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culture et histoire - Page 1615

  • Postmodernité : encore un effort !

    Postmoderne : le mot est dans toutes les bouches. Mais personne ne sait exactement de quoi il s'agit. La chose, cependant, existe. On peut même en faire la preuve empirique : quand, autour de nous (voire à l'intérieur de nous-mêmes), d’innombrables indices amènent nos contemporains, sans s'être donné le mot, à qualifier unanimement de “postmodernes” certains phénomènes ou messages, il faut bien qu'il y ait anguille sous roche. Que cette étiquette soit flatteuse pour les uns, péjorative pour les autres, ne change rien à l'affaire. À l'évidence, quelque chose se trame autour de nous. Cela croît, s'amplifie, s'enfle en permanence. Mais, faute de recul, nous n'en percevons que vaguement les contours.
    Évoquant, sur le mode badin, les onze années de sa présidence de l'université de Munich, Nikolaus Lobkowicz (Communio, éd. all., n°4/1986, pp. 352 ss.) a bien cerné les difficultés auxquelles se heurte toute première approche de l'irradiation postmoderne :
    « Sans cesse me revenait à l'esprit la remarque pénétrante de A. Santos qui affirmait que les contemporains ne sont jamais capables de juger leur époque puisque tout dépend de ce qu'elle produit. On agit en fonction de telle ou telle expérience passée, de tel ou tel principe qui, en général, n'a rien d'évident, d'après certaines idées sur les périls qui nous guettent et nos possibilités. Si ces périls ne mènent pas à la catastrophe, l'historien de l'avenir sera tenté de dire que nous avons exagéré. Si au contraire les possibilités ne s'actualisent pas, on nous accu­sera d'aveuglement. Nous vivons dans un demi-jour, et si d'aventure nous trouvons notre chemin, c'est par instinct plus que par raison. Voilà un argument de taille contre l'idée selon laquelle nous vivons à une époque éclairée ».
    Je n'ai, bien entendu, cité ces quelques brins de sagesse que pour mieux me jeter à l'eau. D'autant que l'on s'apercevra (le lecteur me pardonnera cette troisième métaphore) que dans un premier temps, au moins sur une partie du parcours, nous évoluons en terrain sûr. Je m'explique : il me semble que sur cette “postmodernité” aux contours si incertains, on peut s'accorder sur 3 points, que j'indiquerai. Nous tenterons ensuite de dégager, sur un sujet si déroutant, 3 grands axes d'interprétation dont on commence déjà à percevoir les linéaments. Une dernière foulée nous ramènera sur la terré ferme et nous présenterons un jeune éditeur et un jeune auteur qui nous parais­sent incarner la “postmodernité”.
    C'est appliqué à l'architecture que le terme “postmoderne” s'est sans doute révélé à la plupart d'entre nous. Et ce n'est pas un hasard si c'est dans ce domaine-là que l'ex­pression s'est rapidement imposée : on ergote moins volontiers sur une construction ou un problème d'urbanisme que sur la poésie ou la théologie : en architecture, l'objet du débat est une réalité optique évidente, et la postmodernité n'y est pas difficile à repérer : c'est une révolte contre l'architecture “fonctionnaliste” genre Bauhaus. Certes, les architectes postmodernes ont, eux aussi, pour principe que le style doit découler de la fonction de l'édifice à bâtir (“form fol­lows function”, dit-on). Mais ils donnent au mot “fonction” un sens plus vaste. Un cou­loir, par ex., n'a pas simplement pour “fonction” de permettre à 2 personnes de se croiser sans se gêner (ce serait plutôt la fonction d'un mètre !) : un couloir ne doit pas donner une sensation d'oppression.
    L'homme est plus que ses besoins physiques : ses besoins psychiques sont l'autre face de la “fonction” que doit remplir une construction, et c'est pourquoi l'architecte postmoderne se permet d'équilibrer la gravité d'un ensemble par des éléments articulants, nullement indispensable sur le plan technique. Et comme l'homme n'est pas seulement un homo faber mais également un homo ludens, des architectes comme Bofil, Krier, Charles Moore ou Watanabe ne négligent pas d'embellir leurs œuvres d'ornements “superflus” mais qui en rehaussent l'aspect : Ils se permettent, très naturelle­ment, des emprunts : ici une colonnade grec­que ou une corniche à la Palladio, là un axe médian d'allure princière qui rehausse la vie, l'élevant vers la joie ou le tragique. En architecture, la postmodernité est une geste libératrice qui rompt avec la sclérose du dogmatisme et de l'unilatéral. L'est-elle dans les autres domaines ?
