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culture et histoire - Page 1537

  • L’IFP : dix ans d’efforts pour donner une relève de conviction

    Fondé en 2004, l’Institut de Formation Politique a franchi le cap des dix ans :

    "725 auditeurs, 250 intervenants, 72 séminaires, 62 Lundis de l’IFP : depuis dix ans, l’Institut de Formation Politique s’est démené pour résoudre le problème de l’éducation des dirigeants politiques.

    « Alors que notre pays traverse une crise politique profonde, à la fois morale et économique, l’IFP a fait le choix de préparer la relève, » explique Alexandre Pesey, Directeur et membre fondateur de l’Institut. « Nous avons l’ambition d’identifier, recruter et former les jeunes gens courageux, désireux de servir leur pays. Nos auditeurs sont attachés aux principes de primauté de la personne, de liberté et de responsabilité. C’est par eux que le renouveau  adviendra ».

    Les formations de l’IFP permettent aux étudiants de renforcer leurs convictions et d’acquérir, auprès d’intervenants de qualité, les méthodes de base d’une action politique efficace. Entre deux séminaires, le réseau de l’Institut favorise l’engagement et l’action dans la Cité, que ce soit dans la vie associative ou en politique. Les premiers résultats se font sentir. Grâce à l’IFP, des centaines d’étudiants sortent de l’isolement et passent à l’action. Depuis maintenant dix ans, nos auditeurs s’engagent dans leurs Universités. Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux ont percé dans les médias ou conseillent les élus.

    Plus de 250 auditeurs, formateurs et amis de l’Institut se sont retrouvés vendredi 13 juin 2014 à l’hôtel Dosne-Thiers, à Paris pour fêter ce cap.  

    Michel Janva

  • Une armée peut reconstituer la cité

    Il est tentant de vouloir esquisser les traits saillants de la nouvelle donne macro-stratégique qui pourrait surgir du chaos, celle-ci s’apparentant très probablement à une forme de darwinisme socio-politique. En d’autres termes, une situation où ceux qui sauront s’adapter non seulement survivront mais seront en mesure, ensuite, de reconstruire. Or le développement ne pourra se faire que sur la base d’organisations sociales cohérentes garantissent à leurs membres une certaine protection. Les recherches récentes en la matière montrent que l’ordre social précède l’essor des forces économiques et commerciales ; il le rend possible : « l’innovation, le progrès technique ou l’investissement sont davantage à considérer comme des manifestations que comme des causes du développement. Les causes ultimes de la croissance sont bien plus à rechercher dans les ‘institutions’ ». Max Weber le signalait déjà en présentant la compétence militaire des citoyens comme fondement du développement occidental, c’est-à-dire la préséance de groupes organisés pour l’autodéfense comme une des conditions de la naissance du capitalisme en Occident. A cet égard, la volonté de se battre pour « ses foyers » (pro aris et facis) a représenté de tout temps une motivation puissante, un catalyseur de force conduisant les individus à se rassembler et à s’organiser. Cette cause première est aussi source de valeurs, de comportements et, par conséquent, de culture. On retrouve ainsi les deux composantes de ce que Thierry de Montbrial qualifie d’unité active : « une unité active est un groupe humain dont les membres individuels sont liés : 1. par un système stable de pratiques, de références et de croyances, autrement dit une Culture... ; 2. par une Organisation, effective sur l’ensemble du groupe, et tendue vers des buts à la fois à l’intérieur et à l’extérieur ». 

         Dans un tel effort d’imagination prospective, trois paramètres sont à prendre en considération : les élites, les structures sociales et la culture dynamisant le tout. 

