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culture et histoire - Page 1335

  • « Par la plume et l’épée »


    Tel est le titre d’un recueil de poèmes signés d’Angélique Lachaume.

    A contre-courant, cette jeune Française talentueuse nous offre des vers empreints d’idéal, dédiés à la France, à sa jeunesse, à Dieu…

    Il faut remettre la poésie à l’honneur, dans notre époque de laideur, de « décivilisation », d’abandon du français…

    Par la plume et l’épée, Editions des Cimes, collection « Lettres françaises », 40 pp., 6 €, format 10 x 16 cm., disponible ici. Préface de Jean de Viguerie, introduction de Gabrielle Cluzel.

    Voici un texte extrait de l’ouvrage :

    Spiritus Leonis

    Toi qui n’as pas connu les terreuses tranchées
    Ne crois pas que ton siècle soit vierge de drames,
    Il te faudra lutter à l’école des âmes :
    Le front du vrai combat de la fidélité.

     

    Vois-tu ces idéaux répugnants et bourgeois
    Déferler sans merci, comme un souffle infernal :
    « Qu’importe la patrie ? L’heure est aux bacchanales,
    La France pour grandir n’a pas besoin de moi ».

    Plutôt que de chérir une vie trop mesquine
    Dans les vieux entresols des mornes décadences,
    Embrase ta jeunesse au mépris des souffrances,
    Vis ! Sois celui que la seule mort assassine !

    Façonne de tes mains, forge au feu de ton âme,
    Pour la rédemption de ta mère patrie,
    Ce bonheur qui sera tout l’honneur de ta vie ;
    Dût-elle être bien pauvre, qu’elle soit de flamme !

