culture et histoire - Page 1511
-
Frakass - Terre de France
-
Abrutir plutôt qu’éveiller le cerveau disponible
La plus brillante analyse de la tyrannie publicitaire a été effectuée en juillet 2004, par Patrick Le Lay, à l’époque PDG de TF1 : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ‘business’, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. [...] Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »
On voit ici qui commande : l’acheteur d’espaces publicitaires, dont Coca-Cola est l’exemple archétypique. Les conséquences sont immédiates sur le fond et la forme. « Vendre du temps de cerveau disponible » est une activité doublement exigeante : il faut aussi que le cerveau de la « cible » soit suffisamment ramolli pour accueillir sans esprit critique le message publicitaire. Cela a des conséquences sur le format et le contenu des émissions.
Prenons le journal de 20 heures de TF1 : voilà une succession d’anecdotes et de faits-divers sans grand intérêt, mis peu fatigants pour l’esprit. Un sujet consacré à la politique étrangère doit être simple : impossible d’expliquer la guerre civile en Libye par la division entre la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan ; impossible d’évoquer les rivalités entre tendances musulmanes et compagnies pétrolières. Mieux vaut miser sur les ressorts du feuilleton à rebondissement (le fameux « cliff hanger » des séries américaines à succès), avec du suspense, de l’émotion et des personnages forts, aux caractères bien tranchés. On présentera les bons d’un côté, les méchants de l’autre : Cosette n’a pas de zones d’ombre et Dark Vador ne fait pas dans le sentiment. D’un feuilleton à l’autre, ce qui vaut pour la Libye vaut pour la Syrie, la Serbie, l’Irak ou l’Afghanistan.
Les radios d’information ont les mêmes contraintes : un « grand » sujet d’actualité sur RTL, RMC ou France-Info dépasse rarement 40 secondes et 160 mots. Même les journaux soumettent le contenu et l’analyse aux logiques de l’argent-roi. Porté à la tête du Nouvel Observateur, en 2008, Denis Olivennes diminue le nombre de pages, raccourcit les reportages, mais développe les pages « consommation » et crée une rubrique « mode » - sans doute pour mieux rendre disponible les cerveaux de ses lecteurs aux messages publicitaires ! Quotidien du soir dit de « référence », Le Monde ne cesse d’appauvrir ses contenus pour dégager de la place pour les titres et les photos. Dans n’importe quelle publication commerciale, un sujet, même passionnant ou original, peut être rejeté au motif qu’il ne cadre pas avec les objectifs des partenaires publicitaires. D’où la multiplication des « suppléments », qui permettent aux journaux payants de se distinguer encore un peu des gratuits pour un minimum de contenu. Le sujet « chaud » ou supposé tel est soigneusement mis à l’écart des pages publicité. Celles-ci figurent dans des cahiers à part, au sein d’un écrin d’articles purement commerciaux et vidés de tout contenu.
L’exemple le plus emblématique est l’actuelle formule du Monde vendu le vendredi. Pour 3,50 € (en 2012) l’acheteur trouve un exemplaire de son quotidien habituel et... quatre suppléments. Les trois premiers – sport et forme, sciences et techo, culture et idées – sont au format traditionnel : ils comportent des textes de fond (plus ou moins profonds) mais n’ont pas de publicité. Le quatrième supplément est un magazine sur papier glacé au contenu aussi riche que celui d’une brochure d’aéroports : à lire en comatant sur son canapé. A titre d’exemple, feuilletons le numéro du 15 octobre 2011 : en hommage à Steve Jobs récemment disparu, la « Une », titré « ISad », est quasiment publicitaire. Les pages de droite qui suivent ne sont que de la publicité : pour Ralph Lauren, Louis Vuitton, Mercedes-Benz, Gucci, Chanel, Canali, Lanvin, Lacoste, MCS, EDF, Kenzo, Hugo Boss, Bulgari, Cerruti, Aigle, Eden Park, Alfa Romeo, HSBC, Skoda, Volvo. Bref, Skoda et EDF mis à part, essentiellement le monde du luxe ! Ce sont évidemment les publicitaires qui imposent cette séparation entre le texte et la publicité : car un texte de réflexion ne favorise pas la soumission au message publicitaire.
