia/EuyVpVEpEkkgUZAIjh.shtml

  • Organisme et organisation par Ernst Jünger

    Ce texte est un extrait de L'État universel, organisme et organisation par Ernst Jünger, éd. Gallimard, Les essais 1962, pp. 111-123
    La rencontre véritable de l'organisme et de l'organisation a lieu entre la liberté et le règne, ce dernier ayant, avec ses prétentions, acquis une suprématie écrasante. Nier l'État, le dépeindre comme source de tout mal et comme falsification de l'humain, fut de tout temps l'opinion maîtresse des anarchistes.
    Il est vrai que le concept d'anarchie exigerait une analyse, et aussi une révision approfondie, surtout en notre temps, où les nihilistes sont légion, tandis que le type pur de l'anarchiste est presque éteint. Cela aussi est l'un des signes avant-coureurs d'une étatisation avancée. Des poètes de la terre sans limites, tels qu'était Walt Witman, se dressent au sein de notre époque comme des blocs erratiques.
    L'anarchiste, sous sa forme pure, est celui dont la mémoire remonte le plus loin, jusqu'à des ères préhistoriques, voire pré-mythiques – et qui croit que l'homme a rempli dans ces temps lointains sa vocation authentique. Il en perçoit encore la possibilité dans la nature humaine et en tire ses conclusions.
    En ce sens, l'anarchiste est l'archi-conservateur, l'extrémiste qui cherche à saisir la bénédiction et la malédiction de la société dans leur racine même. Il se distingue du conservateur en ce que son effort s'attache à l'état d'homme en soi, mais non à une classe qui s'est greffée sur lui dans le temps ou l'espace. Le conservateur a la tradition : il « se maintient » en elle, ce qui rend son rôle douteux à une époque où tout est en mouvement.
    Le conservateur a sa place dans un état élaboré et tente de le préserver : aussi s'entend-il bien, à l'ordinaire, avec l'État, surtout quand celui-ci a conservé des éléments patriarcaux. Le conservateur veut maintenir, arrêter l'organisation à un certain stade. Il le fait moins en considération du stade auquel l'État est parvenu qu'en vertu de son caractère, et surtout de sa placidité et de sa satiété intérieures. Tandis que l'esprit révolutionnaire hâte les événements, le conservateur les suit d'une démarche lente ; mais il finit toujours par les rattraper. S'il n'y parvient pas dans l'espace d'une génération, il y arrive dans ses petits-enfants ; les institutions nées de la fougue des grands-pères deviennent vénérables.
    L'anarchiste ne connaît ni tradition ni cloisonnement. Il ne veut pas être requis ni asservi par l'État et ses organismes ; on ne peut l'imaginer, ni comme citoyen, ni même comme membre d'une nation. Les grandes institutions, Églises, monarchies, classes et états, lui sont étrangères et lui semblent détestables ; il n'est ni soldat, ni travailleur. S'il est logique avec lui-même, il faut qu'il rejette aussi et avant tout le Père.
    La doctrine anarchique cherche ses allégories idéales dans la jeunesse de l'individu ; et c'est pourquoi les traits d'enfance frappent souvent chez ses principaux représentants. L'anarchiste sait fort bien ce qu'il ne veut pas, comme le dit déjà son nom. Toutefois, il quitte le domaine de sa force lorsqu'il doit incarner dans la pratique sa volonté. Il lui faut alors recourir à une pensée qui lui répugne fondamentalement. D'où la fâcheuse ressemblance des grandes utopies sociales avec la manière dont la vie, dans les ruches et les casernes, est réglée jusqu'en ses moindres détails. Les tentatives de les faire passer dans la réalité échouent donc dès leur débuts.
    Les grands bouleversements sont aussitôt suivis d'un état de licence, d'un ébranlement qui affectent les fondations mêmes et fait que tout semble possible. C'est alors que se découvrent aussi les anarchistes, objets d'une vive attention, à qui s'attachent de grands espoirs. Leur passage en scène ne dure que peu de temps et finit mal pour eux. Un moment, la société, débarassée de ses liens, semble la proie offerte à une vaste conception. Mais il ne s'agit là que d'un bref interrègne, comme après la mort d'un roi, et la pensée organisatrice procède à des fixations nouvelles et plus strictes. « L'État est mort, vive l'État ! »
    L'anarchiste n'entre pas seulement en conflit avec le conservateur muni d'un attirail politique incomparablement supérieur. Il se heurte aussi au révolutionnaire intelligent, qui reconnaît en l'État un instrument de puissance et triomphe nécessairement, tant du conservateur que de l'anarchiste. La proie est ainsi soustraite à l'homme, ou lui est dérobée en vertu d'une ruse très subtile, qui revient par exemple à ce que la socialisation s'avère équivalente à l'étatisation. Ces débats complexes se laissent suivre dans la Révolution française de 1789 et de 1830, et dans la Révolution russe de 1917 ; elles ont pour résultat commun l'élaboration toujours plus stricte de hiérarchies politiques. Événement d'une vaste portée, qui ne se joue pas seulement entre groupes et partis, mais dans le cœur de l'individu. C'est ici que s'entrechoquent l'idéalisme et le réalisme, l'homme en soi et l'homme historique, Rousseau et Saint-Just.
