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culture et histoire - Page 1194

  • À propos de la « colonie normande qui a mal tourné »… par Didier PATTE

    On connaît le mot d’Alphonse Allais définissant l’Angleterre comme « la colonie normande qui a mal tourné ». Au-delà de l’humour « so british » de notre génial Honfleurais, considérons que cette manière de considérer le peuple de la Grande Île est certainement plus pertinente que l’approche par les médias français du problème de la présence des Britanniques au sein de l’Union européenne. On a vraiment l’impression que nos commentateurs gaulois sont dans la position des poules ne sachant que faire d’un couteau. 

    « Brexit or not Brexit ? » : les Anglais sont plus qu’attirés par le fait de s’éloigner de l’Europe de Bruxelles plutôt que de s’y fondre. Ce n’est pas d’hier. Le Général De Gaulle l’avait clairement pressenti dans les années soixante du XXe siècle et nous, Français, le savions bien en 1972 lorsque, par le référendum organisé par le Président Pompidou, nous avons répondu majoritairement OUI pour l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun. De ce fait, nous devrions être les derniers à nous plaindre de l’attitude britannique qui, depuis Margaret Thatcher, a été constante. Les Anglais sont entrés dans une zone de libre-échange et ont toujours refusé la supranationalité. De plus, ils sont allergiques à toute réglementation européenne qui, faut-il le souligner ?, est une accumulation de normes souvent intempestives, les agriculteurs en savent quelque chose ! 

    Ont-ils tort, les Godons, ou ont-ils des raisons de se méfier ? La question n’est pas là : les Britanniques sont ce qu’ils sont et ils ne changeront pas. Contrairement à la tendance très française qui consiste à appliquer la formule très brechtienne « Le peuple a tort, changeons le peuple ! » (cf. les suites du NON au référendum sur la Constitution européenne), chez nos voisins d’outre-Manche, on respecte généralement l’opinion majoritaire de la population et nul ne peut nier que le mot « démocratie » ait un sens dans le Royaume-Uni… 

    Sur le « Brexit », le Mouvement Normand n’a pas à se prononcer : c’est aux Anglais de décider et, quel que soit le résultat de la consultation du mois de juin prochain, il est des constantes dont les Normands doivent tenir le plus grand compte. 

    C’est à propos de ces constantes que nous devons nous interroger et essayer d’en tirer des conclusions dans l’intérêt de la Normandie. 

    1 – L’Angleterre est en face. De l’autre côté de la « mare aux harengs », comme l’on dit sur la côte. Cela, c’est intangible et, quelles que soient les vicissitudes de notre histoire COMMUNE — insistons sur cet adjectif —, ce qui se passe entre nos populations respectives a un grand retentissement sur la vie normande, sans doute plus qu’ailleurs en France. 

    Rappelons quelques faits. 

    • Pourquoi les Romains ont-ils créé une Seconde Lyonnaise organisée autour de la Baie de Seine appuyée par les môles du Cotentin et du Pays de Caux ? Parce que César et ses successeurs avaient des visées sur l’Île de Bretagne et craignaient en retour les incursions venues de la mer. 

    • Pourquoi les Normands, avant la conquête de 1066, s’intéressaient-ils tellement à la grande île celtico-saxonne ? Parce qu’à cette époque il était plus facile de traverser le Channel que d’aller de Rouen à Angers et que les relations commerciales et culturelles étaient déjà très intenses entre l’Angleterre saxonne et la Normandie.

    • Pourquoi la Conquête de l’Angleterre ? On nous dispensera de répondre à cette question… 

    • Pourquoi l’extraordinaire symbiose culturelle dans l’ensemble anglo-normand, tant à l’époque de Guillaume et de ses fils qu’à l’époque des Plantagenêts ? Vaste sujet, réponses multiples… Génie administratif normand ? Réussite étonnante de l’interpénétration linguistique entre la Normandie romane et l’Angleterre saxonne qui a produit la langue anglaise ? Multiplicité des échanges commerciaux, architecturaux, culturels, qui ont forgé une conscience commune d’appartenir durant cette période à un même monde ? 

    • Pourquoi la Guerre de Cent Ans, outre la querelle de la succession dynastique du Royaume de France ? Parce que la Normandie en tout premier lieu était un objectif des souverains anglais. On le vit bien durant la longue parenthèse de « l’occupation anglaise », de 1422 à 1453, durant laquelle le Régent Bedford aurait bien voulu qu’on distinguât la Normandie au sein du Royaume de France; 

    • Pourquoi l’affrontement maritime entre la France et l’Angleterre, qui, de la bataille de L’Écluse à Trafalgar, a opposé Normands (surtout) et Anglais ? Parce qu’il s’agissait du contrôle de la mer commune de la Manche. Il en est résulté des périodes de prospérité lorsque l’antagonisme n’était pas dominant et des périodes d’affrontements et de méfiance qui s’inscrivirent dans les fortifications côtières, la création de certains ports (Cherbourg), le déclin de certains autres (Dieppe)…

    • Pourquoi l’anglomanie qui, au XIXe siècle, a saisi la France ? Parce que la Normandie, telle une éponge, s’est imprégnée des modes anglaises dont elle se sentait proche. Faut-il rappeler la naissance de l’impressionnisme ? La création du Herd Book normand ? L’invention du roman policier français qui passe par la Normandie par le truchement du tourisme balnéaire britannique ? Que dire de l’influence anglaise en matière industrielle (textiles, métallurgie, chemin de fer) ? 

    Il n’est nul besoin de rappeler le débarquement de 1944 pour comprendre que la Normandie est chère au cœur de l’Angleterre… même si le crime de guerre du bombardement du Havre montre que cet attachement n’est pas exempt de jalousie… 

    2 – La Normandie se situe entre le Bassin Parisien et le Bassin de Londres. Les deux capitales rivales, quoi qu’on en dise, se ressemblent : elles ont tendance à « centraliser » et à assécher de bien des manières leurs périphéries. Mais la Normandie partage, avec la Région Nord – Picardie, le privilège de se trouver entre les deux mégalopoles et d’être des lieux d’échanges entre leurs populations et leurs productions. La Normandie est l’une des portes d’entrée des ambitions anglaises en direction du continent et la population normande, plus que toute autre en France, peut avoir la prétention d’être un « people between» entre la France et l’Angleterre… Ne serait-ce que par la langue anglaise qui comprend une bonne part de vocabulaire normand, ne serait-ce que par le droit britannique qui s’inspire directement du droit coutumier normand… 

    On remarquera que tous les faits auxquels nous faisons allusion transcendent les problématiques immédiates de la construction européenne. Ils sont antérieurs. Ils sont constants et, quoi qu’il arrive, ce seront les données lourdes d’un avenir commun et partagé. 

    Qu’il ne soit pas facile de « travailler » avec les Anglais, ce n’est pas un « scoop » (sans doute en disent-ils autant de nous), mais les faits sont têtus. Il y aura toujours des liens forts entre la Normandie et l’Angleterre. Plutôt que de s’exciter sur les errances de la politique anglaise dans ses rapports avec l’Union Européenne, il faut repartir prioritairement sur des bases bilatérales, profitables pour les deux parties.

    C’est le moment ou jamais de relancer les coopérations de l’Arc Manche. On devrait se souvenir de la part prépondérante prise par Alain Le Vern, le calamiteux président de l’ex-région haute-Normandie, qui, au cours de ses mandatures, fut un moteur de cette coopération (c’est le seul bilan positif de sa satrapie). La Normandie, dans cette affaire, a donné le ton. Ne faudrait-il pas que le conseil régional de Normandie profitât de ces prochains mois, au cours desquels tout le monde glosera sur la « perfide Albion », pour relancer justement les coopérations avec les comtés du Sud de l’Angleterre ? Jusqu’à maintenant les thèmes abordés dans cette coopération transmanche ont été TANGIBLES, fondés sur le principe gagnant / gagnant et touchant des sujets CONCRETS. C’est ce qu’affectionnent particulièrement nos interlocuteurs britanniques. Brexit ou pas, qui voudrait empêcher que l’on continuât sur cette lancée ?

    D’autre part, et là, le Mouvement Normand s’adresse à la communauté universitaire normande, ne faudrait-il pas, pour échapper au dialogue par trop léonin entre les universités normandes et les universités parisiennes, que l’on développât les coopérations avec les universités du Sud de l’Angleterre ? Le moment n’est-il pas venu de créer en Normandie un « campus anglo-saxon » (ne devrait-on pas dire d’ailleurs « anglo-normand » ?), qui accueillerait, non seulement des étudiants britanniques, mais aussi des étudiants venus d’outre-Atlantique (Américains et Canadiens), spécialistes de notre histoire commune, de nos institutions de même origine, de la langue anglaise si métissée de vocabulaire et d’expressions normandes ?

