Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1253

  • LITTERATURE • Maurras en son chemin de paradis [1]

    par Hilaire de Crémiers 

    C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ».  Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.

    Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.

    Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue.

    Nous mettrons en ligne, les cinq prochains samedis, cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond.  Lafautearousseau  

    Le Chemin de Paradis sur Maurras.net

    (Texte complet)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Une histoire mondiale du communisme – Thierry Wolton livre une étude magistrale du totalitarisme le plus mortifère du XXème siècle

    Thierry Wolton était déjà connu pour une vingtaine d’ouvrages, la plupart consacrés à différents aspects du communisme. Avec cette Histoire mondiale du communisme, Thierry Wolton restera comme l’auteur d’une somme magistrale consacrée au totalitarisme le plus mortifère du XXème siècle.

    De prime abord, le lecteur sera surpris par l’épaisseur de ces deux « pavés » (le troisième étant annoncé pour 2017). Pourtant, rien n’y est superflu. Chaque élément vient utilement renforcer la connaissance de ce monstre politique qui, partout où il a été expérimenté, s’est révélé tyrannique et sanguinaire.

    « D’une main de fer, nous conduirons l’humanité vers le bonheur« , était le slogan des îles Solovki, premier camp de rééducation en Russie bolchévique. Toute l’investigation historique qui nous est livrée par Thierry Wolton démontre que ce communisme, qui a porté les plus folles espérances de certains, s’est partout et toujours imposé et maintenu par cette impitoyable « main de fer« .

    Le système communiste s’est appliqué sur un tiers de l’humanité, à travers une trentaine de pays en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Les mécanismes du pouvoir ont systématiquement été les mêmes, malgré les variations idéologiques. L’objection des singularités nationales ou des conjonctures malheureuses pour tenter de relativiser les abominations du communisme ne peut donc être retenue.

    « La violence est la sage-femme de la révolution« , écrivit Lénine. Sous sa direction, les premiers bolcheviks, après avoir terrassé le tsarisme, éliminent la paysannerie et organisent la famine comme moyen d’extermination de masse. Puis vint Staline et ce fut l’essor du Goulag.

    Le passage consacré à la « Vendée soviétique » et à la liquidation des cosaques mérite une attention particulière, tout comme le chapitre traitant du sort réservé aux pays tombant dans l’escarcelle de l’URSS après Yalta ou encore la partie abordant la terreur khmère rouge.

    Thierry Wolton ne se limite pas à énumérer l’histoire criminelle du communisme, il démonte aussi la pensée communiste, dès Marx qui s’inspire de la théorie de l’évolution de Darwin pour prétendre expliquer scientifiquement l’évolution des sociétés humaines. Avec Marx, le communisme se veut aussi l’avènement de la divinité de l’homme – marquée par la foi dans la science et le progrès – succédant à celle de Dieu. Les théories de Marx parachèvent ainsi le processus engagé par la Révolution française. Ensuite, dans l’esprit de Lénine et de ses successeurs, le christianisme est non seulement un ennemi idéologique mais aussi le principal obstacle à abattre. En URSS, entre 1917 et 1980, 200.000 membres du clergé ont été exécutés et 500.000 autres emprisonnés ou déportés. Dans d’autres pays, le Kremlin fait le choix de contrôler le clergé plutôt que de le réprimer. Ainsi, en Hongrie, en 1956, les communistes estimaient contrôler 40 % des postes clés au sein de l’Eglise catholique.

    De même, l’auteur analyse remarquablement la logique de fabrique des ennemis qu’entretient le communisme, avec la criminalisation des élites, la « prophylaxie des purges » et l’impérieuse lutte des classes.

    Le travail réalisé par Thierry Wolton est colossal et méthodique. Il offre une vision à la fois globale et détaillée du communisme. Rien n’échappe à son enquête. L’eugénisme, les expériences sur les prisonniers et les trafics d’organes, l’arme psychiatrique, l’anéantissement de l’intelligence, le modèle d’Etat policier, les privilèges des chefs et de leur nomenklatura,…, tout est passé au crible.

    Avec, en conclusion, la conquête du samizdat et les voix de la dissidence.

    Il faut encore ajouter que la qualité d’écriture de cette histoire mondiale du communisme fait qu’une fois plongé dans sa lecture, vous aurez du mal à vous interrompre.

    Une histoire mondiale du communisme, tome 1 : Les Bourreaux (1128 pages), tome 2 : Les Victimes (1132 pages), Thierry Wolton, Grasset, prix de lancement jusqu’au 31 janvier 2016 : 33 euros le volume

    A commander en ligne sur le site de l’éditeur

    http://www.medias-presse.info/une-histoire-mondiale-du-communisme-thierry-wolton-livre-une-etude-magistrale-du-totalitarisme-le-plus-mortifere-du-xxeme-siecle/42539

  • Qui est Alexandre Douguine ?

