Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1615

  • L'interprétation

    « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer » (Marx). « Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations » (Nietzsche).
    Ces deux citations montrent à quel point la philosophie est liée à l'interprétation. Quand Marx propose de transformer le monde, il se réfère à une interprétation du monde qu'il veut changer. On ne peut donc sortir de l'interprétation.
    Pourtant, il existe des domaines où l'interprétation serait inexistante comme les mathématiques ou les sciences dites « exactes ». On comprend la démonstration d'un théorème en suivant les chaînes de raison. Il n'y a pas de place à l'interprétation.
    La physique cherche à expliquer le monde par des lois ou des relations mathématiques établies par l'expérience. L'interprétation se trouve donc à mi-chemin entre l'opinion et la science. Feyerabend verra dans la Science aussi une interprétation du monde.
    Les domaines du savoir humain où l'interprétation est omniprésente sont la littérature, les « sciences humaines » (économie, droit, sociologie, psychologie, histoire), la politique... L'interprétation devient même infinie.
    Interpréter, c'est donner le sens puisque l'homme est un animal qui veut du sens. Le sens de l'Histoire peut être la lutte des classes, la lutte des nations, la raison se constituant comme l'expose Hegel ou le choc des civilisations... en psychanalyse, on interprète les rêves. L'interprétation des textes (sacrés ou non) s'appelle l'herméneutique.
    L'herméneutique
    L'herméneutique est donc l'étude des textes sacrés à l'origine. Elle a pris un sens plus large pour désigner toute interprétation d'un texte. Les juifs et les protestants pratiquent plus l'herméneutique des textes sacrés que les catholiques. Ils ont un rapport direct aux textes à la différence des catholiques qui se réfèrent à l'enseignement de l’Église. Les musulmans veulent aussi toujours revenir au Coran.
    Pour Paul Feyerabend, aucun domaine n'échappe à l'interprétation, même la science soi-disant objective. Dilthey distinguera expliquer et interpréter. Pour lui, les sciences de la nature cherchent à expliquer. Les « sciences humaines » interprètent pour comprendre.
    En sociologie, on retrouve la différence d'approche entre Durkheim et Max Weber. Pour Durkheim, la sociologie se trouve au même plan que les sciences de la nature avec des lois « objectives ». Les faits sociaux sont des choses à expliquer. Max Weber cherche à comprendre les faits sociaux à partir de la subjectivité des individus. On ne peut comprendre qu'en interprétant le sens que les individus donnent à leur action. « Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ». (Max Weber)
    Ricœur verra dans l'herméneutique une interaction entre l'auteur et le lecteur. Ce qu'a écrit l'auteur n'est pas figé et toute lecture est une interprétation liée aux attentes, aux croyances, au final à la subjectivité du lecteur. Le lecteur peut même dépasser ce que l'auteur a voulu dire. L'écrit a une portée ontologique à la différence de la parole qui est furtive et liée aux circonstances.
    Un domaine où l'interprétation est sans limite est la poésie. Le poète pour Platon est un interprète des dieux. Il donne le sens ; il est aussi un interprète de la nature, du monde et des hommes.
    L'œuvre d'art n'existe que par son interprétation. Elle est un moment du passé interprété dans notre moment présent.
    L'interprétation des rêves
    La psychologie fait sans cesse appel à l'interprétation et particulièrement la psychanalyse. Le rêve par exemple révèle l'inconscient. « Tout le psychique étouffé apparaît dans le rêve ». Avant le rêve relevait de l'ordre du délire insignifiant. Comme de donner une signification au lapsus, on interprète le rêve. Il est la réalisation d'un désir refoulé. Les « idées latentes du rêve » sont cachées par la censure qui existe aussi dans le sommeil. Les désirs sont masqués. Pour la psychanalyse, tout a une signification dans le rêve puisqu'il traduit l'inconscient.
    Tout a aussi une symbolique. Le roi et la reine représentent les parents. Les enfants sont représentés par de petits animaux. L'organe sexuel de l'homme a une multiplicité de symboles : serpents, poissons, tiges, parapluies, ... Cette symbolisation déguise le désir. Freud dans son livre « L'interprétation des rêves » donne plusieurs analyses de rêves qui n'ont pas tous une signification sexuelle. Une mère rêve que sa fille est morte (alors qu'elle l'aime). C'est pour Freud une réminiscence de son désir d'avorter avant la naissance de sa fille.
    Nietzsche
    Le sens qu'a donné Nietzsche est que le monde n'a pas de sens, ce qu'on peut appeler le nihilisme. Pourtant le philosophe n'a fait qu'interpréter le monde. Dans sa généalogie de la morale, les valeurs bien et mal sont liées à leur généalogie. La morale, celle des faibles s'imposant par leur nombre, est fondée sur le ressentiment, comme l'impuissant qui prône la chasteté.
    Nietzsche interprète le monde de façon bipolaire entre les forts et les faibles. Il est dans ce domaine un psychologue et un sociologue hors pair.
    L'homme veut du sens et selon le philosophe « un sens quelconque vaut mieux que pas de sens du tout ».
    Il explique ainsi l'idéal ascétique comme si l'homme avait à racheter une faute. L'homme donc trouve un sens à sa souffrance.
    Pour Nietzsche, l'homme se sauvera lorsqu'il acceptera l'absence de sens. Ce que l'on appelle le nihilisme actif qui le différencie du nihilisme passif : « Nihiliste est l'homme qui juge que le monde tel qu 'il est ne devrait pas être et que le monde tel qu 'il devrait être n 'existe pas. De ce fait l'existence (agir, souffrir, vouloir, sentir) n'a aucun sens : de ce fait le pathos du « en vain » est le pathos nihiliste, et une inconséquence du nihiliste. ».
    Pour Platon, les sens étaient les interprètes des phénomènes. Dans la philosophie médiévale, l'interprétation était l'exégèse de la Bible.
    De cette vision antique ou religieuse on est passé à une interprétation des textes quelconques ou même plus généralement à celle de toute action sociale (ou individuelle comme le fera la psychologie). La psychanalyse interprétera même notre inconscient. L'interprétation est liée à l'essence de l'homme. L'homme veut donner un sens à tout objet, au monde qui l'entoure et à tout acte.
    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • "Non omnis moriar..." : Jean-François Mattéi vient de nous quitter...