    Le type de l'anarchiste a joué un rôle décisif dans la préparation des grands bouleversements ; ils seraient inconcevables sans son apport. Sa protestation contre l'État et les institutions vient du cœur, vient de la racine, renvoie à une image meilleure, plus juste, plus conforme à la nature. C'est le combat d'avant-postes, où se signalent des poètes pleins de force, des esprits qui se détournent, déçus, quand l'exécuteur politique entre dans l'action.
    La grandeur de cet effort ne se trouve pas dans la sphère des formes figées ; elle réside dans le modèle inaccessible. On le transporte de l'aurore de l'humanité à son lointain avenir ; il ressemble au miroir pur où elle discerne ses taches, ses insuffisances. Tant qu'elle en est capable, elle garde encore le libre arbitre, comme marque authentique de sa dignité humaine.
    L'ordre universel est déjà réalisé, dans son type aussi bien que dans son équipement. Il ne manque plus que sa reconnaissance, sa proclamation. Elle serait concevable sous la forme d'un acte spontané, dont les exemples ne manquent pas dans l'histoire, ou bien d'une mesure imposée par des faits contraignants. Il faudra toujours que la poésie, que les poètes lui tracent sa route. L'expansion généralisée qui mènerait des grands espaces à l'ordre global, des États mondiaux à l'État universel, ou, pour mieux dire, à l'Empire universel, est inséparable de la crainte que désormais la perfection ne se fige en formes définitives, aux dépens du libre arbitre. C'est pour cette raison surtout que la division du monde en deux ou trois parties a ses avocats. Mais les signes n'annoncent rien de pareil. Il est évident que la figure du Travailleur est plus forte encore que la plus ancienne et la dernière des grandes oppositions : celle de l'Est et de l'Ouest.
    En accédant à sa grandeur finale, l'État n'acquiert pas seulement son extension maximum, mais, en même temps, une qualité nouvelle. Il cesse en elle d'être État, au sens historique du terme. Il s'approche ainsi des utopies des anarchistes, ou tout au moins leur possibilité n'est plus en contradiction avec la logique des faits. Les problèmes du pouvoir sont enfin réglés.
    Si, dans le courant des révolutions, après un interrègne où tout semblait possible, l'homme en tant qu'être politique reprend si vite sa suzeraineté, ce n'est pas par hasard. Il ne se soumet pas seulement les utopistes de tout bord, mais aussi les gérants du plan.
    Il faut en chercher la raison principale dans le fait que les États humains se sont développés d'une manière qui donne le primat à la sécurité. Au fur et à mesure qu'un peuple ou qu'un groupe de peuples se constitue en État, les dépenses consacrées à la sécurité augmentent. Les budgets le font assez voir. De ce point de vue aussi, de ce point de vue surtout, les États mondiaux font les efforts ultimes.
    L'homme a toujours porté les armes, mais nous pouvons admettre qu'aux premiers temps de l'étatisation, ce que nous appelons aujourd'hui la sécurité militaire y a joué un rôle restreint, et peut-être nul. La division du travail avait d'autres causes et d'autres desseins.
    Nous pouvons nous figurer l'origine des États comme une sorte de cristallisation, en vue de laquelle s'unissent les forces de sols et de tribus encore vierges. L'État, tel qu'il s'est constitué dans les vallées fécondes des fleuves, n'avait pas de modèle. Il était, sinon unique en son genre, du moins insulaire.
    Les mesures de protection exigeant l'existence d'armées n'ont pu devenir indispensables que beaucoup plus tard. La Méditerranée orientale, avec les pays de ses rives et les régions limitrophes, est, comme la mère de bien des choses, celle aussi des guerres ; mais auparavant, bien avant qu'Abraham ne quittât son pays natal, elle doit avoir connu des civilisations sans troupes.
    La grande importance attribuée par les États à la sécurité, et qui détermine leur forme et leur destin, relève des caractéristiques, sinon du genre humain en général, tout au moins de sa sous-espèce, le zôon politikon. Les linéaments ne s'en trouvent point dans la nature ; dans l'état des abeilles, ce sont, sans aucun doute, les facteurs économiques qui prédominent. La sécurité, dans les tribus peu évoluées, est souvent atteinte par la simple cohabitation, ou par la constitution de colonies.
    La forme de l'État humain est modelée par le fait qu'il existe d'autres États. Elle est déterminée par le pluralisme. Ce n'a pas toujours été vrai, ni, espérons-le, ne le sera toujours. Quand l'État, sur terre, était une exception, quand il était insulaire ou unique, au sens que ce mot avait originellement, les armées étaient inutiles, voire inconcevables. Le même phénomène doit se reproduire là où l'État devient unique, mettant un point final à l'évolution. Alors, l'organisme humain pourrait, libéré du joug de l'organisation, apparaître sous une forme plus pure, comme une épiphanie de l'homme.