    Alexandre Guelievitch Douguine, né à Moscou le 7 janvier 1962, dans une famille de militaires, est un théoricien politique russe. Son père était officier du KGB. Douguine est décrit comme un patriote russe passionné, un intellectuel et un fidèle de la religion orthodoxe (dans la branche traditionaliste des « vieux croyants »). Il serait polyglotte, parlant neuf langues, et a obtenu un doctorat en histoire de la science, en 2001, et un second en science politique, en 2004. Récemment dans la presse française, en particulier dans le Nouvel Observateur, nous avons eu droit à des portraits du personnage. Il serait une sorte de Raspoutine mâtiné de rouge brun, que l’on transformait en conseiller le plus écouté de Poutine. Ce qui bien évidemment n’était pas destiné à nous rassurer sur l’ennemi favori du moment de nos médias.
    Il est vrai que le personnage fait partie de ces gens qui ont oscillé à la chute de l’Union soviétique entre le communisme et un nationalisme grand russe et noué de ce fait des liens avec une certaine extrême-droite européenne, ils sont issus d’un traumatisme de la société russe post-soviétique que l’on peut symboliser par un événement qui a été évacué de la mémoire occidentale: la manière dont Elstine pour imposer les privatisations et les diktats américains, la base de l’oligarchie encore actuellement au pouvoir, a fait tirer sur l’Assemblée du peupe hostile aux réformes.Sous la direction de conseillers US et soutenu par les milieux capitalistes occidentaux, Boris Eltsine avait lancé son programme de réformes le 2 janvier 1992, qui entraînèrent rapidement une baisse catastrophique du niveau de vie pour la population (ce qui fut qualifié de « génocide économique » par le vice-président Alexandre Routskoï). Survint alors la « crise constitutionnelle russe » ; le pouvoir législatif (encore largement basé sur des structures de l’époque soviétique tardive) et le pouvoir exécutif entrèrent en conflit. 

    En septembre 1993, la crise politique atteignit un point de non-retour. Eltsine proclama son intention de poursuivre ses réformes et déclara dissous le Parlement (ce qu’il n’avait pas le droit de faire d’après la Constitution). Le Parlement refusa cette dissolution, démit Eltsine, et en appela au soutien de la population.

    Limonov et Douguine soutinrent cette « révolte » des députés, maladroitement dirigée par Khasboulatov (président du Parlement) et par l’ancien colonel de l’Armée rouge, Alexandre Routskoï. Finalement, la hiérarchie militaire bascula du côté d’Eltsine (qui bénéficiait aussi du soutien des États-Unis) et la « révolte » fut écrasée par la force. Le 4 octobre, Eltsine fit tirer au canon sur le Parlement, qui fut ensuite pris d’assaut. Douguine fut lui-même pris dans la fusillade dans le quartier d’Ostankino (devant le bâtiment de la télévision russe). La population dans son ensemble était hostile aux réformes ultra-libérales mais n’avait ni organisation, ni leader.

    On ne comprend rien à ce qui se joue aujourd’hui y compris à partir de la situation en Ukraine si l’on occulte ce drame que fut la fin de l’Union soviétique. Les tentatives multiples de trouver dans le Parti communiste une force de résistance aussi bien par Douguine que par l’autre conseiller du président Poutine Sergei Glazyev, qui lui s’affirme beaucoup plus à gauche… La seule chose qui rapproche ces deux hommes est leur refus de l’oligarchie, de la corruption qui entraîne la Russie vers la soumission à l’occident et qui les oppose à toute une aile du parti de Poutine, pro-occidental, y compris le premier ministre.

    Poutine, malgré sa réputation d’autocrate, est un homme qui prend des avis contradictoires, y compris du Parti communiste de la Fédération de Russie dont il ne cesse de chercher un soutien qui lui est accordé au plan international, mais qui se heurte à une franche opposition en ce qui concerne le plan intérieur et la politique au profit des oligarques qui nuit autant à la population qu’au développement national, selon les communistes. Ces derniers dans la crise ukrainienne ont marqué une volonté anti-occidentale, ne cherchant pas à ménager, ni les Etats-Unis, ni l’Europe et un soutien plus affirmé aux insurgés, de ce fait on retrouve dans la révolte de la population du Donbass les mêmes forces qui s’unissent pour résister.

    Mais il est évident que la situation en Ukraine, offensive de l’OTAN, et surtout le massacre dans le Donbass d’une population russe se traduit par un débat très âpre chez les intellectuels comme dans le peuple russe. Si la position de Poutine est majoritairement approuvée, il existe des tensions et aussi bien à gauche que les chez ultranationalistes orthodoxes une volonté de remettre en question l’oligarchie et un soutien plus affirmée aux Russes du Donbass. C’est dans ce contexte qu’il faut lire ce portrait de Strelkov qu'a récemment publié Douguine qui donne le sentiment que cette droite est à la recherche de son général Boulanger.

    Danielle Bleitrach
    notes

    Danielle Bleitrach est une sociologue française née en 1938, elle a été membre du Comité central du PCF, puis du Comité national de ce parti de 1981 à 1996, date à laquelle elle en démissionne. En 2003, elle a quitté le PCF, tout en se considérant toujours comme communiste. Elle a également été rédactrice en chef adjointe de l'hebdomadaire du Parti communiste destiné aux intellectuels, Révolution.

    http://www.voxnr.com/cc/d_douguine/EupApuFVlyCzkBzWNk.shtml

  • « Boussole » de Mathias Enard

    Jean Ansar s’interroge : Prix Goncourt ou Festival de Cannes ?

    ♦ La propagande du politiquement correct fausse tout

    C’est un livre bien difficile à lire – sinon impossible – qui a été primé par l’autoproclamé plus important prix littéraire français. Mais l’important est-ce encore en France la lecture ? Non l’important c’est le thème. Le Goncourt est un festival de Cannes, une course au politiquement correct.

    On savait que l’Orient serait récompensé après la présentation de la dernière sélection au Musée du Bardo en Tunisie, faute sans doute d’avoir osé le faire à Charlie Hebdo. Pourtant un Goncourt « Je suis Charlie », ça aurait dû plaire.