     

    "Eadem velle, eadem nolle, ea est vera amicitia" : entre Jean-François Mattéi et nous, c’était bien sûr l’amitié d’esprit qui régnait. Mais pas seulement, et beaucoup plus : pour certains, l’amitié personnelle remontait même aux premières années, à l’époque de l’enfance et de la jeunese dans cette ville d’Oran, dans cette Algérie où il était né...

     

    En ce moment pénible, on ne peut, simplement, que lui dire "A Dieu" et, aussi "Merci". Oui, "Merci" car, s’il fut un ami fidèle, qui jamais ne déçut ni ne fit défaut, il fut aussi un Maître, et il nous enseigna...

    Avec ses leçons, c’est l’image de son sourire franc et chaleureux que nous voulons garder au moment où, nous associant à la douleur des siens, nous présentons à son épouse Anne, à ses trois enfants et à ses petits-enfants, nos condoléances les plus sincères.

    "Le meilleur d’entre nous subsiste, lorsque le matériel disparaît tout entier" (Charles Maurras).

    La Faute à Rousseau

    Il avait participé à plusieurs réunions d’Action française ainsi qu’au colloque Maurras, 60 ans après. Nous nous rappelons tous de son allocutation lors de notre Carrefour Royal du 18 janvier dernier.

    L’ACTION FRANÇAISE PRÉSENTE À SES PROCHES SES PLUS SINCÈRES CONDOLÉANCES

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Non-omnis-moriar-Jean-Francois

  • Naissance et mort font le roi...

