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culture et histoire - Page 1515

  • 7 août 1932 : « loi des épis » et génocide ukrainien

    Le 7 août 1932, le gouvernement de l’URSS promulgue une loi qui punit de dix ans de déportation, voire de la peine de mort, « tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste », y compris le simple vol de quelques épis dans un champ.

    Cette « loi des épis » survient alors que les campagnes soviétiques connaissent un début de famine du fait des réquisitions forcées par le pouvoir et de la « dékoulakisation » (élimination des paysans considérés comme riches).

    On estime qu’en Ukraine, au moins six (vrais) millions de paysans vont mourir de faim dans les mois suivants, de par la responsabilité des autorités communistes.
    Cette « Grande famine » (« Holodomor », « extermination par la faim » en ukrainien), intentionnellement entretenue et amplifiée par Staline (qui s’appuyait sur de nombreux cadres soviétiques juifs – d’où un ressentiment tenace des Ukrainiens envers les « élus ») est assimilée à un génocide par la plupart des historiens ainsi que par les Ukrainiens.

    http://www.contre-info.com/

  • Anniversaire du couronnement d’Otton, premier roi germanique.

    Ce 7 août 936 annonce une dynastie qui fera concurrence à l’hégémonie de la France en Europe continentale, christianisera les Balkans, stoppera les Ottomans aux portes de Vienne, affrontera les hordes nomades de l'Est.

    Chateau

    Toujours dans la tradition d’amitié franco-allemande qui caractérise si bien cette belle année 2014 (huitième centenaire de la bataille de Bouvines, match France-Allemagne, centenaire de 1914-18…), le 7 août 2014 marque l’anniversaire du couronnement d’Otton Ier le Grand. Le début d’une grande histoire qui commence en l’an 936 dans la cathédrale d’Aix-la-Chapelle.
    Ce jour-là, 7 août, le festin bat son plein à Aix. Tout le gratin de Francie orientale est présent : archevêque de Mayence, ducs de Souabe, de Bavière, de Franconie… Celui de Saxe est absent, car il y a quelques heures, l’archevêque de Cologne l’a nommé roi de Francie orientale, c’est-à-dire de Germanie.
    Pour comprendre comment est né ce qui sera plus tard le Saint Empire romain germanique, un retour en arrière s’impose. En 843, l’empire de Charlemagne est partagé entre ses petits fils. À Charles, la Francie occidentale (France). À Louis, la Francie orientale, et à Lothaire, un vaste et éphémère État tampon entre les deux autres.
    Pendant ce temps, les Vikings perturbent toute l’Europe pendant que les hordes slaves et hongroises multiplient les incursions en Francie orientale. Les Carolingiens (descendants de Charles Martel et de Charlemagne), incapables de s’y opposer, sont peu à peu supplantés par les Robertiens (ou Capétiens) en Francie occidentale. En Francie orientale, la mort du faible Carolingien Louis IV amène les ducs à élire comme roi Conrad Ier. Ce dernier appelle sur son lit de mort son rival Henri l’Oiseleur (car il chassait au faucon quand on vint l’avertir) à lui succéder. Henri initie une politique prudente : vaincre les ennemis si on le peut (les Danois) ou, s’ils sont trop puissants pour le moment, acheter la paix par un tribut et se fortifier en attendant (Slaves et Hongrois). À l’intérieur, il évite de choquer les ducs qui l’ont élu en se déclarant leur égal, sans trop empiéter sur leur autorité. Ainsi, il refuse le sacre pour montrer à ses vassaux qu’il reste un homme comme eux. Enfin, dans l’éventualité d’une mort impromptue, il fait élire son fils Otton, six ans, comme successeur.
    Le jeune Otton n’est donc vu, à son avènement, que comme le premier parmi ses pairs. Il dissipe vite cette illusion en se faisant sacrer d’emblée, et en se faisant servir au cours du festin par ses grands vassaux si orgueilleux. Il mate les plus turbulents et redistribue leurs terres à ses fidèles.
    De plus, il poursuit l’œuvre de son père en boutant hors de ses frontières les Hongrois. Cette politique ambitieuse culmine avec une intervention en Italie, où il soulage le pape, menacé par un roitelet local, et obtient en retour le titre d’empereur.
    Ce 7 août 936 annonce une dynastie qui fera concurrence à l’hégémonie de la France en Europe continentale, christianisera les Balkans, stoppera les Ottomans aux portes de Vienne, affrontera les hordes nomades de l’est.
    Ce 7 août 936 marque la naissance de l’Allemagne, pour le plus grand bonheur de l’Europe, mais aussi le plus grand malheur de notre France…

    Georges Garnier-Rousseau  Boulevard Voltaire :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EupZFlZAElSgDWcwMB.shtml

  • Armin Mohler, l’homme qui nous désignait l’ennemi !

    Le Dr. Karlheinz Weissmann vient de sortir de presse une biographie d’Armin Mohler, publiciste de la droite allemande et historien de la “révolution conservatrice” Armin Mohler ne fut jamais l’homme des demies-teintes !

    Qui donc Armin Mohler détestait-il ? Les libéraux et les tièdes, les petits jardiniers amateurs qui gratouillent le bois mort qui encombre l’humus, c’est-à-dire les nouilles de droite, inoffensives parce que dépouvues de pertinence! Il détestait aussi tous ceux qui s’agrippaient aux concepts et aux tabous que définissait leur propre ennemi. Il considérait que les libéraux étaient bien plus subtils et plus dangereux que les communistes: pour reprendre un bon mot de son ami Robert Hepp: ils nous vantaient l’existence de cent portes de verre qu’ils nous définissaient comme l’Accès, le seul Accès, à la liberté, tout en taisant soigneusement le fait que 99 de ces portes demeuraient toujours fermées. La victoire totale des libéraux a hissé l’hypocrisie en principe ubiquitaire. Les gens sont désormais jugés selon les déclarations de principe qu’ils énoncent sans nécessairement y croire et non pas sur leurs actes et sur les idées qu’ils sont prêts à défendre.

    Mohler était était un type “agonal”, un gars qui aimait la lutte: sa bouille carrée de Bâlois l’attestait. Avec la subtilité d’un pluvier qui capte les moindres variations du climat, Mohler repérait les courants souterrains de la politique et de la société. C’était un homme de forte sensibilité mais certainement pas un sentimental. Mohler pensait et écrivait clair quand il abordait la politique: ses mots étaient durs, tranchants, de véritables armes. Il était déjà un “conservateur moderne” ou un “néo-droitiste” avant que la notion n’apparaisse dans les médiats. En 1995, il s’était défini comme un “fasciste au sens où l’entendait José Antonio Primo de Rivera”. Mohler se référait ainsi —mais peu nombreux étaient ceux qui le savaient— au jeune fondateur de la Phalange espagnole, un homme intelligent et cultivé, assassiné par les gauches ibériques et récupéré ensuite par Franco.