    In limine :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/di_varia/EuyVppZylVSeVcshDJ.shtml

  • Les communistes français durant la guerre d’Indochine

    721.jpg« Félicitations au succès du Vietminh. Nous sommes de cœur avec lui. Nous envoyons aux troupes du Vietminh notre fraternel salut et notre témoignage de solidarité agissante. » (Journal communiste « L’Humanité » du 6 mars 1952)

    Après le bombardement du port de Haiphong, le 23 novembre 1946, par la Marine française, le Viet Minh, dirigé par Hô Chi Minh, président de la République démocratique du Viêt Nam (dont l’indépendance a été proclamée à Hanoi le 2 septembre 1945), décide de lancer, le 19 décembre 1946, une offensive ayant pour but la « libération » de la ville de Hanoï. À 20 heures, une explosion dans la centrale électrique de la ville annonce le début de l’insurrection. De nombreux ressortissants français sont massacrés et des maisons pillées. Hô Chi Minh appelle tout le peuple vietnamien à se soulever contre la présence française : « Que celui qui a un fusil se serve de son fusil, que celui qui a une épée se serve de son épée… Que chacun combatte le colonialisme ! ». C’est le début de la guerre d’Indochine. Elle va durer huit ans.

    La France avait engagé sa parole auprès du Viêt-Nam, dirigé alors par Bao Daï.

    Elle n’était plus un pays affrontant une rébellion nourrie par la Chine et l’URSS, elle était la représentante d’un système, le « monde libre », face à un détachement d’un régime ennemi, le « communisme ». Et le général Catroux, ancien gouverneur général de l’Indochine, d’écrire dans Le Figarodu 21 juillet 1953 : « Il n’est pas en effet loisible à la France de rompre à sa convenance le combat, parce que la guerre d’Indochine n’est pas seulement sa guerre contre le seul Hô Chi Minh, mais celle du monde libre, auquel elle est liée, contre le communisme ».

    Dès le début de ce conflit, les communistes français n’eurent de cesse de procéder à une critique et à une condamnation de cette « sale guerre » qu’ils appréciaient, à l’instar d’Etienne Fajon « comme une guerre injuste, réactionnaire, menée contre la liberté d’un peuple ».

    Dès lors, tout fut mis en œuvre pour venir en aide au « peuple vietnamien opprimé » et la consigne émise par la direction centrale du PCF : « Refus de la fabrication, du transport et du chargement du matériel de guerre destiné à l’Indochine », immédiatement appliquée, notamment par les syndicalistes de la CGT.

    La presse communiste devenait quotidiennement plus incisive en stigmatisant à outrance la présence française en Indochine, la qualifiant de « poison colonialiste » et Léon Feix d’écrire dans L’Humanité du 24 mars 1952 : « De larges masses participeront effectivement à la lutte anticolonialiste dans la mesure où nous saurons extirper de l’esprit des Français, en premier lieu des ouvriers, le poison colonialiste »… tandis que Jean-Paul Sartre, n’avait de cesse de fustiger dans la revue « Temps Modernes », « l’action criminelle des soldats français ». Dès lors, les communistes français allaient, à leur façon, participer activement à ce conflit…

    Dans les usines d’armement, les armes et les munitions destinées aux soldats de l’Union Française étaient systématiquement sabotées… « L’effet retard » des grenades était volontairement supprimé, ce qui entraînait leur explosion immédiate dès qu’elles étaient dégoupillées, la plupart du temps, dans les mains de leurs servants… Les canons des pistolets mitrailleurs et des fusils étaient obturés avec une balle, ce qui entraînait souvent leur explosion… Les munitions étaient sous chargées ou ne l’étaient pas du tout… Les obus de mortier explosaient dès leur percussion ou s’avéraient inertes… Les moteurs des véhicules de terrains comme ceux des avions subissaient également toutes sortes de sabotage : Joints de culasse limés et  limaille de fer dans les carters à huile… Ce fut le cas, entre autres, des moteurs de l’hydravion « Catalina » de la 8F où furent impliqués des ouvriers des ateliers de la base de Cuers-Pierrefeu… Même le porte-avions d’escorte « Dixmude », n’échappa pas aux dégradations : Ligne d’arbre endommagé. L’enquête permit d’identifier le saboteur en la personne du quartier-maître mécanicien Heimburger, membre du Parti Communiste Français.

    Tout cela, pourtant, n’était rien d’autre que de la haute trahison et les ouvriers comme leurs commanditaires qui envoyaient chaque jour à une mort certaine des soldats français, auraient dû être traduits devant des Tribunaux d’exception pour « intelligence avec l’ennemi ». Ils ne furent jamais inquiétés ! Et cette strophe du poème du capitaine Borelli, officier de Légion, adressé à ses hommes morts au combat, prennent ici, un sens particulier :« Quant à savoir, si tout s’est passé de la sorte, si vous n’êtes pas restés pour rien là-bas, si vous n’êtes pas morts pour une chose morte, Ô, mes pauvres amis, ne le demandez pas ! »

    Sur les quais, les aérodromes et les gares tenus par la CGT,  la mobilisation communiste était identique. Les acheminements de troupes et de matériels subissaient de graves perturbations… Les navires et les trains étaient immobilisés, les détériorations  ne se comptaient plus, les grèves se multipliaient… A Grenoble, une pièce d’artillerie fut jetée à bas du train. En gare de Saint-Pierre-des-Corps, à Tours, une militante communiste, Raymonde Dien, devint une héroïne nationale pour s’être couchée en travers d’une voie. Cette violence atteignit son point culminant dans la nuit du 2 au 3 décembre 1947. A la suite du sabotage d’une voie ferrée par un commando de la cellule communiste d’Arras, l’express Paris-Lille dérailla, faisant 16 morts et 30 blessés…

    images-67.jpegPrisonniers français du Viet Minh. 75% sont morts…

    Quant aux blessés rapatriés, généralement débarqués de nuit à Marseille, ils étaient acheminés secrètement en région parisienne où ils arrivaient au matin à la gare de l’Est. Mais cette discrétion ne les épargnait pas des manifestations hostiles des cheminots CGT. Les blessés étaient injuriés et frappés sur leurs civières. Un hôpital parisien qui demandait du sang pour les transfusions sanguines spécifiait « que ce sang ne servirait pas pour les blessés d’Indochine » car, à l’Assemblée Nationale, les députés communistes avaient exigé que « la collecte publique de sang ne soit jamais destinée aux blessés d’Indochine qui peuvent crever (sic) ». A Noël un député suggéra qu’un colis de Noël soit envoyé aux combattants d’Extrême Orient. Une député du PCF s’exclama aussitôt : « Le seul cadeau qu’ils méritent, c’est douze balles dans la peau ! ».