    http://www.contre-info.com/par-la-plume-et-lepee#more-38798

  • Chevauchée d'Arthur

    La chevauchée littéraire, devenue mythique d’Artus
    Nous avons longtemps hésité avant de classer l'article d'Hervé Glot, issu d'une contribution au magazine des Amis de l'écrivain normando-breton, Jean Mabire . Il avait sa place dans notre rubrique "émotion/réflexion", car l'histoire du magazine Artus relève d'abord de la littérature, de la poésie, de l'image et de l'imaginaire. Mais par la vocation ambitieuse qu'elle s'assignait, au service de la large culture celte, toujours vivante et ardente, par l'enthousiasme  qu'elle a suscité auprès d'artistes, d'intellectuels, du public, par l'impulsion enfin qui continue de nourrir rêves et convictions, elle relève finalement de la rubrique "communautés vivantes". 
    Guilhem Kieffer
    "Difficile de prendre individuellement la parole au sujet d’une aventure qui fut avant tout collective, d’autant que les années ont en partie gommé le contexte qui vit la naissance et l’évolution de la revue Artus, puis, par la suite, des éditions du même nom. Mais soit, je tenterai d’être le chroniqueur concis et néanmoins fidèle d’une chevauchée qui s’est étalée dans le temps et bien sûr, comme tout corps vivant, a initié ou subi ses propres métamorphoses.
    L’affaire est ancienne, puisque c’est en 1979 que fut fondée l’association éditrice de la revue, avec pour dessein d’explorer les voies de la culture celtique d’hier, et d’en faire entendre les voix d’aujourd’hui. Cette association naissait en Bretagne, à Nantes capitale du duché, et Jean-Louis Pressensé en était le directeur et le premier rédacteur. Artus : le nom avait, bien sûr, été choisi en référence au roi de la Table Ronde, dont le royaume légendaire s’étendait sur les deux rives de la Manche. 
    Il élargissait considérablement le réduit breton auquel nous étions certes attachés… mais à condition d’exercer toute liberté dans les instants où il nous siérait de larguer les amarres, comme en témoignait le sous-titre "pays celtiques et monde nordique". L’association était née d’une réaction contre une certaine vision en vogue dans les années 70, celle d’une Bretagne étroite, suffisante et, pour finir, morte d’un trop plein "de légitimes revendications et de droits imprescriptibles"…
    Sources et survivances d’un imaginaire celtique
    Nous souhaitions rechercher, au sein d’un univers plus large, les sources et les survivances d’un imaginaire celtique. Et nous nous interrogions: « Segalen est-il moins celte quand il compose Les Immémoriaux, Kenneth White quand il décrit Hong-Kong, Michel Mohrt quand il rédige "L’ours des Adirondacks ?" »
    Dès lors se posait le problème du contenu que nous entendions donner au terme « celtique ». Pour ma part, très sensible à l’enseignement que prodiguait (parfois dans la douleur) Christian-J. Guyonvarc’h, l’Irlande, avec sa mythologie miraculeusement transmise, était un des conservatoires et l’un des foyers où aller chercher les brandons encore vivants du grand récit. Des brandons à raviver parce que, sans cette lueur venue de ses franges "barbares’", l’Europe, qui cherchait à s’inventer, faisait l’impasse sur une partie de son âme (elle a fait mieux depuis !). De notre point de vue, c’était pour les artistes, les créateurs, se priver d’une source d’inspiration dont des écrivains majeurs, comme Yeats ou Joyce (bon gré, mal gré), avaient fait le suc de leur œuvre, et dont le cinéma s’emparait désormais avec gourmandise. J’aime toujours rappeler que l’Irlande, un tout petit pays, peut se flatter d’avoir porté, bien au-delà de son nombril, la lumière de ses écrivains et que l’imaginaire est une pensée vivante, une flamme que l’on ravive au contact de la diversité du monde. 
    Pourtant, la volée de bois vert ne vint pas des Bretons pur beurre : il apparut rapidement que l’usage que nous faisions des termes celte ou celtique, et ce que nous affirmions comme un héritage mésestimé étaient, pour certains, des vocables strictement interdits, des territoires de la pensée absolument prohibés. Passons sur ces polémiques, elles n’en méritent pas davantage.
    Un sentiment géographique et quasi climatique  
    Nous cherchions à faire partager un sentiment géographique et quasi climatique : cette Europe du nord-ouest, atlantique et baltique, est (de toute évidence) un mélange de terre et d’eau, un espace terraqué aux limites indécises, aux lumières parfois incertaines et aux origines parfois contradictoires. Nous souhaitions faire naître peu à peu, par les textes des chercheurs, ceux des écrivains et des poètes, les œuvres des photographes, des peintres ou des graveurs, etc, une esthétique, un esprit, qui donneraient à la revue une couleur que j’espérais singulière. 
    Jean-Louis Pressensé avait, au tout début de l’aventure, suggéré cet en-dehors des territoires trop arrimés, en évoquant l’Artusien en devenir : « Etre enfant du granit, de la houle, des forêts et du vent, être pétri de fidélité, de folie et de rêves…» Et, effectivement, les filiations furent de cœur, de consanguinité spirituelle, de générosité, jamais fondées sur l’intérêt ou le conformisme idéologique. 
    La revue fut, pour bien des rédacteurs, une école pratique et un centre de formation intellectuelle. Nous approfondissions nos compétences techniques, passant de la terrible composphère, fleuron de chez IBM, à l’ordinateur, et la table de la salle à manger, qui servait de table de montage, conserve les ineffaçables stigmates du cutter de mise en page : à ces moments-là, il fallait penser avec les mains, non sans avoir affirmé, quelques instants auparavant, après Rimbaud, que la main à plume valait bien la main à charrue.
    Nous allions vers les artistes ou les chercheurs par inclination personnelle, aussi bien que par curiosité pour qui nous intriguait. Ainsi, la revue développait son contenu, tandis que les numéros sortaient avec la régularité qu’autorisaient nos occupations professionnelles. Artus a fédéré des énergies, confronté des individualités et surtout nous a conforté dans le sentiment que l’équilibre, le nôtre en tout cas, se trouve où cohabitent le travail des savants et le chant des poètes.
    Un équilibre où cohabitent le travail des savants et le chant des poètes
    Peu à peu, nous avons orienté notre publication vers des thèmes plus précis. Parurent ainsi "Le Graal", "A chacun ses Irlande", "Au nord du monde", "Harmonique pour la terre", "L’Amour en mémoire", "Ecosse blanches terres", "Mégalithes", "Archipels, vents et amers", autant de titres qui signaient des affinités électives, des rencontres insolites ou prévisibles. Avec le recul, cette formule éditoriale a eu le grand avantage d’ouvrir un espace accueillant et de permettre la constitution d’un noyau de collaborateurs, qui auront trouvé dans le rythme revuiste, à la fois souplesse, diversité et régularité. 