    Il manquait donc une biographie de ce doyen du conservatisme allemand d’après guerre, mort en 2003.  Karlheinz Weissmann était l’homme appelé à combler cette lacune: il connait la personnalité de Mohler et son oeuvre; il est celui qui a actualisé l’ouvrage de référence de Mohler sur la révolution conservatrice.

    Pour Mohler seuls comptaient le concret et le réel

    La sensibilité toute particulière d’Armin Mohler s’est déployée dans le décor de la ville-frontière suisse de Bâle. Mohler en était natif. Il y avait vu le jour en 1920. En 1938, la lecture d’un livre le marque à jamais: c’est celui de Christoph Steding, “Das Reich und die Krankheit der europäischen Kultur” (“Le Reich et la pathologie de la culture européenne”). Pour Steding, l’Allemagne, jusqu’en 1933, avait couru le risque de subir une “neutralisation politique et spirituelle”, c’est-à-dire une “helvétisation de la pensée allemande”, ce qui aurait conduit à la perte de la souveraineté intérieure et extérieure; l’Allemagne aurait dérogé pour adopter le statut d’un “intermédiaire éclectique”. Les peuples qui tombent dans une telle déchéance sont “privés de destin” et tendent à ne plus produire que des “pharisiens nés”. On voit tout de suite que Steding était intellectuellement proche de Carl Schmitt. Quant à ce dernier, il a pris la peine de recenser personnellement le livre, publié à titre posthume, de cet auteur mort prématurément. Dans ce livre apparaissent certains des traits de pensée qui animeront Mohler, le caractériseront, tout au long de son existence.

    L’Allemagne est devenue pour le jeune Mohler “la grande tentation”, tant et si bien qu’il franchit illégalement le frontière suisse en février 1942 “pour aider les Allemands à gagner la guerre”. Cet intermède allemand ne durera toutefois qu’une petite année. Mohler passa quelques mois à Berlin, avec le statut d’étudiant, et s’y occupa des auteurs de la “révolution conservatrice”, à propos desquels il rédigera sa célèbre thèse de doctorat, sous la houlette de Karl Jaspers. Mohler était un rebelle qui s’insurgeait contre la croyance au progrès et à la raison, une croyance qui estime que le monde doit à terme être tout compénétré de raison et que les éléments, qui constituent ce monde, peuvent être combinés les uns aux autres ou isolés les uns des autres à loisir, selon une logique purement arbitraire. Contre cette croyance et cette vision, Mohler voulait opposer les forces élémentaires de l’art et de la culture, de la nationalité et de l’histoire. Ce contre-mouvement, disait-il, et cela le distinguait des tenants de la “vieille droite”, ne visait pas la restauration d’un monde ancré dans le 19ème siècle, mais tenait expressément compte des nouvelles réalités.

    Dans un chapitre, intitulé “Du nominalisme”, le Dr. Karlheinz Weissmann explicite les tentatives de Mohler, qui ne furent pas toujours probantes, de systématiser ses idées et ses vues. Il est clair que Mohler rejette toute forme d’universalisme car tout universalisme déduit le particulier d’un ordre spirituel sous-jacent et identitque pour tous, et noie les réalités dans une “mer morte d’abstractions”. Pour le nominaliste Mohler, les concepts avancés par les universalismes ne sont que des dénominations abstraites et arbitraires, inventées a poteriori, et qui n’ont pour effets que de répandre la confusion. Pour Mohler, seuls le concret et le particulier avaient de l’importance, soit le “réel”, qu’il cherchait à saisir par le biais d’images fortes, puissantes et organiques. Par conséquent, ses sympathies personnelles n’étaient pas déterminées par les idées politiques dont se réclamaient ses interlocuteurs mais tenaient d’abord compte de la valeur de l’esprit et du caractère qu’il percevait chez l’autre.

    En 1950, Mohler devint le secrétaire d’Ernst Jünger. Ce ne fut pas une époque dépourvue de conflits. Après l’intermède de ce secrétariat, vinrent les années françaises de notre théoricien: il devint en effet le correspondant à Paris du “Tat” suisse et de l’hebdomadaire allemand “Die Zeit”. A partir de 1961, il fut le secrétaire, puis le directeur, de la “Fondation Siemens”. Dans le cadre de cette éminente fonction, il a essayé de contrer la dérive gauchisante de la République fédérale, en organisant des colloques de très haut niveau et en éditant des livres ou des publications remarquables. Parmi les nombreux livres que nous a laissés Mohler, “Nasenring” (= “L’anneau nasal”) est certainement le plus célèbre: il constitue une attaque en règle, qui vise à fustiger l’attitude que les Allemands ont prise vis-à-vis de leur propre histoire (la fameuse “Vergangenheitsbewältigung”). En 1969, Mohler écrivait dans l’hebdomadaire suisse “Weltwoche”: “Le ‘Républiquefédéralien’ est tout occupé, à la meilleure manière des méthodes ‘do-it-yourself’, à se faire la guerre à lui-même. Il n’y a pas que lui: tout le monde occidental semble avoir honte de descendre d’hommes de bonne trempe; tout un chacun voudrait devenir un névrosé car seul cet état, désormais, est considéré comme ‘humain’”.

    En France, Mohler était un adepte critique de Charles de Gaulle. Il estimait que l’Europe des patries, proposée par le Général, aurait été capable de faire du Vieux Continent une “Troisième Force” entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Dans les années 60, certaines ouvertures semblaient possibles pour Mohler: peut-être pourrait-il gagner en influence politique via le Président de la CSU bavaroise, Franz-Josef Strauss? Il entra à son service comme “nègre”. Ce fut un échec: Strauss, systématiquement, modifiait les ébauches de discours que Mohler avait truffées de références gaulliennes et les traduisait en un langage “atlantiste”. De la part de Strauss, était-ce de la faiblesse ou était-ce le regard sans illusions du pragmatique qui ne jure que par le “réalisable”? Quoi qu’il en soit, on perçoit ici l’un des conflits fondamentaux qui ont divisé les conservateurs après la guerre: la plupart des hommes de droite se contentaient d’une République fédérale sous protectorat américain (sans s’apercevoir qu’à long terme, ils provoquaient leur propre disparition), tandis que Mohler voulait une Allemagne européenne et libre.