    À l'évidence, la “postmodernité” a une parenté française. C'est le second point. Et une certitude : quel que soit le volet de la postmodernité à l'étude, on rencontre à chaque pas soit des racines françaises, soit dés impulsions venues d'ailleurs mais retransmises par la France. Celle-ci, qui paraissait définitivement vouée au nombrilisme. assume, depuis quelques dizaines d'années, le rôle qui fut si longtemps celui de l'Allemagne : celui du penseur qui va jusqu'au bout des idées, celui du grand initiateur, du grand séducteur dans les choses de l'esprit et de la culture, celui du grand explorateur de nouveaux rivages.
    Si les grands débats inaugurés par Nietzsche et Heidegger ne se sont pas enlisés, c'est grâce aux philosophes français. Au point qu'aujourd'hui, lorsque nos philosophes allemands crispés se prêtent à un débat avec leurs homologues français, ils ont le ridicule (et pour cause) de désavouer (parce que “fascistoïde”) un héritage intel­lectuel allemand redécouvert et réactivé... à Paris. Le complexe d'infériorité suscité par ce hiatus intellectuel dans les rangs du man­darinat ouest-allemand se répercute bien entendu sur l'attitude adoptée face au phénomène postmoderne. Les combats d'arrière-garde de nos mandarins ont fatalement tendance à n'être que la continuation, sous de nouveaux oripeaux, de la vieille imprécation fielleuse contre le “Franzos' mit der roten hos'” (“Le Français à culotte pourpre” : allusion au pantalon de l'uniforme français de la guerre de 1870 et du début de la Première Guerre mondiale. NDT). Même les polémiques d'une certaines tenue intellectuelle n'en sont pas tout à fait exemptes (voir par ex. l'essai de Klaus Laermann, germaniste de l'université libre de Berlin et appartenant à cette génération d'après-guerre non astreinte au service militaire : « Lacancan et Derri­dada : La francolâtrie dans les disciplines de l'esprit », in Kursbuch n°84, mars 1986, pp. 34 ss.).
    Le troisième fait, incontestable lui aussi, est que l'ennemi visé par l'explosion volcanique de la postmodernité est facilement identifiable. Sur ce point, le consensus des esprits malicieux est renforcé par la fureur de leurs victimes. L'ennemi, c'est la “deuxième Aufklärung”, c'est-à-dire ce curieux mouvement réactionnaire qui croyait, et croit toujours, que l'on peut col­mater les brèches que Georges Sorel, Nietzsche et consorts ont ouvertes dans la muraille des utopies. La “modernité”, dont se détourne le courant postmoderne, est un amalgame idéologique à l'échelle planétaire même s'il varie selon des pays ou les régions. On y rencontre au premier plan des attitudes mentales et des comportements apparemment incompatibles : un matérialisme historique édulcoré par la psychanalyse, qui remplace la lutte des classes par la lutte con­tre certains types de mentalité ; un discours sur la liberté et l'émancipation sans limites ; le culte de l'individu-roi et de l'ego qui ne s'embarrasse pas de devoirs vis à vis d'impératifs supérieurs.
    Les idéologies n'ont jamais été affaire de logique. Il leur faut d'autres liants. Exemple : l'intérêt collectif des milieux qui se sont ralliés à cet Eintopf idéologique et forment une sorte d'interna­tionale soudée. Ou encore le confort intel­lectuel du repli stratégique sur une éthique de l'intention pure qui n'engage bien entendu à rien et dispense de l'épreuve des faits. Et dans la mesure où l'on peut parler d'une assise “philosophique” de tout cela, ce n'est qu'un égalitarisme qui mesure toute réalité à l'aune de l'unidimensionnel et se réclame d'un universalisme inspiré tantôt de Spinoza tantôt de saint Thomas. Le résul­tat de ce réductionnisme est une pensée monolinéaire qui prétend expliquer logique­ment le monde et résoudre ainsi tous les pro­blèmes. Et lorsque le coup de baguette magi­que se révèle inopérant, le missionnaire vient à la rescousse, fort de la conviction d'être moralement infiniment supérieur aux “non éclairés”. Le lecteur me pardonnera cette définition en raccourci de la modernité : il en connaît déjà les divers ingrédients et peut donc les retrouver lui-même dans le tableau que j'ai brossé.