    Lors de mes pérégrinations militantes ou d’interventions sur la toile, de nombreuses questions me sont posées sur ce que pourrait être la monarchie que je souhaite mais aussi sur les risques qu’elle pourrait rencontrer (et qu’elle a parfois rencontrés dans son histoire) et, par la même occasion, faire courir à l’institution et à la France même. Je vais essayer de répondre à quelques objections et interrogations sur certaines de ces questions à travers les lignes suivantes.
    « La monarchie a pour principe de base qu'une personne non sélectionnée pour ses qualités propres, mais bien pour son sang, gouverne ? Si le nouveau roi est atteint d’un désordre mental ou à des opinions très laxistes... dans le 1er cas, la nation pourrait avoir du mal à s'identifier et donc s'unir derrière cette personne. Dans le 2ème cas, le pouvoir pourrait changer, comme sous Louis XVI ici ou Nicolas II à l'Est », m’écrit une internaute.
    Effectivement, le roi n’est pas issu d’une sélection électorale et ses qualités propres ou ses compétences, quelles qu’elles soient par ailleurs, ne sont pas prises en compte pour son accession à la magistrature suprême de l’Etat : c’est la naissance et la mort qui lui ouvrent les portes du Pouvoir. Naissance, car il est le fils du roi régnant, l’aîné dans la tradition française ; mort, car c’est la mort du père roi qui « fait » roi le fils. La mort qu’aucun fils ne souhaite à son père : de la tragédie humaine et familiale sort le nouveau monarque, entre deuil et devoir. Aucun choix là dedans : le hasard ou la providence, seulement… Mais, au lieu d’être un handicap, il me semble que c’est plutôt un avantage car le roi ne doit son trône qu’à cette double histoire particulière, à la fois joyeuse et tragique. La naissance ne s’achète pas, l’heure de la mort (a priori) ne se décrète pas, sauf exception dramatique.
    C’est la naissance qui donne au nouveau roi son indépendance : il ne doit rien à personne, n’étant pas l’élu d’un clan contre un autre, n’ayant pas eu à promettre pour monter sur le trône ni de campagne électorale à faire dont on sait combien elle peut diviser l’opinion au point de la fracturer en camps irréconciliables.
    Ce ne sont pas ses compétences qui importent, en fait, mais bien plutôt cette indépendance consubstantielle à son mode de désignation, ce qui n’empêche pas, bien sûr, qu’il ne soit pas indifférent aux débats en cours et aux arguments des uns ou des autres : pour être roi « au dessus des partis », comme le soulignent de nombreux constitutionnalistes, il n’en est pas moins un être sensible et pensant, parfois sujet de sentiments et de contradictions… D’autre part, c’est cette indépendance statutaire qui lui permet de choisir - parfois en s’aidant des indications que lui donne le suffrage universel ou, dans d’autres cas, dans l’urgence d’une situation qui nécessite des hommes d’exception (sans être forcément providentiels..) ou reconnus par le monde économique ou la classe politique comme tels – ceux qui peuvent dénouer les crises ou, simplement, gouverner au mieux des intérêts de la nation. L’histoire de la monarchie française en a donné quelques exemples fameux, en d’autres temps, même si le choix de Louis XIII en faveur d’un cardinal de Richelieu impopulaire en son temps reste le plus célèbre et, peut-être, le plus judicieux, au regard de ses conséquences heureuses pour la pérennité de notre puissance politique et historique…
    Néanmoins, la question de la faiblesse ou de la maladie mentale du roi se pose, comme, d’ailleurs, elle peut se poser pour tout homme et, si l’on scrute l’histoire de la République, pour le président lui-même comme ce fut le cas de Paul Deschanel en 1920. Ainsi, le roi Charles VI, au moment de la guerre de Cent ans, souffrit d’épisodes de démence qui faillirent emporter la France et lui donner un maître anglais : mais le peuple continua à lui être fidèle, voyant à travers sa folie le symbole des malheurs qui touchaient le royaume, comme si la souffrance du roi était l’incarnation la plus « parfaite » de l’état de la nation… « Terre et Roi ne font qu’un », entend-on dans le film Excalibur dans la bouche de Merlin l’enchanteur, et cette formule résume le mieux l’état d’esprit du moment.
    Aujourd’hui, la situation est évidemment différente et, s’il arrivait par malheur que le roi, ou son dauphin, soit atteint par une maladie qui l’empêcherait d’exercer sa fonction dans de bonnes conditions, il serait tout à fait logique qu’il abdique dans le respect des règles successorales, laissant donc sa place au « suivant » dans la lignée dynastique. D’ailleurs, les récentes abdications de la reine des Pays-Bas et du roi des Belges dans l’année 2013, abdications qui n’avaient pas le motif de la maladie mais plutôt d’une vieillesse qu’ils considéraient comme désormais incapacitante, ouvrent la voie à une certaine extension de cette possibilité sans changer la logique de la succession dynastique qui est la principale force de la Monarchie et de sa légitimité.
    (à suivre)
    http://nouvelle-chouannerie.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1135:naissance-et-mort-font-le-roi&catid=48:2014&Itemid=59

  • [Nantes] Cercle d’études du 29 mars : L’Empirisme organisateur

    Le prochain cercle d’étude de l’AFE de Nantes et de l’URBVM aura lieu le samedi 29 mars et aura comme thème : L’Empirisme organisateur.