    Toute récompense ou consécration par des petits milieux qui se croient influents est présentée comme un acte d’ouverture, de tolérance et de résistance, sans risque aucun, certes, mais de résistance tout de même. Il y a longtemps que la lumière ne vient plus d’Orient si tant est qu’elle en est venue un jour, mais le Goncourt, lui, y retourne. Voilà pourquoi les jurés ont choisi une boussole, celle de Mathias Enard.

    L’archi-favori de la critique, avant-garde de plus en plus inutile du snobisme bien pensant, Boualem Sansal était donné gagnant avec une fable, 2084 la fin du monde, qui racontait un monde devenu islamique. Il a sans doute été victime de l’effet Houellebecq et de la peur des amalgames.

    Hédi Kaddour, l’autre favori, donne avec son roman Les Prépondérants une saga venue des sables du désert pour la mémoire de la colonisation. Au printemps 1922, une équipe de cinéma venue de Hollywood s’installe le temps d’un tournage à Nahbès, petite ville imaginaire d’un pays du Maghreb sous protectorat français. Cette irruption de la modernité va alors bouleverser la vie aussi bien des notables traditionnels et de l’élite coloniale que d’une partie de la jeunesse qui rêve d’indépendance. Dans son dernier roman, Les Prépondérants, Hédi Kaddour fait ainsi s’entrechoquer l’univers fantasque de Hollywood et celui de l’Afrique du Nord sous domination française. Un roman sur les occasions ratées de la colonisation dans le cadre des protectorats. C’est partial, bien sûr, mais avec des fulgurances.

    Restait le livre de Tobie Nathan, Ce pays qui te ressemble, qui raconte l’Egypte cosmopolite qui n’existe plus comme tant d’autres pays qui ont cru un temps dans un illusoire vivre-ensemble. Un vivre-ensemble dont étaient garants les « prépondérants » ? Hé oui, tout n’a pas été dit sur la colonisation.

    Mathias Enard dans Boussole raconte les errements d’un musicologue viennois qui rêve sous l’emprise de l’opium, et nous raconte tout ce que l’Orient, selon les fantasmes à la mode, a offert à l’Occident. Cette boussole, quand on tente de la suivre, on a toutes chances de se perdre et surtout de renoncer au voyage. Car ce livre est lourd, il se veut érudit et nous fait le portrait de villes admirables de l’Orient d’hier que celui d’aujourd’hui est en train de détruire par fanatisme religieux.

    Un des objectifs du livre, a expliqué en substance Mathias Enard, est de lutter contre l’image simpliste et fantasmée d’un Orient musulman et ennemi, en montrant tout ce qu’il nous a apporté. La tragédie syrienne apparaît ici et là. « Les égorgeurs barbus s’en donnent à cœur joie, tranchent des carotides par-ci, des mains par-là, brûlent des églises et violent des infidèles à loisir », écrit Enard.

    « Est-ce qu’Alep retrouvera jamais sa splendeur, peut-être, on n’en sait rien, mais aujourd’hui, notre séjour est doublement un rêve, à la fois perdu dans le temps et rattrapé par la destruction », ajoute-t-il. Cette image sinistre, qui prédomine aujourd’hui en Occident, occulte l’essentiel, déplore le romancier.

    Un roman, qui veut imposer un Orient virtuel à un Orient réel et lutter contre les amalgames, ne pouvait qu’être récompensé par un pays qui ferait bien de se fier à une boussole, une vraie, pour retrouver un Nord depuis longtemps perdu.