    Le conflit entre européistes et atlantistes provoqua également l’échec de la revue “Die Republik”, que l’éditeur Axel Springer voulait publier pour en faire le forum des hommes de droite hors partis et autres ancrages politiciens: Mohler décrit très bien cette péripétie dans “Nasenring”.

    Il semble donc bien que ce soit sa qualité de Suisse qui l’ait sauvé de cette terrible affliction que constitue la perte d’imagination chez la plupart des conservateurs allemands de l’après-guerre. Par ailleurs, le camp de la droite établie a fini par le houspiller dans l’isolement. Caspar von Schrenck-Notzing lui a certes ouvert les colonnes de “Criticon”, qui furent pour lui une bonne tribune, mais les autres éditeurs de revues lui claquèrent successivement la porte au nez; malgré son titre de doctorat, il n’a pas davantage pu mener une carrière universitaire. La réunification n’a pas changé grand chose à sa situation: les avantages pour lui furent superficiels et éphémères.

    La cadre historique, dans lequel nous nous débattions du temps de Mohler, et dans lequel s’est déployée sa carrière étonnante, freinée uniquement par des forces extérieures, aurait pu gagner quelques contours tranchés et précis. On peut discerner aujourd’hui la grandeur de Mohler. On devrait aussi pouvoir mesurer la tragédie qu’il a incarnée. Weissmann constate qu’il existait encore jusqu’au milieu des années 80 une certaine marge de manoeuvre pour la droite intellectuelle en Allemagne mais que cet espace potentiel s’est rétréci parce que la gauche n’a jamais accepté le dialogue ou n’a jamais rien voulu apprendre du réel. Le lecteur se demande alors spontanément: pourquoi la gauche aurait-elle donc dialogué puisque le rapport de force objectif était en sa faveur?

    Weissmann a donc résussi un tour de force: il a écrit une véritable “biographie politique” d’Armin Mohler. Son livre deviendra un classique.

    Thorsten Hinz,

    Pour Euro-Synergies Via VoxNR

    http://la-dissidence.org/2014/07/27/armin-mohler-lhomme-qui-nous-designait-lennemi/

  • Philippe Conrad : « La révolution anthropologique et culturelle qui s'annonce trouvera ses dimensions au-delà du clivage gauche-droite »

    Directeur de la Nouvelle Revue d'Histoire, Philippe Conrad vient de publier aux Editions Genèse 1914. La guerre n'aura pas lieu(1).

    Eric Letty : Existe-t-il selon vous une différence entre la droite et la gauche, l'homme de droite et l'homme de gauche ? Ces notions sont-elles encore d'actualité ?

    Philippe Conrad : La bipolarité droite-gauche est assez récente dans notre longue histoire. Elle oppose globalement l'optimisme individualiste, libéral et progressiste issu des Lumières et conforté par les espoirs de lendemains enchantés portés par le triomphe du scientisme et les possibilités apparemment infinies ouvertes par le progrès technique, et les tenants de la contre-révolution, hostiles ensuite à l'égalitarisme issu de 1794, de 1917 et de 1968 qui se reconnaissent aujourd'hui dans les mobilisations de nature sociétale que l'on a vues à l'œuvre ces dernières années.

    Cela dit, les frontières de la gauche et de la droite se sont souvent déplacées. Le nationalisme jacobin s'est opposé à l'Europe traditionnelle avant que la nation soit « récupérée » par la droite face aux rêves internationalistes issus du socialisme, le libéralisme issu de la gauche est devenu le fait de la droite « orléaniste » et l'on sait ce que sont devenus, un demi-siècle plus tard, les révolutionnaires d'opérette du grand carnaval soixante-huitard. J'ai plutôt tendance à penser que ce clivage vieux de deux siècles a de bonnes chances de s'estomper face aux défis majeurs que nous allons devoir affronter en termes d'identité, de civilisation ou d'équilibre géopolitique du monde. La révolution anthropologique et culturelle qui s'annonce trouvera sans doute ses diverses dimensions au-delà de ce clivage désormais daté.

    La gauche a voulu « faire table rase du passé » mais elle a su très tôt mobiliser l'histoire à des fins de propagande. Existe-t-il une histoire de gauche s'opposant à une histoire de droite ? Dans quelle mesure la science historique est-elle prise en otage par l'idéologie ?

    Il est clair que perdurent des lectures contradictoires du passé, décrypté à partir de préjugés idéologiques ou de paradigmes ne rendant que partiellement compte de la réalité. Aujourd'hui encore, les interprétations de l'Ancien Régime, de la Révolution, de la séquence napoléonienne, de la première guerre mondiale, de l'occupation ou des guerres coloniales révèlent la persistance de clivages dont l'origine est idéologique. Plus généralement, le débat né autour de ce que l'on a appelé « la nouvelle histoire » a révélé des approches notablement différentes. Tout cela n'a rien de choquant et contribue à faire avancer notre connaissance du passé.

    Là où l'histoire est le plus évidemment prise en otage par l'idéologie, c'est dans le domaine de l'enseignement où la doxa universalo-droit de l'hommiste tend à s'imposer aux jeunes générations. La défaillance de notre système éducatif sur ce terrain (et cela vaut tout autant pour la géographie et d'autres disciplines) semble effectivement correspondre à la volonté idéologique de fabriquer ces fameux « citoyens du monde » privés de toute racine et de toute identité spécifique, aptes à devenir les consommateurs dociles rêvés par la World Company. Certains signes laissent cependant penser qu'en ce domaine, les attentes du système mortifère qui domine aujourd'hui « l’Occident » américano-centré risquent fort d'être déçues.

    Les Français s'intéressent pourtant plus que jamais à leur Histoire, ce dont témoigne le succès rencontré par les revues d'histoire ou par des manifestations telles que le Puy du Fou. Devons-nous attribuer cet intérêt à un réflexe « de droite » ?

    Ce serait sans doute réducteur car l'intérêt pour l'histoire dépasse les clivages politiques (Mitterrand ou Chevènement y étaient certainement plus attachés qu'un Chirac ou un Sarkozy, si l'on admet que ces deux-là font partie de la « droite »).

