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culture et histoire - Page 1335

  • Le nouveau numéro de "Réfléchir et Agir" est sorti

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    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2015/06/28/le-nouveau-numero-de-reflechir-et-agir-est-sorti-5647153.html

  • Pour commémorer la Grande Guerre autrement par Georges FELTIN-TRACOL

    Depuis le 3 août 2014, la France, plus généralement l’Europe ainsi que leurs anciennes possessions d’outre-mer commémorent le déclenchement dramatique, puis le déroulement tragique de la Première Guerre mondiale. Films, émissions d’archives, séries télévisées, expositions muséographiques déferlent autour de ces événements qui constituent le point nodal et la matrice primordiale du XXe siècle au point que Dominique Venner avait raison de parler à ce propos du « Siècle de 1914 ». Les éditeurs ne sont pas en retraite de cette actualité historique brûlante.

     

    Dans le flot considérable de mémoires, de récits plus ou moins romancés, d’études universitaires et de témoignages, soulignons la présence de deux ouvrages qui tranchent par rapport à l’offre publiée. Il est intéressant de souligner que les deux maisons d’éditions, de modestes structures si on les compare à leurs homologues parisiennes, sont lorraines, l’une installée à Metz, l’autre à Nancy. Cette dualité de localisation n’est pas anodine d’autant que leur perception de la Grande Guerre ne peut que diverger avec celle qui prévaut à Brest, à Bordeaux, à Marseille ou à Grenoble. Le traité de paix de Francfort en 1871 scinda en deux ensembles distincts la Lorraine : une partie qui correspondait au département de la Moselle (Metz) germanophone fut intégrée avec sa voisine alsacienne dans un Reichsland du tout nouvel empire allemand; l’autre partie autour de Nancy demeura française. Afin d’éviter de possibles contentieux politico-juridiques, le traité autorisait les Alsaciens-Lorrains volontaires et attachés à la nationalité française de déménager en « France de l’intérieur », voire en Algérie…

     

    Cependant, de nombreuses familles alsaciennes et lorraines, guère fortunées, préférèrent rester et acceptèrent la tutelle de Berlin. C’est le cas de Pierre Jacques (1879 – 1948). Cet enseignant catholique de Metz, parfait bilingue, rédigea pendant l’Entre-Deux-Guerres un roman métaphorique sur les Lorrains mobilisés sous l’uniforme allemand. Inapte physiquement pour la guerre, Pierre Jacques n’effectua que sept mois de service militaire au cours de laquelle il se liait avec un certain Robert Schuman. Pour ce Prussien malgré lui, il utilisera surtout les témoignages de ses frères et amis qui souffrirent dans les tranchées de l’Ouest.

     

    Prussien malgré lui n’est donc pas une autobiographie. C’est une sorte de prise de distance nuancée avec des événements sanglants au nom de la réconciliation franco-allemande en prenant l’exemple de la Lorraine désormais duale. Le héros de Prussien malgré lui, Paul Lorrain, travaille dans les forges industrielles de Moyeuvre, non loin de la France et du Luxembourg. « Originaire de Sierck, petite cité vénérable des bords de la Moselle (p. 26) », Paul Lorrain est un dynamique chef d’équipe trentenaire. Régulièrement, une fois la journée de travail terminée, il apprécie les discussions avec ses collègues et amis dont certains sont de nationalité française. Si les tensions dans les Balkans les préoccupent en cet été 1914, ils pensent qu’une éventuelle guerre se limiterait à cette partie lointaine du continent.