     

    Pour tout renseignement : urbvm@hotmail.fr

    nantes.etudiants@actionfrancaise.net

  • « Enquête sur la droite en France Flavien Bertran de Balanda : Se préoccuper du seul intérêt national hors de toute vision partisane »

    Ecrivain, essayiste, journaliste, enseignant-chercheur (Centre de Recherches sur l'Histoire du XIXe siècle, Universités Paris l/Paris IV-Sorbonne), Flavien-Alexandre Bertran de Balanda de Falguière est spécialiste des idées contre-révolutionnaires, et en particulier de Louis de Bonald, à qui il a consacré plusieurs ouvrages et travaux (1).
    Monde et Vie : Les notions politiques de gauche et de droite vous paraissent-elles encore avoir un sens aujourd'hui, ou sont-elles dépassées ? Se différencient-elles ?
    Flavien Bertran de Balanda : Nous connaissons tous l'origine révolutionnaire de ces termes, liés à la géographie des députés de la Constituante. Ils ont donc été forgés dans un contexte précis, rapidement bouleversé, mais auquel ils ont survécu. Par ailleurs, on peut considérer qu'ils ne sont opérants que dans le cadre d'un régime parlementaire, où le principe de bipolarité est inévitable. Du reste, gauche et droite gardent s longtemps une définition assez simpliste, l'une est l'héritière de 89, l'autre demeure synonyme de monarchisme. C'est à la fin du XIXe siècle, avec la consolidation de la IIIe République qui suit l'épisode équivoque de l'« ordre moral » (Broglie, Mac-Mahon), que se crée une droite sinon franchement républicaine, du moins non monarchiste, avec l'échec du comte de Cham-bord et surtout l'apparition du nationalisme et des premières ligues.
    Rappelons que la jeune Action Française n'était pas le moins du monde royaliste. Quant au bonapartisme, qui n'était depuis 1815 qu'une fidélité à l'Empereur mais ne se définit comme idéologie que sous le Second Empire, je ne le considère pas, contrairement à René Rémond, comme une « troisième droite » : son aspect autocratique est largement contrebalancé par ses composantes sociales et méritocratiques. La Libération, enfin, a contraint la droite à se redéfinir face au passé vichyssois, séparant d'un fossé infranchissable droite démocrate et droite dite « extrême », laquelle s'est à son tour recomposée avec la guerre d'Algérie en opposition au gaullisme.
    Depuis la fin du règne mitterrandien, est apparu cependant dans l'opinion un scepticisme croissant quant à la pertinence du clivage binaire, lié à une méfiance envers un personnel politique de plus en plus perçu comme une caste d'énarques corrompus et complices, dont les divergences de façade masqueraient des intérêts et des réseaux de manipulation communs, image en permanence entretenue par une extrême gauche et une extrême droite minoritaires se présentant comme les seules véritables forces d'opposition au système. La solidarité électorale improvisée en 2002 suite aux résultats du premier tour a en quelque sorte confirmé cette idée.
    Cependant, on peut se demander si la présidence de François Hollande n'a pas ravivé cette dichotomie un temps estompée en soulevant des problèmes de société qui devaient inévitablement susciter des prises de positions radicales en fonction de visions du monde opposées. Le débat sur le mariage homosexuel, qui s'élargit aujourd'hui à la question du genre, semble avoir opéré un clivage entre deux France. Mais, de façon inédite, ce dernier est né spontanément de l'opinion, et non de directives politiciennes.