    Les universitaires Jacques Briard pour l’archéologie, Christian-J. Guyonvac’h pour le domaine celtique, Léon Fleuriot pour les origines de la Bretagne, Philippe Walter pour la littérature arthurienne, Régis Boyer pour le monde nordique, Gilbert Durand pour le vaste champ de l’imaginaire, furent parmi d’autres, nos guides et nos interlocuteurs. Patrick Grainville et Kenneth White nous donnèrent de sérieux coups de main. Philippe Le Guillou a été le compagnon de nos rêveries scoto-hiberniennes. Michel Le Bris a bercé nos songes romantiques au rythme des puissances de la fiction; quant à Pierre Dubois, il a été pour nous tous l’empêcheur de raisonner en rond, le Darby O’Gill des raths et des moors.
    La revue a permis, en outre, de créer un lectorat qui est naturellement resté fidèle lors du glissement -amorcé en douceur au milieu des années 80- de la revue vers la maison d’édition, ayant ainsi, pour effet, de résoudre partiellement le problème de la diffusion.
    Après s’être essayé à la publication de textes relativement courts : "Enez Eussa" de Gilles Fournel, "Marna" d’Yvon Le Menn, "la Main à plume" de Philippe Le Guillou, suivront une vingtaine de livres dont "Ys dans la rumeur des vagues" de Michel Le Bris, ou "Les Guerriers de Finn" de Michel Cazenave. Des albums sont consacrés à des peintres, des sculpteurs, des graveurs, des photographes (Yvon Boëlle, Jean Hervoche, Carmelo de la Pinta, Bernard Louedin, Sophie Busson, Jean Lemonnier, Geneviève Gourivaud).  
    Avec Pierre Joannon, nous éditerons un gros album, "L’Irlande ou les musiques de l’âme", une somme menant de la protohistoire à la genèse de l’Irlande contemporaine, que reprendront les éditions Ouest-France. Toujours à l’affut des méandres de la création, sous la direction de Jacqueline Genêt, de l’université de Caen, nous avons publié les variations des écrivains de la renaissance culturelle irlandaise, autour de la légende de Deirdre. 
    Depuis ces temps de fondation, d’autres livres bien sûr sont parus, parfois en coédition avec Hoëbeke ou Siloë. Citons "Arrée, l’archange et le dragon", "Des Bretagne très intérieures", "Une Rhapsodie irlandaise", plus récemment "Lanval" et ,dernier en date, "Les îles au nord du monde", un texte de Marc Nagels illustré par Didier Graffet, avec des photographies de Vincent Munier.
    Un numéro spécial avait marqué un tournant dans l’histoire d’Artus. Ce n’était déjà plus le fascicule habituel, mais un véritable album titré "Brocéliande ou l’obscur des forêts". Il allait nous conduire vers une autre direction : une heureuse conjonction permit à Claudine de créer et d’asseoir" au château de Comper" le Centre de l’Imaginaire Arthurien. Mais cela est une autre histoire, et je ne voudrais pas m’approprier abusivement ce qui appartient à une fraternité sûrement plus vaste que la mienne, sinon en rappelant ce que pourrait être… une errance arthurienne.
    Vagabondage dans l’espace arthurien
    Histoire des hommes et de leur imaginaire, rêves, foi, mythes, voilà un terrain de pérégrinations assez inépuisable, au milieu duquel l’héritage celtique et la légende arthurienne brillent, aujourd’hui, d’un éclat particulier, avec leur cortège de prouesses et d’enchantements, dont le moindre n’est pas la promesse de la quête.
    Le roman arthurien n’a pas inventé la quête, mais il lui a donné une couleur et une dimension renouvelées. La quête chevaleresque n’est ni la descente aux Enfers d’Orphée ou de Virgile, la fuite d’Énée ou la dérive involontaire d’Ulysse. À travers d’innombrables épreuves, dont on ne sait dans quelle réalité elles se déroulent, elle unit, à un voyage qui porte ordre et lumière là où règne le chaos, un cheminement intérieur, recherche de perfection ou d’absolu.
    Au centre de la cour arthurienne, la Table Ronde rassemble les meilleurs chevaliers, venus du monde entier briguer l’honneur de servir. Alors, commencent les expéditions, entreprises sur un signe, une requête, un récit marqué d'étrangeté. Lorsqu’il prend la route, chaque chevalier devient, à lui seul, l’honneur de la Table Ronde et la gloire du roi. Il forme l'essence même de la chevalerie arthurienne, affirmant la nécessité de l'errance, le dédain des communes terreurs, la solitude, qui ne s’accompagne que d’un cheval et d’une épée. Il ne sait ni le chemin à suivre, ni les épreuves qui l'attendent. Un seule règle, absolue, lui dicte de « prendre les aventures comme elles arrivent, bonnes ou mauvaises ». Il ne se perd pas, tant qu’il suit la droite voie, celle de l'honneur, du code la chevalerie.
    La nécessité de la Quête est partie intégrante du monde arthurien. Au hasard de sa route, le chevalier vient à bout des forces hostiles. Il fait naître l’harmonie, l’âge d’or de la paix arthurienne dans son permanent va et vient entre ce monde-ci et l’Autre Monde, car l’aventure, où il éprouve sa valeur, ne vaut que si elle croise le chemin des merveilles. Sinon elle n’est qu’exploit guerrier, bravoure utilitaire. Seul, le monde surnaturel, qui attend derrière le voile du réel, l’attire, et lui seul est qualifiant.
    Les poètes recueillent la Matière de Bretagne vers le XIIe siècle, de la bouche même des bardes gallois et, sans doute, bretons. Malgré le prestige du monde antique et des romans qu’il inspire et qui ne manquent pas de prodiges, la société cultivée découvre, fascinée, les légendes des Bretons (aujourd’hui nous parlerions des Celtes), un univers culturel perçu comme tout autre, d’une étrangeté absolue. Le roman, cette forme nouvelle nourrie de mythes anciens, donne naissance à des mythes nouveaux, la Table Ronde, le Graal, l’amour de Tristan pour Iseult, Merlin… Parmi les référents culturels de l’Europe, en train de naître, elle s’impose en quelques dizaines d’années, du Portugal à l’Islande, de la Sicile à l’Écosse.
    La légende celtique, mêlée d’influences romanes ou germaniques, constitue une composante fondamentale pour l’Europe en quête d’une identité qui transcende les nécessités économiques et politiques. Mais le thème de la quête représente, plus fondamentalement croyons-nous, un itinéraire proprement spirituel, initiatique ou mystique même, pour certains. Elle manifeste, aussi, un besoin d’enracinement, la recherche de valeurs anciennes, prouesse, courtoisie, fidélité, largesse, l’aspiration à l’image idéale de ce que nous pourrions être.
    Une fois de plus, le roi Arthur revient : non pas la figure royale, mais l’univers de liberté et d’imaginaire qu’il convoie. A qui s’interroge sur cette postérité tenace, sur ces résurrections insistantes, on peut trouver des raisons, dans le désordre, culturelles, patrimoniales, psychanalytique, politiques, artistiques. Pour nous, nous dirons, simplement et très partialement, qu’il s’agit de la plus belle histoire du monde, et qu’il suffit de revenir au récit, à ces mots qui voyagent vers nous, depuis plus de huit siècles, pour comprendre que les enchantements de Bretagne ne sont pas près de prendre fin."
    Hervé Glot 