     

    Quand le beau temps le lui permet, Paul aime se promener dans la campagne et n’hésite pas à franchir une frontière franco-allemande peu contrôlée. Il va souvent saluer les Stadtfelder dont le fils est un ami d’enfance et la fille, Jeanne, sa fiancé. Sa future belle-famille a opté pour la France en 1871 et attend la « Revanche », d’où une certaine rugosité dans l’appréciation des rapports franco-allemands. Au contraire de Paul Lorrain qui « avait été éduqué […], sans chauvinisme dans un véritable amour de la terre natale. […] Ainsi, Paul était davantage lorrain qu’allemand ou français (p. 48) ». Cette affirmation régionale désarçonne ses interlocuteurs. N’explique-t-il à son futur beau-père qu’« un fort pourcentage de la population actuelle n’est plus de souche lorraine ou alsacienne; il ne serait pas correct d’expulser les immigrés allemands; car beaucoup sont nés chez nous et n’ont pas d’autre patrie (pp. 51 – 52) » ? Or, en 1918 – 1919, la République française, grande donneuse de leçon à la Terre entière, pratiqua – c’est peu connu dans l’Hexagone – une vaste épuration ethnique, chassant sans ménagement de l’ancien Reichsland les populations d’origine allemande au moyen de « commissions de triage » qui agirent aussi en véritable police politique à l’égard des autochtones alsaciens-lorrains. Seul point positif : ce triste précédent étayera l’inévitable réémigration de populations allogènes indésirables en France et en Europe un jour prochain…

     

    Quand Paul Lorrain reçoit son ordre de mobilisation, il s’exécute et se dirige vers la caserne où convergent Lorrains et Allemands. Là, « un adjudant tenant à la main les listes des classes d’âge fit l’appel et nota avec satisfaction la présence de frontaliers aux noms français. Lorrain, lui aussi, s’étonna du petit nombre d’absents parmi les frontaliers (pp. 64 – 65) ». Incorporé dans un régiment, le héros entend les bobards sur la trahison intrinsèque des élites lorraines francophones et leurs actions subversives. Il pâtit aussi de l’animosité d’un de ses sous-officiers qui voit dans chaque Alsacien-Lorrain un traître potentiel… L’accueil est en revanche plus fraternel avec les soldats allemands venus d’autres régions qui découvrent leurs nouveaux frères d’arme.

     

    Paul Lorrain connaît rapidement les premiers combats et reçoit pour sa bravoure la Croix de Fer. Son âme reste toutefois tiraillée surtout après l’occupation par les Allemands du village détruit de sa fiancée. Il affronte plus tard au front son beau-frère ! Gravement blessé, Paul Lorrain décède finalement du fait de ce déchirement intérieur entre Lorraine, France et Allemagne !

     

    Le beau récit de Pierre Jacques démontre l’absurdité de la Guerre civile européenne et les dégâts considérables qu’elle provoqua dans les familles. Prussien malgré lui fait aussi découvrir au lecteur toute la complexité de l’âme lorraine-mosellane.

     

    L’absurdité du grand conflit continental entre 1914 et 1945 se retrouve dans la belle nouvelle de Jean-Jacques Langendorf. Historien militaire suisse de renom international et aventurier – écrivain, Jean-Jacques Langendorf narre (romance ?) la vie d’Albéric Magnard. Fils unique du gérant du Figaro, Francis Magnard, Albéric fut un célèbre compositeur français né en 1865. Élève de Massenet et D’Indy, il s’inspire de ses maîtres ainsi que de Wagner et de Beethoven. Très tôt orphelin de mère, c’est son père, un « homme [qui] avait toujours été un solitaire doublé d’un cynique, qui méprisait l’humanité et qui trempait sa plume dans le venin distillé inlassablement par son cerveau, ce qui était loin de déplaire aux lecteurs de ses chroniques (p.8) », qui l’élève.

     

    Misanthrope et casanier, Albéric Magnard « ne tolérait pas la présence de domestiques dans son entourage (p. 22) » et préférait lui-même cirer le parquet et cuisiner pour ses enfants. Bien que ne goûtant guère les voyages, il accepte néanmoins de séjourner à Berlin où il dirige avec succès un orchestre qui joue ses œuvres. Il reçoit même les félicitations d’un officier de carrière qui l’admire.