    Jean Ansar
    4/11/2015

    Source : Metamag

    http://www.polemia.com/boussole-de-mathias-enard/

  • Jean Thiriart, théoricien de la révolution européenne

    Rares sont les Français chez qui le nom de Jean Thiriart évoque un souvenir. Pourtant de 1960 à 1969, au travers de l’organisation européenne transnationale Jeune Europe et du mensuel La Nation Européenne celui-ci anima la première tentative, restée inégalée, de création d’un parti nationaliste révolutionnaire européen, et définit clairement dans ses écrits ce qui forme maintenant le corpus doctrinale d’un partie non négligeable des mouvements nationalistes d’Europe.
    Né dans une grande famille libérale de Liège qui éprouve de fortes sympathies pour la gauche, Jean Thiriart milite d’abord dans la Jeune Garde Socialiste et à l’Union Socialiste Anti-Fasciste, puis durant la seconde guerre mondiale au Fichte Bund (une ligue issue du mouvement national-bolchevick hambourgeois des années 20), et aux Amis du Grand Reich Allemand, association qui regroupe en Belgique romane d’anciens éléments d’extrême-gauche favorables à la collaboration européenne, voire à l’annexion dans le Reich.
    Condamné à trois ans de prison à la «Libération», Thiriart ne refait politiquement surface qu’en 1960, en participant, à l’occasion de la décolonisation du Congo, à la fondation du Comité d’Action et de Défense des belges d’Afrique qui devient quelques semaines plus tard le Mouvement d’Action Civique. En peu de temps Jean Thiriart transforme ce groupuscule poujadiste en une structure révolutionnaire efficace qui - estimant que la prise du pouvoir par l’OAS en France serait de nature à être un formidable tremplin pour la révolution européenne - apporte un soutien efficace et sans faille à l’armée secrète.
    Parallèlement, une réunion est organisée à Venise le 4 mars 1962. Participent à celle-ci, outre Thiriart qui représente le MAC et la Belgique, le Mouvement Social Italien pour l’Italie, Le Parti Socialiste de l’Empire pour l’Allemagne, et le Mouvement de l’Union d’Oswald Mosley pour la Grande Bretagne. Dans une déclaration commune, ces organisations déclarent vouloir fonder « Un Parti National Européen, axé sur l’idée de l’unité européenne, qui n’accepte pas la satellisation de l’Europe occidentale par les USA et ne renonce pas à la réunification des territoires de l’Est, de la Pologne à la Bulgarie, en passant par la Hongrie ». Mais le Parti National Européen n’aura qu’une existence extrêmement brève, le nationalisme archaïque et étriqué des Italiens et des Allemands leur faisant rapidement rompre leurs engagements pro-européens.
    Cela ajouté à la fin sans gloire de l’OAS fait réfléchir Thiriart qui conclut que la seule solution est dans la création de toute pièce d’un Parti Révolutionnaire Européen, et dans un front commun avec des partis ou pays opposés à l’ordre de Yalta.
    Aboutissement d’un travail entamé dès la fin 1961 le MAC se transforme en janvier 1963 en Jeune Europe, organisation européenne qui s’implante en Autriche, Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays Bas, Portugal et Suisse. Le nouveau mouvement tranche par son style sur les habituels mouvements nationalistes. Il est très fortement structuré, il insiste sur la formation idéologique dans de véritables écoles de cadres, il tente de mettre en place une centrale syndicale embryonnaire, le Syndicat Communautaire Européen. De surcroît, Jeune Europe souhaite fonder des Brigades Révolutionnaires Européennes pour débuter la lutte armée contre l’occupant américain, et cherche un poumon extérieur. Ainsi des contacts sont pris avec la Chine communiste, la Yougoslavie et la Roumanie, de même qu’avec l’Irak, l’Egypte et la résistance palestinienne.
    Si Jean Thiriart est reconnu comme un révolutionnaire avec lequel il faut compter - il rencontre Chou-En-Laï en 1966 et Nasser en 1968, et est interdit de séjour dans cinq pays européens ! - et si l’apport militaire de ses militants au combat antisioniste n’est pas contesté - le premier européen qui tombera les armes à la main en luttant contre le sionisme, Roger Coudroy, est membre de Jeune Europe - ses alliés potentiels restent inhibés par des réflexes idéologiques ou de bienséance diplomatique qui ne leur permettent pas d’accorder à Jeune Europe l’aide financière et matérielle souhaitée. De surcroît après les crises de la décolonisation l’Europe bénéficie d’une décennie de prospérité économique qui rend très difficile la survie d’un mouvement révolutionnaire. Cependant la presse de l’organisation, tout d’abord Jeune Europe, puis La Nation Européenne, a une audience certaine et compte des collaborateurs de haut niveau parmi lesquels on peut citer l’écrivain Pierre Gripari, le député des Alpes-Maritimes Francis Palmero, l’ambassadeur de Syrie à Bruxelles Selim El Yafi, celui d’Irak à Paris Nather El Omari, ainsi que Tran Hoai Nam, chef de la mission vietcong à Alger, de plus des personnalités telles que le leader noir américain Stockeley Carmichel, le coordinateur du secrétariat exécutif du FLN Cherif Belkacem, le commandant Si Larbi et Djambil Mendimred, tous les deux dirigeants du FLN algérien, ou le prédécesseur d’Arafat à la tête de l’OLP, Ahmed Choukeiri, acceptent sans difficultés de lui accorder des entretiens. Quant au général Peron, en exil à Madrid, il déclarera «Je lis régulièrement La Nation Européenne et je partage entièrement ses idées. Non seulement en ce qui concerne l’Europe mais le monde».