         En période de grande transformation historique, les nouvelles élites sortent généralement de « nulle part ». Cela signifie évidemment qu’elles apparaissent, comme par miracle, un peu comme des dieux descendus de l’Olympe. Cela veut dire, en revanche, qu’elles n’appartiennent pas à l’establishment ancien et à sa clientèle, qu’elles ne sont pas issues du moule des anciennes institutions : grandes écoles civiles ou militaires, partis politiques, clubs de renom. Les élites nouvelles n’ont ainsi pas d’attache particulière avec l’ancien monde ; elles ne lui sont pas redevables et ne sont pas non plus prisonnières d’une image médiatique. Elles sont donc libres de leurs décisions et de leurs choix et, en tant que telles, en mesure de s’adapter. De la sorte, elles répondent aux conditions du darwinisme présidant à l’avènement du monde nouveau. Relevons à cet égard que cette description correspond presque point pour point au profil des hommes d’affaires qui, après le choc et pétrolier de 1973, ont entrepris à Wall Street la liquidation du système fordiste et jeté les bases du nouveau capitalisme financier. 

         En ce qui concerne les structures sociales, l’appréciation est plus difficile. Contrairement aux nouvelles élites, leur recomposition est moins prévisible et peut prendre des formes très diverses. Néanmoins, compte tenu de la question des effondrements complexes, on peut conjecturer que les nouvelles formes d’organisation sociale devraient être plus simples, plus résilientes et de plus petite envergure. Car la complexité, la fragilité, l’instabilité et l’imprévisibilité des sociétés actuelles ne leur permettent plus de maîtriser leur fonctionnement, leurs processus et leur financement avec un minimum d’autonomie. Leur degré d’interdépendance tend à les paralyser complètement. L’exemple militaire est à cet égard très parlant : les armées conventionnelles contemporaines soumises à un contrôle hiérarchique compliqué et à des procédures lourdes sont presque systématiquement tenues en échec par des formes d’organisation militaire, certes moins sophistiquées et de moindre taille, mais contrôlant l’entier de leurs processus, de leur financement à leur engagement. Citons ainsi à titre d’exemple, le cas de ce chef de guerre somalien investissant la rançon des bateaux qu’il a piratés pour créer sa propre force militaire de plusieurs centaines de combattants équipés d’armes lourdes, à savoir les trois piliers d’une organisation militaire autonome – un surplus financier permettant d’acheter des armes et d’entretenir des soldats. 

         La culture apte à dynamiser ces petites structures autonomes et résilientes ainsi que ces élites sorties de « nulle part » pourrait être celle du pirate et des zones autonomes temporaires (TAZ). Ces dernières décennies, avec le phénomène du hacker, des mouvements punk et open source ainsi que de la philosophie do it yourself, la figure du pirate s’est largement répandue au point de devenir emblématique des sociétés post-industrielles, d’une nouvelle forme d’aventure post-étatique « en dehors » des hiérarchies et des grands ensembles. Elle a pour corollaire l’idée de TAZ qui lui est en quelque sorte complémentaire. La TAZ est une sorte de « campement nomade » réel ou virtuel, prenant corps dans les interstices d’une organisation pyramidale ou travaillant dans la marge d’erreur d’un système donné : à l’instar du mouvement coopératif acadien permettant à cette communauté d’échapper à la tutelle des grandes entreprises anglaises et de survivre à la crise de 1929, ou encore à l’image des sociétés de francs-tireurs de la Guerre de 1870 suppléant à la défaite de l’armée régulière et poursuivant la lutte contre les Prussiens. C’est dans ce sens que l’on peut tenter d’esquisser cette culture du nomadisme articulée autour de la figure du pirate et de l’idée de TAZ. C’est de cette conception de la liberté (de contournement plutôt que de confrontation), d’un tel état d’esprit (le salut vient des marges), de telles attitudes (agir dans la marge d’erreur du système) et associations d’idées (créer la culture, laisser faire le travail) que pourrait naître l’élément dynamique de la nouvelle donne stratégique, c’est-à-dire une volonté de découvrir de « nouveaux territoires », d’agir par soi-même hors des appareils complexes et des modèles dominants. 

         Bourgeois et paysans-miliciens, mouvement coopératif ou francs-tireurs, dans chaque cas on retrouve un noyau dur, un groupe doté d’une cohésion supérieure avec sa culture et son organisation propres, une unité active capable de recréer un ordre social minimal... un peu selon le principe grec, une armée peut reconstituer la cité. 