     

    Quand éclate la guerre, Albéric Magnard vit dans son Manoir des Fontaines à Baron dans l’Oise, détesté par le voisinage. Le dictionnaire encyclopédique Larousse précise que « l’auteur mourut dans l’incendie de sa demeure par l’armée allemande lors de l’offensive d’août 1914 ». Jean-Jacques Langendorf détaille les circonstances de la mort du compositeur. Irrité par l’intrusion des troupes allemandes dans sa résidence, le propriétaire irascible tire sur eux. En représailles, les Allemands incendient son domicile. Magnard se suicide alors. Ô ironie ! Le responsable allemand qui commande la destruction n’est autre que l’officier berlinois qui le complimentait naguère… Cet Allemand comme d’ailleurs Paul Lorrain n’a fait qu’obéir « à la loi, à la dure loi de la guerre (p. 34) ». Saloperie de guerre civile européenne !

     

    Georges Feltin-Tracol

     

    • Pierre Jacques, Prussien malgré lui. Récit de guerre d’un Lorrain 1914 – 1918, Éditions des Paraiges (4, rue Amable-Taste, 57000 Metz) – Éditions Le Polémarque (29, rue des jardiniers, 54000 Nancy), 2013, 128 p., 12 €.

     

    • Jean-Jacques Langendorf, La mort d’Albéric Magnard. 3 septembre 1914, Éditions Le Polémarque, 2014, 34 p., 8 €.

    http://www.europemaxima.com/

  • L’économie selon Houellebecq par Pierre LE VIGAN

    L’économiste Bernard Maris est mort dans des circonstances qui évoquent le roman Plateforme de Michel Houellebecq. Au cours d’un attentat terroriste d’islamistes. Houellebecq, c’est l’auteur auquel est consacré son dernier livre.

     

    Ce que Bernard Maris montre d’une manière lumineuse – nous ne l’avions pas toujours vu aussi clairement –, c’est que le cœur des livres de Houellebecq est une protestation passionnée contre la domination de l’économique sur nos vies. La science économique libérale est fausse.  Maris écrit : « Bien entendu, les hommes ne sont ni rationnels ni calculateurs, C’est pourquoi ils sont surprenants, avec leurs passions, leurs peurs, leurs joies, leurs doutes, leurs naïfs désirs, leurs frustrations, et beaucoup de choses comme le mal au dos. »

     

    Houellebecq illustre cela, notamment en montrant le rôle de l’amour dans la vie des hommes. Mais Houellebecq ne se contente pas de critiquer la « science » économique, sa prétention, sa vacuité. Il voit la nocivité de la domination des préoccupations économiques. C’est ce que Viviane Forrester appelait « l’horreur économique ».

     

    Le bilan du libéralisme, c’est la lutte de tous contre tous, et c’est l’exacerbation des besoins et donc des insatisfactions. C’est le développement de l’individualisme, véritable tumeur maladive. « La conséquence logique de l’individualisme, c’est le meurtre et le malheur », indique Houellebecq. L’homme est rabaissé et soumis à la logique des désirs, avec comme seul idéal de « se goinfrer comme des enfants ». L’homme est infantilisé puis malheureux. Car c’est l’homme malheureux qui est entraîné par la loi tendancielle de baisse du taux de désir (qui est en fait le corollaire anthropologique de la baisse tendancielle du taux de profit). La loi du désir oblige à mettre de nouveaux désirs sans cesse sur le marché, toujours plus débiles et volatiles, soumis à une obsolescence toujours plus rapide.

     

    On voit que toutes les leçons de Michel Clouscard et de Jean Baudrillard sont comprises et reformulées dans la création littéraire de Michel Houellebecq. Le monde est devenu le résidu de la production d’argent. « Le libéralisme redessinait la géographie du monde en fonction des attentes de la clientèle ». Contrairement à l’extrême gauche qui critique le capitalisme sans mettre en cause l’individualisme libertaire, Houellebecq va à la racine : il dénonce le règne du moi-je, le règne du « tout à l’ego », Ainsi, « nous avançons vers le désastre, guidé par une image fausse du monde […].  Cela fait cinq siècles que l’idée du moi occupe le terrain ; il est temps de bifurquer ».