    En 1969, déçu par l’échec relatif de son mouvement et par la timidité de ses appuis extérieurs, Thiriart renonce au combat militant. Malgré les efforts de certains de ses cadres, Jeune Europe ne survivra pas au départ de son principal animateur. C’est toutefois de sa filiation que se revendiquent, au début des années 70, les militants de l’Organisation Lutte du Peuple en Allemagne, Autriche, Espagne, France, Italie et Suisse, dans les années 80 les équipes des revues belge Volonté Européenne et française Le Partisan Européen, ainsi que la tendance Les Tercéristes Radicaux au sein du mouvement NR français Troisième Voie. Jean Thiriart sortira de son exil politique, en 1991, pour soutenir la création du Front Européen de Libération dans lequel il vit le seul successeur de Jeune Europe. C’est avec une délégation du FEL qu’il se rendit à Moscou en 1992 pour y rencontrer les dirigeants de l’opposition russe à Boris Eltsine. Malheureusement Jean Thiriart fut fauché par une crise cardiaque peu de temps après son retour en Belgique. Il laissait inachevé plusieurs ouvrages théoriques dans laquelle il analysait l’évolution nécessaire du combat anti-américain du fait de la disparition de l’URSS.
    Inspiré par Machiavel et Pareto, Thiriart se dit « un doctrinaire du rationnel » et rejette les classifications habituelles de la politique, il aime à citer la phrase d’Ortega y Gasset « Etre de gauche ou de droite, c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d’hémiplégie morale ». Le nationalisme qu’il développe est un acte de volonté, le souhait commun d’une minorité de réaliser quelque chose. Ainsi il est basé uniquement sur des considérations géopolitiques. Seules, pour lui, ont de l’avenir les nations d’ampleur continentale (USA, Chine, URSS), si donc on veut rendre sa grandeur et son importance à l’Europe, il convient d’unifier celles-ci, cela en constituant un Parti Révolutionnaire de type léniniste qui débute immédiatement la lutte de libération nationale contre l’occupant américain et ses collaborateurs, les partis du système et les troupes coloniales de l’OTAN. L’Europe de l’Ouest, libérée et unifiée pourrait alors entreprendre des négociations avec l’ex-URSS pour construire le Grand Empire Européen de Galway à Vladivostock, seul capable de résister à la nouvelle Carthage américaine, et au bloc chinois et à son milliard d’habitants.
    Opposé aux modèles confédéraux ou fédéraux, ainsi qu’à « L’Europe aux cent drapeaux », Thiriart qui se définit comme un « jacobin de la très-Grande Europe » veut construire une nation unitaire conçue sur la base d’un nationalisme d’intégration, d’un empire extensif apportant à tous ses habitants l’omnicitoyenneté et héritier juridique et spirituel de l’Empire romain.
    Sur le plan économique Thiriart rejette « l’économie de profit » (capitalisme) et « l’économie d’utopie » (communisme) pour prôner « l’économie de puissance » qui vise au développement maximum du potentiel national. Bien sûr dans son esprit la seule dimension viable pour cette économie est la dimension européenne. Disciple de Johann Gottlieb Fichte et de Friedrich List, Thiriart est partisan de « l’autarcie des grands espaces ». Ainsi l’Europe, sortie du FMI et dotée d’une monnaie unique, protégée par de solides barrières douanières, et veillant à son auto-suffisance pourrait échapper aux lois de l’économie mondiale.
    Bien que datant du milieu des années 60, les livres de Jean Thiriart restent étonnamment actuels. Dès 1964, il décrit la disparition du « parti russe » en Europe, cela plus de 10 ans avant la naissance de l’eurocommunisme et près de vingt-cinq ans avant les bouleversements des pays de l’est. De même sa description du parti américain, des milliers de « Quisling US », est toujours la réalité de l’Europe d’aujourd’hui comme l’ont illustré récemment les positions de la plupart des hommes politiques lors de la guerre du Golfe, les affrontements dans l’ex-Yougoslavie ou les derniers sursauts africains. Et son analyse de l’impérialisme américain n’a pas pris une ride, en 1966 il conseillait d’ailleurs de lire le Yankee James Burham, conseil qu’il est encore temps de suivre pour trouver dans le livre de ce dernier Pour la domination mondiale des phrases comme celles-ci : « Il faudrait renoncer à ce qui subsiste de la doctrine de l’égalité des nations. Les USA doivent ouvertement se porter candidats à la direction de la politique mondiale ».
    Contestable par certains côtés (jacobinisme outré, trop grande rationalité, etc.), nous ne l’ignorons pas, Thiriart reste un de nos grand maître à penser pour ce siècle finissant. Il nous appartient de nous nourrir de ses théories, de les évaluer et de savoir les dépasser pour aborder les lendemains de l’an 2000.