    On ne peut que se féliciter en tout cas des multiples manifestations qui révèlent la permanence d'un intérêt pour l'histoire. Le gros problème demeure le naufrage de la transmission à l'école, au collège et au lycée, à l'inverse de ce qu'avait su faire, malgré ses préjugés et ses insuffisances, l'école républicaine pendant près d'un siècle.

    La nation est-elle, à l'origine, une idée de gauche ? Peut-on dire que la « droite » l'a « réenracinée » ?

    Vous avez tout à fait raison. La « Grande Nation » jacobine qui réunit ses citoyens-soldats contre l'Europe des « tyrans » est à l'évidence une idée de « gauche », qui perdure à travers l'épopée napoléonienne et ce sont les nations ou les nationalités qui se dressent contre l'ordre européen restauré par la Sainte Alliance. Le nationalisme révolutionnaire était porteur d'un messianisme universaliste qui appelait naturellement à un dépassement de la patrie charnelle, mais l'essor, au XIXe et XXe siècles, du socialisme internationaliste a largement détourné la gauche de la nation.

    À l'inverse, la droite contre-révolutionnaire et ultramontaine a retrouvé dans le culte de la patrie l'imaginaire de la tradition auquel elle demeurait attachée et Maurice Barrès a redonné à la nation française, en invoquant la continuité issue «delà terre et des morts » un réenracinement organique d'une nature étrangère aux aspirations messianiques et émancipatrices du nationalisme jacobin. De l'autre côté du Rhin, le romantisme allemand a préparé l'émergence d'une conscience nationale non plus fondée sur de grands principes idéologiques à vocation universaliste mais sur le sang, le sol et la mémoire, ce qui se manifeste, à la même époque, dans le courant slavophile russe.

    Il apparaît clairement aujourd'hui qu'enréaction à la mondialisation marchande incompatible avec la préservation de nos identités traditionnelles, c'est au retour des nations historiques et organiques que nous sommes en traind'assister.

    Propos recueillis par Eric Letty monde&vie

    1) 1914,1a guerre n'aura pas lieu, 200 p. Editions Genèse, 22,50 €.

  • C’était un 6 août 1870 : la « charge de Reichshoffen » 2/2

    Cette fois, la route était libre devant les cinquante héros du 8e cuirassiers. A la nuit, ils arrivèrent à Saverne, où la renommée, déjà, avait chanté leur gloire.

    Le 8e cuirassiers, après s’être séparé du, 9e – son frère en héroïsme, – devant le centre de Morsbronn, exécuta vers l’ouest une marche dangereuse pendant laquelle le régiment s’offrit tout entier, cible étincelante, aux terribles batteries de Gundstett, dont la fumée promenait des ombres sur la verdure frissonnante.

    Au moment où, à l’est, le 8e s’engouffrait dans le village, le 9e, a l’ouest, tombait sur la route qui traverse Morsbronn, et, décrivant un arc de cercle, se trouvait face à l’extrémité du boyau formé par les vieilles maisons grises, dont cinq cent mètres de route blanche le séparait.

    « Chargez ! »

    Derrière les Cuirassiers, les canons prussiens vomissent du fer avec des hoquets effrayants ; devant eux crépitent les fusils d’une nuée de tirailleurs ; sur leur gauche, une compagnie de pionniers des rangs entiers.

    Ne pouvant rien contre les canons, dédaignant les tirailleurs, le régiment fonce sur les pionniers comme un sanglier blessé, sanglier aux trois cents boutoirs d’acier, digne des légendes merveilleuses de la vieille Ardenne.

    Devant cette masse, les pionniers ont formé bloc, sans cesser de tirer, et courageusement ils attendent le choc des escadrons.

    « Chargez ! chargez ! »

    Les balles font tinter les cuirasses, les fourreaux martèlent les étriers, les trompettes piquent leurs notes grêles et rageuses sur le fracas des canons, des hommes et des chevaux s’abattent avec le bruit sinistre de murailles qui s’effondrent ; bientôt l’on entend des cris, des hurlements de fauves en fureur, on voit les cuirassiers tourbillonner autour du bloc, les sabres se lèvent et s’abaissent, les chevaux se cabrent, ruent et mordent ; enfin, sous les coups des boutoirs d’acier, le bloc finit par se briser, par s’émietter, et la charge se termine par une chasse infernale dans les houblonnières, où se sont réfugiés les pionniers.

    Ayant ainsi débarrassé son flanc gauche, le régiment se reforme et se rue, à travers vignes et vergers, vers le village sombre que le 8e cuirassiers vient de quitter pour descendre dans la vallée.

    Soudain des voix étranges palpitent dans le grondement de l’avalanche, des voix blanches de rêve qui paraissent sortir du sol :

    « Vengez-nous ! Vive la France ! » disent les voix.

    Les cuirassiers se penchent, regardent, et, chose affreuse, ils aperçoivent sous les sabots de leurs chevaux des blessés du 8e étendus dans l’herbe sanglante.

    Le destin, qui menait à l’abîme les soldats du 9e cuirassiers, les condamnait en outre à écraser leurs frères.

    La guerre, c’est la guerre !

    Les cuirassiers passent, emportant la vision terrible de ces martyrs, et criant :

    « Vengeons-les ! vengeons nos frères !»

    Devant eux, les rayons du soleil se jouent sur des toits moussus, et la voix du vieux clocher de Morsbronn ouvre ses bras sous l’azur comme pour bénir ; c’est une vision de paix succédant à la vision de sang. Mais la mort veille derrière les murailles grises ; goule insatiable, elle attend les escadrons superbes que va lui livrer le destin.

    Dans le village en effet des ombres glissent, elles emplissent les maisons basses, elles débordent dans les ruelles, comblent tous les vides, s’allongent derrière des barricades élevées à la hâte et sans bruit, grouillent partout ; on dirait une mer reprenant possession de son lit à l’heure du flux.

    « Chargez ! chargez ! »

    Soudés à leurs chevaux, sabres en avant, casqués de soleil, les cuirassiers visent l’entrée du boyau, fondent sur Morsbronn en criant toujours :

    « Vengeons nos frères ! »

    Et plus loin, là-bas, des blessés tournent vers le village maudit leurs regards de fièvre, et répètent dans leur agonie :

    « Vengez-nous ! Vive la France ! »

    Soudain il semble que la masse des escadrons s’effondre, qu’une folie subite jette tous ces hommes, tous ces chevaux l’un sur l’autre : cette force en mouvement vient de se heurter à de l’inerte ; quelques charrettes renversées, quelques planches ont suffi pour briser l’élan du torrent d’héroïsme.