  • Marie Cherrier – Complotiste

    Que voulez-vous je suis sceptique
    se pourrait-il que ma chanson
    passe pour trouble à l’ordre public
    et demain me mène en prison ?
    Que voulez-vous j’suis complotiste
    et de le chanter devant vous
    j’pourrais passer pour prosélyte
    mais faut-il ne rien dire du tout ?

    Difficile pour l’esprit tranquille
    réussir flotter tout le long
    à chaque vers risquer l’exil
    le venin des qu’en-dira t’on

    Heureusement j’suis malhabile
    avec les moutons de Panurge
    je jette un d’leur jugement facile
    par dessus bord et c’est le déluge

    Des indulgences, des bien-pensances
    de toutes les superstitions
    pour expier mon irrévérence
    ou lui accorder rémission

    Que voulez-vous je suis sceptique
    se pourrait-il que pour un « non »
    j’passe pour trouble à l’ordre public
    et demain jetée en prison ?
    Que voulez-vous j’suis complotiste
    à force de botter en touche
    j’pourrais passer pour terroriste
    moi qui n’f’rais pas d’mal à une mouche ?

    Conscience heureuse et clandestine
    j’y ai croisé quelques soiffards
    quelques paumés, quelques débiles
    mais à distance des salopards

    J’espère seulement que ça n’est pas
    par seul esprit d’contradiction
    quand je vois la gueule des rois
    rassurée j’en conclue que non !

    Pas fatiguée, pas résignée
    sous un coin d’ombre, une limonade
    j’vais rester d’bout ça s’ra parfait
    et chanter à la cantonade

    Que voulez-vous je suis sceptique
    se pourrait-il que ma chanson
    passe pour trouble à l’ordre public
    et demain me mène en prison ?
    Que voulez-vous j’suis complotiste
    et de le chanter devant vous
    j’pourrais passer pour prosélyte
    mais faut-il ne rien dire du tout ?

    J’suis la cata dans la courbette
    (en toute modestie j’espère)
    j’ai tendance à rel’ver la tête
    (si ça n’gêne personne derrière)

    Quand ce n’sont pas les crosses en l’air
    ni les gendarmes ni les bâtons
    la morale est publicitaire
    et la milice dans nos maisons

    Pour chanter mes doutes à qui veux
    j’vais pas m’planquer dans les broussailles
    c’est pas confort les épineux
    j’salue les copains sur la paille

    Que voulez-vous je suis sceptique
    se pourrait-il que pour un « non »
    j’passe pour trouble à l’ordre public
    et demain jetée en prison ?
    Que voulez-vous j’suis complotiste
    à force de botter en touche
    j’pourrais passer pour terroriste
    moi qui n’f’rais pas d’mal à une mouche ?

    Dans quelques temps, la fin du film
    les va-t’en-guerre et les banquiers
    les journaleux, les pédophiles
    tout le pouvoir sera parfait

    Les bonnes gens, en cons zélés
    assis les mains sur les genoux
    au premier rang pour balancer
    pourront surveiller à leur goût

    Nous tous les gueux, tous les sceptiques
    pas chauds des choix d’la production
    on s’ra taxés de complotistes
    on s’souhait’ra « bienv’nu » en prison !

    Que voulez-vous je suis sceptique
    se pourrait-il que ma chanson
    passe pour trouble à l’ordre public
    et demain me mène en prison ?
    Que voulez-vous j’suis complotiste
    et de le chanter devant vous
    j’pourrais passer pour prosélyte
    mais faut-il ne rien dire du tout ?

    Que voulez-vous je suis sceptique
    se pourrait-il que pour un « non »
    j’passe pour trouble à l’ordre public
    et demain jetée en prison ?
    Que voulez-vous j’suis complotiste
    à force de botter en touche
    j’pourrais passer pour terroriste
    moi qui n’f’rais pas d’mal à une mouche ?

    http://www.altermedia.info/france-belgique/uncategorized/marie-cherrier-complotiste_139023.html#more-139023

  • L’écrivain nationaliste Hervé Ryssen fiché comme terroriste pour… ses livres

    Ses explications et sa réaction dans la video ci-dessous.

    On peut acquérir ses livres encore disponibles ici.

    http://www.contre-info.com/

  • Contre la république à la française

    Chantal Delsol, professeur de philosophie politique à l’Université de Marne-la-Vallée et auteur de plusieurs ouvrages dont deux sont particulièrement importants et intéressants (« L’état subsidiaire » et « Le principe de subsidiarité » publiés aux PUF) est une très brillante élève du professeur Julien Freund (dont l’ouvrage le plus important « L’essence du politique », va être réédité aux éditions Dalloz) ; elle est la principale philosophe du fédéralisme en France et elle vient de publier aux PUF un petit essai très dense intitulé « La république : une question française » dans lequel elle fait une analyse philosophique de la république à la française.

    Une république nobiliaire

    Une des thèses essentielles de cet ouvrage est que le régime politique français n’est pas réellement une démocratie mais qu’il s’apparente à une république nobiliaire, c’est-à-dire à un régime dans lequel une élite (choisie par les partis politiques dans le cas présent) convaincue de détenir la vérité en matière de connaissance du bien commun impose une politique conforme à cette conception du bien commun sans se soumettre directement aux desiderata du peuple (lequel peuple est suspect de mauvaises pensées et d’égarements auxquels l’élite n’est bien entendu pas sujette). La république française bien qu’élective (le peuple a un seul droit : celui de choisir au sein de l’élite éclairée l’équipe dirigeante du moment) serait ainsi en fait un despotisme qui se veut éclairé.

    Cette élite dirigeante (qui vit à Paris, loin du peuple réel, en particulier de ce peuple provincial qui sent le moisi et qui reste attaché à un passé et à des traditions sans intérêt) est l’héritière et le vecteur de l’idéologie de la révolution française dont les ingrédients sont : l’égalitarisme, l’individualisme et leur corollaire, l’universalisme. Le but de cette élite est de conduire le peuple français sur la voie de l’universalisme, c’est-à-dire sur la voie de l’indifférenciation ; le peuple français a ainsi pour vocation de montrer l’exemple au reste de l’humanité en oubliant les miasmes de son héritage culturel et historique particulier et en s’efforçant de devenir l’avant-garde d’un peuple mondial indifférencié d’un bout à l’autre de la planète.