    Christian Bouchet

    http://www.voxnr.com/cc/d_thiriart/EpFEApyppZjiiYItJf.shtml

  • Merveilleux Moyen Âge #1 – À quoi jouait-on au Moyen Âge ?

    Dans ce premier épisode de la série « Merveilleux Moyen Âge », qui vise à faire découvrir cette époque injustement décriée, nous nous intéressons aux jeux et aux pratiques ludiques de l’époque. Car oui, on ne se privait pas !

    Video ici 

  • Centenaire de la relativité : Poincaré génie de la physique, Einstein génie de la com ! (édito 02-03/05)

    C’est l’une des photos les plus célèbres du monde : l’homme qui incarne aux yeux du grand public le génie scientifique, Einstein, vieillissant et moustachu, tire une longue langue râpeuse.

    Chacun est prié d’y trouver le symbole de l’excentricité et de l’indépendance du super héros scientifique vis-à-vis des pouvoirs établis.

    Et si en réalité c’était à la vérité et à l’honnêteté intellectuelle qu’Einstein tirait la langue ? Car aujourd’hui, scientifiques et historiens savent que si c’est Albert Einstein qui a mis en scène la relativité, c’est Henri Poincaré qui l’a découverte.

    Explications.
    Einstein est largement reconnu comme « le père de la relativité» ; pourtant, lorsqu’il obtint le prix Nobel en 1921, ce fut pour l’explication de l’effet photo électrique, point de départ de ce qui allait devenir la mécanique quantique, et non pour la relativité que le Comité Nobel se refusa de citer dans les raisons de couronner Einstein. A juste titre. C’est en effet Henri Poincaré, polytechnicien et membre de l’Académie des sciences, qui fut l’inventeur de la relativité restreinte qui se trouve déjà présentée dans une série de publications écrites de 1898 à 1905 - série de publications qui s’appuient sur des travaux antérieurs de Poincaré lui-même, remontant à 1885 et d’Hendrik Lorentz que Poincaré a l’honnêteté de fréquemment citer.
    De même l’inventeur de la relativité générale n’est pas davantage Einstein, mais David Hilbert en 1915.
    Tous ces faits sont aujourd’hui à la disposition du grand public cultivé et critique à travers d’une série d’ouvrages en français dont celui de Jean Hladik « Comment le jeune et ambitieux Einstein s’est approprié la relativité restreinte de Poincaré » (Ellipses). Cet ouvrage - comme ceux de Jules Leveugle et de Jean-Paul Auffray - démontrent en se basant sur une analyse chronologique des textes - qu’Einstein a davantage été un plagiaire qu’un créateur. Ces travaux en Français confirment d’ailleurs le point de vue d’auteurs anglo-saxons antérieurs et notamment ceux d’Edmund Whittaker dont les ouvrages publiés en 1951 rendent déjà à Poincaré et Lorentz ce qui leur revient…c'est-à-dire beaucoup plus qu’à Einstein.
    A partir de ces constats deux questions se posent :
    Einstein a-t-il réellement plagié ou a-t-il découvert la relativité en même temps que d’autres auteurs ?
    Et pourquoi tout le succès médiatique de cette découverte lui revient-il ?
    La réponse à ces deux questions est liée : Einstein est bien un plagiaire… et c’est justement ce qui explique son succès médiatique.
    Il est fréquent qu’en sciences, plusieurs personnes convergent vers la même découverte au même moment. Pour une raison simple : les découvertes n’arrivent pas ex abrupto, elles sont la suite, elles sont la conséquence de travaux antérieurs que les scientifiques honnêtes ne manquent pas de citer. Et c’est bien là, la preuve du plagiat d’Einstein. Les travaux de Poincaré, sur la relativité restreinte comme ceux de David Hilbert sur la relativité générale, fourmillent de références. Pas ceux d’Einstein. Or, Einstein qui était chroniqueur scientifique aux « Annales de la Physique » ne pouvait pas ignorer les travaux des autres puisqu’il en était le destinataire régulier justement pour les présenter et les commenter !
    Ne pas citer les auteurs qui l’avaient précédé, c’était manquer à la déontologie scientifique, c’était plagier, mais c’était aussi réussir un coup de génie médiatique.
    Attribuer à Einstein la relativité, toute la relativité, c’est quand même plus simple que de la partager entre Lorentz, Poincaré et Hilbert, surtout quand les uns sont austères et que l’autre joue volontiers les histrions !
    Les physiciens eux-mêmes se sont d’autant plus prêtés à ce jeu que n’étant pas généralement historiens peu d’entre eux sont retournés aux sources bibliographiques et que la communauté des physiciens s’est plutôt bien portée d’avoir comme porte-drapeau un excentrique… bien pensant.
    Le pacifisme d’Einstein a été bien utile à l’image d’une science qui a malgré tout permis la découverte et l’usage de la bombe atomique.
    Il n’est d’ailleurs pas surprenant que dans le champ politico-intellectuel français, les physiciens « progressistes » comme Paul Langevin (l’auteur du plan Langevin-Wallon aujourd’hui panthéonisé) ait pris le parti du « progressiste » Einstein contre le « conservateur » Poincaré.
    Il y a donc tout lieu de craindre que 2005 étant l’année du « centenaire de la relativité » (ce qui n’est pas inexact : le grand article de synthèse de Poincaré couronnant 20 ans de recherche étant paru le 5 juin 1905, soit quatre semaines avant celui d’Einstein…), Einstein soit à nouveau appelé à faire la une des devantures de kiosques et des ouvertures de journaux télévisés.
    Mais ceux qui auront eu la chance de s’informer sauront qu’il ne s’agit là que l’une des nombreuses mystifications du monde contemporain.
    Andrea Massari
    P.S. cet article, par souci de clarté, comprend peu de citations. En ce sens il pourrait passer, lui aussi pour un « plagiat ». Pour éviter cette accusation, l’auteur tient à préciser qu’il s’est inspiré des ouvrages cités ainsi que de nombreux articles disponibles sur internet. L’essentiel de ces références se trouve dans le dossier Einstein/Plagiat du Club de l’Horloge :http://www.clubdelhorloge.fr/index.php
    P.P.S. Certains pourraient s’étonner que la revue « La Recherche » réputée sérieuse consacre encore aujourd’hui un numéro spécial, à propos de la relativité, à Einstein. Il n’en est rien pour deux raisons :
    1. Nichée au cœur du pouvoir intellectuel, « La Recherche » garde le scientifiquement correct.
    2. Einstein fait beaucoup plus vendre que Poincaré, Lorentz ou Hilbert ; c’est le paradoxe des médias : la valeur commerciale d’une information ne dépend pas de son exactitude. Et cette loi ne s’applique pas seulement aux « journaux de caniveaux »… mais aussi aux publications réputées sérieuses.
    http://archives.polemia.com/article.php?id=2034

  • « La Fin du Reich » de Christophe Dutrône

    René Schleiter invite à la lecture d’un ouvrage de Christophe Dutrône, historien.

    ♦ Voilà déjà un peu plus de six mois que Christophe Dutrône a fait paraître aux éditions du Toucan un superbe livre-album consacré à La Fin du Reich. Magnifiquement illustré par plus d’une centaine de photographies et de quelques cartes le plus souvent inédites, il retrace les dernières semaines de la Deuxième Guerre mondiale telles que les ont vécues militaires et civils allemands.

    Cette fin de guerre pathétique est finalement assez mal connue des Français et l’ouvrage, exempt de tout esprit partisan, relate la mise à mort du régime national-socialiste sur le sol allemand.

    L’ouvrage s’articule en quatre parties.