    Alors les ombres se montrent, des canons de fusil trouent les yeux mornes des vieilles maisons, hérissent la barricade, et les balles, par essaims, pleuvent sur les cuirassiers, qui s’entassent devant l’entrée du boyau.

    C’est un carnage, une boucherie. La mort taille sans relâche dans le troupeau mugissant, troupeau de lions, qui s’obstine contre l’impossible ; les hommes et les chevaux tombent comme des épis mûrs sous une averse de grêle, et pourtant pas un cuirassier du 9e ne songe à tourner bride, les balles ne frappent que des poitrines ; dans l’épouvantable tourmente pas une conscience ne faiblit.

    Enfin la barrière s’entrouvre, des hommes démontés ont réussi à faire une brèche dans la barricade, et, spectacle sublime, l’ont voit ceux des géants qui sont encore en selle s’engager l’un après l’autre dans cette brèche ouverte sur un enfer, sur une tombe.

    Aveuglés par les éclairs des fusils, par la fumée, par les balles ils chargent aussitôt dans toutes les directions, tombent, se relèvent tombent encore. Bientôt le 9e cuirassier aura vécu.

    Le colonel Waternaud a le premier utilisé la brèche, et dans le boyau sillonné par les balles, sa haute silhouette se dresse, immobile, telle la statue d’un dieu dans le clair-obscur d’un temple.

    Tout à coup la statue s’anime.

    Voyant tomber sans profit ses cuirassiers, estimant que le régiment a noblement rempli son devoir envers l’armée, envers la France, le colonel réunit autour de lui tout ce qu’il peut trouver d’officiers et de soldats et se met à leur tête ; puis la petite troupe charge plusieurs fois aux cris de « Vive le colonel ! » essayant de sortir du village, de gagner la route libre sous un ciel libre.

    Mais les chevaux n’ont plus la vigueur nécessaire pour culbuter les lignes prussiennes ; les pauvres bêtes vacillent, de longs frissons les secouent, leurs bouches mâchonnent une bave sanglante.

    C’est fini.Il n’y a plus rien à espérer, pas même à mourir, car les fusils sont devenus muets ; il n’y a plus rien à tenter, car des milliers de Prussiens entourent la poignée de héros, contemplant avec un étonnement mêlé d’admiration ces soldats magnifiques que leur livre une trahison du sort, ces prisonniers qui portent la gloire immortelle de tout un régiment.

    Vers le soir, une troupe française rencontra quelques cavaliers, qui erraient sous les étoiles naissantes et paraissaient brisés de fatigue.

    Un officier cria :

    « Qui vive ? »

    Une voix faible répondit :

    « 9e cuirassiers. »

    Puis les cavaliers approchèrent, ils étaient dix-sept, dont deux officiers.

    L’un des officiers étendit le bras dans l’ombre et dit tristement :

    « Les autres sont là-bas, morts, … blessés, … prisonniers…»

    Alors le commandant de la troupe fit présenter les armes.

    Les deux escadrons du 6e lanciers, commandés par les capitaines Lefèvre et Pouet, ont suivi jusqu’au bout le 9e cuirassiers dans la marche à l’abîme ; ils ont chargé avec lui sur Morsbronn, et leurs morts dorment avec les siens dans les sillons de la terre d’Alsace.

    Ils furent associés aux cuirassiers dans le danger, ils doivent donc l’être aussi dans la gloire.

    En jetant les mille sabres de la brigade Michel dans la balance de la fortune, le général de Lartigue avait sauvé sa division et, avec elle, l’armée française tout entière.

    Les escadrons superbes lancés soudain sur les pentes fleuries dans la coulée d’or du soleil arrêtèrent pendant un instant la marche méthodique de l’écrasement, immobilisèrent la branche la plus menaçante de la tenaille, et permirent ainsi à notre aile droite, trop engagée, d’échapper à une étreinte qui eût été mortelle.

    Avant la charge, l’armée de Mac-Mahon pouvait craindre un désastre ; après la charge, elle put envisager la possibilité d’une retraite honorable.

    Cette retraite commença bientôt ; elle fut protégée au début par les quatre régiments de cuirassiers de la division de Bonnemains, qui se sacrifièrent comme s’étaient sacrifié les régiments de la brigade Michel, qui couronnèrent l’œuvre admirable des cuirassiers de Morsbronn.

    A tous ces fiers cavaliers, à ceux de la division de Bonnemains comme à ceux de la brigade Michel, l’histoire assure l’immortalité.

    Mais la légende, qui émane de l’âme des peuples, a réservé ses faveurs pour les héros de Morsbronn, – dont elle a fait les cuirassiers de Reichshoffen, – et a semé autour de leur immortalité ses fleurs d’idéal et de poésie.

    http://www.contre-info.com/6-aout-1870-la-%C2%AB-charge-de-reichshoffen-%C2%BB#more-13924

  • C’était un 6 août 1870 : la « charge de Reichshoffen » 1/2

    C’est sous ce nom qu’est rentré dans le mythe français cet épisode tragique de la guerre franco-prussienne.

    Ce jour-là, en Alsace, la bataille fait rage, principalement sur les territoires des communes de Woerth, de Frœschwiller et de Morsbronn.

    Le nom de Reichshoffen est passé à la postérité car l’état major de Mac-Mahon s’y trouvait ainsi que plusieurs escadrons de cuirassiers (cavalerie lourde) qui y étaient basés et qui s’illustrèrent dramatiquement pendant la bataille.

    Courageusement, les Français se battirent à un contre quatre et les fameux « cuirassiers de Reichshoffen » (de la brigade Michel) se sacrifièrent héroïquement lors de grandes charges contre les Prussiens qui les piégèrent et qui les abattirent quasiment à bout portant ; comme ce fut notamment le cas à Morsbronn, où les cuirassiers chargèrent contre le village et s’engouffrèrent dans les rues étroites, s’offrant ainsi à l’ennemi embusqué dans les maisons.

    La défaite des troupes françaises entraina la perte de la province, mais le sacrifice des cuirassiers permit la retraite de l’armée de Mac-Mahon, en bon ordre, au lieu du désastre initialement redouté.

    Ci-dessous le récit épique de cet épisode, tiré du livre de Jules Mazé,L’Année terrible. Les étapes héroïques.

    L’escadron de tête du 9e cuirassiers fonce sur Morsbronn, les chevaux se cabrent, se renversent, glissent ; l’on entend un grand cri, puis l’escadron disparaît comme si le sol s’était ouvert devant lui. Les malheureux cavaliers, entraînés par la force acquise, viennent de tomber sur une route placée en contre-bas et formant ravin, et s’y écrasent dans un pêle-mêle affreux.