    Par ailleurs, outre les armes et les fonds adressés régulièrement au « grand frère vietminh », des tonnes de médicaments lui étaient également acheminés par l’Union des Femmes Françaises (1) et l’indignation de nos soldats ne résultait pas tellement de ce que l’ennemi recevait de la Métropole des colis de pénicilline, mais du fait que, chaque jour, des soldats français mouraient, faute d’en posséder.

    Pour nos soldats enlisés dans ce conflit, la guerre prenait un parfum amer teintée de colère et de découragement… La prise de conscience fut rapide et brutale : Désormais l’ennemi n’était plus le Viêt-Minh mais les communistes français…

    La fin tragique de la bataille de Diên Biên Phu scella la défaite de la France et l’obligea à se retirer de l’Indochine mais le PCF demeura actif et poursuivit son action dévastatrice au sein du contingent et de ses réseaux de « porteurs de valises », durant la guerre d’Algérie. Combien de nos jeunes soldats sont morts sous les balles des communistes français livrées aux tortionnaires du FLN ?…

    José CASTANO

    (1)   Issue des comités féminins de la Résistance, l’Union des Femmes Françaises est créée par un congrès le 21 décembre 1944. Elle se révèle rapidement liée au Parti communiste français, sous la houlette de Jeannette Vermeersch, qui en fait pendant les années de guerre froide, une organisation communiste de masse. Elle se retrouve notamment impliquée dans des actes de sabotages et de découragement à l’encontre des soldats français lors de la guerre d’Indochine.
    L’Union des femmes françaises devient Femmes solidaires en 1998.

    « Les Justes meurent comme des chiens ; les crapules ont leur chance. C’est un monde totalitaire déserté par toute transcendance. Le Mal n’y est pas un scandale mais la règle commune » (Commandant Hélie Denoix de Saint Marc, officier putschiste du 1er REP)

    http://www.contre-info.com/les-communistes-francais-durant-la-guerre-dindochine#more-32937

  • Nouvelles de Verdun

    Je discutais il y a peu de « l’affaire de Verdun » avec une de mes connaissances. Voici un petit résumé de l’entretien :

    ― Ça t’étonne qu’ils aient prévu ça ? Quand j’ai vu les titres j’ai cru qu’il s’agissait d’un article du Gorafi… Tu sais, c’est comme ça, ils oseront tout.

    Mon ami était d’évidence résigné. Pour ma part je pestais rageusement.

    ― Mais non ! Ça ne doit pas être comme ça ! C’est Verdun ! Verdun, quoi ! Douaumont, Vaux, le Mort-Homme, la Tranchée des Baïonnettes, des milliers de jeunes gars venus des quatre coins de France et d’Allemagne pour se faire tuer au combat !

    ― Tu sembles prendre ça très à cœur. Comment une telle boucherie pourrait-elle être glorieuse ?

    ― Oui, je prends ça très à cœur. Toutes les familles de France ont perdu quelqu’un là-haut. Des dizaines de milliers de corps sont encore dans le sol. Le fait qu’ils aient imaginé de commémorer le centenaire de cette manière est une abomination. Oui, une putain d’abomination… Le simple fait d’avoir pu fantasmer des gesticulations pareilles à Verdun me plonge dans une rage que tu ne peux imaginer.

    ― Je dois bien admettre que je ne connais pas grand-chose sur cette bataille, si ce n’est qu’il y avait beaucoup de boue, que c’était l’horreur…

    ― Ce n’est pas que ça Verdun. Quasiment tous les régiments de l’Armée française sont passés à tour de rôle à Verdun, c’était la noria. Il fallait monter sur les Hauts-de-Meuse, au dessus de la ville, pour défendre les forts et empêcher que les Allemands n’atteignent la rivière. Les Allemands se battaient bien eux aussi. Ils remontaient à l’assaut sans cesse, mais nos vieux poilus s’accrochaient. Ça explosaient de partout, pendant 300 jours près de 50 millions d’obus ont été tirés… 50 millions, c’est inimaginable ! Plus de 80% des 700 000 morts et blessés l’ont été à cause des obus. Ça a vite transformé le tout en un décor lunaire. On parle souvent des tranchées, mais à Verdun il n’y avait plus vraiment de tranchées… juste des trous, des trous partout. Ces trous aujourd’hui recouvert par la forêt de sapins mais qu’on devine encore.

    Les gars des deux camps s’accrochaient, par petits groupes. Ils combattaient là et se faisaient tuer sur place, dans les trous, en attendant la relève pendant trois, voir cinq ou six jours d’affilés.

    La soif, car pas d’eau potable, il valait mieux prendre un ou deux bidons d’avance sur soi, quitte à s’enfoncer un peu plus dans la boue crayeuse. Le manque de sommeil. La pluie. Le soleil. Et puis le combat. Les gaz. Les obus. Les obus en permanence. On dit qu’ils avaient acquis un sixième sens, qu’ils les sentaient arriver sur eux. Les témoignages s’accordent pour dire que cette sensation était indescriptible, sauvage, terrible…

    Et au retour de tout ça l’incompréhension, les mesquineries de la vie ordinaire. Des amis perdus, une gueule fracassée ou un membre sectionné…

    Et encore après tout ça, après ce putain de merdier grandiose, ce déchainement d’énergie inouïe, on ose nous ramener… Black M…

    ― Maintenant tu comprends ce que ça fait que d’avoir une mémoire meurtrie. En gros Verdun, c’est un peu comme Auschwitz pour les juifs ou l’île de Gorée pour les esclaves noirs… C’est normal que tu te sentes touché. Imagine un concert de Black Metal à Treblinka !