A cette aune, on comprend mieux l’hostilité de Maurice Lévy au Figaro Magazine dans sa forme d’origine : l’idéologie de ses rédacteurs, implicitement – voire explicitement – critique des valeurs marchandes, ne pouvait que lui déplaire. Sans compter que des textes intelligents, visent à garder l’esprit éveillé, n’étaient pas du tout favorables à l’épanouissement de la servitude commerciale. Or, pour un marchand d’espaces publicitaires, il vaut sans doute mieux 250 000 ahuris que 850 000 lecteurs mettant en œuvre leurs capacités cognitives. Ce n’est pas le public qui tire les médias vers le bas, ce sont les publicitaires.
Jean-Yves Le Gallou, La tyrannie médiatique
http://www.oragesdacier.info/2014/08/abrutir-plutot-queveiller-le-cerveau.html
-
1914-1918 l'épuration républicaine
-
Il y a un siècle, la république achevait le peuple de France...
Il y a un siècle de cela, la France entrait en guerre contre l'Allemagne et de ce fait, elle rentrait également dans ce qui allait devenir la première Guerre Mondiale. Un siècle plus tard lorsque l'on regarde ce qu'est devenu la France et les français en comparaison de ce qu'était justement la France en 1914, on ne peut que s'attrister de voir à quel point le sacrifice des poilus, si grand fut-il, n'a pas servi à grand chose.
Ils n'étaient que de simples paysans, des artisans, des roturiers, ils étaient la France d'hier, la France profonde. Ils incarnaient encore à cette époque, l'image de ce peuple ancestrale qui bâtit 1500 ans d'histoire aux côtés de tous nos Rois. C'est plus d'1,5 millions de ces français du début du siècle dernier qui périront dans cette guerre infernale que fut la guerre de 1914 1918.
Il faut dire qu'ils n'avaient guère le choix ces pauvres français de 1914, car malheureusement ils étaient en république. Et le propre de ce régime est d'obliger les fils de France à aller se faire massacrer sans leur demander leur avis. C'est ce qu'on appel plus couramment la fameuse mobilisation générale. A l’époque des Rois, il n’y avait pas de mobilisation générale. Au Moyen-Âge seul les nobles et les seigneurs avaient le droit de faire la Guerre. Plus tard c’est un système de recrutement dans les campagnes qui permit de grossir les rangs des régiments en fonction des besoins de l’armée. Le paysan avait le choix d’aller se battre ou non. Avec l’arrivé de la république, c’est la conscription qui règne, de 18 à 60 ans, on peut être envoyé à la mort, depuis la fameuse levée en masse des 300 000 hommes en 1793, contre lequel s’était insurgée la Vendée. Du reste, quand on a plus d’homme on mobilise les adolescents comme le fera Napoléon avec ses « Marie-Louise », qui seront décimé à Leipzig ! Anatole France dénonçait lui-même ce système en ces termes : « La honte des républiques et des empires, le crime des crimes sera toujours d’avoir tiré un paysan de la paix doré de ses champs et de sa charrue et de l’avoir enfermé entre les murs d’une caserne pour lui apprendre à tuer un homme »
Une délégation du GAR s'est donc rendu sur les lieux de la bataille de Verdun sur le site de Douaumont. Quelle sensation terrible lorsque l'on se tient face à toutes ces croix qui s'étalent devant vous à perte de vue. Quant on pense qu'il y a à peine un siècle de ça, ces croix étaient toutes des hommes qui ne demandaient qu'à vivre, et aujourd'hui ils reposent dans cet ossuaire de Douaumont en conséquence des épreuves terribles qu'ils durent subir lors de ce conflit. Que dire également de cette tranchée des baïonnettes, parfaitement conservée, ou l'on distingue quelques bouts de baïonnettes, dépassant de la dite tranchée, et qu'au bout de chacune de ces baïonnettes se trouve un soldat français ! Quelle angoisse lorsque vous regardez autour de vous, toutes ces collines encore recouvertes de cratères d'obus, cette ambiance lunaire malgré la végétation qui a largement repoussée depuis. Combien de morts pour une seule de ces collines se dit-on soudain...