    Bernard Wicht, Une nouvelle guerre de Trente Ans

    http://www.oragesdacier.info/2014/06/une-armee-peut-reconstituer-la-cite.html

  • « L’Effacement du politique » de Pierre Le Vigan

    Impuissance et inexistence de l’Union européenne

    Le livre de Pierre Le Vigan est consacré au nihilisme qui sévit dans l’Union européenne à un tel point que toute référence à une identité autre qu’individuelle y est interdite ; or, comme l’écrit l’auteur, il ne peut y avoir de politique en l’absence d’identité collective. C’est sans doute la raison pour laquelle cette Union, qui se veut la seule patrie des droits de l’homme, est incapable d’avoir quelque politique que ce soit :

    « Partons de la situation que nous connaissons, en Europe. Notre continent est sans existence politique, sans volonté, sans défense. Un embryon de gouvernement européen existe, mais en fait, ce sont des équipes de technocrates. Le pouvoir européen n’a pas de légitimité démocratique. Il n’a pas non plus acquis une légitimité par son efficacité. Il a beaucoup réglementé mais n’a guère construit. Il est de plus en plus contesté par les peuples (…) Le pouvoir européen prétend faire de l’économie, mais pas de politique. En conséquence, en politique internationale l’Europe n’existe pas. Elle agit, quand elle agit, en éclaireur de la superpuissance américaine. »

    Et il ajoute :

    « Elle n’existe pas pour plusieurs raisons. Pour exister, il faut être porteur d’une certaine idée de soi. Or, l’Europe actuelle se veut d’abord universaliste. Sa seule identité serait d’être le réceptacle des identités des autres. »

    C’est le politique qui doit trancher

    Pour Pierre Le Vigan, il n’y a pas d’essence de la culture européenne :

    « Il n’y a pas d’essence de la culture européenne. Il y a certes des traits communs à l’Europe : ce n’est pas une terre où l’islam ne s’est imposé autrement que par la force, lors des conquêtes de l’Empire ottoman, mais c’est aussi une terre où la christianisation ne s’est pas faite sans violence. L’Europe est une terre de grands philosophes, mais qui n’étaient en général d’accord sur rien. Ils n’ont en aucune façon développé une “philosophie européenne”, à moins d’appeler ainsi un champ de bataille intellectuelle. Il y a eu certes des créations littéraires spécifiques à l’Europe, telles celles d’Homère, mais sont-elles d’abord grecques ou d’abord européennes ? C’est là toute la question. N’est-il pas abusif (bien que séduisant) d’en faire l’emblème de l’Europe ?’ »

    En effet, s’il est vrai qu’il n’y a pas plus proche d’un peuple européen qu’un autre peuple européen, il n’en reste pas moins vrai qu’il n’y a pas plus de culture européenne que de peuple européen. Les cultures des peuples européens se sont différenciées depuis fort longtemps (au moins depuis l’expansion des peuples indo-européens) mais elles ont conservé un air de famille parce qu’elles se sont influencées mutuellement quoique de manière inégale et partielle ; ce qui fait que les cultures européennes forment un patchwork assez harmonieux malgré l’existence de différences parfois importantes.

    « Revenons à la définition de l’Europe par la “culture européenne”, c’est-à-dire à la thèse que les Européens sont tout d’abord des Européens, puis des Croates, des Finlandais, des Ecossais, des Danois, etc. Qu’est-ce qui caractérise cette culture européenne ? Nos “ancêtres” indo-européens ? Mais “indo-européen” désigne un groupe de langues bien plus qu’une race ou un groupe de peuples. Si l’appartenance au rameau (ethnique ou linguistique, qu’importe à ce stade) indo-européen est le critère, alors pourquoi ne pas intégrer à l’Europe Indiens, Sri-lankais (sauf les Tamouls), Afghans, Arméniens, et bien sûr Kurdes et Tziganes (Roms) ? Notons encore que l’un des principaux foyers des langues indo-européennes fut l’Anatolie, dans l’actuelle Turquie, ce qui décidément ne plaide pas pour une Turquie hors d’Europe. On se demande d’ailleurs pourquoi cette origine culturelle commune, puisqu’elle est censée exister et influer, ne produit pas une grande facilité d’intégration des Roms, authentiques indo-européens ? Tandis que nous constaterions d’incessantes difficultés d’intégration avec les Basques ou les Hongrois qui ne sont pas indo-européens ? A moins que ce critère d’indo-européanité n’ait finalement aucun sens actuel, et ne relève du simple plaisir de l’érudition. »