    Il fut un temps où, à l’orée de l’Entente cordiale, esquissée auparavant par Louis-Philippe – à Eu notamment – et Napoléon III, deux aristocrates normands, le marquis Stanislas de La Rochetulon – Grente et le vicomte Jehan Soudan de Pierrefitte, fondèrent le Souvenir Normand dans le but de rapprocher en priorité les Anglais d’origine normande et les Normands des Îles et du Continent… On était pourtant aux lendemains de Fachoda !

    Cet exemple doit nous inspirer. « Brexit or not Brexit », quelle que soit l’opinion que nous puissions avoir sur les Godons, malgré Jeanne d’Arc, Waterloo, Fachoda, l’anéantissement du Havre, il est indispensable de considérer la Grande Île comme une partenaire privilégiée du devenir normand.

    Didier Patte, Président du Mouvement Normand

    • Communiqué n° 236 du Mouvement Normand publié en février 2016.

    http://www.europemaxima.com/

  • Adrien Abauzit réhabilite le Maréchal Pétain : « il a initié la résistance »

    Adrien Abauzit réhabilite le Maréchal Pétain au travers d’historiens reconnus pour leurs travaux dans une histoire où la rationalité semble avoir perdu tout ancrage pour laisser place à l’idéologie.


    Adrien Abauzit – le Maréchal Pétain a initié la… par metatvofficiel


    Adrien Abauzit – le Maréchal Pétain a initié la… par metatvofficiel

    http://www.medias-presse.info/adrien-abauzit-rehabilite-le-marechal-petain-il-a-initie-la-resistance/50948

  • « Vous en boufferez ! »

    On veut nous faire avaler l’anglais – le globish - jusqu’à le substituer à nos langues européennes de culture, a fortiori aux autres. L’empire et ses « collabos européens de la pub et du fric » (Michel Serres) veulent l’imposer, par tous les moyens dont l’empire dispose encore. Le Figaro a pu intituler le 24 février 2016 un article : « La France fait tout son possible pour la suprématie de l’anglais ». Telles les oies, Européens et Gaulois sont gavés à la fois au hallal et au globish par subreptice, force, et loi. D’un côté : voile intégral, hallal et pouvoir d’Allah ; de l’autre poulet aux hormones, macdos, maïs aux OGM et pouvoir impérial par le globish : même combat, mêmes méthodes des prédateurs ; et mêmes inconscience et atonie suicidaire des cibles !

    Tout se passe, dans les deux cas, comme si une planification était à l’œuvre, avec des états-majors à la manœuvre. La méthode : l’accoutumance progressive, devenant tolérance, puis acceptation, approbation, délectation, soumission, enfin disparition.

    Le califat impérial états-unien (des EU) est la menace la plus immédiate. Mieux installée, elle rencontre le moins de défenses immunitaires. Le califat EU peut, lui, jouer à fond de la fraternité d’armes, de la prétendue communauté de civilisation, de la reconnaissance pour la Libération, et de ce qu’il appelle son « soft power », la « conquête des esprits ». Dès 1946, dans l’attribution du Plan Marshall, les EU ont imposé aux « libérés » des quotas minimaux de films de Hollywood sur leurs écrans ; ce fut 30%, en France, par les accords Blum-Byrnes. En somme, le Joueur de flûte (« Rattenfänger ») de Hameln qui entraîne notre jeunesse dans les flancs des Rocheuses. Gavage aux OGM, aux bons films comme aux séries B, au « globish ». Dans nos écoles, on renforce sans cesse l’anglais précoce au détriment des horaires d’histoire, du latin et du grec qu’on assassine, des autres langues vivantes que l’on évince, ainsi que, de plus en plus, du français que l’on dégrade. Dans les universités et grandes écoles, l’anglais devient de plus en plus langue d’enseignement, au mépris de la Constitution et de nos lois, dont la loi Fioraso elle-même (22 juillet 2013). Celle-ci interdisait au moins d’offrir des formations diplomantes exclusivement en anglais. Foin de cet amendement obtenu par nos amis parlementaires tant PS qu’UMP : des universités et grandes écoles pensant rester impunies en ont offert et les ont, par défi, annoncées comme telles uniquement dans cette langue. Nos associations ont donc déposé en 2014/15 des recours collectifs, d’abord gracieux, puis juridictionnels. Nous attendons les jugements avec un vif intérêt, mêlé d’une sourde crainte, tant le rouleau compresseur est puissant…On promeut l’anglais langue étrangère unique jusque dans le concours d’entrée à l’ENA : nos associations ont perdu le recours en Conseil d’État contre ce pur scandale. Anglais presque seul aussi au colloque tenu en mai 2015 sur les « jeunes pousses », appelées « start ups » (« oups ! »), à l’Hôtel de Ville de Paris, là même où l’on fête chaque année non le carême, mais le ramadan. Les publicitaires et les médias nous instillent langue et culture des États-Unis à haute dose, jusqu’au « 20heures » des principales chaînes, bien nommées. Les affiches de films étrangers sont en anglais ; les titres et marques de diverses manifestations, entreprises, rencontres, jeux vidéo, pourtant français, sont imposés en anglais. Cette langue est partout. Vaste entreprise de démolition de la France, de sa langue, de sa culture ; de soumission à tout ce qui peut contribuer à la tuer. Il faut éveiller les consciences. Comme le refus de « bouffer hallal », il faut le refus d’obésifier au « macdococa » et d’être gavé de ce qui va avec. Résistez ! Rejoignez notre Résistance.

    Albert Salon, ancien ambassadeur

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Vous-en-boufferez

  • Un nouveau magazine numérique est né : Francelemag

    france_1.jpgDans cette première livraison de Francelemag, on trouvera une réflexion de Jean-Yves Le Gallou, président de la Fondation Polémia, auteur, essayiste…, qu’il livre à nos lecteurs sur le Retour de l’histoire.

    ♦ Ce nouveau magazine numérique est une initiative brillante qu’on peut consulter en cliquant ici (*) pour la lire sur sa tablette ou son ordinateur.
    Polémia

    Le retour de l’histoire

    En 2015, les événements se sont enchaînés :

    7 janvier : Attentat contre Charlie Hebdo, les islamistes rétablissent la peine de mort pour délit de blasphème. Dans la foulée les musulmans militants adossés sur le politiquement correct des médias s’opposent à toute critique de l’islam au nom du refus de l’ « islamophobie ». La liberté d’expression recule.

    Avril : La déferlante migratoire se met en place depuis l’Afrique puis à partir des côtes turques. L’islam part à la conquête d’une Europe sans frontières. Alors que les envahisseurs sont dans leur très grande majorité (70 à 80%) des hommes jeunes – de 15 à 35 ans –, les médias montrent les images désarmantes d’enfants, de femmes, de familles, de vieillards. La prophétie de Jean Raspail dans Le Camp des saints se réalise. C’est la victoire du chantage humanitaire, le triomphe de Big Other.

    13 novembre : Scènes de guerre au Bataclan, 130 morts, 500 blessés par balles. Le premier attentat suicide en Europe a lieu à Paris à l’initiative de l’Etat Islamique, armé par les pétromonarchies wahhabites.

    31 décembre : Durant la nuit de la Saint-Sylvestre plus d’un millier d’agressions sexuelles ont lieu en Allemagne de la part d’envahisseurs musulmans voulant imposer leur conception du rapport hommes/femmes, sinon le droit du vainqueur.

    A chaque fois c’est la force qui prime. Et qui prime d’autant plus facilement qu’elle s’impose à des peuples moralement désarmés. L’idéologie bisounours débouche sur un désastre sécuritaire et identitaire.

    Dans ces conditions il est a-historique de rêver d’une France apaisée. Il faut au contraire tirer lucidement les leçons de ces événements et de l’immigration massive subie par la France et les nations d’Europe.

    1-Les problèmes économiques (et a fortiori monétaires) sont secondaires au regard de l’ampleur prise par les questions migratoires et identitaires.

    Un pays se remet d’un taux de croissance défaillant ou d’un taux de change inadapté. Mais un pays meurt quand son peuple change. Or tel est bien le cas des pays européens et de la France en particulier, France où 36% des nouveau-nés en 2015 ne sont pas d’origine européenne (selon le taux de dépistage pour la drépanocytose). Refuser de voir cela, c’est égarer l’opinion.

    2-Il n’y a pas à proprement parler de problèmes de sécurité en Europe, il y a un problème d’immigration.

    Plus exactement, l’insécurité dans les villes, les campagnes, les transports est due pour l’essentiel à l’immigration : en France plus de 70% de la petite et moyenne délinquance vient de l’immigration (les deux tiers des détenus sont étrangers ou d’origine étrangère), 90% des bandes organisées sont issues de l’immigration (selon la police judiciaire), près de 100% des actes terroristes sont en relation avec l’islam. Il faut donc chercher les solutions, non dans des lois bridant nos libertés, mais dans l’arrêt de toute immigration, l’expulsion des étrangers délinquants, la déchéance de nationalité des binationaux délinquants.

    3-Il n’y a pas davantage de problème de laïcité, il y a un problème d’islamisation.