    • Le livre s’ouvre sur une « veillée d’armes »

    Les armées alliées à l’Ouest sont sur la rive gauche du Rhin, tandis que l’Armée rouge reconquiert la Biélorussie. Le peuple allemand, quant à lui, « est en proie à une inquiétude croissante ». Les raids aériens sur l’Allemagne s’intensifient, villes et usines sont ciblées et la Luftwaffe est clouée au sol. On parle beaucoup des « armes miracles » du Troisième Reich…
    Le moral du peuple vacille. La tragique péripétie de Nemmersdorf est exploitée par Goebbels pour tenter de « galvaniser l’esprit de résistance ». L’auteur s’est abstenu d’en produire les abominables photographies qui ont circulé par ailleurs.

    • « L’attaque des marches germaniques » et ce seront les dernières batailles lancées à l’Ouest par Hitler

    Dès janvier 1945, après une tentative dans laquelle sont engagés 200.000 hommes – c’est la Bataille des Ardennes, qui échoue –, un affrontement très meurtrier se déroule en Alsace où, comme dans les Ardennes précédemment, les troupes allemandes dépourvues d’approvisionnement sont tenues de suspendre définitivement les opérations.

    De leur côté, les Russes ne perdent pas la main et préparent une action d’envergure qui visera la Prusse Orientale et le territoire polonais, en ligne droite vers Berlin.

    La bataille débute le 2 janvier 1945. Le 17, c’est la prise de Varsovie évacuée par les Allemands ; puis c’est le tour de la Silésie avec son bassin industriel.
    Si en Pologne « des mesures d’évacuation des populations allemandes avaient été prises », il n’en fut pas de même en Prusse Orientale et l’offensive russe suscite « des mouvements de panique difficilement contrôlables qui ont jeté plus de deux millions d’individus sur les routes ». Ce fut le début du « Grand Trek ».

    « Cet afflux de réfugiés (de réels réfugiés) s’est déroulé dans un véritable climat d’apocalypse » : plus de trains vers l’Ouest ; certains ont voulu gagner la mer, espérant y trouver des bateaux : que nenni, point de bateaux. Les foules s’entassèrent donc sur les presqu’îles. Plus d’un demi-million de réfugiés étaient « soumis aux attaques aériennes de l’aviation soviétique », aux ruptures de glace et aux températures extrêmement basses. On a compté près de 30.000 morts. Christophe Dutrône rappelle le torpillage par un sous-marin russe du navire de croisière Wilhelm Gustloff surchargé de femmes et d’enfants et de prisonniers de guerre français en évacuation vers l’Allemagne, le 30 janvier 1945.

    Pour toute cette période de combats extrêmement durs, tant pour les militaires – quel que soit le camp auquel ils appartenaient – que pour les populations allemandes, l’auteur fait appel à des témoignages de toute origine : officiers et sous-officiers britanniques et américains (p. 66, 70, 72, 74), prisonniers de guerre français (p. 78, 84), une jeune fille allemande (p. 81), un officier et un tankiste soviétiques (p. 89-90), cette liste n’étant pas exhaustive.

    • « Rupture des digues »

    Dans cette troisième partie, on assiste au début du lâchage idéologique chez certains Allemands. Nous sommes en février 1945. On peut les comprendre : le sort auquel ils sont soumis par les Alliés peut largement l’expliquer, encore que « du fait de l’encadrement idéologique et de la discipline [congénitale] qui y règne, la crise morale est moins forte dans l’armée que dans la société civile (p. 94).

    Devant la perte d’autorité du Parti, surtout dans la zone orientale de l’Allemagne, une reprise en main voulue par Himmler et Bormann « met clairement en garde les membres du Parti contre toute tentation de leur part ou de la part de leur famille de se soustraire à leurs devoirs » (p. 96). Un fort climat idéologique et de propagande s’instaure dans le pays. Le recours à l’histoire est utilisé pour exalter la résistance nationale. Malgré tout, le régime s’effrite, des tractations avec l’ennemi sont lancées à l’écart du Chancelier dont l’état physique se dégrade.

    Les Alliés progressent, tant à l’Ouest qu’à l’Est ; des Britanniques, des Américains et des Français se préparent à franchir le Rhin dans lequel les Allemands nourrissaient un petit espoir (un court dossier est consacré au Pont de Remagen dont la destruction par ses gardiens a raté… p.101 et 102).

    Nous sommes en mars 1945. L’Allemagne est à bout de souffle ; les tentatives de propagande lancées par Goebbels n’ont plus aucun effet, la disproportion des moyens humains et matériels entre le Reich et ses adversaires est trop grande pour résister et le délitement de l’armée va de pair avec celui des civils : drapeaux blancs, déserteurs, redditions…

    A nouveau, l’auteur reproduit des témoignages d’origines diverses :

    -soviétique (p. 116-118, 140), qui, là encore, évoquent « l’impunité avec laquelle les soldats russes pouvaient se livrer aux pires exactions » ;

    -britannique (p. 120), un témoignage plus raffiné, tout en s’extasiant sur les décombres du centre ville de Clèves en Rhénanie-du-Nord-Westphalie ;

    -allemande (p. 123), celui d’un combattant ;

    -américaine (p. 128, 143-144, 147), avec la course vers le Rhin ;

    -française (p.137), celui d’un réfractaire au STO et une rencontre avec des Mongols, « à la mine patibulaire », sous l’uniforme soviétique.

    Selon des témoignages américains, la marche vers Berlin n’était pas une promenade de santé. Les Allemands savaient encore se battre. Le récit du capitaine Felix Sparks (p. 128) met en lumière la défense acharnée à laquelle les Alliés pouvaient être confrontés pour la prise de certaines localités. Les pertes en hommes étaient souvent importantes.