    Il n’y a pas non plus d’essence religieuse de l’Europe, car s’il est vrai que le christianisme a marqué profondément la culture européenne, il n’en est pas moins vrai qu’il a éclaté en plusieurs rameaux qui se sont très souvent opposés de manière très violente. De plus, le christianisme n’est plus une caractéristique propre aux Européens parce qu’il a été adopté par de nombreuses populations dans le reste du monde ; il est impossible de le considérer comme étant la base d’une identité européenne et ce, d’autant plus que la déchristianisation progresse très régulièrement sur notre continent.

    « Cette religion par définition universelle a essaimé hors d’Europe, sachant au demeurant qu’elle n’est pas née en Europe, et dès lors on ne voit pas très bien comment une culture européenne pourrait se définir principalement par rapport au christianisme devenu largement non européen. »

    Existe-t-il une essence géographique de l’Europe qui imposerait l’union de tous les peuples vivant dans le territoire bordé par l’Atlantique, la mer du Nord, l’océan Arctique, l’Oural, le Caucase, les détroits et la Méditerranée ? Si oui, il faut considérer alors qu’une partie de la Turquie est européenne et que la partie de la Russie située au-delà de l’Oural ne l’est pas ; ce qui n’est pas très pertinent.

    De même, il est impossible de faire de la démocratie, de l’idéologie des droits de l’homme ou des Lumières des éléments d’une essence européenne, car dans ce cas il faudrait considérer que les Turcs inspirés par la Révolution française, les Australiens et les Africains du Sud qui vivent dans des pays démocratiques sont aussi des Européens.

    Pierre Le Vigan conclut très justement en disant que l’Europe ne peut être qu’une construction politique alors que la création de la CEE, puis celle de l’UE, ont été conçues dès l’origine comme une sortie du politique :

    « On a en quelque sorte voulu faire l’Europe non seulement pour sortir des guerres intra-européennes (et on n’y est même pas arrivé – voir les Balkans) mais pour sortir du politique. On constate au contraire que si l’Europe se fait, elle se fera par la politique et ni par l’économie ni par la culture. »

    Vers l’Empire ?

    Pierre Le Vigan conclut son livre en plaidant pour la création d’un « Empire européen » mais la notion d’Empire présente l’inconvénient de manquer de précision et de recouvrir des réalités très différentes. De l’Empire romain à l’Empire américain en passant par l’Empire de Charlemagne, le Saint-Empire romain germanique, l’Empire des Habsbourg, le deuxième et le troisième Reich, l’Empire napoléonien, celui de Napoléon III et les empires coloniaux, il y en a pour tous les goûts. Pierre Le Vigan conclut son livre en écrivant :

     « L’Empire c’est le nom ancien, et, pour mieux dire, c’est le nom de toujours du principe fédératif (…) Il faut ouvrir la voie à autre chose : l’association entre nos patries, la coopération sans l’uniformité, la souveraineté commune. Cela porte un nom, et c’est l’idée d’Empire, et cela repose sur un principe, c’est la subsidiarité, et c’est donc la fédération des peuples d’Europe. »

    Pierre Le Vigan ne précise pas ce qu’il entend par fédération ni d’ailleurs s’il pense à une fédération de tous les peuples (ce qui semble ambitieux) ou de certains d’entre eux seulement (ce qui serait plus raisonnable). Par ailleurs, que la notion d’empire et celle de fédération soient synonymes ne va pas de soi. Ainsi Olivier Beaud a écrit que ce sont des notions radicalement différentes parce que les empires ont toujours été coercitifs :

     « Par là, elle se distingue de la notion d’empire, qui agrège des unités politiques par la force et non par un consentement mutuel. »