    Ce n’est pas la question religieuse qui est préoccupante pour la société française, c’est l’islamisation, c’est-à-dire l’invasion de l’espace public par des pratiques étrangères : violence des rapports homme/femme, voile islamique, abattage halal, « menus aménagés » ; toutes pratiques imposées par les activistes musulmans aux autres musulmans, voire à l’ensemble de la population.

    4-L’immigration n’est pas un problème franco-français mais un problème européen.

    Il ne faut pas opposer les Etats européens les uns aux autres (c’est le piège du nationalisme étriqué et du paléo-souverainisme) mais les peuples européens en lutte pour leur survie aux oligarchies mondialistes (financières et médiatiques). Au-delà des particularités nationales, ce qui est en cause c’est la survie de notre civilisation, la civilisation européenne et chrétienne.

    5-L’alliance civilisationnelle.

    Ce qui est aujourd’hui au cœur du combat historique, c’est la préférence de civilisation. Il faut conjuguer les forces à l’œuvre en Europe contre le Grand Remplacement démographique et civilisationnel : partis populistes à l’Ouest, gouvernements de l’Est (groupe de Visegrad et Pays baltes notamment), conscients d’avoir à défendre l’identité de leur peuple, mouvements de défense des peuples tels les identitaires en France, PEGIDA en Allemagne, l’English Defense League, et les nombreux groupes locaux de vigilance.

    Jean-Yves Le Gallou
    10/03/2016

    (*) Le site de Francelemag. : https://fr.calameo.com/read/00468913871ac83adb8a7

    http://www.polemia.com/un-nouveau-magazine-numerique-est-ne-francelemag/

  • Quelques notes sur la notion d' “aristocratie”

    Un projet politique, projet culturel, reposant nécessairement sur un certain nombre de choix éthiques qui expriment, à l'aide de références choisies tenues pour cohérentes, les aspirations, les idéaux, la culture de leurs promoteurs.

    De toutes ces références, de ces “mots-clés” qui s'affrontent, s'appuient et se repoussent au gré des “combats d'idées”, il en est une, pas la plus employée ni la plus claire, qui mérite qu'on s'y arrête : celle d'“aristocratie” qui poursuit, çà et là, une carrière idéologique déjà ancienne. Le terme est suffisamment vague pour qu'on l'admette sans examen et, de plus, il est évocateur d'histoire(s). C'est cependant un terme suspect, au contenu ambigu et dont l'usage ne va pas de soi. Son insignifiance politique présente contraste plaisamment avec l'abus que l'on en peut faire dans certains milieux droitistes. C'est pourquoi tout débat sur la notion d'“aristocratie” doit commencer par une clarification sémantique. Ce faisant, on n'é­chap­pera pas, et l'on s'en excuse, aux déterminations intellectuelles de l'espace francophone. Mais si le mot est d'introduction récente en français (le terme aristocratie, latinisé dans les traduc­tions d'Aristote, n'est usuel qu'à partir de 1750 ; l'aristocrate date du XVIe s. et ne se vulgarise, si l'on peut dire, qu'à la veille de la révolution [1778, Linguet] [1]), la notion est ancienne.

    Il faut donc s'attacher à donner des points de repère historiques relatifs à l'origine de cette notion, tant il est vrai que le “style aristocratique”, quelles que soient les analogies que peuvent pré­senter sur ce point différentes civilisations, ne se laisse définir que dans un milieu culturel donné, en relation avec une situation historique précise. “L'aristocratie chinoise”, ou pharaonique, ou inca, mais on risquerait alors de méconnaître l'univers mental particulier qui les explique.

    Aussi ces quelques notes s'attachent-elles aux données de la tradition indo-européenne, reconnues comme fondement de la notion européenne d'“aristocratie”. On a ainsi accès moins aux réalités des aristocraties historiques qu'à l'image que nous permettent d'atteindre les textes les plus anciens des cultures indo-européennes.

    ◘ 1.1. Le vocabulaire

    Le sens du terme ayant varié au cours des temps, il convient de rechercher les valeurs premières. Si l'on se reporte au grec ancien, on se rend compte que les composés en aris- sont extrêmement nombreux, de même que les noms de personnes. C'est l'indice d'une notion traditionnelle conservée par le formulaire et comme telle révélatrice des idéaux du peuple qui l'utilise, donc une notion fondamentale.

    Le terme áristos sert de superlatif à ágathós (bon), et s'applique à “l'excellent”, au “meilleur”, au “plus brave”, au “plus noble”. L'aristocrate est donc celui qui se distingue dans un emploi précis, jugé essentiel par la tradition nationale. À l'origine, l'emploi devait être guerrier, l'áristeus étant “celui qui tient le premier rang”, le “chef le plus distingué, le plus brave”. Chez Homère, le terme s'applique à la suite ou à l'entourage des rois (Iliade 15, 363 ; 23, 236, etc…), d'où l'épique ándres áristèes. L'áristeía est la supériorité, notamment la vaillance et, au pluriel, les hauts faits, les exploits qui procurent la gloire ári-prepéoos“impérissable”. Aussi trouve-t-on l'adverbe ári-prepréoos (avec distinction, supé­rieurement). La notion de hiérarchie, ou mieux de hiérarchisation (active) des mérites n'est pas loin et se traduit dans le vocabulaire du gouvernement : áristarxéoo est “exercer la magistrature avec distinction”, on classe les hommes áristíndèn (par rang de noblesse ou de mérite). L'idéal social d'áristeúoo (exceller) entretient les espérances lignagères, d'où le composé áristogónos(qui enfante les plus nobles fils). L'áristokratía est donc le “gouvernement des plus puissants ou des meilleurs”. “L'aristocratie” est donc une notion issue de l'expérience sociale, vérifiée et somme toute relative. Elle n'est pas un concept métaphysique.

    ◘ 1.2. Dans la tradition indo-européenne

    ♦ 1.2.1. L'individu dans le groupe

    On remarque l'association de “l'aristocratie”, qui est un terme composé et donc secondaire par rapport à la notion d'aristeia, constatée, éprouvée dans les faits, avec les valeurs guerrières et la compétition sociale. Le rapport avec l'indien arya- est probable mais le sens de ce dernier terme est discuté (2) : l'arí- (avec sa personnification le dieu Aryaman) désigne la confédération des tribus qui constitue la “nation”, tous ceux qui se revendiquent du même “naître” ; mais en même temps qu'il désigne la communauté nationale par opposition aux non-aryens, arí- désigne l'étranger à la famille, au clan et à la tribu. Émile Benvéniste a pu écrire que le style indo-européen était “aristocratique” et Meillet n'a pas dit autre chose : l'analyse du vocabulaire hérité montre que l'indo-européen « est une langue de chefs et d'organisateurs imposée par le prestige d'une aristocratie » (3). L'étude du formulaire traditionnel confirme cette impression d'ensemble : « on y trouve l'image d'une fière aristocratie guerrière, qui aime la vie, les larges espaces, les biens de ce monde et par-dessus tout la gloire, et qui consacre à l'élevage, aux sports équestres et à la chasse les loisirs du temps de paix. Aristocratie pour qui le “caractère” (*ménos) est la qualité essentielle de l'homme, et la gloire (*kléwos, ce qu'on entend) le but suprême de l'existence » (4). Nul doute que l'organisation distendue de la “nation” entre clans rivaux et compétiteurs a favorisé la sélection de ces “aristocraties” guerrières. Tel est encore le mode d'organisation de plusieurs peuples indo-européens historiques, en particulier les Celtes de l'Antiquité et du Haut Moyen Âge irlandais.

    “L'aristocratie” se laisse ainsi définir comme la recherche et la maîtrise d'une perfectiontechnique dans les activités caractéristiques de son mode de vie et génératrices de hauts faits. Les exploits du guerrier lui valent la gloire, la “bonne réputation” qui fait que l'on parlera de lui. C'est le seul moyen de conquérir l'immortalité, car la gloire est “impérissable” (formule reconstruite à partir de védique áksitan ´srávah et grec homérique kléos áphthiton [5]). Le meilleur échappera ainsi à l'anonymat de la “seconde mort” qui est le lot commun de ceux que guette l'oubli.

    Comment cette idéologie d'apparence très “individuelle” s'inscrit-elle dans une doctrine sociale éminemment communautaire, entretenue par une tradition orale nécessairement supra-individuelle ? C'est d'abord que la recherche de gloire profite au groupe tout entier, puisqu'elle lui assure la maîtrise du “large espace”, de “l'espace pour vivre”. Ainsi les cosmogonies vantent les exploits du héros qui a fixé le soleil et repoussé les Ténèbres (Indra), servant en cela l'Ordre divin et rendant possible la vie du peuple et de l'univers (libération des eaux / vaches / aurores). La victoire militaire permet aussi l'instauration du sacrifice, l'organisation mystique de l'espace, la maîtrise distinctive des champs de pouvoir (les différents ager de Rome). C'est aussi parce que la réussite individuelle renforce le sens de la lignée dont la famille, le premier des cercles de l'appartenance sociale, est l'expression synchronique :

    « Les devoirs envers la lignée sont ceux du système que les sociologues nomment trustee, caractérisé par la croyance que la race, la lignée étaient la réalité métaphysique, et que l'individu n'était qu'un maillon transitoire d'une chaîne permanente de la famille idéalement éternelle, gardant le nom, la réputation, le statut et la propriété de la famille en dépôt (in trust) pendant son temps de vie. C'était la responsabilité de l'individu de transmettre ce dé­pôt non diminué et si possible accru par sa propre conduite. L'individu acquérait l'immortalité quant la postérité et en particulier ses propres descendants se rappelaient son nom avec orgueil et honneur » (6).