    ― Au contraire ! D’ailleurs on parle ici de Black M et non de Black Metal… Les Juifs ou les esclaves noirs ont été des victimes passives, en tout cas symboliquement. Les gars de Verdun, Français ou Allemands, ne sont pas morts en martyrs, ils sont morts en héros. Verdun, c’est un champ de gloire, un champ d’honneur, non seulement pour les deux belligérants de la bataille, mais pour l’ensemble des peuples européens. C’est aussi un symbole de l’absurdité des guerres fratricides.

    ― Oui, je suis d’accord, mais on te rétorquera toujours le sacrifice des troupes coloniales, avec les tirailleurs et les autres. On te dira que Black M est légitime car noir…

    ― Il faut remettre les choses à leur place, et clairement. Les pertes militaires françaises de la Première guerre mondiale s’élèvent à environ 1 400 000 morts et plus de 4 000 000 de blessés. Parmi ces pertes on peut compter environ 80 000 morts issus de l’empire colonial, ça représente environ 5% des morts français. Beaucoup de ces morts étaient des Français blancs qui venaient d’Afrique du nord.

    Ce qui est lourd à digérer c’est le mythe de l’emploi systématique en première ligne, comme boucliers humains, ou pour préparer le terrain. C’est faux, horriblement faux. Les troupes de l’empire se sont battues honorablement, mais dans les mêmes conditions et circonstances que l’immense majorité des soldats.

    De toute façon je me sens aussi proche, quand je songe à cette guerre dégueulasse, d’un français que d’un allemand. Quelles différences entre un paysan du Berry et un autre de Basse-Saxe ? Dans les deux camps l’expérience est similaire. Je sais juste que je suis européen et que Verdun c’est la mémoire des Européens, donc la mienne.

    ― Bien. Mais dans ce cas on mettra en avant la dimension ludique de ce genre de concerts. Tu sais, le « langage universel de la musique » qui lève les frontières et nous fait communier ensemble dans la joie…

    ― On dirait le discours d’un témoin de Jéhovah, sans dec’… Plus sérieusement c’est comme le sport spectacle et ses prétendues « vertus ». Homo Festivus, l’amusement, le divertissement comme seul horizon. Tu le verras à nouveau durant l’euro de football… D’ailleurs le fameux Black M le dit très bien quand on lui demande pourquoi il désirait venir à Verdun : « C’est de la scène, et c’est quelque chose que j’aime énormément alors je réponds présent. Tout simplement. » T’as vu la poésie ! On dirait du Lucchini… On pourrait peut-être lui demander combien il aurait touché pour sa prestation sur la tombe de nos ancêtres. On parle de 150 000 euros…

    Plus sérieusement je ne pense pas que se taper une charge sous les shrapnels pour reprendre Douaumont ou Vaux ressemblait à un concert de Black M...

    Le drame de l’époque, de notre époque, c’est l’oubli total et complet de ce que peut être l’esprit de sacrifice. La souffrance volontaire pour servir un but plus élevé…

    Regarde le regard des gens quand tu leur parles de sacrifices. Ils ne comprennent pas… Ils ont oublié la guerre et ses tourments. Ils ont oublié Vercingétorix déposant ses armes, les charges folles des cuirassiers de Napoléon à Eylau et Waterloo ou encore les kamikazes japonais.

    C’est d’ailleurs pour ça qu’ils sont complètement largués face à des types qui se font péter le bide en hurlant « Dieu est grand ! ». Ils ne comprennent pas, les prennent pour des fous, alors que les gars en question n’accomplissent qu’un sacrifice logique.

    ― Je vois. Et donc, qu’est ce qu’on doit faire ?

    ― Se montrer digne des sacrifices consentis en notre nom.

    Jacques Thomas pour le CNC

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/le-cercle-non-conforme/

  • Marcel Bucard et le Francisme : entre traditionalisme et fascisme

    Notre propos, ici, n'est pas de relater l'histoire de Marcel Bucard et du Francisme, mais d'élucider les causes profondes de l'échec d'un mouvement, qui ne sut ni séduire les Français, ni intéresser les Allemands sous l'Occupation.

    Nous passerons vite sur les débuts de Marcel Bucard, né en 1895 à Saint-Clair-sur-Epte, au sein d'une famille rurale aisée et catholique, destiné au séminaire, mais devenu un glorieux combattant de la Grande Guerre puis battu lors des élections législatives de 1924 sur une liste conduite par André Tardieu.

    Les débuts d’un nationaliste classique

    Collaborateur de Georges Valois puis du milliardaire François Coty, lequel lui confia les directions successives dé L'Ami du Peuple et de L'Autorité, et lança, avec d'autres, les Croix de Feu (1928-1929), puis, enfin, de Gustave Hervé, dont il dirigea le journal La Victoire, Bucard souhaite que l'union spirituelle et fraternelle de tous les Français prévale une fois la paix revenue, comme elle avait prévalu au front, grâce à un régime fort expurgé du sectarisme républicain et anticlérical et de l'incurie ministérielle liée au parlementarisme. En cela, il ne se distingue guère de François Coty, Maurice d'Hartoy, François de La Rocque, Jean Renaud, Pierre Taittinger. En revanche, il se démarque de Georges Valois, dont il fut un fugace disciple. Avec son Faisceau (1925-1928), Valois entendait fonder un fascisme français conçu comme une troisième voie entre capitalisme et socialisme, et avait adopté une orientation aussi hostile aux puissances économiques qu'au communisme, ce qui lui avait coûté l'appui financier de Coty, et avait entraîné la décomposition de son mouvement. Aussi Bucard avait abandonné Valois ; d'autant plus que l'acclimatation en France du fascisme lui semblait impossible, pour des raisons historiques et culturelles.