    Olivier Beaud distingue aussi la fédération, dans laquelle les peuples ne se fusionnent pas, de l’Etat fédéral qui est un Etat unitaire (dans lequel il n’y a pas une pluralité de communautés souveraines) respectant le principe « althusien » selon lequel les décisions doivent être prises au niveau le plus « bas » possible. Pierre Le Vigan écrit que l’Empire devra reposer sur le principe de subsidiarité et que la souveraineté deviendra commune mais Althusius, qui est le grand penseur de la subsidiarité, considérait que dans ce qu’il a appelé la « consociatio symbiotica », chacune des communautés associées conserve son entière souveraineté et délègue, sous condition, une partie seulement de celle-ci tout en en demeurant la seule détentrice (elle ne la partage pas) ; en conséquence, elle conserve la possibilité de mettre un terme à cette délégation.

    Alors, fédération, empire, confédération, état fédéral ou alliance interétatique ? Il y a là un sujet pour un ouvrage passionnant.

     Bruno Guillard, 10/06/2014

    Pierre Le Vigan, L’Effacement du politique / La philosophie politique et la genèse de l’impuissance de l’Europe, préface d’Eric Maulin, éditions La Barque d’Or, 164 pages.

    Source et compléments: Polémia

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • L'enfer des camps de la mort du Vietminh

    Monde et Vie a évoqué, dans un récent numéro, l'héroïque combat des défenseurs de Dien Bien Phu. Dans son livre Convoi 42, Erwan Bergot, qui prit part à cette bataille et partit en captivité après le cessez-le-feu du 7 mai 1954, écrit : « Rien, pourtant, n'était terminé vraiment et si certains soldats avaient cru parfois toucher le fond de l'enfer, tous se trompaient. Le pire était à venir. »

    Au terme d'une marche épuisante et meurtrière, les défenseurs de Dien Bien Phu allaient rejoindre dans les quelque 130 camps de « rééducation » du vietminh - euphémisme pour désigner des camps de la mort - leurs camarades capturés antérieurement, notamment lors de la bataille de la Route Coloniale 4 et de l'anéantissement des colonnes Le Page et Charton en octobre 1950.

    Cette marche constitue une première mise en condition des « tu binh » (prisonniers de guerre), qu'il s'agit d'affaiblir à la fois physiquement et moralement pour atteindre le but que le vietminh s'est fixé : utiliser ces soldats contre le corps expéditionnaire français, au moins aux fins de propagande en les contraignant à signer des pétitions et des manifestes pacifistes, au mieux en renvoyant ceux que l'on parviendra à « convertir » à la cause de l'anticolonialisme porter la bonne parole dans les rangs du CEFEO (1).

    Normalisation

    Pour y parvenir, les techniques de lavage de cerveau mises en œuvre dans les camps sont d'autant plus efficaces que les sujets ciblés sont fragilisés, physiquement par le manque de nourriture et la maladie, et moralement par la perte des repères, la solitude et le désespoir. La suppression des grades, le manque total d'informations extérieures, le regroupement de la majorité des officiers au sein du camp numéro 1 (les hommes de troupes, plus jeunes et moins solidaires, sont plus malléables), l'absence de médecins (sauf au camp numéro 1, puisqu'ils sont officiers) et de médicaments, l'incitation à la délation, le faible espoir de bénéficier d'une « libération inconditionnelle », la crainte d'une diminution des rations de riz déjà faméliques, la présence permanente de la mort, contribuent, entre autres, à obtenir ces résultats et à briser les résistances.

    Lavages de cerveau sur des hommes à bout de force

    Les têtes les plus dures et ceux qui désertent le « camp de la paix » en tentant de s'évader s'exposent à de rudes châtiments, y compris à être exécutés, les captifs n'étant pas considérés comme des prisonniers de guerre, mais comme des criminels de guerre redevables de la vie à la « grande clémence » de Hô chi Minh. As peuvent aussi être mis « aux buffles » : lié à un poteau dans une étable à buffle, sous une maison sur pilotis, au milieu des excréments des bêtes, le puni est offert aux piqûres de milliers de maringouins, moustiques porteurs de maladies diverses. Dans Les soldats oubliés, Louis Stien, officier du 1er BEP capturé sur la RC4 et auteur de deux tentatives d'évasion, a laissé de ce supplice auquel il fut soumis une description impressionnante. Certains prisonniers en deviennent fous ou meurent.