    Ainsi, le peuple français a l’insigne honneur d’être un peuple expérimental et avant-gardiste comme le fût le peuple soviétique dans un passé récent.

    Pour illustrer ce propos, donnons la parole à un membre éminent de notre noblesse d’état, Michel Barat grand maître de la Grande Loge de France qui écrivait dans le Figaro Magazine du 4 mai 2002 : « La République, pour moi, constitue un idéal de la raison. J’entends sa signification dans son sens originel de « chose publique », c’est-à-dire ce qui concerne tous et chacun sans jamais être le fait d’un seul. Une République tend vers un idéal universel, supérieur même à la nation, elle exige une vertu citoyenne sans confondre patriotisme et nationalisme. Le bien public ne saurait se réduire en un bien particulier, fût-il celui de la nation. La République ne constitue pas une communauté particulière, mais participe ainsi de la République universelle par la singularité de son œuvre et de sa culture. Ainsi, à mes yeux, la République peut et doit avoir de la grandeur. Mais c’est bien de grandeur d’âme dont il s’agit. Il me semble impossible qu’il puisse y avoir une République sans une morale républicaine dont le coeur consiste à préférer l’universel au particulier. Si une République doit trouver son assise dans la démocratie, elle ne se confond pas avec elle. La démocratie est un régime politique qui fait du peuple l’origine du pouvoir, elle implique tout simplement que les citoyens choisissent ses gouvernants. Il m’apparaît clairement que dans un Etat républicain moderne, la démocratie est une exigence quant à l’origine du pouvoir : les gouvernants doivent être librement choisis au suffrage universel. Le vote de chacun, quelles que puissent être les communautés auxquelles il appartient, vaut autant que celui d’un autre appartenant à des communautés différentes. Il y a bien là une ascèse qui fait préférer la singularité de la personne à la particularité de la communauté et l’universalité des principes à la singularité de la personne. Un gouvernement simplement démocratique est donc un gouvernement de l’opinion. Un gouvernement républicain est celui d’un gouvernement qui trouve son assise dans l’opinion, mais qui transcende cette opinion en volonté publique. Une démocratie qui oublierait l’idée de République pourrait engendrer des régimes monstrueux la détruisant. L’opinion n’est nullement républicaine quand elle préfère les intérêts des communautés au bien public. Le communautarisme conduit à l’obscurantisme et à la barbarie. Plus qu’une forme de gouvernement, la République est une morale, une philosophie pratique de construction de l’homme comme citoyen. Elle exige de tous et de chacun l’effort de formation, l’ascèse quasi spirituelle par laquelle, dépassant nos particularismes, nous élevons notre singularité en universalité. La République, en construisant la cité, construit un citoyen pièce maîtresse de l’univers ».

    Un nationalisme sans nation

    Ce texte est une illustration presque parfaite de la pensée de l’élite républicaine pour laquelle :

    – l’idéal (idéologie serait plus adéquat) est supérieur à la nation et à la personne ;

    – le bien public ne doit pas se limiter à la nation mais doit concerner l’univers ; – l’universel prévaut sur le particulier ;

    – la démocratie doit être surplombée par une caste républicaine chargée d’empêcher les divagations du peuple et d‚imposer les orientations politiques (la volonté publique qui est transcendantale !!!)

    – les communautés d‚origine doivent être dépassées ;

    – le but de la république n’est pas de chercher à réaliser le bien commun d’un peuple particulier mais de construire l’homme nouveau universel et indifférencié. On retrouve là un thème développé dans le passé par le bolchevisme (qui fût un autre héritier de la révolution française ; ce qui explique la difficulté à critiquer le communisme qu’ont toujours eue les républicains français) ;

    – il faut faire une distinction entre patrie (ce que les intellectuels néo-républicains, tels Taguieff ou Schnapper, appellent la nation civique par opposition à la nation ethnique) qui fait l’objet du patriotisme constitutionnel (J. Habermas) et nation (en l’occurrence la nation concrète avec sa culture, son histoire et ses traditions).

    La patrie de Barat, comme celle de tous les républicains, est une patrie abstraite susceptible de rassembler l’humanité entière (pour les républicains, la France peut devenir la patrie de tout homme qui veut devenir français et le peuple autochtone n’a rien à dire à ce sujet ; dans son livre récemment publié, Raffarin écrit que le devoir de la France est d’accueillir les étrangers : il ne nous consultera jamais sur ce point !). Chevènement n’utilise jamais le mot de nation, mais les mots de république et moins souvent de patrie (ils sont pour lui synonymes) ; par contre certains républicains, tel Taguieff, pensent qu’il ne faut pas abandonner le mot « nation » aux hérauts de la nation ethnique et qu’il faut par conséquent l’utiliser en y incorporant le sens de la nation civique républicaine. Il y a là une source d’incompréhension et de quiproquo, ainsi qu’une velléité de terrorisme sémantique.