    Le choix du fascisme

    Or, en 1933, il opte à son tour en faveur du fascisme. Deux éléments expliquent ce changement. Tout d'abord le piétinement des ligues, incapables de séduire le peuple comme les classes moyennes, et que les détenteurs de capitaux n'inclinent guère à aider. Ensuite, révolution tumultueuse de la situation politique. Depuis 1918, la France connaissait des difficultés financières sérieuses. Après la crise de 1924 conjurée par le « Verdun financier » de Poincaré, était survenue celle, beaucoup plus grave, de 1926-1927, enrayée par Poincaré encore qui avait restauré la stabilité et résorbé l'endettement de l'Etat, mais au prix d'une dévaluation spectaculaire du franc. Durement éprouvées, les classes moyennes et les petits rentiers se retournaient contre le régime. Puis, à partir de la fin 1930, se font sentir en France les effets de la Grande Crise : en 1932, notre pays compte 900 000 chômeurs, soit un taux de chômage de 15 % de la population active (2 % avant 1930), les faillites se multiplient, l'inflation, stimulée par les essais de relance des cabinets Tardieu et Laval, détruit l'équilibre budgétaire et la stabilité financière retrouvés sous Poincaré. Les ministères ont contre eux les classes moyennes et le monde ouvrier. Un vent de révolution souffle sur le pays qui impute le marasme à l'incurie du régime, de surcroît accusé de corruption. Les formations extrêmes s'en trouvent revigorées : le parti communiste voit ses effectifs tripler, les ligues deviennent résolument activistes, et la droite demande un État fort et stable. Tardieu, pourtant libéral, fait le procès du régime. Et Bucard, qui tenait le Faisceau de Valois pour une aberration, incline désormais au fascisme, d'autant plus que l'Italie mussolinienne ignore la Grande Crise et que l'Allemagne commence à en sortir au moment ou Hitler accède au pouvoir. Il lui semble que désormais, il existe une place, en France, pour un parti fasciste crédible. Il lance alors son Parti Franciste français (PFF), le 29 septembre 1933. Le PFF se définit d'emblée comme un parti fasciste se réclamant du régime de Mussolini. Du fascisme, il adopte l'uniforme (pantalon militaire, bottes, chemise [bleue] avec baudrier) et le projet de société.

    Le nouveau parti entend abolir la République démocratique, libérale et parlementaire.

    Le PFF deviendrait parti unique. L'exécutif relèverait d'un chef de l’État "plébiscité" au suffrage universel et rééligible, ayant la faculté de gouverner par décrets et de consulter la nation par référendum, dirigeant la diplomatie, et assisté d'un Directoire composé de ministres nommés par lui. Le législatif incomberait à trois organes distincts. Une Assemblée des Familles, élue au suffrage familial et une Assemblée des Producteurs ou Chambre des Corporations, élue dans le cadre régional et composée, à égalité, de représentants des syndicats d'employeurs et de délégués des syndicats de salariés, étudieraient les textes de lois et en feraient une première rédaction. Un « Conseil d’État élargi » composé dans des proportions égales de hauts magistrats et de syndicalistes choisis par le Conseil national des Corporations rédigerait définitivement ces textes, finaliserait les projets de budget, ratifierait les traités. Aucune de ces assemblées n'aurait l'initiative des lois, celle-ci incombant au seul Chef de l’État. Enfin, contre la tradition jacobine, source de blocages, les Francistes préconisent une large décentralisation dans le cadre de régions différentes des anciennes provinces.

    Entre traditionalisme et fascisme

    En tout cela, ils reprennent les idées de Valois et d'Hervé. Comme eux, ils préconisent l'institution d'un corporatisme d’État très différent du corporatisme anti-étatique de L'Action française, de La Tour du Pin ou de Le Hay. Les comités corporatifs régionaux (composés des délégués des employeurs et des salariés des entreprises) et la Chambre des Corporations auraient compétence dans le seul domaine social (rémunérations, hygiène, conditions de travail, assurances sociales et retraites), la production et la conduite de l'entreprise restant du ressort du patron. Bucard et les Francistes demeurent en effet attachés au principe de hiérarchie, nécessaire à la vie et à la bonne marche de la société. De ce point de vue, ils s'inscrivent dans une filiation traditionaliste opposée à l'éthique démocratique et égalitaire née de la Révolution française. Leur idéal tourne autour de l'idée de patrie et d'une vision chrétienne de l'homme et de l'ordre politique et social. S'il incombe à l'État de conduire la nation en y assurant la justice, il ne lui appartient pas de créer un homme nouveau et/ou une nouvelle société, qu'il s'agisse d'un ordre totalitaire dirigé par un chef quasiment déifié (le Reich d'Hitler) ou de l'édification d'une société rationaliste par un État-parti révolutionnaire l’URSS communiste). Et par là, les Francistes se révèlent beaucoup plus proches de Salazar que de Mussolini. L'État Français du maréchal Pétain réalisera dans une assez large mesure leur programme politique, lors même qu'ils en critiqueront les insuffisances. Ils promeuvent leur programme dans leur hebdomadaire, Le Franciste, sous les plumes de Bucard lui-même et de son délégué à la propagande, Paul Guiraud, professeur agrégé de philosophie.