    Vous avez consacré plusieurs ouvrages à Louis de Bonald, qui fut sous la Restauration le principal théoricien du parti ultra et représentait le courant légitimiste que René Rémond, dans sa typologie d'ailleurs sommaire, classait parmi les trois grandes familles des droites, avec l'orléanisme et le bonapartisme. Que reste-t-il aujourd'hui du légitimisme ? Si affaibli soit-il, a-t-il laissé un héritage et des héritiers ?
    Définir le légitimisme implique un choix intellectuel. Au sens strict, la fidélité à la branche aînée des Bourbons demeure une position politique très marginale et souvent dépourvue d'engagement militant, d'autant qu'un nombre croissant de légitimistes s'interrogent quant à la motivation de leur prétendant à prendre le trône. Dans un sens plus large inspiré de René Rémond, même si de nombreux historiens considèrent sa tripartition comme obsolète, il s'agirait davantage d'une posture intellectuelle héritée en effet de l’ultracisme né sous l'éphémère Chambre Introuvable. En ce cas, ce serait moins la droite nationale « officielle », ainsi que l'affirme Rémond, qui en serait l'héritière, qu'une nébuleuse plus vaste dont les mouvements ouvertement traditionalistes et contre-révolutionnaires ne sont qu'une composante.
    Enfin, rappelons qu'historiquement le légitimisme au sens strict n'est pas intrinsèquement hé à la droite, contrairement à l'orléanisme, plus monolithique dans son conservatisme bourgeois ; par réaction contre les valeurs de la Monarchie de Juillet, les légitimistes d'alors ont pu avoir des préoccupations sociales marquées et des prises de position inattendues, en faveur par exemple du suffrage universel. Ce courant prendrait alors une nouvelle définition, celle du refus de l'ordre bourgeois au nom du primat de l'éthique, qui pourrait prendre un sens neuf dans un contexte de mondialisation et de consumérisme triomphant.
    Ce courant légitimiste peut-il apporter sa pierre aujourd'hui à la reconstruction politique des droites, si tant est qu'elle soit possible et souhaitable ?
    L'idée légitimiste part en effet d'une vision fédératrice du monarque, mais qui précisément, au nom d'une cohésion nationale retrouvée et du refus des querelles politiciennes, transcenderait et finalement abolirait les catégories de droite et de gauche. Le succès des conceptions dites de droite ne peut à mon sens se faire que si cette dernière opère un vaste travail de redéfinition identitaire, en cessant de se construire en réaction par rapport à la gauche (j'emploie le terme réaction à dessein, au sens propre comme au sens figuré) pour se préoccuper du seul intérêt national hors de toute vision partisane.
    Par quoi remplacer la droite ?
    Il faudrait d'abord savoir si la droite accepterait d'être remplacée, voire tout simplement de se remettre en question !
    Propos recueillis par Eric Letty monde&vie du 18 mars 2014
    1. Bonald, la Réaction en action, éditions Prolégomènes, 2009, 304 p. Réédition Champ d'Azur, 2010.
    2. Louis de Bonald publiciste ultra, éditions Champ d'Azur, 2010,310 p.
    3. L’Histoire par la Littérature, éditions Champ d'Azur, 2010,112 p.