    C'est sur ces misérables à bout de forces, affamés, parfois blessés, souffrant de la dysenterie, du béribéri, du paludisme, de pathologies neuropsychiatriques, rongés par la vermine et par les parasites (dont les ascaris, répugnants vers rouges de 25 centimètres qui se développent dans l'appareil digestif), que les can bô, cadres chargés de la rééducation, appliquent le lavage de cerveau, par l'endoctrinement, la dépersonnalisation de l'individu, l'espoir le plus souvent illusoire de la libération, l'autocritique et la délation qui sèment la zizanie et la haine parmi les « Tu Binh ».

    Le bilan est terrifiant : plus des deux tiers des quelque 40000 prisonniers de guerre détenus dans les camps du vietminh y sont morts. Concernant les prisonniers de Dien Bien Phu, la mortalité, en quatre mois de captivité, a atteint 72 %. Un chiffre insuffisant pour émouvoir, en France, les belles âmes des intellectuels de gauche.    

    Hervé Bizien monde & vie  11 juin 2014 

    1) CEFEO : Corps expéditionnaire français en Extrême Orient.

  • Georges Boudarel, traître et bourreau

    De la trahison et du meurtre à l'Université et aux honneurs, le parcours sanglant d'un commissaire politique communiste.

    Le 13 février 1991, lors d'un colloque au Sénat consacré à l'actualité vietnamienne, éclata une « affaire » qui a éclaboussé l'université française et illustre la puissante influence qu'y exercèrent les réseaux et les intellectuels communistes. Ce jour-là, en effet, l'ancien secrétaire d'Etat aux anciens combattants Jean-Jacques Beucler, vétéran de la guerre d'Indochine au cours de laquelle il fut fait prisonnier et interné, quatre années durant, au camp 113, se leva et apostropha durement l'un des universitaires qui devait prendre la parole : « Vous avez du sang sur les mains ! Votre présence à cette tribune est indécente ! »

    Sous les traits grassouillets de Georges Boudarel, honorable maître de conférences à l'université Paris VII-Jussieu et « spécialiste » de l'Extrême-Orient, Beucler avait reconnu « Dai Dông », l’ ancien « conseiller technique pour l'action psychologique », autrement dit commissaire politique, au camp 113, traître à son pays et bourreau de ses compatriotes.

    Bon militant communiste

    L'itinéraire de Boudarel est celui d'un « bon » militant du parti communiste dit français, auquel il adhère à l'âge de 19 ans, en 1945. En 1948, il s'embarque pour l'Indochine, où, devenu professeur, il enseigne la philosophie au lycée de Dalat, puis au lycée Marie-Curie de Saigon, tout en animant la section indochinoise du PCF.

    Cependant, l'heure vient où il est appelé sous les drapeaux. Refusant de servir son pays, le futur Dai Dông déserte : « Opposé à toutes formes d'impérialisme et de colonialisme, j'ai aussitôt rejoint, grâce à mes contacts communistes, la résistance vietminh », racontera-t-il en 1991 à des journalistes de Minute, d'ailleurs sidérés à l'issue de cet entretien de l'absence de remords qu'avait montré l'ancien bourreau. Car Boudarel, ayant gagné le nord du Tonkin, y prend en main, de février 1953 à février 1954, la rééducation politique des prisonniers français détenus au camp 113(1).

    « Mon rôle, a-t-il expliqué aux journalistes de Minute, consistait chaque jour à enseigner les principes de la révolution culturelle aux prisonniers. À leur inculquer les bases d'une éducation politique afin qu'une fois rentrés en France, ils interpellent l'opinion pour que cesse cette guerre injuste. » Autrement dit, à appliquer les techniques marxistes du lavage de cerveau sur des malheureux à bout de force. Comme dans tous les camps viets, même les plus faibles sont tenus d'assister à ses « cours », les techniques de critique et d'autocritique mises en œuvre créent un climat de délation et de méfiance entre les prisonniers. Pour ces derniers, le fait que le commissaire politique soit français est un facteur aggravant, puisqu'il est plus à même que les vietminh de comprendre leur psychologie.