    Cette conception est inséparable de la solidarité clanique (famille étant ici à entendre comme “grande famille”, élargie à l'ensemble de la parenté, pratiquement l'unité réelle de la vie nationale). C'est d'ailleurs la reconnaissance de la solidarité-dépendance qui seule permet l'existence sociale. On peut résumer ainsi É. Benvéniste (7) : « En latin et en grec, l'homme libre, *(e)leud­heros, se définit positivement par son appartenance à une “croissance”, à une “souche” ; à preuve, en latin, la désignation des “enfants” (bien nés) par liberi : naître de bonne souche et être libre, c'est tout un. En germanique, la parenté encore sensible par ex. entre all. frei (libre) et Freund (ami), permet de reconstituer une notion primitive de la liberté comme appartenance au groupe fermé de ceux qui se nomment mutuellement “amis”. À son appartenance au groupe — de croissance ou d'amis — l'individu doit non seulement d'être libre, mais aussi d'être soi : les dérivés du terme *swe, gr.idiotes (particulier), lat. suus (sien), mais aussi gr. étes, hetaîros (allié, compagnon), lat. sodalis (compagnon, collègue), font entrevoir dans le *swe primitif le nom d'une unité sociale dont chaque membre ne découvre son “soi” que dans “l'entre-soi”.

    On n'est libre que dans le mesure où on reconnaît sa dépendance de nature, on n'est une personne que dans la mesure où le groupe vous reconnaît. L'aristocratie, la première à suivre le modèle social des sodalités et des unions de lignages, avec le système complexe d'engagements réciproques qu'elles supposent, participe entièrement de cette idéologie de la cohésion sociale, de type pourrait-on dire génétique.

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  • Schopenhauer : critique de la morale kantienne

    « Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » Emmanuel Kant, in Fondation de la métaphysique des mœurs (1ère formulation)

    Schopenhauer est un grand admirateur de Kant. Il salue avec ferveur l’importance de La Critique de la Raison pure(1781 et 1787), et, de manière plus générale, l’apport de l’idéalisme transcendantal dans l’histoire de la philosophie. En effet, on peut considérer l’œuvre de Kant comme la charnière entre la philosophie moderne et contemporaine (certains voient même en Kant l’inventeur de la phénoménologie). Cependant, si l’admiration de Schopenhauer est grande, son indignation l’est tout autant à la lecture de la Critique de la Raison pratique (1788). Il écrit alors, dans le cadre d’un concours organisé par la Société royale des sciences du Danemark, un véritable pamphlet contre la déontologie kantienne, Le Fondement de la morale (1841). Bien qu’étant le seul à concourir, Schopenhauer ne remporta pas le prix. Il fut jugé indigne, la philosophie de Kant étant sacro-sainte à cette époque, une telle critique ne pouvait se légitimer. La pensée de Schopenhauer, même si elle est souvent violente et problématique, mérite toute notre attention. Nous étudierons donc les arguments qu’oppose Schopenhauer à la philosophie morale de Kant. La réfutation tourne autour de deux arguments principaux :

    – La morale kantienne, dans sa forme même, c’est-à-dire impérative, est éminemment problématique.

    – Le fondement de la déontologie kantienne, la liberté comme autonomie de la volonté, entre en profonde contradiction avec la philosophie de Schopenhauer.

    Cependant, Le Fondement de la morale se présente comme une série d’arguments juxtaposés, plus ou moins pertinents. Il sera donc assez difficile (même si l’œuvre est plutôt courte) de rendre compte, dans notre devoir, de la totalité des objections. Néanmoins, nous essaierons de tirer l’essentiel de la critique schopenhauerienne en s’intéressant aux arguments les plus fondamentaux, qui sont, eux-mêmes, plus ou moins légitimes. De plus, on peut penser qu’il existe un terrible décalage entre la philosophie de Kant et celle de Schopenhauer. Certains présupposés (notamment sa conception de la volonté), à la base de son œuvre principale Le monde comme volonté et comme représentation (1818), rendent impossible la conciliation entre les deux esprits. Nous nous pencherons donc, en premier lieu, sur un point fondamental de la déontologie kantienne que critique Schopenhauer : la liberté comme condition de possibilité de la morale. Ensuite nous verrons en quoi Schopenhauer reconduit la morale kantienne à la simple recherche du bonheur. Ensuite nous montrerons en quoi, pour Schopenhauer, la loi morale de Kant demeure influencée par la morale théologique, notamment par le démontage de la forme impérative. Finalement nous expliquerons la position de Schopenhauer et surtout son scepticisme vis à vis de la raison comme principe fondateur de la morale. Il s’agit tout d’abord de rappeler quelques éléments fondamentaux de la philosophie de Schopenhauer.

    L’enjeu premier de son œuvre est la chasse aux illusions, son entreprise passe par une critique radicale de la représentation (elle est faussée) et de la liberté humaine (elle n’est qu’une illusion). Aux yeux de Schopenhauer, l’univers est gouverné par un principe immanent à toute chose : la volonté. Il faut, bien sur, entendre ce terme dans un sens très précis, la volonté de Schopenhauer ne doit pas être envisagée comme l’attribut humain classique mais comme une entité substantielle, métaphysique, une force vive hypostasiée ; la volonté de Schopenhauer est la chose en soi. Ce qui caractérise la volonté de Schopenhauer, ce qui fait que sa philosophie n’est pas un léger déplacement mais une véritable rupture, est qu’elle est absolument irrationnelle. L’homme est donc gouverné par une volonté folle, qui décide pour lui. Aux yeux de Schopenhauer, nous sommes complètement déterminés, nous sommes les marionnettes de la volonté. La seule véritable liberté nous est extérieure (même si la volonté est dans les choses). Il y a chez Schopenhauer un refus radical de l’anthropocentrisme. En effet, nous n’occupons, en aucun cas, une place particulière par rapport aux autres êtres naturels. Nous sommes, au même titre que les animaux et les plantes, déterminés par notre environnement et nos désirs ; même si le schéma, quand il doit s’appliquer à l’homme, est plus complexe. Il découle naturellement de ce présupposé que la liberté humaine est une grande illusion. Nous ne décidons jamais à partir d’un vouloir libre, la volonté individuelle n’existe pas, ce n’est qu’une manifestation particulière et fourbe de la volonté métaphysique. En revanche, à la fin de la deuxième section de la Fondation de la métaphysique des mœurs, Kant définit la volonté comme absolument autonome. C’est une volonté libre, inconditionnée. Elle échappe à toute détermination, ou du moins, la seule chose qui la « détermine » est la liberté, comme principe premier de son autonomie. Pour Kant, nous sommes libres. Il tient, comme tous les grands penseurs de la causalité, « les deux bouts de la chaîne » (Bossuet). Nous sommes à la fois soumis à la causalité mécanique, c’est-à-dire au déterminisme naturel, et à la causalité par volonté, la liberté. Pour Kant, l’une n’exclut pas l’autre. Kant est compatibiliste, il cherche à dépasser la contradiction en pensant la liberté comme une Idée de la raison.

    Il y a donc une véritable incompatibilité entre la philosophie de Schopenhauer qui pense la volonté comme une sorte d’hypostase irrationnelle et la déontologie kantienne qui pose comme condition la liberté de notre vouloir. Aux yeux de Schopenhauer, le point le plus problématique de la philosophie morale de Kant est l’hypothèse du libre arbitre. En effet, pour Kant, la liberté humaine est possible, elle n’est pas incompatible avec le déterminisme naturel. Nous sommes nous-mêmes des causes au sein de l’ordre des causes.

    C’est à partir de ce présupposé que Schopenhauer peut déployer son argument principal qui est comme la toile de fond du Fondement de la morale. Kant, nous l’avons déjà évoqué, fonde sa philosophie morale sur un impératif catégorique, l’homme afin d’agir de manière morale peut (ou doit) choisir de répondre à ce même impératif. C’est en étant guidé par une « volonté bonne » qu’il peut y adhérer. Cette « volonté bonne » n’est d’ailleurs possible que si l’homme est libre. Car, comme le pense Kant, à quoi bon penser la volonté si celle-ci n’est pas libre. Ce postulat très traditionnel est intéressant ; c’est comme si Kant, de manière anticipée, apportait un discrédit à la philosophie de Schopenhauer. A quoi bon penser une volonté qui ne soit pas libre ? C’est exactement ce que fait Schopenhauer quand il thématise le principe d’individuation dans Le monde comme volonté et comme représentation. La volonté humaine n’est pas libre, ou plutôt, il n’y a pas de volonté humaine, elle est illusoire, il n’y a qu’une volonté métaphysique. Celle-ci se sert de nous, elle nous laisse croire que nous disposons de notre volonté afin de pouvoir affirmer son existence ; en fait la volonté individuelle n’est qu’un moyen pour que la volonté métaphysique s’accomplisse et persévère.