    L'adversaire a senti le danger. Il existe des revues (et pas seulement le Kursbuch cité plus haut) dont le seul souci, depuis plusieurs années, est de démontrer que l'abandon de la modernité ne doit pas, ne peut pas et ne va pas avoir lieu. Instituts universitaires et organismes privés s'occupent à mettre sur fichier et (noblesse oblige) sur ordinateur les argumentaires, les personnes, les revues et publications d'un “tournant” imaginaire. Quant à l'héritier, aussi teigneux que stérile, des pères défunts de la “deuxième Aufklärung” (celle de Francfort et d'ailleurs), je veux parler de Jürgen Habermas, il consacre toute son éloquence à mettre en garde un public de plus en plus clairsemé contre le flot paresseux de la postmodernité, en laquelle il aperçoit la fin de la liberté, de la démocratie... et surtout de l'Occident (la Deutsche Forschungsgemeinschaft vient de décerner à Habermas l'un des prix du “Programme Gottfried Wilhelm Leibniz”. Commentaire de la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 16 juillet 1986 : « Les lauréats peuvent, sans débours bureaucratiques, dis­poser en toute liberté de crédits de recher­che pouvant atteindre les 9 millions de Francs »).
    Pour rendre compte de but en blanc du phénomène postmoderne, l'image de l'éruption volcanique est plus heureuse que celle de la nuée radio-active : le courant postmo­derne apparaît effectivement comme le sur­gissement irrésistible de ce qui tendait à la surface, de ce qui ne pouvait plus être con­tenu. L'édifice intellectuel qu'il met en miet­tes n'avait plus rien à voir avec le réel, mena­çait même de devenir invivable. Or, le flot de lave compacte qui déferle du cratère béant charrie nonchalamment les éléments les plus hétéroclites : des suiveurs, qui se satisfont, comme toujours, de quelques bouchées hap­pées ici et là ; des charlatans, toujours pré­sents là où l'on découvre que l'homme est plus compliqué que l'on croyait ; des oppor­tunistes, habiles à convertir en un tour de main les idées nouvelles en jargon négocia­ble sur le marché de l'esprit. Mais les pires sont peut-être ces enthousiastes sincères qui ne s'aperçoivent pas qu'un cœur débordant a, plus qu'un autre, besoin de rigueur dans l'expression. Ce n'est pas parce qu'on lutte contre la phraséologie moderniste, superficielle et coincée, qu'on va ouvrir toutes gran­des les portes au bavardage, fût-il fleuri ! Que Cioran, Clément Rosset et autres maî­tres de la mise-en-forme précise de l'infor­mel nous soient témoins !
    Cependant (à la guerre comme à la guerre), ceux qui cherchent à empêcher la déconfiture de la modernité se ruent avec délice sur l'équipage il est vrai bigarré de la postmodernité. Voilà même qu'ils agitent un scalp : celui de Dietmar Kamper, sociologue de l'université libre de Berlin, dont la faconde est effectivement une aubaine pour le caricaturiste : son discours abstrus et alambiqué n'a rien à envier au charabia pro­fessionnel des pires épigones de Theodor Adorno, et si l'on feuillette les revues qui s'intitulent “postmodernes” (par ex. Konkursbuch, revue de critique de la raison, ou Tumult, revue des sciences de la commu­nication), on est sans cesse tiraillé entre des fantaisies nombrilistes et un discours perti­nent sur des observations justes. Mais ce sont là les phénomènes habituels qui accompagnent tous les changements importants. Si, en l'occurrence, ils sont plus voyants, c'est peut-être parce que le tournant en question n'obéit pas à une discipline mais insuffle un peu d'air frais dans une atmosphère irrespi­rable et défriche de nouveaux espaces de liberté.