Quel sentiment d'injustice quand on songe à ce sacrifice, et de savoir qu'à peine vingt ans plus tard une seconde guerre éclatera afin d'achever pour longtemps cette Europe historique qui fut si terriblement écorchée vive durant ce premier conflit. Et surtout, quelle terrible frustration de voir, un siècle plus tard, ce que sont devenus les arrières petits fils de ces valeureux soldats sacrifiés pour la gloire de la république, de l'argent et des intérêts étrangers ! Que vallons-nous face à tous ces hommes ? Et surtout quel héritage allons-nous transmettre aux générations futures ? Il aura fallut un siècle pour finir d'achever ce que la révolution de 1789 avait entamé, à savoir, la destruction de la France dans sa réalité historique, culturelle et religieuse, afin de la supplanter par une France idéologique incarnée par la république, son avatar marianne, et les Droits de l'Homme. L'agonie de la France a commencé en 1789, mais celle du peuple français a commencé en 1914, pour en arriver à ce que nous sommes aujourd'hui !
Nous verrons bien ce que l'avenir nous réservera en matière de conflit, mais n'oublions jamais que ce qui a fonctionné dans un sens peut fonctionner dans l'autre. Certains ont profité des deux conflits mondiaux pour nous mettre à genoux, alors il ne tiendra qu'à nous de profiter des futurs événements qui façonneront notre histoire, pour nous relever définitivement, pour la gloire de nos enfants, mais aussi et surtout pour celle de ceux qui furent sacrifiés inutilement au détriment du pays pour lequel ils se sont battus. De ce pays qui les a vu naître et mourir et qui exige de nous tous d'être à la hauteur.
G.A.R.
-
Spinoza : Le Dieu de Spinoza
-
Spinoza : L'Ethique. 01. Dieu et la causalité
-
La carte du colonel Peters et les balles perdues du proche orient
Depuis 1991, les observateurs internationaux assistaient à une marche, que les uns jugeaient certes lente et d'autres sans espoir, celle du Kurdistan irakien vers l'indépendance. Désormais elle semble presque inéluctable, avec le soutien de son voisin du nord qui s'y était toujours opposé.
Cette évolution nous livre à chaud de nombreux enseignements.
En même temps que s'affirme, à cheval sur les territoires étatiques de la Syrie et de l'Irak, l'embryon totalitaire d'un califat ou d'un pseudo-califat de Mossoul, c'est en effet l'ensemble du pouvoir de Bagdad qui se décompose.
Issu du mandat britannique de 1921 sur la Mésopotamie, le royaume d'Irak proclamé en 1932, transformé en république en 1958, n'aura sans doute pas duré plus d'un siècle. Or cet État pouvait paraître naguère le plus solide, le plus vertébré, du monde arabe. Son explosion semble donc préfigurer une révision générale des frontières au proche orient.
Les bons esprits ne manqueront pas à cet égard d'en imputer le désordre "aux Américains", et à eux seuls. Les clients du Dictionnaire des idées reçues les diront donc, collectivement, coupables d'avoir voulu en 2003, "déstabiliser" une zone du monde qui n'a pourtant jamais brillé par sa stabilité.
Indiscutablement considérés comme facteur d'ordre dans la région, non moins collectivement, "les Turcs" partagent cependant une toute petite part de ce bugue stratégique. Leur infanterie, principal contingent terrestre de l'OTAN, devait pouvoir fournir jusqu'à environ 150 000 hommes à la coalition armée, pas loin du tiers de l'effectif global. Et puis, au dernier moment un vote plus ou moins mystérieux, inexplicable et imprévu, de la Grande Assemblée Nationale d'Ankara ne le permit pas. Le gouvernement que venait de constituer, le 14 mars, l'ancien joueur de football Recep Tayyip Erdogan, resté un excellent dribbleur, n'allait pas pouvoir, à son grand regret, participer à la fête. N'importe, dira-t-on : les forces de quelque 37 autres pays, y compris l'Albanie et le Kazakhstan, allaient apporter leur aide aux 250 000 soldats des États-Unis.
Mais si la guerre d'Irak s'est déclenchée en mars 2003, c'est en juin 2006 que, pour la première fois, dans la Revue officieuse des forces armées américaines, le colonel Ralph Peters publia pour le futur une carte remodelée et une analyse proposant une nouvelle configuration de la région, plus confortable comme allait l'annoncer Condoleezza Rice à Tel Aviv. Non seulement le pays en voie de pacification allait être tronçonné en trois territoires supposés réalistes, un aux Chiites du sud, un aux Sunnites et le troisième aux Kurdes, mais divers autres États allaient, les uns apparaître, un grand Baloutchistan par exemple, ou, au contraire se voir amputer en partie. Ainsi la Turquie allait-elle céder, certainement sans broncher, ses provinces du sud-est, pour faire un grand Kurdistan, cependant que l'Azerbaïdjan, lui, allait recevoir son homologue actuellement iranien, etc.