    Nous glisserons sur les avanies et avatars du mouvement entre 1933 et 1941. Dés juillet 1940, il se rallie au maréchal Pétain. Il en approuve l'œuvre constitutionnelle et la politique sociale, concrétisée par la Charte du Travail du 4 octobre 1941, qui institue un corporatisme analogue à celui qu'il préconisait, même s'il en déplore la tendance à avantager les employeurs.

    De Vichy, le parti franciste partage le nationalisme cocardier d'un Déroulède, d'un Barres, de la Ligue des Patriotes, des Jeunesses patriotes, des Croix de Feu et de Pétain lui-même, l'esprit ancien combattant, rattachement aux « valeurs spirituelles » et au catholicisme le rejet de la République maçonnique, le refus du libéralisme. Mais comme les collaborationnistes ultras, il préconise un engagement résolu aux côtés de l'Occupant afin d'opérer le referaient de la France en lui faisant jouer un rôle important dans l'Europe d'Hitler ; partant il déplore, comme eux, les calculs politiciens et la pusillanimité de Vichy et, enfin, il réclame comme eux, l'instauration en France d'un régime de type fasciste étayé sur un parti unique.

    Une ambivalence fatale

    Cette position ambivalente constitue à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force car elle le met en position de médiateur entre Vichy et Paris, capable de les accorder et d'opérer la synthèse de leurs positions. Sa faiblesse dans la mesure où elle le place à la marge des uns et des autres et attire sur lui leurs suspicions respectives. Pour surmonter à son profit le clivage entre Vichy et les collaborationnistes de Paris, il eût fallu un talent politique hors de pair, dont Bucard se trouvait singulièrement dépourvu. Le chef franciste n'avait pas le sens politique de Doriot ; il n'en possédait pas non plus le charisme. Capable de galvaniser ses propres troupes, il ne pouvait soulever l'enthousiasme des foules, comme savait le faire Doriot. Celui-ci grand, fort, le verbe haut, doté d'une prodigieuse autorité naturelle, chauffait à blanc les auditoires, suscitait l'admiration et les dévouements militants, et ralliait à lui toutes les classes, le prolétariat comme la haute bourgeoisie, et tous les types d'hommes, de l'ouvrier jusqu'à des intellectuels nantis comme Paul Marion, Bertrand de Jouvenel, Alfred Fabre-Luce et Abel Bonnard. Avant guerre, la bourgeoisie avait vu en lui le chef capable de vaincre le Front populaire et d'instaurer un régime lesté d'une apparence de volet social. Et, à cet égard, ses origines plébéiennes et son passé communiste le rendaient crédible. Rien de tel avec Bucard qui se ressentait de ses origines rurales et bourgeoises ainsi que de son catholicisme affirmé.

    Dépassé par Doriot, Bucard devait l'être tout autant par Marcel Déat. Celui-ci, orateur puissant, était un intellectuel brillant qui avait élaboré pour son parti, le Rassemblement national populaire (BNP) une doctrine très supérieure aux articles théoriques de Bucard et de Guiraud. Et cette doctrine était au moins aussi socialiste que nationaliste. Déat était un socialiste qui avait répudié le marxisme et la SFIO, jugés par lui dépassés, et avait évolué vers un socialisme nationaliste et européen dont le fascisme lui était apparu comme le vecteur. Resté socialiste envers et contre tout, soutien du Front populaire en 1936, planiste, il ne considérait le fascisme et la Collaboration que comme les moyens d'instaurer un socialisme rénové. Demeuré révolutionnaire, il concevait la révolution comme conciliant socialisme et nationalisme dans le cadre d'une union des pays européens. À cet égard, il ne releva jamais de la droite antijacobine et réactionnaire, qu'il abhorrait, et ses discours comportent une telle quantité d'appels et de références à la "révolution" qu'on pourrait les prendre pour ceux d'un homme de gauche.

    L’échec d’un traditionalisme de gauche

    Et cela explique la réelle impuissance de Bucard à séduire les Français, spécialement ceux, jeunes, qui aspiraient à un ordre nouveau. Bucard, répétons-le, c'est Salazar, non Mussolini ou Hitler. Bien qu'il se proclame constamment fasciste, il demeure un nationaliste français conservateur et catholique avec une inclination plébiscitaire. En dépit des rodomontades "socialistes" de Paul Guiraud, le parti franciste n'envisage pas un ordre social nouveau et, lorsqu'il parle de "révolution", il s'agit toujours d'une « révolution nationale » de type vichyssois. Rien de bien exaltant pour la jeunesse d'un pays comme le nôtre. En ces années d'Occupation, la France reste ce qu'elle était avant la défaite, c'est-à-dire une nation profondément marquée par le legs de la Révolution, et qui ne conçoit sa rénovation politique et sociale que comme une réorientation de cette dernière. En cela, pour nos compatriotes, Déat et Doriot sont plus séduisants que Bucard, et leurs programmes respectifs plus attrayants que celui des Francistes, terne et vieillot. Ce qu'ils préconisent, c'est une troisième ère politique française, après la monarchie d'Ancien Régime et la République démocratique, étayée sur une synthèse de la première et de la Révolution , donc très ancrée dans notre histoire propre et très différente du fascisme italien et du national-socialisme allemand. Une perspective d'avenir étrangère à Bucard. Bucard cumule deux erreurs tactiques qui expliquent son échec face à ses rivaux et auprès des Français : il reste un réactionnaire, nationaliste à l'ancienne mode, et, non sans contradiction avec cette propension, il se proclame ouvertement "fasciste" en une nation instinctivement hostile au fascisme car demeurée tributaire de sa Révolution de 1789-1794. Une erreur que ne commirent pas Doriot et Déat, qui, avant comme pendant la guerre, ne se déclarèrent jamais fascistes et occultèrent leurs liens financiers avec Rome et Berlin. Sous l'Occupation, Bucard ne convaincra pas ses compatriotes.