    La république et sa crise d’identité

    La république française connaît une crise d’identité depuis une dizaine d‚années ; cette crise est liée à la construction européenne qui provoque une confrontation avec des systèmes politiques dont la philosophie est très différente de celle qui prévaut à Paris ; au développement de la volonté d’émancipation des communautés ethniques périphériques ; à la montée en puissance d’un populisme identitaire en rupture avec la pensée unique parisienne. Le malaise est si important dans les élites républicaines qu’on a le sentiment qu’elles sont sur la défensive (cela se traduit entre autres par une agressivité totalitaire à l’encontre de tous les mouvements défendant une cause identitaire en rupture avec l’universalisme de rigueur) et qu’elles ne savent plus comment maîtriser les votes incorrects et la montée de l’abstention et des particularismes. Face à cette situation, les républicains ont tendance à devenir hystériques et à mettre en place une propagande digne des régimes totalitaires.

    Chantal Delsol écrit : « La république n’accepte donc le débat démocratique qu’à l’intérieur des présupposés qui sont les siens. Et parce que ces présupposés sont assez précis et dessinent une figure du bien commun clairement déterminée, le champ du débat demeure toujours limité, voire exigu, en tout cas par rapport aux démocraties occidentales voisines. Dans la république française, la démocratie ne peut fonctionner seulement tant que les différents courants de pensée acceptent les présupposés républicains, et par là elle ne fonctionne jamais que sous une forme atténuée, puisque l’éventail des figures permises du bien commun est restreint. Si, pour des raisons diverses, un nombre significatif de citoyens récusent certains présupposés républicains et veulent exprimer cette récusation au nom de la démocratie, alors la république se trouve déstabilisée et sommée de donner une réponse à cette contradiction. Soit il lui faudra remettre en cause ses propres principes au nom de la démocratie, ce qui lui paraît impensable parce que ses valeurs sont sacralisées ; soit elle cherchera les moyens d’empêcher ces courants de s’exprimer, au nom de ses principes. La difficulté, dans ce deuxième cas, est qu’elle ne peut pas condamner ouvertement la démocratie pluraliste, faute de se voir rejetée dans le camp des ennemis de la liberté. La réponse à ce dilemme s’annonce tortueuse ».

    Et elle poursuit : « S’il le faut, c’est donc contre la démocratie elle-même qu’il faudrait sauver la voie républicaine. Dans les anciennes républiques nobiliaires, le peuple était considéré comme inapte pour se représenter le destin commun. Aujourd‚hui, on continue de justifier le monopole d’une élite à décider du destin commun, non seulement par la différence de compétences, mais par la différence morale : le peuple n’est plus simplement inculte, il est archaïque, ou séparateur. L’aristocratie vertueuse, désireuse d’élever le peuple, s’est transformée en une idéocratie éclairée, dépositaire d’une idée du Bien sui generis, seule capable de juger si la décision populaire est ou non valable, et repoussant sans cesse un peuple encore barbare qui argue de la démocratie pour imposer sa barbarie. Si bien que l’application de la peine de mort dans certains états américains peut apparaître comme le résultat d’une démocratie démagogique, dominée par un peuple barbare, ce qui n’empêche pas l’élite républicaine de s’appuyer sur l’opinion populaire quand cela sert son point de vue. Ainsi, le peuple a tort ou raison selon qu’il sert ou non la pensée dominante. Forte de son bon droit, la république devient le bras armé d’un ordre moral qui soutient et dirige la politique. L’opinion populaire ne lui agrée que si elle garantit sa vision du monde. Autrement dit, elle se sert de la démocratie comme moyen, tant qu’elle demeure utilisable ».

    Pour une démocratie fédérale

    Chantal Delsol plaide en faveur d’une démocratie, c’est-à-dire en faveur de la prise en compte de l’opinion majoritaire sans filtre républicain (celui de l’élite éclairée autoproclamée).

    De plus, elle considère, en bonne disciple d’Althusius, que les décisions doivent être prises au plus bas niveau possible, au plus près des gens et à ce titre elle refuse le centralisme étatique français. Pour elle, le fédéralisme est un complément de la démocratie ; le fédéralisme complète et achève le régime démocratique en permettant une expression et une satisfaction des besoins locaux indépendamment les uns des autres.

    Par ailleurs, le fédéralisme permet aux minorités de maintenir et de faire vivre leurs particularités, ce qui confirme l’esprit de la démocratie en ce qu’elle est le régime politique qui privilégie la pluralité (contrairement à la république à la française qui recherche l’unité et l’indifférenciation).

    Il faut dire à ce sujet que les régionalistes qui cherchent à concilier la république et le fédéralisme (ou l’autonomie) au nom d’un prétendu fédéralisme girondin commettent une erreur fondamentale (certains font ce mauvais calcul depuis trente années !), car il n’y a aucun linéament philosophique dans l’héritage de la révolution française qui puisse fonder une évolution fédérale de la France.

    Mona Ozouf, historienne spécialiste de la période révolutionnaire, écrivait dans le « Monde des débats » de janvier 2001 : « A l’origine, girondins et jacobins n’étaient que deux factions qui se disputaient le pouvoir. (…) Les girondins ont tous été jacobins à un moment quelconque, si on entend par là l’appartenance au Club de la rue Saint-Honoré ; jacobins aussi si on définit le jacobinisme par le patriotisme exclusif et le rêve fiévreux d‚une France guerrière rédemptrice de l’humanité ; jacobins encore, au moins jusqu’au procès du roi, par leurs provocants défis à la royauté ; jacobins toujours par leur obsession du complot. (…) Les girondins avaient-ils voulu fédéraliser la France ? Ce qui donne de la consistance à la charge, c’est la révolte qui, après le coup de force du 2 juin 1793, dresse une trentaine de départements contre la Convention : celle-ci vient d’exclure et de promettre à la mort vingt-deux députés girondins. L’insurrection est pourtant vite réprimée, circonscrite à quelques grandes villes, et on y chercherait en vain un esprit de dissidence régionale : les départements ne s’étaient associés que par haine de Paris, des exactions jacobines et des hommes en qui elles s’incarnaient. Ils n’étaient animés d’aucun projet séparatiste, ne récusaient pas l’existence d’un centre national. Girondins et jacobins étaient convaincus que l’esprit de la révolution réside dans la force de s’arracher à l’horizon villageois. Ni chez les uns, ni chez les autres, il n’y avait de tendresse pour les libertés locales ».