    Schopenhauer voit dans la position kantienne sur la liberté un aveu de faiblesse. En effet, à la fin de la deuxième section de la Fondation de la métaphysique des mœurs, Kant nous dit que la liberté ne peut avoir qu’une valeur théorique, c’est une Idée de la raison, on ne peut que la supposer et en aucun cas la démontrer. Pour Schopenhauer, il est absolument inadmissible de fonder une philosophie morale, « pratique », sur un présupposé absolument « théorique ». Kant avait pourtant montré beaucoup de réserves en ce qui concerne la réalité pratique de la liberté de vouloir, il affirme qu’elle n’a de valeur réelle que dans la philosophie théorique. Schopenhauer est donc bien étonné de voir ce principe friable au fondement de la morale de Kant. De plus, il y aurait comme une incompatibilité entre la liberté, comme Idée de la raison, et la philosophie morale qui, pense Schopenhauer, doit s’intéresser au monde, à la réalité. Schopenhauer pense, nous l’avons dit plus haut, que la liberté chez Kant n’est pas prouvée, elle est simplement théorisée ; cette manière d’aborder le problème trahit une insuffisance dans la pensée de Kant.

    De manière plus générale, Schopenhauer pense que la tradition philosophique, quand elle se penche sur le problème de la morale, se trompe dans la manière de procéder, ou du moins se satisfait d’un primat discutable. En effet, Schopenhauer distingue dans le chapitre VI du Fondement de la morale, le ο, τι (littéralement, « le fait que ») du διοτι (« pourquoi ») de la vertu. Le ο, τι désigne quelque chose comme une approche spéculative de la morale, son but est de fonder un premier principe, c’est une approche déontologique, c’est celle de Kant. Le διοτι, en revanche, peut s’identifier à une perspective beaucoup plus pratique, il ne s’agit plus de donner à la morale une base formelle qui tendrait à l’universel mais bien plutôt de répondre concrètement à la question « Que dois je faire ? » (Socrate illustre bien cette approche). Pour Schopenhauer, la tradition se trompe en accordant le primat au o, τι de la vertu, en effet, la véritable difficulté réside dans le διοτι. Pour Schopenhauer, la tradition philosophique a choisi la facilité en voulant seulement établir un principe théorique, il est beaucoup plus problématique de dicter un comportement juste aux hommes par rapport à leurs actions particulières.

    Selon Schopenhauer, la morale de Kant est donc complètement détachée de la réalité. En effet, Schopenhauer pense que la morale doit tirer sa teneur de l’expérience. Or, Kant soutient que « dans une philosophie pratique, il ne s’agit pas de donner les raisons de ce qui arrive, mais les lois de ce qui devrait arriver, cela n’arrivât-il jamais. » Voici un présupposé extrêmement problématique pour Schopenhauer. En effet, à quoi peut bien servir la morale si elle n’est pas appliquée dans la réalité ? Pourquoi fonder une loi qui ne sera respectée par personne ? Comment peut on prétendre avoir cerné l’essence de la morale sans prendre en compte les actions humaines ?

    Schopenhauer, dans le chapitre II du Fondement de la morale, commence par accorder un point positif à la philosophie morale de Kant, elle aurait réussi à se détacher de la tradition antique mais aussi de la pensée moderne qui rapportent toujours la morale au bonheur ; respectivement sous un rapport d’identité et de causalité. « Kant a bien mérité de la morale en un point : il l’a purifiée de tout souci du bonheur, de tout eudémonisme. » Mais la lucidité pessimiste de Schopenhauer ne concède ce point que pour le critiquer par la suite. En effet, Schopenhauer explique que la notion de « souverain bien » réintègre de manière dissimulée ce souci du bonheur que Kant souhaitait au départ évacuer. «Au fond, toute cette morale n’aboutit qu’à la recherche du bonheur : elle se fonde sur l’intérêt; elle est cet eudémonisme même, que d’abord Kant, le trouvant hétéronome, a éconduit solennellement, par la grande porte hors de son système; maintenant, caché sous le nom du souverain bien, par la petite porte, il s’y glisse de nouveau.» Cependant, on peut penser que l’interprétation de Schopenhauer ne prend pas en compte un certain nombre de nuances. Il ne faut pas faire l’amalgame entre le « souverain bien », alliance de la vertu et du bonheur et l’eudémonisme au sens large. En effet, l’accès au bonheur chez Kant est pensé comme avant tout une soumission à la raison, le primat étant accordé à la vertu. Si la morale de Kant propose un accès au bonheur, il ne s’agit en aucun cas d’une quelconque satisfaction individuelle. Le bonheur réside dans le respect envers la loi. C’est dans un accord total entre la loi morale et l’individu, ou plutôt le sujet, que le bonheur est envisageable. Pour Kant, il n’y a pas de bonheur sans raison, sans vertu, sans morale. La critique de Schopenhauer a donc une validité formelle, mais ne saisit pas toutes les subtilités de la déontologie kantienne, ou plutôt il refuse de les considérer et taxe Kant de pédanterie.

    Le « solitaire de Francfort » formule une objection terrible au chapitre IV du Fondement de la morale, la morale kantienne serait fondée sur une pétition de principe. En effet, Kant, sans aucun souci de démonstration, pose dès le départ que la morale doit être basée sur une loi. Schopenhauer pense que ce présupposé est illégitime car il n’est absolument pas démontré. Pour Schopenhauer, cette loi morale devrait plutôt être déduite que prise comme point de départ de sa réflexion. On ne peut fonder la morale sur les notions de nécessité morale et de devoir car elles sont relatives par essence. Autre objection intéressante de Schopenhauer : si la loi morale est fondée a priori, elle doit être universelle et nécessaire. Or, Kant le soutient lui-même, « il est absolument impossible de cerner par expérience avec une complète certitude un seul cas ou la maxime d’une action par ailleurs conforme au devoir ait reposé purement et simplement sur des principes moraux et sur la représentation du devoir. » Comment se fait il alors qu’une loi fondée sur l’a priori et donc nécessaire n’ait eu aucune répercussion dans la réalité ? Comment se fait il qu’une pure nécessité n’arrive pas, alors que, lorsqu’on regarde dans le premier dictionnaire de philosophie venu, on trouve : est nécessaire tout ce qui ne peut pas ne pas être, en opposition à contingent. Si la loi morale de Kant était si nécessaire et universelle, elle ne manquerait pas d’advenir. Voici un point sur lequel les deux philosophes ne peuvent s’arranger. En effet, pour Kant, si la loi morale n’est pas suivie par les hommes, c’est parce qu’ils font un mauvais usage de leur liberté. Or, pour Schopenhauer, l’homme n’est pas libre, il n’a aucun rempart contre le déterminisme, il ne peut que se soumettre à la nécessité.

    Une autre critique est lancée contre les successeurs de Kant, et en particulier contre Fichte qu’il méprise particulièrement et l’accuse d’être un philosophailleur, un « Hanswurst » (Jean- saucisse), dans le théâtre de marionnettes allemand ce nom désigne le personnage qui répète les gestes du héros (en l’occurrence Kant). Schopenhauer pense que la reprise fichtéenne de l’idéalisme transcendantale n’est qu’un miroir grossissant des défauts du système kantien. Fichte, donc, pense que la loi morale de Kant s’appuie sur des faits de conscience, comme si elle était tirée d’une exigence interne. Or, aux yeux de Schopenhauer, et c’est un point que l’on peut difficilement réfuter, s’appuyer sur la conscience, c’est fonder la morale sur l’anthropologie et donc sur l’expérience. Cette interprétation de Fichte entre en contradiction radicale avec la volonté kantienne de fonder la morale sur le pur a priori, et donc complètement indépendamment de l’expérience. « Il ne faudrait pas se laisser aller à cette pensée, qu’on doit pour établir la réalité du principe moral, la déduire de la constitution particulière de la nature humaine. » ; « Il ne s’agit pas de rien tirer par déduction de notre connaissance de l’homme, de l’anthropologie. » Voilà la preuve, les arguments que Kant donne à Schopenhauer pour discréditer la réflexion de ses héritiers qui affirmeront que la loi morale repose sur des faits de conscience. Cependant, Kant précise, et Schopenhauer a apparemment délaissé cet aspect, que sa morale pour ne pas être un concept vide, « une coquille sans noyau » (expression de Schopenhauer), doit se conformer aux lois de la nature. Il faut nécessairement que sa morale, pour ne pas être détachée de la réalité, trouve sa place dans l’ordre des causes. Cela n’est possible qu’en présupposant la liberté comme autonomie de la volonté. Et c’est, sans aucun doute, sur ce point que l’ensemble de la critique schopenhauerienne tourne, les autres arguments qu’il présente dans son Fondement de la morale, sont en fait assez secondaires.