  • Le goût de rien ou comment l’Homme se perd…

    Il est toujours contre-productif voire stupide de se mettre des œillères, essentiellement pour tout ce qui touche aux comportements humains. Pourquoi, ne serait-ce que politiquement parlant, avons-nous souvent des difficultés à entrer en contact avec certaines personnes, ou à les intéresser ? Une partie de la réponse se trouve dans le titre de cet article : car elles n’ont le goût de rien.
    Il est essentiel de le réaliser : la majorité de nos contemporains ne sont pas intéressés par quoi que ce soit de véritable. Ils s’occupent, tout simplement. Ils occupent leur temps libre par besoin de faire quelque chose, pas par intérêt réel. Parlez autour de vous, avec vos collègues, certains membres de votre famille etc. N’avez-vous jamais constaté ce vide de leurs êtres, leur attachement à parler de tout ce qui est le plus plat, le plus insipide, le plus minable ? Ils n’ont aucune conversation pour la simple et bonne raison que rien ne les intéresse (ou ne les touche) réellement. Quelle aubaine pour que le système perdure ! Des cerveaux vides, on peut les remplir de tous les ersatz possibles. Foot, shopping ? De l’occupationnel instigué par le système. Le fait de regarder la télé et de rabâcher bêtement les inepties de notre époque ? Le système encore ! Qui utilise le peu de cerveau encore disponible à cette fin. On a fait des gens de véritables zombies, incapables de réaliser qu’on les enterre peu à peu. Fatigués de tout, découragés et pleutres, les problèmes et enjeux réels de leur époque ne peuvent les toucher, hormis quand cela atteint leur porte-monnaie… La politique ? Laissons cela aux autres. Militer pour des idées, dénoncer le système ? Dangereux et à quoi bon perdre son temps d’occupationnel à cela ? Esclaves oui, mais volontaires par paresse. Se laisser porter par les douces ondes du système est leur seule attente réelle ; on pense et on agit pour moi vu que mon état lymphatique me va très bien ou alors je branche la perfusion de « plaisirs » que le même système me propose pour oublier qu’il me détruit.
    Ce goût de rien conduit irrémédiablement –à plus ou moins long terme- à l’indifférence et à l’individualisme quand ce n’est pas à la drogue, à l’alcool et à la dépression et ses variantes, qui nécessiteront fatalement force médicaments incapacitants et addictifs, enrichissant toujours davantage l’une des grandes puissances de notre époque : le lobby pharmaceutique. La chute de l’individu lambda est implacable : il s’affaiblit… et à tous les niveaux (intellectuel, physique, moral, social…). Bien que l’homme moderne soit lobotomisé, une petite part de lui vient toujours lui rappeler que sa vie est finalement bien merdique et qu’elle ne poursuit aucune autre quête que celle des chimères de cette époque vide de sens. Ce mal-être généralisé, que les gens n’ont même plus la décence de cacher tant la surenchère de la complainte est devenue la norme de toutes les conversations, constitue du pain béni pour le système. Cette magnifique société étouffe encore plus toute résistance d’un peuple qui, humainement égoïste, va avant tout penser à remontrer sa propre pente (généralement en vain…merci les psys collabos) et donc être bien loin de réaliser que son salut ne pourrait venir que d’une opposition réelle et collective… mais encore faudrait-il avoir envie de faire quelque chose…
    Le système s’attaque justement au peuple dès sa plus tendre enfance en faisant voler en éclat son insouciance, puis redouble d’énergie chez l’adolescent, là où justement l’enfant est le plus vulnérable psychologiquement. Il prolonge ainsi son mal-être jusqu’à l’âge adulte et plus encore, ayant réussi à piétiner toute flamme, toute ardeur, toute rébellion chez un individu qui ne pourra se tourner que vers ce que lui propose une société qu’il est urgent de détruire : du vide, rien que du vide sous un masque d’abondance, de « culture » et de bonheur virtuel. Victime du néant de son époque, et ce, du berceau à la tombe, le peuple est rendu dépendant par un système qui fournit les remèdes factices aux maladies qu’il génère et reste dans la passivité la plus totale quant à son sort et à sa destinée.
    Les êtres les plus intéressants sont pour la plupart des passionnés, à un titre ou à un autre, à partir du moment où ils croient en quelque chose, qu’ils poursuivent un idéal avec foi. Et ces passionnés-là sont acteurs de leur vie et sont ceux qui veulent combattre, résister et changer les choses. A partir du moment où l’on décide de déchirer la sordide couverture qui nous tient sournoisement chaud mais qui nous gratte et nous étouffe, mais également de se rassembler entre êtres conscients, volontaires et actifs, la dépression disparaît, la « grande santé » revient, et ce pour quoi nous sommes faits recouvre enfin tout son sens. 
    Ann et Rüdiger
    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/03/24/le-gout-de-rien-ou-comment-l-homme-se-perd-5327082.html

  • Liberté, égalité, fraternité (2)

    II – Égalité
    La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Égalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux.
    Charles Maurras, Romantisme et Révolution, préface
    Contradiction apparente
    Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier, en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.
    Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme sont complémentaires dans la mystique démocratique puisqu’ils relèvent du même principe faux, l’autonomie de l’individu.
    Les conséquences de l’Égalité
    Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.
    Le pouvoir, en république, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre réglera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.
    La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’État-providence.
    En voulant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.
    « Les libertés, cette énonciation est un non sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » (1) Le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya (2). C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le bien commun.
    Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2743 – du 5 au 19 mars 2008
    (1) Je suis celui qui suis. Actes et Paroles, tome II.
    (2) Léon Daudet, Fantômes et Vivants.