    La démocratie fédérale et la république à la française sont rigoureusement incompatibles ; s’engager sur la voie du fédéralisme et de la démocratie la plus directe possible, exige de changer de cap et de tourner le dos à ce système confiscateur des aspirations populaires et négateur de toutes les particularités. L’universalisme abstrait, l’obsession de l’unité, la recherche de l’indifférenciation, le centralisme technocratique et le gouvernement par une élite simplement élective sont les opposés du particularisme concret, de l’approbation de la diversité, de l’amour des différences, du polycentrisme politique et du gouvernement de la majorité du peuple par elle-même.

    La république et les identités

    Il est devenu habituel dans les milieux médiatique et politique de condamner, au nom du républicanisme individualiste et universaliste, tout ce qui fait référence aux identités collectives. Seule l’identité individuelle a le droit de cité et encore !.. à condition seulement qu’elle soit associée a un cosmopolitisme sans faille.

    Toute affirmation d’identité communautaire (ethnique, nationale, régionale…) est dénoncée comme une offense et même une menace envers la république.

    Pour les républicains, l’identité de la France doit être une identité idéologique et non pas une identité ethno-culturelle. Le peuple français est conçu par nos élites dirigeantes comme un peuple avant-gardiste, pionnier du civisme planétaire ; les Français (qu’ils soient franciens, bretons ou provençaux) sont ainsi appelés à se détourner de leur passé et à transcender leurs appartenances communautaires. Chantal Delsol écrit à ce sujet : « La république française entretient à la fois et de façon liée, une vision mystique du citoyen et une vision idéologique de l’éducation à la citoyenneté. Elle a tendance à croire, ou croit communément, que le citoyen est un homme nouveau, un homme doté d’une seconde nature, par l’arrachement au particulier et l’accession à l’universel, deux termes dont elle radicalise la séparation. Par l’éducation républicaine, l’enfant devrait être littéralement arraché à ses appartenances, au monde frelaté et provincial du particulier… L’école est censée purifier l’enfant du particulier pour le faire accéder à l’universel. Comme si les humains que nous sommes pouvaient s’abstraire de la particularité, de l’inscription dans le concret… En voulant purifier l’individu de toute particularité, la république ne le rend pas libre de penser par lui-même : elle le rend républicain. En voulant le désinscrire, elle l’inscrit dans une pensée officielle ».

    Le 19 septembre 2002, le maire socialiste de Rennes, au cours d’un colloque intitulé « Identité et démocratie » a insisté « sur les valeurs qui transcendent l’identité, dont le respect de l’autre » ; quant à Josselin de Rohan (président du Conseil régional de Bretagne), il mit en garde son auditoire : « l’exaltation de l’identité peut être très éloignée de la démocratie. La démocratie, c’est avant tout la reconnaissance de l’autre ». Dans ces deux discours républicains (l’un de « droite » et l’autre de « gauche »), on retrouve la même idée : l’autre est plus important que le proche (celui qui partage avec vous son identité).

    C’est une bonne illustration de la démonstration faite par Chantal Delsol : la classe politique et médiatique, toutes nuances confondues, partage la même vision républicaine, unitaire et universaliste.

    Il est intéressant de remarquer qu’au cours de ce même colloque, l’homme politique irlandais John Hume (Prix Nobel de la paix) affirmait quant à lui : « La différence est l’essence de l’humanité » ; ce qui est une position bien éloignée de celle de Rohan et Hervé : méfiance à l’encontre de l’identité d’un côté, approbation des différences de l’autre…

    Bruno Guillard, 01/10/2002

    SOURCE : Bulletin du MRB, 10/2002

    La république : une question française, Chantal Delsol, PUF 2002, 15 euros.

    http://www.polemia.com/contre-la-republique-a-la-francaise/

  • La décroissance pour les nuls par Guillaume LE CARBONEL

    Qu’est-ce que la décroissance ? Ni une insulte, ni un gros mot, ni même une nouvelle variété de légumes transgéniques. Pour reprendre la belle formule de Serge Latouche, il s’agit plus sûrement d’un slogan politique aux implications théoriques. Un drapeau en quelque sorte, une bannière sous laquelle se rassemblent toutes celles et tous ceux qui luttent contre la société de l’illimité et le développement effréné.

    « Comme le mot socialisme à ses débuts, celui de décroissance reste incertain, polémique et scandaleux, étirable dans des directions contraires. C’est sa force et sa richesse de ne pas être enfermé dans une doxasclérosante, tout en offrant un vocabulaire alternatif à la novlangue envahissante du management » écrit fort justement François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne (1).

    De fait, la décroissance n’est ni de droite ni de gauche, si tant est que ces notions ont encore un sens pour certains. Elle est par contre radicalement anticapitaliste car opposée à la croissance pour la croissance, c’est-à-dire à l’accumulation illimitée du capital, et à l’exploitation des gens ordinaires par des minorités oligarchiques. Elle s’oppose avec force à l’idéologie du progrès et au modernisme, vus par certains comme émancipateurs, mais fabriquant en réalité, à la chaîne, un être abstrait arraché à toutes ses racines, un zombie pousseur de caddie guidé par ses seuls intérêts.