    Bucard a donc pâti de deux choix stratégiques contradictoires : celui d'avoir par trop incarné un nationalisme typiquement français, traditionaliste et, à l'opposé, celui de s'être réclamé d'un fascisme relativement étranger à notre peuple. C'est ici l'ambiguïté foncière de Vichy qui est en cause. Imposé par la défaite et l'Occupation, formé dans l'urgence, sans préparation ni programme, avec le concours de toutes les composantes de la classe politique française (y compris la gauche), ce régime était destiné à rester un palliatif condamné aux changements permanents d'orientation en raison du caractère disparate de son personnel, de l'incidence sur lui du cours de la guerre et de la pression allemande. Ses dirigeants ne purent jamais définir une ligne politique originale et cohérente, faute d'unité de vue et de circonstances favorables. Le slogan « Révolution nationale » était équivoque : si les traditionalistes l'entendaient comme une contre-révolution, les collaborationnistes du PPF et du RNP y voyaient l'annonce d'une véritable révolution, nationaliste, certes, mais aussi socialiste et moderne, incluant une part du legs de la Révolution française, difficile à rejeter après soixante-dix ans de régime républicain. Et leur influence devint de plus en plus prégnante car leur projet avait, relativement à l'ambiguïté attentiste de Vichy, l'avantage d'être fermement défini et en phase avec l’ethos d'une nation devenue hostile à la République libérale et parlementaire mais toujours obsédée par la lubie révolutionnaire que les éléments réellement réactionnaires de "Vichy (catholiques ou de sensibilité peu ou prou maurrassienne) ne surent ni ne purent, en raison de leur absence de moyens et de leur infériorité numérique, extirper de la culture politique française. Aussi les doriotistes et déatistes remportèrent-ils sur le parti franciste tant au plan intérieur, en dépit de sa plus grande conformité à la tradition nationale française qu'au niveau de leurs rapports avec les Allemands, qui les considéraient, en raison de leurs effectifs et de leur audience, comme un moyen de pression sur Vichy plus efficace que lui. Et, Et, de fait, le parti franciste n'excéda jamais les 5 000 adhérents, alors que le PPF de Doriot en comptait 30 000 et le RNP de Déat, plus de 20 000.

    Un défi très risqué

    Retremper le nationalisme français dans un modèle fasciste étranger à notre culture politique était un défi très risqué ; ce fut la propension constante du Francisme, et l'ambiguïté fatale de Vichy. À cet égard, le Francisme a incarné totalement Vichy, de son adhésion à la Révolution nationale réactionnaire de 1940 à son engagement aux côtés de la Milice contre la Résistance en 1944. Le PPF et le RNP se sont résolument inscrits dans la tradition révolutionnaire de la France moderne née en 1789, et ont tenté de raccommoder au fascisme. Mais à l'inverse, la réaction, elle, ne se conçoit que comme une rupture sans concession avec cette tradition. Bucard, victime de la vogue fasciste des années 1930 puis des succès hitlériens, ne le comprit pas. Il ne comprit pas que le fascisme, importé en une France contemporaine toujours mentalement et politiquement modelée par les valeurs et l'esprit détestables de 1789-1794,ne pouvait devenir qu'une variante nationaliste et européenne du socialisme révolutionnaire, qu'un socialisme post-marxiste. D'où son échec.

    Paul-André Delorme Rivarol du 19 mai 2016

  • Le Maroc renonce à l'arabe et réintroduit le français dans l'enseignement

    Pendant que Najat Belkacem introduit l'arabe au CP en France, les Marocains se débarrassent progressivement de l'arabe au profit du français dans l'enseignement des matières scientifiques, et prévoient d'introduire l'enseignement du Français... dès la première année du primaire, soit dès le CP ! Une décision qui remonte au mois de février 2016. Au nom de la laïcité, pour échapper à l'Allahicité :

    "« Pour eux [les islamistes], arabisation et islamisation vont de pair car la langue est liée à la pensée », se félicite Ahmed Assid, un professeur de philosophie aux positions laïques. « Ce retour aurait dû se faire depuis longtemps. Nous avons perdu trente ans à cause de petits calculs idéologiques. Avant d’arabiser, l’Etat marocain aurait dû d’abord réformer la langue arabe dont le lexique et les structures n’ont pas varié depuis la période préislamique », ajoute-t-il." [...]

    "« A partir des années 1960, le Maroc a commencé à “importer” des enseignants d’Egypte et de Syrie afin de conduire le processus d’arabisation. C’est à cette époque que le wahhabisme et la pensée des Frères musulmans se sont progressivement introduits dans le royaume », souligne l’historien Pierre Vermeren." [...]
    Dans l'idée de Madame Belkacem, à travers la langue, il y a bien une volonté d'islamiser les esprits dès le plus jeune âge. Les Français se laisseront-ils faire ?

    Marie Bethanie