    Cependant, une objection presque aussi fondamentale est formulée par Schopenhauer, elle concerne la forme « impérative » de la morale kantienne. Une des notions centrales de la déontologie kantienne, « le respect face à la loi », masque en fait une influence dont Kant, malgré tous ses efforts, n’arrive pas à se détacher : la morale des théologiens. En effet, Schopenhauer, toujours dans le Fondement de la morale (Chapitre VI), s’étonne de cette dénomination singulière. Pourquoi Kant parle-t-il de « respect »? Schopenhauer considère que cette notion de respect n’est là que pour masquer la véritable nature de son impératif, ce n’est pas un « respect face à la loi » qu’exige Kant, mais bien plutôt une « soumission ». Soumission à quoi ? À une loi ? Certainement pas, pense Schopenhauer, ou du moins cette loi n’est pas celle que nous croyons. La morale de Kant qui se veut désintéressée de l’intérêt particulier est en fait mensongère. Aux yeux de Schopenhauer, derrière cette morale abstraite ce cache une entité que nous connaissons bien : dieu. L’impératif catégorique est perçu comme un emprunt au Décalogue de Moïse. La morale kantienne repose donc sur l’hypothèse suivante : une volonté étrangère (Dieu) commande, châtie et promet des récompenses (mais bien sur ne récompense pas). Or, selon Schopenhauer, plus une hypothèse est naturellement théologique, moins elle est philosophique. Seul l’athéisme peut espérer fonder une morale objective. Kant n’est que la victime du théisme occidental. La critique de la Métaphysique kantienne va donc de pair avec celle du théisme occidental.

    L’impératif catégorique, dans sa forme même, trahit donc une influence à laquelle Kant ne peut renoncer. Pour Schopenhauer, derrière cette forme impérative se trouve en fait un « Tu dois ! », preuve incontestable de l’inclination, peut être inconsciente, de Kant. Si, comme le dit Schopenhauer, l’impératif catégorique dissimule la morale des théologiens, alors la morale kantienne perd ce qui faisait qu’elle était désintéressée (sur le plan individuel). En effet, si l’homme n’est pas soumis à une loi transcendantale comme le pense Kant, mais bien à un commandement divin, alors l’homme qui se soumet à cette morale se voit influencé par « le désir de récompense» et par « la crainte du châtiment ». La loi morale de Kant, qui avait une exigence universelle, s’écroule sous les coups d’un tel présupposé. Elle est reconduite à l’intérêt individuel, l’homme n’est plus moral que par crainte de l’enfer. Schopenhauer, dans sa lancée, vocifère contre une autre formulation de l’impératif catégorique tout aussi problématique que la première : « Agis uniquement d’après une maxime telle, que tu puisses vouloir, au même moment, la voir érigée en loi universelle, valable pour tout être raisonnable. » En fait, Kant s’exprime en ces termes : « « Je ne dois jamais me conduire autrement que de telle sorte je puisse aussi vouloir que maxime soit vouée à devenir une loi universelle. » (Fondation de la métaphysique des mœurs, 1ère section, p.71). Pour Kant, l’agir moral n’est possible que s’il est le produit d’une volonté, dépouillée de motifs extérieurs, qui n’aurait pour autre but que l’universalisation de son action. L’agir, chez Kant, n’est moral que s’il est universalisable.

    Pour Schopenhauer, la loi de Kant repose sur une réciprocité supposée et donc sur l’égoïsme (chapitre VII duFondement de la morale). En effet, je ne souhaite agir d’une certaine manière que car je sais que j’aimerai qu’on se comporte de même avec moi. La loi de Kant serait en fait forgée par l’égoïsme. C’est, aux yeux de Schopenhauer, la seule qualité (au sens d’attribut) humaine, typiquement humaine, capable de décider de cette loi. L’exigence d’universalité dissimule en fait un juge bien peu moral. La loi kantienne, même si elle est formulée de manière positive, se résumerait à cette parole biblique bien connue : « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse. » C’est bien parce que je ne veux pas souffrir que je décide de forger une loi basée sur l’universalité. Pour Schopenhauer, la loi kantienne n’est pas désintéressée, bien au contraire, elle serait comme un égoïsme cristallisé.

    Ce point nous amène à nous pencher sur une autre prise de position problématique de Kant. Il dit, dans la troisième section du Canon de la raison pure intitulé de l’opinion, du savoir et de la croyance (in Critique de la raison pure), que pour que la loi morale ait un sens, pour qu’elle ne soit pas vaine, l’homme doit penser que, dans l’Au delà, dieu considérera à juste titre et récompensera l’agir moral en rendant notre âme immortelle. Où se trouve alors le désintéressement ? Voilà ici, formulée par Kant lui-même, une contradiction. En effet, si l’homme, afin de supporter cette contrainte morale assez inhumaine qu’est la déontologie kantienne, espère quelque chose de dieu, alors il n’est plus dans le désintéressement. Le « Que dois-je faire ? » ne doit pas, pour rester cohérent avec la doctrine kantienne, se rapporter au « Que m’est-il permis d’espérer ? » Et cela, Schopenhauer, nous l’avons vu plus haut, l’avait bien remarqué. La loi morale de Kant, qui n’est ce qu’elle est que parce qu’elle remplie les critères d’universalité et de désintéressement, se voit ici dépouillée de ce qui la constituait. On peut dire que Schopenhauer désarme la loi morale en découvrant derrière l’exigence d’universalité un égoïsme indestructible et derrière un prétendu désintéressement, un espoir de récompense dans l’Au delà. Autre argument important de Schopenhauer : la Raison ne peut fonder la morale. Kant forge une identité inédite mais surtout discutable entre l’acte moral et l’acte raisonnable. Pour Schopenhauer, ce sont deux domaines complètements différents, ils ont toujours été distingués, il n’y a que Kant qui a pensé que la vertu ne puisse être issue d’autre chose que de la raison. Aux yeux de Schopenhauer, la raison doit servir à fonder la science mais en aucun cas la morale, celle-ci doit être déterminée selon l’ordre des sentiments. Cette objection, à première vue séduisante, est en fait au moins aussi problématique que l’hypothèse de Kant. En effet, il faut présupposer la raison pour expliquer les interrogations humaines, l’homme ne se serait pas mis à s’interroger sur une quelconque morale s’il ne possédait la raison. Elle est la condition nécessaire de tout questionnement humain. Ceci dit, l’objection de Schopenhauer demeure intéressante. L’équivalence agir raisonnable / agir moral doit être nuancée. En effet, un acte commandé par la raison n’est pas nécessairement moral. Il suffit de regarder dans l’histoire des hommes pour se rendre compte que la raison s’est souvent faite l’alliée du mal. Parallèlement, on peut donner l’exemple d’un acte moral et déraisonnable, celui de Schopenhauer est le suivant : « (…) si je donne à un pauvre aujourd’hui ce dont j’aurai demain plus besoin que lui encore ; si je me laisse aller à prêter à un homme dans l’embarras une somme qu’attend un créancier ; semblables cas ne sont point rares. » (Chapitre VI)

    Schopenhauer se montre également très sceptique devant une distinction mystérieuse de Kant, entre homme et être raisonnable fini. Pourquoi cette distinction ? Quelle est son utilité ? Pour Schopenhauer, il est illégitime d’opérer une telle distinction. En effet, si l’on ne peut pas penser l’étendue sans les corps, au même titre, on ne peut concevoir la raison indépendamment de l’homme. Même s’il est évident que Kant ne pense pas aux « bons anges » qu’évoque Schopenhauer, on peut penser très sérieusement qu’il considère qu’une autre forme de raison est possible. Cette hypothèse, même si elle est toute théorique, peut être confirmée à la lecture de la troisième section du Canon de la raison pure (que nous avons déjà cité) dans la première Critique : « S’il était possible de décider de la chose par quelque expérience, je parierais volontiers tous mes biens qu’il y a des habitants dans au moins quelques unes des planètes que nous voyons. Ce pour quoi je dis que ce n’est pas simplement une opinion, mais une forte croyance, qui me fait penser qu’il y a aussi des habitants dans d’autres mondes. »