    Bien sûr, la définition du phénomène “postmoderne” tentée ici est elle-même affaire de perspective. L'auteur de ces lignes a été marqué par la Révolution conserva­trice, premier courant intellectuel à avoir eu le courage de dire que ce qu'on appelle la “modernité” n'a en fait rien de moderne et qu'elle est au contraire un réchauffé d'Aufk­lärung (dans ses 2 variantes : la rationa­liste et la sensualiste). Car ce qui fait la nou­veauté de notre époque, à savoir la techni­que et l'industrialisation, n'a jamais été saisi dans son essence, encore moins maîtrisé, par la deuxième Aufklärung. La Révolution conservatrice s'est efforcée de dépasser les abstractions niveleuses de la modernité pour dégager une vision réaliste de l'homme et du monde dans sa complexité, en essayant de faire prendre conscience des conséquences concrètes qui en découlaient.
    Certes, un tel positionnement pourrait facilement porter à la condescendance à l'égard de la postmodernité : on a parfois l'impression d'être un guide de haute mon­tagne qui, après avoir péniblement taillé à grands coups de piolet des marches dans la paroi, verrait les touristes à souliers plats gravir lestement la pente en se jouant de la pesanteur. Je ne cède pas à cette tentation. Je tiens néanmoins à préciser que je ne sou­haite pas être confondu avec 2 types de “compagnons de route” : tout d'abord, les “fondamentalistes” qui se contentent de remplacer un unilatéralisme par un autre ; ils ne réalisent pas qu'une vérité devient fausse dès lors que les vérités adjacentes ne sont plus perçues comme telles. Témoins ces “Verts” qui vident de leur substance les idées écologistes en les réduisant à des abstrac­tions, ne perçoivent pas l'imbrication histo­rique de l'homme et de la nature et songent encore moins à assumer les contraintes qu'entraîneraient les actions qu'ils récla­ment.
    Le cas des autres compagnons de route est un peu plus complexe : ce sont, en bref, des gens qui, certes, désavouent les élé­ments de contrainte de la modernité mais qui en aucun cas ne voudraient renoncer à ses aménités. Il s'agit, pour la plupart, d'intel­lectuels de la gauche libérale. Suffisamment intelligents pour réaliser la débâcle de leurs idéaux, ils ne voudraient au grand jamais passer pour des “hommes de droite” ou tout autre forme du Mal. Exemple classique : Botho Strauss. Très en vogue actuellement, c'est l'auteur de la bouche duquel le bour­geois timoré s'entend dire des choses qu'il récuserait si elles venaient d'ailleurs. Bien sûr, Botho Strauss sait tenir des propos roboratifs :
    « La génération soixante-huitarde l'a encore échappé belle. Elle continue, depuis des décennies, à exercer ses modestes talents intellectuels du haut de chaires conforta­bles... C'est avec de telles formules incan­tatoires (“maîtriser le réel”) que la raison, acculée, essaie de transformer le foisonne­ment du vivant en un monde conceptuel vide. Voilà le véritable irrationalisme ! Sa fade prière, dominée par le tintamarre des intellos en rupture de langage, s'affirme pour ainsi dire d'office et ses blocages augmen­tent en proportion de son zèle. Et, n'ayant rien appris, les éducateurs délaissés par leurs ouailles ânonnent inlassablement le vocabu­laire sec et défraîchi d'une analyse critique qui, à chaque répétition, apparaît un peu plus abstraite » (Paare, Passanten).
    À la bonne heure. La formule fait mou­che. Malheureusement, elle n'aura aucune suite parce que Strauss ne s'en prend qu'aux symptômes. La déroute qu'il nous décrit ne serait-elle, pour lui, qu'un fâcheux accident de parcours ? Croit-il qu'il aurait pu en être autrement ? Botho Strauss a un truc efficace pour éluder ces questions : il truffe son texte de citations, franches ou déguisées, extrai­tes de la littérature universelle (et de la mythologie) : une citation coupée de son contexte a l'avantage qu'on peut à peu près toujours lui faire dire n'importe quoi.