Autrement dit on imaginait que les États militairement les plus forts allaient reculer docilement leurs frontières, ceci au profit de nations beaucoup plus faibles.
Au moment de sa publication, le texte de cet excellent officier de Renseignement mettait d'ailleurs sans détours en cause la stupidité des Européens.
Incapables de dessiner les limites territoriales de leurs propres peuples, les gouvernants du Vieux Continent, auraient, à l'en croire, imposé les délimitations des pays africains, occasionnant ainsi les troubles du continent noir. Pis encore, toujours selon ce brillant spécialiste, ce sont les calculs impérialistes des Français et Anglais au Moyen Orient qui porteraient jusqu'à nos jours la responsabilité des conflits dans lesquels la région entière, entre Anatolie et Pakistan, se trouve aujourd'hui ensanglantée. Ne parlons même pas de l'ancien mandat britannique sur la Palestine.
Si cette lecture de l'Histoire du XXe siècle n'avait été publiée que dans un fanzine gauchiste, on se contenterait volontiers de hausser les épaules. Si elle se limitait à des imprécations jetables, huit années plus tard on n'en parlerait même plus.
Malheureusement, la source s'étant située aux États-Unis, plus ou moins officielle, et les événements semblant esquisser un commencement d'exécution, y compris depuis la vague des prétendus "printemps arabes", et celle de leurs contrecoups, elle appelle certaines nouvelles remarques.
Observons d'abord que les centres de pouvoirs nord-américains n'ont à ce jour jamais été en mesure de définir sérieusement et durablement à Washington leurs véritables buts de guerre, même en Afghanistan, depuis les événements du 11 septembre 2001.
On remarquera à cet égard que, dans la phase actuelle, c'est bien le gouvernement kurde d'Erbil, et lui seul, qui cherche à faire évoluer son autonomie régionale vers l'indépendance. Ce projet semble de plus en plus concerté avec la politique d'Ankara, autrefois radicalement contraire, mais avec laquelle Massoud Barzani multiplie les contacts. Il y développe les points d'accord, depuis plusieurs années, indépendamment de la question nationale telle qu'elle se pose en Turquie même.
À l'inverse, la diplomatie des États-Unis s'y oppose de façon très concrète en cherchant à entraver les exportations de pétrole. C'est ainsi fin mai que pour la première fois le navire-citerne United Leadership, immatriculé aux Îles Marshall, quittait nuitamment le terminal turc de Ceyhan en vue d'effectuer la première livraison de pétrole kurde. La cargaison estimée à 100 millions de dollars était alors destinée au Maroc. Avant d'effectuer sa livraison au port de Mohammedia, elle fut bloquée par une intervention des autorités américaines.
Les occidentaux maintiennent ainsi sous perfusion la fiction juridique du pouvoir central de Noury el-Maliki et du parti chiite Dawa comme "gouvernement de tous les Irakiens". Installée en 2006 sous la deuxième présidence de George W Bush et confirmée sous les deux mandats de Barack H Obama cette équipe ne représente pourtant plus, de façon notoire, qu'une minorité en voie d'effondrement.
La contradiction la plus totale éclate ainsi entre les objectifs que l'on prête "aux Américains" et les actes de leur gouvernement.
Or, "les Américains" rejoignent en cela bien des coalitions du passé, et des acteurs de l'Histoire, ceux que précisément le colonel Peters couvre de sarcasmes. "On s'engage et puis on voit" croyait pouvoir dire Napoléon, – lequel justement ne sut jamais construire un équilibre européen pérenne.
À l’inverse, parmi les anniversaires qui s'accumulent ces temps-ci, celui de 1814 n'est guère évoqué : cette année-là vit en effet s'esquisser en Europe une sortie de guerre.
Elle se basait certes sur des compromis pragmatiques entre puissances victorieuses, mais aussi sur une foi commune, permettant à leurs gouvernements de parler d'une Sainte Alliance.
Or celle-ci se révéla probablement moins irréaliste que les fameux "quatorze points de Wilson". Énoncés en janvier 1918, c'est sur leur fondement très utopique que furent imposés aux vaincus les funestes traités de Versailles, Trianon, Neuilly, Saint-Germain-en-Laye. Chacun de ces diktats de 1919 contenait en germe les causes directes du conflit qui s'en suivit, 20 ans plus tard.