    Schopenhauer et Kant sont donc, en morale, irréconciliables, ils ne peuvent s’entendre car abordent le problème de façons trop différentes. Kant cherche à déterminer une forme pure de l’agir moral à travers son impératif catégorique, c’est-à-dire formuler une loi qui, si elle est suivie, assurerait la moralité d’un acte, ou du moins cet acte serait « conforme au devoir ». Le problème réside en ce point, il ne serait que « conforme au devoir », l’homme qui agit « par devoir » est une chimère. Pour Schopenhauer, l’homme est inévitablement déterminé par des motifs sensibles, il est toujours intéressé, il ne peut considérer l’autre comme une fin, il le considérera toujours comme un moyen. Cependant, Kant savait très bien que sa loi morale ne pouvait être suivie, c’est une exigence que l’homme est incapable de remplir, est c’est certainement cela que l’on peut lui reprocher. Pourquoi fonder une morale à ce pont déconnectée de la réalité, même si Kant affirme qu’il prend pour point de départ la finitude de l’homme pour penser la morale, on peut se demander si, en chemin, il ne l’a pas oubliée. Schopenhauer nous présente donc dans le Fondement de la morale une critique sévère qui met en relief les failles de la déontologie kantienne, notamment son attachement problématique au protestantisme qui la rend, pour Schopenhauer, inévitablement faussée. Ce dernier souligne également quelques postulats discutables, en l’occurrence le choix arbitraire de la loi comme fondement ou encore l’identification raison / morale. Mais ce qui reste le plus fondamental dans la critique schopenhauerienne est la mise en lumière de certaines contradictions, en premier lieu, l’hypothèse du libre arbitre basée sur l’autonomie de la volonté, parti pris absolument irrecevable pour Schopenhauer, mais également la prétention à rompre avec l’eudémonisme, chose que Kant, après examen, n’a pas vraiment réussi à faire, notamment en liant sa morale, qui se veut désintéressée, à l’espoir d’une âme immortelle auprès de dieu. Schopenhauer, de manière plus général, pense que la morale kantienne n’a qu’une valeur théorique, et cela revient en fait à dire qu’elle n’en possède aucune. Schopenhauer, dans la deuxième partie du Fondement de la morale, propose à son tour une morale qui se veut beaucoup plus pratique et qui se base, non plus sur la raison ou la liberté, mais sur la pitié.

    M. http://philitt.fr/2012/10/28/schopenhauer-critique-de-la-morale-kantienne/

  • Aude de Kerros : l’Art contemporain, « un double hold-up sémantique »

    Le graveur et essayiste Aude de Kerros a bien voulu partager avec NOVOpress quelques réflexions issues de son dernier ouvrage « L’imposture de l’Art Contemporain ». Un entretien d’une grande richesse que nous publions en trois parties.

    NOVO : votre dernier livre « L’imposture de l’Art Contemporain » semble dénoncer une tromperie, ou réside l’imposture ? De quel ordre est-elle ?
    A. de Kerros : Le mot « imposture » signifie tromperie, ce qui se fait passer pour ce qu’il n’est pas — et le mot « utopie » veut dire : construction imaginaire ou conception qui paraît irréalisable — si l’on en croit le « Larousse »
    L’appellation « Art contemporain » est le résultat d’un double hold-up sémantique : il ne désigne pas « l’Art », c’est-à-dire le langage non verbal, délivrant un sens au-delà des mots par l’accomplissement de la forme, de la matière, de la couleur. Il désigne une procédure conceptuelle dont le but est la critique ou la déconstruction d’une œuvre déjà existante ou d’un contexte. Par ailleurs, I’AC n’est pas comme son nom l’indique « tout l’art d’aujourd’hui », mais uniquement un de ses courants : le conceptualisme.

    l_imposture_de_l_art_contemporain.jpgL’imposture de l’Art contemporain – Une utopie financière
    Editions Eyrolles

    Il n’y a rien de commun entre les deux pratiques. L’Art s’évalue d’après des critères esthétiques et de correspondance de la forme et du fond. L’AC se juge selon des critères moraux, d’efficacité, d’utilité. En effet, la très morale finalité de l’AC est de tendre un piège au « regardeur » afin de le déstabiliser et le remettre en question, pour son bien. En détruisant toute certitude, il se veut facteur de paix et de renouvellement permanent. L’humanitarisme de ce dogme, enseigné dans les écoles dès le jardin d’enfants, cache les autres « applications » et utilités financières, monétaires plus triviales.

    NOVO : Vous expliquez bien dans votre livre comment se fabrique la valeur de l’Art Contemporain, que vous désignez sous l’acronyme AC, pour ne pas le confondre avec « tout l’art d’aujourd’hui ». Sa valeur se fixe-t-elle sur un vrai marché ? Sommes-nous devant une nouvelle forme de création monétaire, permettant le recyclage d’argent clandestin ?
    A. de Kerros : L’art conceptuel, apparu avant la guerre de 14, recyclé en arme de la guerre froide culturelle au cours des années 60, imposé comme seul « contemporain » au cours des années 70, devient en l’an 2000, après la chute du mur de Berlin, un outil de la globalisation en devenant un « financial art ».

    Les œuvres sont devenues sérielles, avec des produits d’appel haut de gamme pouvant atteindre des cotes astronomiques, déclinées en marchandise industrielle aux quantités et formats divers, adaptés à tous les budgets. L’arbitraire des réseaux de collectionneurs qui en fabriquent la valeur remplace les critères et repères intelligibles de la valeur artistique.
    Nous sommes désormais devant un AC devenu un produit à la fois financier et monétaire, très maîtrisé et sécurisé par ses détenteurs, peu nombreux, mais collectionnant en réseau fermé et fixant eux-mêmes les prix d’œuvres souvent sérielles. Ils battent monnaie ! Ils sont les créateurs et maîtres d’une liquidité adaptée à la globalisation, hors législation financière, fisc et douanes. C’est une virtuosité financière ! Un chef d’œuvre de petite monnaie, d’argent de poche pour une hyper classe qui ne raisonne qu’économiquement, au-delà des identités, religions, et nations

    Quel rapport avec les Arts plastiques ? Aucun, mais en revanche la nature conceptuelle de l’AC, permet les applications que vous évoquez. En effet, l’énoncé discursif de l’œuvre suffit à son existence. Une « pièce » d’AC se matérialise et se dématérialise quand on veut et où on veut. Le contrat d’achat suffit à prouver son existence. On comprendra la proximité qu’entretient ce nouveau type de monnaie avec d’autres modalités fiduciaires… l’avantage d’exception de l’AC réside en ce qu’il ne dépend d’aucun État, ne connaît aucune frontière.

    NOVO : L’hyper-visibilité de ces produits qui résulte de plans marketing et de com., occulte les nombreux autres visages — « cachés » — de la création d’aujourd’hui, aussi divers que méconnus.
    A. de Kerros : La censure de fait que produisent la com et le marketing en occultant tout ce qui n’entre pas dans ce cadre et plus subtile, mais infiniment plus pernicieuse et fatale que celle jadis pratiquée par le dictateur ou même le Prince. Ils donnaient à l’artiste, au moins le prestige de la résistance et celui-ci pouvait se réfugier dans des lieux plus cléments. L’AC occupe tout l’espace visible et audible par le scandale, l’évènement, la transgression le spectacle hallucinant du très haut marché, il sidère. Une œuvre qui ne repose pas sur ces méthodes de marketing n’accède pas à la visibilité. L’artiste à l’inspiration non conceptuelle n’a pas de recours à d’autres modes d’évaluation et de reconnaissance. Il se trouve exclu du marché.
    Économiquement d’ailleurs son travail à la main, d’œuvres uniques, de faible production, rend son travail non exploitable et non rentable, sans utilité ni lieu. Tel un lettré chinois, il peint, après avoir accompli un travail nourricier, créé pour lui-même et quelques amis. Il est invisible libre.

    http://fr.novopress.info/199323/aude-de-kerros-lart-contemporain-un-double-hold-up-semantique/#more-199323

  • La Démocratie au Moyen Âge !

    En dépit de la vague romantique qui, au XIXe siècle, va entreprendre une réhabilitation partielle et souvent mythique du récit « historique » de cette longue époque (un millénaire) que les érudits de la renaissance ont reléguée au rang de « moyen-âge », l’imagerie commune en garde encore des idées complètement fausses : le moyen-âge, pour beaucoup, c’est l’époque où le petit peuple, ignorant et analphabète, est soumis au diktat implacable d’un ordre politique militaire monarchique, et d’un ordre spirituel clérical séculaire et dogmatique ; c’est l’époque des seigneurs, de l’inquisition, des sorcières et des bûchers ; c’est l’époque des guerres incessantes, des croisades sanglantes et de la peste ; en résumé, le moyen-âge serait une époque obscure, sombre, « gothique ». Voici ce que nous en dit Michel FRAGONARD :

    « (…) l’histoire représente, au XIXe siècle, un enjeu « politique » essentiel (en témoigne d’ailleurs l’attention des gouvernements, dont l’action d’un Guizot, lui-même historien, est le meilleur exemple) : sa promotion est inséparable de l’affirmation du sentiment national, fruit à la fois de la Révolution française et des courants romantiques allemands ; et l’un des enjeux essentiels est la question des origines nationales. On comprend alors l’intérêt des historiens, initiateurs et propagateurs de cette conscience nationale, pour le Moyen Age, aux fondements de la nation. Intérêt non dépourvu de considérations idéologiques : au moment où, en France, conscience nationale et aspiration démocratique sont intimement liées dans unemystique du « peuple » (notion combien ambiguë), l’œuvre d’Augustin Thierry (Récits des temps mérovingiens, Essais sur la formation et les progrès de l’histoire du Tiers État) est sous-tendue par une thèse historico-ethnique (les origines proprement « gauloises » du peuple français, à contre-pied d’une historiographie « aristocratique » insistant sur les origines franques). Dans cette quête historique d’un Moyen Age où se trouvent les sources de la nation, l’exemple le plus illustre, en France, est celui de Michelet, qui consacre six volumes de sa monumentale Histoire de France (inachevée) au Moyen Age et qui, dans ses autres ouvrages, revient régulièrement sur la période (voir la Sorcière). »

    Il nous suffit de voir à quoi ressemble ce mouvement culturel « gothique » né dans les années 1990, qui mêle à la fois l’imagerie mythique de ce moyen-âge du XIXe siècle et les idées les plus noires que le quidam se fait de cette ère. Vêtus et maquillé de noir ou de sombre, visages tristes ou désespérés, véhicules « morts-vivants » d’un romantisme lui-même sombre, noir et désenchanté.