    A la voix du colonel Guiot de la Rochère et du lieutenant-colonel Lardeur, les autres escadrons exécutent un à droite et contournent le village par le nord.

    Le village de Morsbronn se compose d‘une longue rue étroite et légèrement tortueuse, qui est un morceau de route, et de ruelles qui sont des morceaux de sentiers. A droite et à gauche de la route, plantées un peu au hasard, des maisons profilent leurs sombres silhouettes, des maisons très basses, crevassées et rapiécées, vieilles et proprettes, aux escaliers boiteux, aux fenêtres toutes petites pareilles à des yeux sans vie, aux toits débordants ; on dirait de très vieilles personnes, des aïeules ridées, voûtées, cassées, que la mort aurait oubliés ou dédaignées.

    Vers l’ouest, à travers le rayon lumineux qui glisse entre les toits, l’on aperçoit, comme par le petit bout d’une lorgnette, les vergers et les vignes de Gunstett.

    En somme, Morsbronn est un boyau.

    Dans ce boyau s’engouffre un escadron du 8e cuirassiers. On dirait une trombe roulant dans une gorge profonde, – mais la gorge a des murailles de feu ; la trombe balaye tout, elle assomme, elle broie, mais les vieilles maisons basses expectorent des balles par toutes leurs ouvertures.

    Farouches, les dents serrées, les yeux agrandis, les cuirassiers excitent sans cesse leurs montures. Encore un instant, et l’escadron pourra sortir du boyau ; encore quelques bonds des grands chevaux, et les sabres s’offriront de nouveau au poème du soleil.

    Mais la gorge tient en réserve une trahison.

    Au moment où l’escadron, sans ralentir son allure de cyclone, fourbe sa ligne dans le dernier coude de la route étroite ses premières files se heurtent à une barricade faite de charrettes pesantes ; un arrêt brusque se produit en tête, et les files qui suivent s’abattent les unes sur les autres, se pressent, se renversent, pendant que les Prussiens, embusqués derrière les murailles grises, tirent de si près sur ce chaos sans nom, que les tuniques des hommes atteints brûlent comme de l’amadou autour des blessures.

    Alors, fous de rage, – Dons Quichottes sublimes de l’héroïsme et de la gloire, – les cuirassiers chargent contre les maisons basses, brisent leurs lattes sur ces murs qui sont comme les boucliers de la mort, et tombent l’un après l’autre en criant : « Vive la France ! » Mais aux rugissements de ces lions furieux de grands cris ont répondu, d’autres escadrons accourent, éventrent la barricade, massacrent ses défenseurs, chargent partout, fouillent de leurs longues lattes l’ombre des vieilles maisons et chassent les Prussiens de Morsbronn.

    Ayant accompli cette rude besogne, les escadrons-squelettes se réunissent au sud du village, sous le déluge de fer des batteries, ou les attend un fourmillement noir.

    « Chargez ! –chargez ! »

    L’ héroïque folie de ces géants dépasse la limite des choses humaines, il semble que pas un ne veuille survivre à ceux qui dorment sur le flanc de la colline dans un linceul de soleil.

    On voit la colonne creuser des sillons dans les champs de lin, ouvrir des tranchées dans les houblonnières. Ce n’est plus une trombe, c’est un bolide effrayant devant lequel tout fuit et qui passe, en hurlant, sous un nuage de mitraille.

    Enfin les cuirassiers s’arrêtent, ayant rempli jusqu’au bout leur fabuleuse mission ; pour la première fois ils regardent en arrière, et leurs yeux brillants de fièvre semblent chercher quelque chose.

    Ces héros cherchent leur régiment.

    Hélas ! ils sont là cinquante, qui restent pour porter le deuil du 8e cuirassiers.

    Mais si ces hommes admirables ont rempli la mission qui avait été confiée au régiment, ils n’ont pas atteint encore le terme du calvaire de souffrance.

    Guidés par leur colonel, qui fut toujours en avant, ils cherchent des chemins détournés pour rejoindre les troupes françaises et s’engagent bientôt dans un vallon minuscule dont nul massacre ne troubla la paix, où frissonne sous l‘herbe et la mousse un ruisselet tranquille vers lequel les grands chevaux tendent leurs langues altérées.

    Tout à coup ils perçoivent un bruit sourd, un grondement pareil à la rumeur lointaine d’une mer roulant sur les galets d’une plage ; puis derrière eux, à quelques centaines de mètres, ils voient apparaître un régiment de cavalerie prussienne, des hussards dont les uniformes bleu sombre zébrés de tresse et de fourragères blanches s’enlèvent sur la verdure avec une netteté singulière.

    De leur côté, les Prussiens ont aperçu cette poignée de cavaliers déguenillés, et, bénissant le destin qui paraît leur offrir un triomphe facile, ils pointent vers les cinquante français cinq cents sabres étincelants qui forment au –dessus du sol un voile de clair métal, où les temps d’un galop furieux mettent des ondes lumineuses.

    Les cuirassiers ne peuvent demander un nouvel effort à leurs montures épuisées. Officiers et soldats, pistolet ou revolver dans la main droite, sabre dans la main gauche, se sont rangés sur une seule ligne, coude à coude, – cœur à cœur, – et attendent de pied ferme le choc de tout un régiment ; c’est comme une mince barrière qui serait dressée devant un train lancé à toute vapeur.

    Les Prussiens arrivent à quinze mètres de la ligne.

    « Feu ! »

    La fière attitude des soldats de Morsbronn, bien plus que le bruit des inoffensifs pistolets d’arçon, surprend les houzards bleus, les trouble, les arrête.

    « En avant !»

    Le colonel » de la Rochère s’élance, entraînant non ses cuirassiers, on n’entraîne pas de tels hommes, mais les chevaux épuisés. L’escadron de tête de la colonne ennemie recule, mais est ramenée aussitôt par la poussée des autres escadrons, et trois fois le régiment tout entier vient briser son élan contre la mince barrière des poitrines françaises. Alors découragés, meurtris, les houzards bleus font demi-tour et disparaissent, se fondent dans les teintes dégradées de la symphonie des verts.