On doit noter d'ailleurs que le Sénat américain refusa d'endosser ce système en mars 1920.
Or, il fut étendu au moyen orient en août 1920 par leur prolongement de Sèvres, auquel les États-Unis inspirateurs ne donnèrent pas leur signature. Cet instrument diplomatique ne fut jamais vraiment appliqué dans son intégralité car il se révéla vite inapplicable, juxtaposant des peuples désarmés, proies faciles de conquérants, de révolutionnaires et de rivaux armés et impitoyables. Certains résistèrent héroïquement, croyant en la victoire du bon droit, avant de succomber.
Après le congrès de Bakou de septembre 1920 (1)⇓ et l'alliance de 1921 entre Lénine et Mustapha Kémal, commença le long martyrologe moderne des chrétiens d'orient, largement inauguré en Arménie en 1915 et qui semble s'achever un siècle plus tard avec le départ des derniers de nos coreligionnaires. Il se trouve cependant que les frontières brutales, militaires et chirurgicales sanctionnées par le traité de Lausanne de 1923 auront duré, elles, pratiquement jusqu'à nos jours.
Entre-temps, l'État Kurde prévu à Sèvres s'était trouvé partagé entre Turquie, Irak, Iran et Syrie. S'il a pu réapparaître, seulement en partie, sur les décombres de la Mésopotamie, cela ne doit rien aux beaux principes du président Wilson et du colonel Peters : cela doit tout aux évolutions du rapport des forces.
Le danger que l'on peut en revanche hélas discerner dans le projet décrit par le Colonel Peters ne doit pas être sous-estimé. Le manque de réalisme de certains secteurs amène trop souvent les opinions occidentales à souhaiter des frontières "plus justes" en imaginant qu'elles peuvent être redessinées par une improbable "communauté internationale."
C'est sur cette illusion que l'on joue aujourd'hui encore en permettant qu'on réhabilite les assassins de Sarajevo de 1914, et leurs inspirateurs, terroristes dont on fait des héros.
Que cette utopie destructrice se soit maintenue, qu'elle frappe encore notre continent au mépris de l'Histoire, devrait donc faire sérieusement réfléchir les Européens, tant il est vrai que "nul n'a droit en sa peau qu'il ne la défende".
JG Malliarakis
Apostilles
- … premier appel à la guerre sainte islamo-révolutionnaire du XXe siècle cf. "Le Komintern" par le colonel Rezanof.⇑
Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
7 août 1932 : « loi des épis » et génocide ukrainien
Le 7 août 1932, le gouvernement de l’URSS promulgue une loi qui punit de dix ans de déportation, voire de la peine de mort, « tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste », y compris le simple vol de quelques épis dans un champ.
Cette « loi des épis » survient alors que les campagnes soviétiques connaissent un début de famine du fait des réquisitions forcées par le pouvoir et de la « dékoulakisation » (élimination des paysans considérés comme riches).
On estime qu’en Ukraine, au moins six (vrais) millions de paysans vont mourir de faim dans les mois suivants, de par la responsabilité des autorités communistes.
Cette « Grande famine » (« Holodomor », « extermination par la faim » en ukrainien), intentionnellement entretenue et amplifiée par Staline (qui s’appuyait sur de nombreux cadres soviétiques juifs – d’où un ressentiment tenace des Ukrainiens envers les « élus ») est assimilée à un génocide par la plupart des historiens ainsi que par les Ukrainiens. -
Anniversaire du couronnement d’Otton, premier roi germanique.
Ce 7 août 936 annonce une dynastie qui fera concurrence à l’hégémonie de la France en Europe continentale, christianisera les Balkans, stoppera les Ottomans aux portes de Vienne, affrontera les hordes nomades de l'Est.
Toujours dans la tradition d’amitié franco-allemande qui caractérise si bien cette belle année 2014 (huitième centenaire de la bataille de Bouvines, match France-Allemagne, centenaire de 1914-18…), le 7 août 2014 marque l’anniversaire du couronnement d’Otton Ier le Grand. Le début d’une grande histoire qui commence en l’an 936 dans la cathédrale d’Aix-la-Chapelle.
Ce jour-là, 7 août, le festin bat son plein à Aix. Tout le gratin de Francie orientale est présent : archevêque de Mayence, ducs de Souabe, de Bavière, de Franconie… Celui de Saxe est absent, car il y a quelques heures, l’archevêque de Cologne l’a nommé roi de Francie orientale, c’est-à-dire de Germanie.