     

    Sur quoi est fondée l’économie ? Sur l’organisation de la rareté. S’il y a abondance, il n’y a plus d’économie. Ou plus précisément elle ne domine plus nos vies. C’est pourquoi l’économie libérale est la gestion de la frustration. En période d’abondance et notamment d’abondance de travail (donc de plein emploi), la domination de l’économie et des puissances d’argent ne disparaît certes pas mais elle s’affaiblit. C’est ce que remarque Houellebecq, dans la lignée de George Orwell : « En période de plein emploi, il y a une vraie dignité des classes prolétariennes. […] » Elles « vivent de leur travail, et n’ont jamais eu à tendre la main ». C’est évidemment pour cela que le capitalisme ne veut pas se donner pour objectif le plein emploi et pousse à la précarité, à l’immigration, à la flexibilité du travail, à un droit du travail réduit à des cendres.

     

    Le capitalisme pousse ainsi à l’homogénéisation du producteur-consommateur, à l’exception de petites différences illusoires (ceux qui roulent en vélo, les gays, les internautes, etc.). Il s’agit moins de différences que de parts de marché.

     

    Lucide sur le diagnostic, Michel Houellebecq n’y va pas par quatre chemins dans ses conclusions : « Nous refusons l’idéologie libérale parce qu’elle est incapable de fournir un sens, une voie à la réconciliation de l’individu avec son semblable dans une communauté que l’on pourrait qualifier d’humaine. » Il écrit encore : « Nous devons lutter pour la mise en tutelle de l’économie et pour sa soumission à certains critères  que j’oserai appeler éthiques. »

     

    Pierre Le Vigan

     

    • Bernard Maris, Houellebecq économiste, Flammarion, 2014, 160 p., 14 €.

     

    • D’abord mis en ligne sur Métamag, le 30 avril 2015.

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  • Fascisme

     « Il naîtra de faux fascismes. Car la démocratie est fourbue. Dans son agonie, elle aura des sueurs et des cauchemars : et ces cauchemars seront des tyrannies brutales, hargneuses, désordonnées. Il y aura des fascismes de l’antifascisme. Il y aura des « dictateurs de la gauche ». Et nous verrons s’élever au nom de la défense des républiques, des régimes qui auront pour maxime de refuser la liberté aux « ennemis de la liberté ». Nous le savons. Et c’est pourquoi nous savons aussi que c’est mensonge et vanité de définir le fascisme par des caractères extérieurs. La suppression de la liberté, les arrestations arbitraires, les camps de concentration, la torture qu’on prétend rejeter sur le fascisme, sont tout aussi bien et tout aussi souvent le propre des régimes dirigés contre le « danger fasciste ». Tous les caractères extérieurs par lesquels les adversaires du fascisme le définissent, ils se retrouvent ou peuvent se retrouver dans les régimes antifascistes : c’est qu’ils ne définissent pas le fascisme qui, finalement, est une manière de réagir, un tempérament, une manière d’être, incarnée dans un certain type d’hommes.

    C’est ce type d’hommes, c’est cette attitude devant la vie qui, au fond, commandent toutes les réactions fascistes et les formes, diverses selon les peuples, que le fascisme a prises et prendra dans l’histoire. Là où ces hommes dirigent, là où leur esprit inspire l’action de pouvoir, il y a un régime fasciste. Au contraire, lorsqu’ ils sont persécutés ou combattus, quoi qu’on vous dise et quelque bruit que fasse la trique en tournoyant, reconnaissez les signes de la décomposition, de la décadence et le règne de l’or et des pharaons de l’étranger. Voulez vous reconnaître à coup sûr et instantané le faux fascisme ? Vous le reconnaîtrez à ces signes : il emprisonne au nom des droits de la personne humaine et il prêche le progrès, mais il respecte les milliards et les banques sont avec lui. Ne cherchez pas plus loin. Vous verrez quelques mois plus tard le faux fascisme faire la chasse au courage, à l’énergie, à la propreté. Il vous dévoilera ainsi son vrai visage. Il a besoin d’esclaves assez abrutis pour ne pas trop sentir leur collier. »

    Maurice BardècheQu’est-ce que le fascisme ? Les Sept Couleurs.

    https://lecheminsouslesbuis.wordpress.com/2012/11/12/fascisme/