    À suivre

  • Urba : la « pompe à fric » du Parti socialiste

    Juin 1971, congrès d’Epinay. Sitôt désigné Premier secrétaire du nouveau PS, François Mitterrand songe à l’étape suivante, l’élection présidentielle de 1974. Et pour cela, il lui faut un solide trésor de guerre. Sur ses instructions, Pierre Mauroy et Guy Marty mettent en place, dès 1973, un bureau d’études, nommé Urba. Si on ne présente plus le premier, qui dirige alors la Fédération socialiste du Nord, il faut dire deux mots du second : membre du Grand Orient (GODF), ancien conseiller ministériel de l’ancien président du Conseil de la IVème République Paul Ramadier, Marty s’est recasé au Conseil économique et social. Entregent garanti. Urba vend une « assistance commerciale » aux entreprises soucieuses d’obtenir des marchés auprès des collectivités locales, essentiellement les municipalités. Le bureau d’étude encaisse entre 1% et 2% du montant des contrats, puis répartit l’argent collecté selon une règle bien établie : 40% pour ses frais de fonctionnement, 30% pour la fédération locale du PS, 30% pour sa direction nationale. 

         Racket ou véritable prestation commerciale ? Pour les entreprises, Urba est le ticket d’entrée des mairies socialistes, un passage presque obligé. Ensuite, tout dépend de la « brutalité » de ses collecteurs locaux éparpillés sur le territoire, résume un élu. Par ce système bien huilé, la direction du PS pense éviter les dérives, comme l’enrichissement personnel d’élus indélicats. Mais la commission prélevée par Urba est répercutée par les entreprises sur leur prix de vente. En bout de chaîne, c’est le contribuable local qui paie. Le PS bénéficie indirectement de cet argent public. En jargon pénal, cela s’appelle un « recel d’abus de biens sociaux ». 

         La vague rose aux municipales de 1977 donne des ailes à Urba et ses satellites (Urba-Conseil, Urba-Technic, Urba-Graco...). Le PS vient d’en confier les rênes à Gérard Monate. Ancien engagé dans les Forces françaises libres (FFL), ancien gardien de la paix, Monate a été le légendaire fondateur de la Fédération autonome des syndicats de police (FASP), qui fut longtemps le premier syndicat policier marqué à gauche. A sa retraite, ce membre du GODF se met à la disposition du PS, qui lui confie Urba. Hommes de confiance et fidèle serviteur, il tient scrupuleusement les cordons de la bourse. Après un aller-retour au cabinet de Gaston Defferre au ministère de l’Intérieur, Gérard Monate devient P-DG d’Urba en 1983. 

         Des courants minoritaires du PS, exclus de cette « centralisation », s’en remettent à une structure parallèle, la Sages (Société auxiliaire générale d’études et de services), fondée par Michel Reyt. Ancien steward à Air France, ancien vendeur de voitures, lui aussi membre du GODF, cet étonnant personnage exerce le même métier que Monate à la tête de la Sages, mais avec une clé de répartition différente des fonds collectés : un tiers pour lui-même, deux tiers pour les élus locaux, rien pour Solferino. De plus, Michel Reyt ne s’interdit pas d’intervenir parfois dans des mairies de droite. Le système ronronne pendant une quinzaine d’années, au vu, au su et à la satisfaction de tous. Sur la seule période 1987-1989, marquée par la réélection de François Mitterrand, Urba finance le PS à hauteur de 107 millions de francs sans que personne ne s’en offusque. Plus pour longtemps. 

         Un grand déballage tient souvent à peu de chose. A Marseille, le décès de Gaston Defferre, le 7 mai 1986, a ouvert les hostilités entre héritiers à la mairie : Michel Pezet, leader des socialistes locaux, et Robert Vigouroux, soutenue par Edmonde Charles-Roux, veuve de Gaston. Antoine Gaudino, inspecteur de police à Marseille, enquête sur une petite affaire de fausses factures. En février 1989, il convainc un entrepreneur local de dénoncer le « racket » des politiques. Pour aller plus loin, il lui faut le soutien de ses chefs. Il l’aura : « Dès que nous avons eu Pezet dans nos filets, notre hiérarchie, et donc Pierre Joxe, à l’époque ministre de l’Intérieur, nous a encouragés et soutenus alors que la justice essayait de freiner. » Gaudino a le feu vert pour perquisitionner, le 19 avril 1989, le bureau régional d’Urba à Marseille. La pêche est miraculeuse : les enquêteurs tombent sur des carnets où Joseph Delcroix, directeur administratif du bureau d’études, notait scrupuleusement toutes les entrées et sorties d’argent. Un coup de chance : Delcroix, à quelques semaines de la retraite, venait de transférer de Paris ses archives. Les « cahiers Delcroix » sont une véritable bombe. Ils contiennent notamment cette mention : « 4 juillet 1987, les premières prévisions de la campagne présidentielle se situent à 100 000 francs. 25 000 000 francs seront pris en charge par le GIE [Urba-Graco]. » 

         La justice fait ce qu’elle considère être son travail : elle verrouille. Pendant dix mois, le parquet de Marseille conserve les carnets sous le coude, dans les attentes des instructions du garde des Sceaux. Antoine Gaudino, finalement lâché par sa hiérarchie, est révoqué en mars 1991, après avoir raconté dans un livre son Enquête impossible. Il faudra la plainte d’un élu écologiste marseillais, après avoir obtenu du tribunal administratif le droit de se substituer à la mairie de Marseille défaillante, pour remette la justice sur les rails. 

         Pendant ce temps, dans la Sarthe, le juge Thierry Jean-Pierre enquête sur un banal accident de travail sur un chantier de la communauté urbaine du Mans. Un coup de fil anonyme lui suggère d’entendre un médecin du travail, Pierre Coicadan, qui se trouve être également premier secrétaire de la Fédération PS de la Sarthe... Le juge Jean-Pierre peut remonter la piste, jusqu’à perquisitionner, le 7 avril 1991, au siège national d’Urba. Le jour même, le tribunal de grande instance du Mans prend la curieuse initiative de le dessaisir de l’enquête. Le juge Jean-Pierre en est réduit à s’enfermer dans les locaux parisiens d’Urba, le temps de mettre la main sur la documentation utile à l’enquête. Son dessaisissement ne lui sera notifié qu’à la sortie, sur le trottoir. La justice française n’est pas sortie grandie de cet épisode rocambolesque. 