Pour comprendre comment est né ce qui sera plus tard le Saint Empire romain germanique, un retour en arrière s’impose. En 843, l’empire de Charlemagne est partagé entre ses petits fils. À Charles, la Francie occidentale (France). À Louis, la Francie orientale, et à Lothaire, un vaste et éphémère État tampon entre les deux autres.
Pendant ce temps, les Vikings perturbent toute l’Europe pendant que les hordes slaves et hongroises multiplient les incursions en Francie orientale. Les Carolingiens (descendants de Charles Martel et de Charlemagne), incapables de s’y opposer, sont peu à peu supplantés par les Robertiens (ou Capétiens) en Francie occidentale. En Francie orientale, la mort du faible Carolingien Louis IV amène les ducs à élire comme roi Conrad Ier. Ce dernier appelle sur son lit de mort son rival Henri l’Oiseleur (car il chassait au faucon quand on vint l’avertir) à lui succéder. Henri initie une politique prudente : vaincre les ennemis si on le peut (les Danois) ou, s’ils sont trop puissants pour le moment, acheter la paix par un tribut et se fortifier en attendant (Slaves et Hongrois). À l’intérieur, il évite de choquer les ducs qui l’ont élu en se déclarant leur égal, sans trop empiéter sur leur autorité. Ainsi, il refuse le sacre pour montrer à ses vassaux qu’il reste un homme comme eux. Enfin, dans l’éventualité d’une mort impromptue, il fait élire son fils Otton, six ans, comme successeur.
Le jeune Otton n’est donc vu, à son avènement, que comme le premier parmi ses pairs. Il dissipe vite cette illusion en se faisant sacrer d’emblée, et en se faisant servir au cours du festin par ses grands vassaux si orgueilleux. Il mate les plus turbulents et redistribue leurs terres à ses fidèles.
De plus, il poursuit l’œuvre de son père en boutant hors de ses frontières les Hongrois. Cette politique ambitieuse culmine avec une intervention en Italie, où il soulage le pape, menacé par un roitelet local, et obtient en retour le titre d’empereur.
Ce 7 août 936 annonce une dynastie qui fera concurrence à l’hégémonie de la France en Europe continentale, christianisera les Balkans, stoppera les Ottomans aux portes de Vienne, affrontera les hordes nomades de l’est.
Ce 7 août 936 marque la naissance de l’Allemagne, pour le plus grand bonheur de l’Europe, mais aussi le plus grand malheur de notre France…Georges Garnier-Rousseau Boulevard Voltaire :: lien
-
Armin Mohler, l’homme qui nous désignait l’ennemi !
Le Dr. Karlheinz Weissmann vient de sortir de presse une biographie d’Armin Mohler, publiciste de la droite allemande et historien de la “révolution conservatrice” Armin Mohler ne fut jamais l’homme des demies-teintes !
Qui donc Armin Mohler détestait-il ? Les libéraux et les tièdes, les petits jardiniers amateurs qui gratouillent le bois mort qui encombre l’humus, c’est-à-dire les nouilles de droite, inoffensives parce que dépouvues de pertinence! Il détestait aussi tous ceux qui s’agrippaient aux concepts et aux tabous que définissait leur propre ennemi. Il considérait que les libéraux étaient bien plus subtils et plus dangereux que les communistes: pour reprendre un bon mot de son ami Robert Hepp: ils nous vantaient l’existence de cent portes de verre qu’ils nous définissaient comme l’Accès, le seul Accès, à la liberté, tout en taisant soigneusement le fait que 99 de ces portes demeuraient toujours fermées. La victoire totale des libéraux a hissé l’hypocrisie en principe ubiquitaire. Les gens sont désormais jugés selon les déclarations de principe qu’ils énoncent sans nécessairement y croire et non pas sur leurs actes et sur les idées qu’ils sont prêts à défendre.
Mohler était était un type “agonal”, un gars qui aimait la lutte: sa bouille carrée de Bâlois l’attestait. Avec la subtilité d’un pluvier qui capte les moindres variations du climat, Mohler repérait les courants souterrains de la politique et de la société. C’était un homme de forte sensibilité mais certainement pas un sentimental. Mohler pensait et écrivait clair quand il abordait la politique: ses mots étaient durs, tranchants, de véritables armes. Il était déjà un “conservateur moderne” ou un “néo-droitiste” avant que la notion n’apparaisse dans les médiats. En 1995, il s’était défini comme un “fasciste au sens où l’entendait José Antonio Primo de Rivera”. Mohler se référait ainsi —mais peu nombreux étaient ceux qui le savaient— au jeune fondateur de la Phalange espagnole, un homme intelligent et cultivé, assassiné par les gauches ibériques et récupéré ensuite par Franco.