    Que dire alors de l’idée que l’on se fait au sujet de la politique au moyen-âge ? A l’évocation d’une démocratie au moyen-âge, la plupart vont faire les yeux ronds et se dire « mais de quoi parle-t-il ? ». Moyen-âge et démocratie sont deux termes que la plupart considèrent antinomiques. Or, la réalité est bien différente. La démocratie était plus vivace durant la majeure partie du moyen-âge et de la renaissance, qu’elle ne le fut depuis la Révolution. En fait, c’est la Révolution qui va éteindre un ensemble de pratiques démocratiques populaires qui perdurera jusqu’au XVIIIe siècle.

    Ce que je découvre, en parcourant l’excellent livre de Francis Dupuis-Déri « Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France », est entre autre une déconstruction radicale de ce moyen-âge obscurantiste que l’élite contre révolutionnaire et le « siècle des Lumières » a durablement imprimé dans nos esprits. Permettez-moi de partager avec vous les quelques passages de ce livre qui nous éclairent sur cette activité démocratique vivace au moyen-âge.

    « Au Moyen Age et pendant la Renaissance européenne, des milliers de villages disposaient d’une assemblée d’habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les « communautés d’habitants », qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d’administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées. Les autorités monarchiques ou aristocratiques ne s’ingéraient pas dans les affaires de la communauté, qui se réunissait en assemblée pour délibérer au sujet d’enjeux politiques, communaux, financiers, judiciaires et paroissiaux[1]. »

    Voilà déjà qui tranche avec les images d’une monarchie omnipotente et omniprésente, gérant, en collaboration avec l’Église, tous les faits et gestes de leurs sujets. En réalité, l’aristocratie nobiliaire avait bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper des affaires du peuple, et elle laissait donc volontiers à ses gens le soin de s’occuper de leurs propres affaires. Le peuple disposait donc de fait d’une large autonomie, autrement plus grande que nous n’en disposons actuellement sous le régime prétendument représentatif. Et cette autonomie s’étendait sur des domaines importants et essentiels, comme nous allons le voir.

    « On discutait ainsi des moissons, du partage de la récolte commune ou de sa mise en vente, de la coupe de bois en terre communale, de la réfection des ponts, puits et moulins, de l’embauche de l’instituteur, des bergers, de l’horloger, des gardes-forestiers, parfois même du curé, des gardiens lorsque sévissaient les brigands, les loups ou les épidémies. On y désignait ceux qui serviraient dans la milice, on débattait de l’obligation d’héberger la troupe royale ou de l’utilité de dépêcher un notable pour aller soumettre à la cour des doléances au nom de la communauté. »

    Imaginez que, dans votre ville ou votre commune, de nos jours, vous puissiez, par le biais d’une assemblée communale publique, décider en commun de la répartition de la récolte commune ou de sa mise en vente (alors qu’aujourd’hui, les paysans – souvent les « serfs » modernes de l’industrie agro-alimentaire – se voient imposer leur cotât de production, les prix de vente, le cahier des charges et jusqu’aux semences qu’ils peuvent utiliser), la réfections ou l’édification des ouvrages d’art (routes, voiries communales, ponts, éoliennes, barrages, écluses, etc.), de qui, parmi les habitants, servira dans la police municipale (qui est maintenant un corps centralisé au service de l’Etat, et non du peuple). Impensable, n’est-ce pas ? Pourtant, les assemblées d’habitants étaient dynamiques.

    « Il y avait environ dix assemblées par an, parfois une quinzaine. Elles se déroulaient sous les arbres (le chêne), au cimetière, devant ou dans l’église, ou encore dans un champ. Bref, dans un lieu public, car il était interdit de tenir l’assemblée dans un lieu privé, pour éviter les magouilles. Une étude statistique de quelque 1500 procès-verbaux indique que ces assemblées comptaient en moyenne 27 participants, soit une représentation d’environ 60% des foyers des communautés, et pouvaient même accueillir jusqu’à quelques centaines d’individus, dont 10 à 20% de femmes. Mais à l’époque, dix personnes suffisaient pour former « un peuple » et tenir une assemblée. La participation à l’assemblée était obligatoire et une amende était imposée aux absents quand l’enjeu était important. Un quorum des deux tiers devait alors être respecté pour que la décision collective soit valide, par exemple celle d’aliéner une partie des biens communs de la communauté (bois ou pâturage). Il était si important que la communauté s’exprime que même lorsque la peste a frappé dans la région de Nîmes, en 1649, l’assemblée a été convoquée dans la campagne sur les deux rives d’une rivière, pour permettre de réunir à la fois les personnes ayant fui la ville et celles qui y étaient restées. En général, le vote était rapide, à main levée, par acclamation ou selon le système des « ballote » distinguant les « pour » des « contre » par des boules noires et blanches. Lorsque la décision était importante, les noms des personnes votantes étaient portés au procès-verbal. »

    Ainsi, le peuple, au moyen-âge, parvenait à s’autogérer sur tout un ensemble de domaines considérés non comme « privés », mais comme publiques, car à l’inverse de nous, les « modernes » atomisés par une culture du chacun pour soi (la culture individualiste que nous devons à l’origine aux physiocrates du XVIIIe siècle et à leurs successeurs libéraux et capitalistes du XIXe et du XXe siècle), nos ancêtres « médiévaux » avaient conscience de l’interdépendance mutuelle dans laquelle ils étaient, et la majeure partie des ressources produites par la terre étaient considérées comme un ensemble de richesses communes, non comme des richesses privées. Cela n’empêchait pas le commerce, l’artisanat, ni même une certaine forme d’industrie. Ils parvenaient, en dépit de leurs intérêts individuels, à s’entendre et à gérer eux-mêmes ces ressources en commun, chose qui nous semblent aujourd’hui hors de portée – il suffit, pour s’en convaincre, de voir les commentaires récurrents qui décrient l’apathie populaire et considère, aujourd’hui, la masse comme incapable de débattre et de décider communément de ses propres intérêts. Ainsi, il serait impossible aux hommes « modernes » de ce XXIe siècle de faire ce que les paysans « incultes » du moyen-âge faisaient couramment ? Si cela est vrai, pouvons-nous encore parler de « progrès de la modernité » ? Ne devrions-nous pas plutôt faire le terrible constat de la régression imposée par cette « modernité » ?

    « La démocratie médiévale, bien vivante alors, mais aujourd’hui si méconnue, permettait au peuple de traverser de longs mois sans contact direct avec des représentants de la monarchie, une institution qui offrait finalement très peu de services à sa population composée de sujets, non de citoyens. En d’autres termes : un territoire et une population pouvaient être soumis à plusieurs types de régimes politiques simultanément, soit un régime autoritaire (monarchie pour le royaume, aristocratie pour la région) et un régime égalitaire (démocratie locale ou professionnelle). »

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  • Grenoble, 21 mars : une conférence du Centre Lesdiguières à ne pas rater

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    Publiés en 1796, au lendemain de la révolution en France, les Considérations sur la France se révèlent comme une des sources les plus profondes de la pensée contrerévolutionnaire. Les maux dont souffre la France aujourd’hui ne trouvent-ils pas leur source dans ce que critiquait le penseur savoyard ?
    A partir des commentaires d’Alain Peyrefitte, Hubert d'Abtivie ou Lars Klawonn, l’intervenant montrera comment la pensée maistrienne, qui inspire le courant  traditionaliste anti-moderne (Charles Baudelaire, Barbey d'Aurevilly , Léon Bloy, Ernest Hello, Bernanos, Emile Cioran…) éclaire toujours notre situation actuelle.

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    Centre Lesdiguières -  Le Buissert  38340 Pommiers-la-Placette

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