    L’idée maîtresse de la décroissance réside dans l’analyse qu’une croissance infinie est incompatible avec un monde fini. D’après l’O.N.G. W.W.F., l’humanité est entrée en situation de dette écologique depuis les années 70. Depuis, le phénomène n’a fait que s’aggraver. Aujourd’hui, notre empreinte écologique excède de 50 % la bio-capacité de la Terre, autrement dit sa faculté à régénérer les ressources naturelles et absorber le C.O.2. La revue Science estime que la planète atteint de nos jours ses limites dans quatre domaines : changement climatique, érosion de la biodiversité, changement rapide d’usage des sols et perturbation des cycles de l’azote et du phosphore (2).

    La décroissance appelle donc à une remise en cause de notre mode vie et à la construction d’un société conviviale, autonome et économe. La simplicité volontaire doit remplacer la servitude volontaire. Pour ce faire, un simple changement de cap ne saurait suffire. Décoloniser notre imaginaire nécessitera une véritable révolution culturelle et anthropologique. Une subversion totale.

    Comme le rappelait André Gorz, la critique de la croissance n’a de sens, et de portée révolutionnaire, qu’en référence à un changement social total.

    Certains s’imaginent que décroissance rime avec archaïsme, retour à la bougie ou au primitivisme. D’autres fantasment sur une croissance négative, expression absurde. Décroître pour décroître est aussi ridicule que croître pour croître.

    Il s’agit en réalité de sortir de la logique de l’accumulation illimitée et du toujours plus. Il nous faut retrouver des limites pour donner un sens à notre vie étriquée, malmenée par l’hyper-technologie et l’obsession du changement. Serge Latouche parle de réaliser l’abondance frugale, autrement dit la prospérité sans croissance. 

    À l’origine de la décroissance, on trouve deux sources quasi simultanées et convergentes : la remise en question de la société de consommation, animée dans les années 60 par des hommes comme André Gorz, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou encore Ivan Illitch, et la prise de conscience de la crise de l’environnement sur laquelle travaillera notamment Nicholas Georgescu-Roegen au cours des années 70.

    En 2002, le slogan sera repris par Vincent Cheney et Bruno Clémentin au travers de la revue Silence.

    Toutes ces études montrent à quel point nous vivons dans une véritable addiction à la croissance et comment l’homme s’est transformé en consommateur illimité. François Hollande affirmait encore le 5 janvier 2015 sur France Inter : « Ce que je veux, c’est que la France crée durablement des emplois. Or elle ne le fera que si la croissance dépasse 1 % ». Le moins que l’on puisse dire c’est que nous sommes loin de les atteindre. Malgré l’action de la Banque centrale européenne, l’estimation pour le mois d’avril signale un ralentissement de l’activité globale dans la zone euro par rapport au plus haut de onze mois enregistré en mars (3).

    Serge Latouche est parmi les objecteurs de croissance celui qui a le mieux définit ce que peut être une société de décroissance. Pour lui, la société moderne est basée sur une triple illimitation : dans la production de marchandises (avec destruction des ressources), dans la consommation (besoins artificiels, obsolescence programmée) et dans la production de déchets. Il appelle donc à sortir de ce piège mortifère au travers d’étapes indispensables. Ce sont ce qu’il nomme les « 8 R » : réévaluer, reconceptualiser, redistribuer, relocaliser, réduire, restructurer, réutiliser et recycler.

    Le but étant de retrouver une empreinte écologique égale ou inférieure à une planète, de relocaliser les activités, de restaurer l’agriculture paysanne et de lancer la production de biens relationnels, c’est à dire réinventer le bien commun en retrouvant une autonomie économique locale. 

    L’ancrage anthropologique de l’homo œconomicus doit disparaître au profit d’une société plus humaine. Il n’est plus question de « sauver des emplois » mais de sortir de la société travailliste et productiviste. André Gorz parle de bâtir la civilisation du temps libéré. Il faut changer les valeurs sur lesquelles repose la société, réduire l’incitation à la consommation ostentatoire, définir un projet collectif enraciné, encourager le commerce local, réduire le tourisme de masse, lutter contre le bougisme obsessionnel et la marchandisation du vivant, contre l’isolement engendré par le numérique et contre les grands projets inutiles. 

    On le voit, la décroissance est un projet révolutionnaire infiniment plus dense que ses détracteurs veulent bien le laisser croire. Il est surtout le seul paradigme véritablement nouveau qui offre un contre-projet de société viable et sans cesse en évolution. C’est la nouvelle utopie du XXIe siècle, un art de vivre, une vocation à reprendre la main et à façonner littéralement son mode de vie (4). 

    Guillaume Le Carbonel

    Notes

    1 : cf. La Décroissance, n° 118, avril 2015. 

    2 : cf. Le Monde, le 15 janvier 2015.

    3 : cf. Challenge.fr, mis en ligne le 23 avril 2015.

    4 : cf. Clara Breteau, La Décroissance, n° 114, novembre 2014.

    • D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 25 mai 2015.

    http://www.europemaxima.com/

  • Institut Tavistock : « Techniques de manipulation mentale et de contrôle social » (Audio)

    http://www.fdesouche.com/610869-institut-tavistock-techniques-de-manipulation-mentale-et-de-controle-social#more-374451