Il manquait donc une biographie de ce doyen du conservatisme allemand d’après guerre, mort en 2003. Karlheinz Weissmann était l’homme appelé à combler cette lacune: il connait la personnalité de Mohler et son oeuvre; il est celui qui a actualisé l’ouvrage de référence de Mohler sur la révolution conservatrice.
Pour Mohler seuls comptaient le concret et le réel
La sensibilité toute particulière d’Armin Mohler s’est déployée dans le décor de la ville-frontière suisse de Bâle. Mohler en était natif. Il y avait vu le jour en 1920. En 1938, la lecture d’un livre le marque à jamais: c’est celui de Christoph Steding, “Das Reich und die Krankheit der europäischen Kultur” (“Le Reich et la pathologie de la culture européenne”). Pour Steding, l’Allemagne, jusqu’en 1933, avait couru le risque de subir une “neutralisation politique et spirituelle”, c’est-à-dire une “helvétisation de la pensée allemande”, ce qui aurait conduit à la perte de la souveraineté intérieure et extérieure; l’Allemagne aurait dérogé pour adopter le statut d’un “intermédiaire éclectique”. Les peuples qui tombent dans une telle déchéance sont “privés de destin” et tendent à ne plus produire que des “pharisiens nés”. On voit tout de suite que Steding était intellectuellement proche de Carl Schmitt. Quant à ce dernier, il a pris la peine de recenser personnellement le livre, publié à titre posthume, de cet auteur mort prématurément. Dans ce livre apparaissent certains des traits de pensée qui animeront Mohler, le caractériseront, tout au long de son existence.
L’Allemagne est devenue pour le jeune Mohler “la grande tentation”, tant et si bien qu’il franchit illégalement le frontière suisse en février 1942 “pour aider les Allemands à gagner la guerre”. Cet intermède allemand ne durera toutefois qu’une petite année. Mohler passa quelques mois à Berlin, avec le statut d’étudiant, et s’y occupa des auteurs de la “révolution conservatrice”, à propos desquels il rédigera sa célèbre thèse de doctorat, sous la houlette de Karl Jaspers. Mohler était un rebelle qui s’insurgeait contre la croyance au progrès et à la raison, une croyance qui estime que le monde doit à terme être tout compénétré de raison et que les éléments, qui constituent ce monde, peuvent être combinés les uns aux autres ou isolés les uns des autres à loisir, selon une logique purement arbitraire. Contre cette croyance et cette vision, Mohler voulait opposer les forces élémentaires de l’art et de la culture, de la nationalité et de l’histoire. Ce contre-mouvement, disait-il, et cela le distinguait des tenants de la “vieille droite”, ne visait pas la restauration d’un monde ancré dans le 19ème siècle, mais tenait expressément compte des nouvelles réalités.
Dans un chapitre, intitulé “Du nominalisme”, le Dr. Karlheinz Weissmann explicite les tentatives de Mohler, qui ne furent pas toujours probantes, de systématiser ses idées et ses vues. Il est clair que Mohler rejette toute forme d’universalisme car tout universalisme déduit le particulier d’un ordre spirituel sous-jacent et identitque pour tous, et noie les réalités dans une “mer morte d’abstractions”. Pour le nominaliste Mohler, les concepts avancés par les universalismes ne sont que des dénominations abstraites et arbitraires, inventées a poteriori, et qui n’ont pour effets que de répandre la confusion. Pour Mohler, seuls le concret et le particulier avaient de l’importance, soit le “réel”, qu’il cherchait à saisir par le biais d’images fortes, puissantes et organiques. Par conséquent, ses sympathies personnelles n’étaient pas déterminées par les idées politiques dont se réclamaient ses interlocuteurs mais tenaient d’abord compte de la valeur de l’esprit et du caractère qu’il percevait chez l’autre.