    Du côté allemand, les punitions étaient sévères et définitives et les consignes données étaient exécutées : il n’était pas rare de rencontrer des soldats pendus à une potence, une pancarte au cou avec l’inscription sommaire : « Celui qui combat peut mourir. Celui qui trahit sa patrie doit mourir » (p. 98). C’est ce qu’ont découvert, par exemple, les soldats américains à l’issue de durs combats à Aschaffenburg en Bavière.

    • L’apocalypse

    Nous sommes début avril 1945.

    Le Rhin une fois franchi par les troupes de l’Ouest, la population civile considère qu’il est inutile de poursuivre le combat, espérant surtout des Américains, des Britanniques et des Français qu’ils les préserveront des Russes.

    Le pays est totalement désorganisé. La pénurie est totale. L’Ouest a accueilli 1.250.000 réfugiés venus de l’Est. Il demeure cependant une vie sociale : la radio fonctionne, en dépit de pannes fréquentes, les cinémas sont ouverts, évidemment tout cela sous la haute surveillance du ministère de la Propagande. L’administration continue cahin caha et, malgré le peu d’empressement de son peuple à poursuivre le combat, Hitler reste au sommet de l’Etat, refusant toute idée de négociations avec les Alliés.

    Au cours des derniers mois de la guerre, Hitler n’apparaît plus en public. C’est un grand malade : la maladie de Parkinson dont il souffre déjà depuis l’été 1941 gagne du terrain. Son évolution s’accentue et le Chancelier a du mal à se mouvoir. Il est devenu un vieillard avant l’âge.

    Au 21 avril, l’Armée rouge est à 12 km de Berlin qui, dans les jours qui suivent, est totalement encerclé. La fin approche et, dans le bunker souterrain de la Chancellerie, le Führer, entouré des généraux Keitel et Jodl, perd en quelque sorte la raison. Cette fin de règne est fort bien décrite, jour par jour, par Christophe Dutrône, sans sensiblerie ni dramatisation excessive. La question de la succession d’Adolf Hitler à la tête du Reich se pose et l’on assiste, inévitablement en de telles circonstances, à des rivalités fantasmagoriques : Goering se croit le légataire naturel du pouvoir, tandis que Himmler envisage encore de proposer aux Alliés anglo-saxons une paix séparée. L’un comme l’autre sont rejetés par Hitler et destitués de leur titre (compte tenu des événements le mot de fonction n’a plus cours).

    Le 30 avril, les Russes ayant atteint le périmètre de la Chancellerie, Hitler, après avoir épousé sa compagne Eva Braun et désigné l’amiral Dönitz pour exercer la présidence du Reich, met fin à ses jours, suivi en cela par Joseph et Magda Goebbels, après avoir empoisonné leurs six enfants.

    Le Troisième Reich n’est plus. L’amiral Dönitz fera tout pour tenter d’éviter à un maximum de soldats et de civils allemands de passer sous la coupe des Soviétiques, essayant de gagner du temps en négociant des redditions partielles à l’Ouest, mais il sent de la part des chefs anglo-américains des réticences à ne pas inclure des Russes dans ces pourparlers et c’est ainsi que le pouvoir lui échappe rapidement et que l’acte de capitulation sans conditions sera signé le 7 mai 1945 au quartier général d’Eisenhower à Reims, en présence du général américain Bedell Smith et de son homologue soviétique, le général Ivan Souslaparov.

    Le livre ne se ferme pas sur ce très important événement historique. Le 23 mai, le gouvernement Dönitz à Flensburg est arrêté et ses membres sont emmenés en captivité en attendant d’être traduits devant ce qui sera le Tribunal de Nuremberg (l’amiral Dönitz sera condamné à dix années de prison).

    Les dernières pages sont illustrées de photographies intéressantes et très instructives sur l’état des troupes vaincues. On y voit notamment des groupes de soldats allemands composés de jeunes garçons issus des Jeunesses hitlériennes et mobilisés à la dernière heure comme auxiliaires de la Wehrmacht généralement utilisés au sein d’unités antichars. S’y trouvent aussi des témoignages de soldats russes et allemands, de soldats français, d’une jeune mère de famille allemande habitant Berlin et des groupes de réfugiées accompagnées d’enfants dans les ruines de Berlin.

    A ce dernier propos, on ne peut s’empêcher d’esquisser une comparaison entre ces millions de réfugiés (on cite le chiffre de 13.000.000), femmes, enfants, vieillards, chassés de leurs terres ancestrales en un quart d’heure et jetés sur les routes sans espoir d’être accueillis par quiconque, et les « réfugiés » d’aujourd’hui attendus – quand ils ne sont pas appelés (n’est-ce pas Madame Merkel ?) – par des comités d’accueil, nourris, logés, soignés, habillés et imposés aux autochtones…

    L’ouvrage de Christophe du Trône est ce qu’on appelle un beau livre qui pourrait être offert aux adultes comme aux adolescents à l’occasion des fêtes de fin d’année et trouver sa place dans nos bibliothèques.

    René Schleiter

    Christophe Dutrône, La Fin du Reich / Avril, Mai 1945, Images inédites de la chute de l’Allemagne nazie, Editions Le Toucan, mars 2015, 223 pages, 120 illustrations.

    Historien diplômé en histoire militaire, chroniqueur pour de nombreux journaux spécialisés, Christophe Dutrône est spécialiste de l’armée française.

    http://www.polemia.com/la-fin-du-reich-de-christophe-dutrone/