         La mécanique Urba s’est trouvée fort bien décortiquée par les enquêteurs, mais pas forcément bien jugée au fil de différentes procédures. Le dossier a en effet été saucissonné en une dizaine d’affaires locales. Dans deux d’entre elles, celles initiées par l’inspecteur Gaudino et le juge Jean-Pierre, les responsabilités à Henri Emmanuelli, trésorier du PS entre 1988 et 1992 – son prédécesseur à ce poste exposé, André Laignel, a, lui, bénéficié de la loi d’amnistie. Lors des deux procès tenus en 1995, Henri Emmanuelli affirme que les versements d’Urba relevaient simplement du « sponsoring » ou du « mécénat » politique. Bien sûr, « comme tous les responsables du PS », il « connaissait son existence, son activité nullement occulte ni clandestine, et son utilité ». Mais jamais, à l’en croire, il ne se serait mêlé de près ou de loin à la petite cuisine d’Urba. Henri Emmanuelli se pose en bouc émissaire de la contestation judiciaire d’un « mode de financement parmi les plus adéquats, notamment pour éviter d’autres circuits beaucoup plus aventureux ». 

         Condamné à dix-huit mois de prison avec sursis, Henri Emmanuelli fait appel. La cour lui inflige deux années d’inéligibilité en plus, le 16 décembre 1997. Le Premier ministre Lionel Jospin lui témoigne sa solidarité en proclamant une « responsabilité collective visant l’ensemble du PS ». Les deux moines-soldats, Gérard Monate et Michel Reyt, entament pour leur part un pénible tour de France des tribunaux et cumulent les condamnations sans jamais vraiment se défausser sur le PS. Reyt est ruiné : le fisc lui inflige un redressement fiscal sur les sommes versées par la Sages aux élus. Il dénonce un acharnement sur sa personne – on ne peut lui donner complètement tort. 

    Renaud Lecadre, Histoire secrète de la 5ème République

    http://www.oragesdacier.info/2014/08/urba-la-pompe-fric-du-parti-socialiste.html

  • La Grande Guerre ne fut pas une guerre civile

    La Grande Guerre, voilà un siècle, fut-elle une « guerre civile européenne », comme on l'entend ou le lit de plus en plus souvent ?

    Cette conception, d'inspiration en grande partie idéologique - le conflit est à l'origine du déclin de l'Europe, considérée comme un ensemble solidaire face aux autres continents, États-Unis compris -, est anachronique. La guerre de 1914-1918 n'est pas plus une guerre civile que ne le furent les guerres de l'Empire, et moins que la guerre de Cent ans, qui opposa, en plus de l'affrontement franco-anglais, les partis armagnac et bourguignon.

    Plus a l'Est

    En 1914, l'Europe était traversée et divisée par des forces antagonistes. La principale rivalité n'opposait d'ailleurs pas la France et l'Allemagne, mais se situait, très logiquement, là où la guerre a commencé : à l'est, où, comme l'ont écrit Jacques Isorni et Louis Cadars, « un combat sans merci, surtout depuis 1908(1), opposait l'Allemagne et la Russie. Deux races ennemies condamnées à s'affronter pour vivre: panslavisme contre pangermanisme »(2). Ainsi la Main noire, la société secrète serbe qui dirigea le bras des assassins de l’Archiduc François-Ferdinand, ambitionnait, certes, de restaurer la « grande Serbie », mais avait conscience d'appartenir à l'ensemble slave, dont la Russie représentait la tête. La reconnaissance forcée de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, comme l'a écrit Dominique Venner, « n'avait nullement refroidi les ardeurs du clan panslaviste à Saint-Pétersbourg qui avait à sa tête l'oncle du tsar, le grand-duc Nicolas Nicolaïevitch, commandant en chef désigné de l'armée russe en cas de guerre. » Le 12 novembre 1912, le diplomate russe Hartweg avait ainsi expliqué au ministre roumain Filality : « La Russie compte faire de la Serbie agrandie des provinces balkaniques de l'Autriche et de la Hongrie l'avant-garde du panslavisme. »(3)

    Un conflit entre panslavisme et pangermanisme

    La Hongrie, peuplée de Magyars, n'était ni slave, ni allemande et sans doute n'est-il pas étonnant que la seule personnalité qui, au sein du Conseil de guerre tenu à Vienne le 7 juillet 1914, se soit opposée à l'ultimatum inacceptable qui fut envoyé à la Serbie, tentant jusqu'au bout d'éviter la guerre, ait été le comte Tîsza, premier ministre hongrois - qui fut pourtant tenu pour responsable du conflit et assassiné en 1918.

    L'Archiduc assassiné à Sarajevo, qui avait épousé une comtesse tchèque et aurait souhaité associer les populations slaves de l'empire, par une sorte de fédération, à une monarchie rénovée, gênait les deux camps à la fois : d'une part, les Allemands et les Magyars, qui ne voulaient pas partager l'égalité des droits avec les Slaves; de l'autre les partisans du panslavisme, et particulièrement les Serbes qui eussent dû renoncer à leur rêve d'une grande Serbie. De ce fait, l'héritier de la double monarchie était « suspect et redouté de tous les antagonistes et à ce titre unanimement condamné », écrit Jacques Isorni.

    À l'ouest, l'antagonisme franco-allemand, latent depuis la perte de l'Alsace-Lorraine et entretenu par l'espoir de la Revanche, était bruyant mais moins dangereux, bien que les « coups » de Tanger et d'Agadir aient montré, en 1911, à quel point les relations entre les deux pays restaient crispées. L'Angleterre, pour sa part, jouait son propre jeu, comme de coutume, et il n'est pas certain qu'elle serait entrée en guerre en 1914 - préférant rester en marge du conflit pour tirer les marrons du feu le moment venu - si l'Allemagne n'avait pas violé la neutralité belge et envahi ce pays, ce qui constitue traditionnellement un casus belli pour les Britanniques.

    Enfin, l'enthousiasme des peuples à la pensée d'une guerre que chacun s'accordait à imaginer brève et triomphale, achève de ruiner l'idée que la Première Guerre mondiale fut une« guerre civile européenne ». La deuxième ne lesera pas davantage, qui verra une fois encores'opposer, au-delà des idéologies, les deux blocsgermain et slave au centre de l'Europe.

    Eric Letty monde & vie 30 juillet 2014

    1) Année de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, avec le soutien de l'Allemagne, mais contre le vœu de la Russie qui soutenait la Serbie.

    2)Jacques Isorni, Histoire véridique de la Grande Guerre, avec la collaboration de Louis Cadars, I 968.

    3) Cf. le numéro 12 d'Enquête sur l'Histoire consacré à La Grande Guerre : Comment la guerre a commencé, par Dominique Venner.