En 1950, Mohler devint le secrétaire d’Ernst Jünger. Ce ne fut pas une époque dépourvue de conflits. Après l’intermède de ce secrétariat, vinrent les années françaises de notre théoricien: il devint en effet le correspondant à Paris du “Tat” suisse et de l’hebdomadaire allemand “Die Zeit”. A partir de 1961, il fut le secrétaire, puis le directeur, de la “Fondation Siemens”. Dans le cadre de cette éminente fonction, il a essayé de contrer la dérive gauchisante de la République fédérale, en organisant des colloques de très haut niveau et en éditant des livres ou des publications remarquables. Parmi les nombreux livres que nous a laissés Mohler, “Nasenring” (= “L’anneau nasal”) est certainement le plus célèbre: il constitue une attaque en règle, qui vise à fustiger l’attitude que les Allemands ont prise vis-à-vis de leur propre histoire (la fameuse “Vergangenheitsbewältigung”). En 1969, Mohler écrivait dans l’hebdomadaire suisse “Weltwoche”: “Le ‘Républiquefédéralien’ est tout occupé, à la meilleure manière des méthodes ‘do-it-yourself’, à se faire la guerre à lui-même. Il n’y a pas que lui: tout le monde occidental semble avoir honte de descendre d’hommes de bonne trempe; tout un chacun voudrait devenir un névrosé car seul cet état, désormais, est considéré comme ‘humain’”.
En France, Mohler était un adepte critique de Charles de Gaulle. Il estimait que l’Europe des patries, proposée par le Général, aurait été capable de faire du Vieux Continent une “Troisième Force” entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Dans les années 60, certaines ouvertures semblaient possibles pour Mohler: peut-être pourrait-il gagner en influence politique via le Président de la CSU bavaroise, Franz-Josef Strauss? Il entra à son service comme “nègre”. Ce fut un échec: Strauss, systématiquement, modifiait les ébauches de discours que Mohler avait truffées de références gaulliennes et les traduisait en un langage “atlantiste”. De la part de Strauss, était-ce de la faiblesse ou était-ce le regard sans illusions du pragmatique qui ne jure que par le “réalisable”? Quoi qu’il en soit, on perçoit ici l’un des conflits fondamentaux qui ont divisé les conservateurs après la guerre: la plupart des hommes de droite se contentaient d’une République fédérale sous protectorat américain (sans s’apercevoir qu’à long terme, ils provoquaient leur propre disparition), tandis que Mohler voulait une Allemagne européenne et libre.
Le conflit entre européistes et atlantistes provoqua également l’échec de la revue “Die Republik”, que l’éditeur Axel Springer voulait publier pour en faire le forum des hommes de droite hors partis et autres ancrages politiciens: Mohler décrit très bien cette péripétie dans “Nasenring”.
Il semble donc bien que ce soit sa qualité de Suisse qui l’ait sauvé de cette terrible affliction que constitue la perte d’imagination chez la plupart des conservateurs allemands de l’après-guerre. Par ailleurs, le camp de la droite établie a fini par le houspiller dans l’isolement. Caspar von Schrenck-Notzing lui a certes ouvert les colonnes de “Criticon”, qui furent pour lui une bonne tribune, mais les autres éditeurs de revues lui claquèrent successivement la porte au nez; malgré son titre de doctorat, il n’a pas davantage pu mener une carrière universitaire. La réunification n’a pas changé grand chose à sa situation: les avantages pour lui furent superficiels et éphémères.
La cadre historique, dans lequel nous nous débattions du temps de Mohler, et dans lequel s’est déployée sa carrière étonnante, freinée uniquement par des forces extérieures, aurait pu gagner quelques contours tranchés et précis. On peut discerner aujourd’hui la grandeur de Mohler. On devrait aussi pouvoir mesurer la tragédie qu’il a incarnée. Weissmann constate qu’il existait encore jusqu’au milieu des années 80 une certaine marge de manoeuvre pour la droite intellectuelle en Allemagne mais que cet espace potentiel s’est rétréci parce que la gauche n’a jamais accepté le dialogue ou n’a jamais rien voulu apprendre du réel. Le lecteur se demande alors spontanément: pourquoi la gauche aurait-elle donc dialogué puisque le rapport de force objectif était en sa faveur?
Weissmann a donc résussi un tour de force: il a écrit une véritable “biographie politique” d’Armin Mohler. Son livre deviendra un classique.
Thorsten Hinz,
http://la-dissidence.org/2014/07/27/armin-mohler-lhomme-qui-nous-designait-lennemi/