    Un pouvoir de vie et de mort

    Dai Dông-Boudarel dispose d'un pouvoir de vie et de mort sur les détenus. En 1991, un survivant du camp 113 témoignait dans Minute : « Nous étions souvent interrogés pour voir si nous suivions assidûment les cours. Ceux qui répondaient mal ou ne voulaient pas suivre les cours eurent leurs rations qui diminuaient de telle sorte que, s'ils étaient déjà affaiblis, ils ne tardaient pas à mourir. »

    Même les mesures d'hygiène lui donnent l'occasion d'humilier et de punir, comme lorsqu'il décide de lutter contre les innombrables mouches qui, selon ses propres termes, font un « pont aérien » entre les latrines et les cuisines : « Chacun d'entre nous devait en tuer un nombre déterminé par jour, les mettre dans un bambou coupé en deux qui servait de boîte et les montrer au responsable du camp... Certains d'entre nous ne parvenaient pas à en attraper suffisamment. Ils étaient obligés d'échanger leurs rations de riz contre des cadavres de mouches que d'autres prisonniers, plus habiles, parvenaient à attraper en grand nombre. Et ils ont fini par mourir... »

    Inhumanité

    Par ailleurs, le traitre confisque au profit du vietminh les médicaments parachutés par la Croix rouge pour les soldats prisonniers, qui auraient sans doute pu sauver des vies.

    Décidant des « libérations inconditionnelles », qui représentent pour les détenus l'espoir d'échapper à cet enfer, Dai Dông enjoué pour briser les volontés et jusqu'aux plus élémentaires sentiments d'humanité. Accompagnant un groupe de « libérables » squelettiques, il les réunit, au bout de quelques jours de marche : « L'un d'entre nous avait volé un œuf dans un village, a raconté Claude Baylé, auteur de Prisonnier au camp 113. Boudarel nous a obligés à le dénoncer, à le juger, à le renvoyer au 113. Nous étions tellement obsédés par notre libération que nous ne tenions même plus compte de l'amitié. Impensable ce que nous étions devenus ! »

    Le bilan du commissaire politique communiste est éloquent : en un an, 278 captifs meurent, sur un effectif de 320. Le taux de mortalité est plus élevé au camp 113 que dans les camps de concentration nazis. Boudarel n'en sera pourtant jamais châtié (voir page suivante). Condamné à mort par contumace pour trahison en 1953, il séjourne en URSS, puis en Tchécoslovaquie avant de rentrer en France en 1966, à la faveur d'une loi d'amnistie.

    Une « expérience » validée par l'Université

    Grâce aux réseaux rouges, il devient le collaborateur de l'historien communiste Jean Chesneaux, est recruté comme maître assistant par l'université de Jussieu et comme chercheur (spécialiste de l'histoire du Vietnam...) par le CNRS. Songeant déjà à sa retraite bien méritée, il parvient même à faire valider ses années d'« expérience » courant du 19 décembre 1950 au 30 septembre 1967, en indiquant pour la période 1951-1954 - comprenant donc son activité au camp 113 : « Voyage d'études en Extrême-Orient » !

    Boudarel mourra le 26 décembre 2003, âgéde 77 ans, sans jamais avoir payé pour ses crimes.

    Hervé Bizien monde & vie 11 juin 2014

    I. L'une de ses victimes l'a accusé d'avoir également sévi au camp 122, ce qu'il a nié. 

  • [Lyon] Session de formation régionale et barbecue de fin d’année, à Lyon le week-end prochain !

    L’Action française Lyon organise une session régionale de le 21 et 22 juin sur le thème du "capital ou la tradition" ouverte aux militants et sympathisants de la région.

    Elle sera suivie d’un barbecue de fin d’année.

     

    Renseignements complémentaires : lieu, inscriptions, etc... au 06 82 83 92 00