    Mais trêve de critiques. Ouvrons tout grands les bras ! Ce n'est pas par fausse modestie de l'auteur de ces lignes rejette toute condescendance à l'égard de la post­modernité : celle-ci a vraiment quelque chose à nous apporter, quelque chose qui nous manque, nous complète et nous féconde. C'est qu'elle a quelque rapport avec le tra­vail de pionnier entrepris par la Révolution conservatrice. Celle-ci fut la première à déclarer la guerre au dogmatisme stérile de ce qu'on appelle “la modernité”. Un tel combat vous marque un homme. Il force à la réserve, à la concentration sur des tâches déterminées. Rien n'y est laissé au hasard, il faut faire l'impasse sur bien des choses, les remettre à “plus tard”. On s'acharne sur l'adversaire et même si, au nom de la pléni­tude et de la complexité du réel, on se bat contre la grisaille de l'abstraction, un peu de cette grisaille vous colle tout de même à la peau. On panse ses plaies et on fait l'appren­tissage de la prudence. Mais le néophyte qui pénètre pour la première fois dans l'arène ignore encore combien de coups il recevra.
    Nous avons déjà mentionné dans Criticón (n°85 de janvier-février 1985) un baptême du feu postmoderne : la critique par Gerd Bergfleth de cette pensée terroriste qu'est le cosmopolitisme. Mais il y a plus beau encore que les baptêmes du feu : les surprises que nous réserve l'âge postmoderne. Dans sa vir­ginité et son innocence, la postmodernité nous ouvre de nombreuses échappées et éjecte en pleine lumière ce que l'on n'avait que pressenti, ce que l'on avait oublié, ou voulu oublier.
    En Allemagne, l'édition postmoderne atteste une joyeuse diversité. Voici le por­trait, rapidement brossé, d'Axel Matthes, directeur des éditions Matthes & Seitz Ver­lag de Munich. Si nous avons choisi celui-­là, c'est parce qu'il passe actuellement pour être l'entreprise la plus intéressante en la matière : snob mais pas trop, sophistiqué mais avec modération, sans peur des com­promissions ni des voisinages gênants, du flair et plus d'une surprise dans son sac. Ses livres, enfin, sont de petits délices à un prix abordable. Un coup d'œil sur sa production suscite l'étonnement : Axel Matthes fait tout tout seul, de la conception à l'expédition. L'hebdomadaire Die Zeit (16 août 1985) lui a rendu visite (avant nous) : « ... Sans lecteur ni collaborateur, avec une seule comptable qui vérifie les bilans deux fois par semaine et une productrice free lance, il “sort” quinze livres par an ».
    Pourtant, à en croire l'auteur de cet ar­ticle, Matthes n'a rien d'un homme à bout de souffle :
    « Axel Matthes aime parler, et d'abon­dance, tantôt tourné vers moi, tantôt désignant le plafond, parfois le sol, prenants à témoin la fenêtre ou lui-même. Il y a en lui un peu de l'homme de lettres des cafés du XVIIIe siècle, ou d'un ETA Hoff­mann que fascineraient les zones d'ombre des sciences physiques, un peu d'un existen­tialiste en complet noir, mélancoliquement propulsé dans l'existence, un peu d'un Jésus adepte d'une conception hédoniste de la vie. Il discute avec lui-même, ou plutôt ça dis­cute en lui interminablement. Décidément, cette maison d'édition est un seul et unique monologue, fantastique et romantique... »
    Et encore ceci : « Matthes n'édite pas les cuistres. Il n'édite que les auteurs qui pren­nent le risque de se tromper, pour qui la pen­sée risquée est un principe de travail, les auteurs chez qui l'écriture et la vie, c'est à dire l'erreur, ne font qu'un ». Ces lignes viennent à point nous rappeler quelle est la cible de la rébellion postmoderne : la pensée linéaire et figée, responsa­ble de la pétrification du monde. Benedikt Erenz, qui a rédigé ce brillant reportage, cite à ce propos quelques phrases de Matthes :
    « La contradiction, y compris avec soi-même, l'erreur, sont ce qui importe dans la vie. Et qui l'enrichit. Celui qui ne se contredit jamais est mort. L'erreur n'est pas seulement humaine, elle est l'humain. Seul l'animal ne se trompe jamais... »
    Il arrive qu'Axel Matthes prenne la plume. Dans un livre produit par ses soins, il glisse ces quelques réflexions :
    « Ce que nous vou­lons, c'est créer un pôle d'observation pos­sible : non mettre sur pied une théorie com­plète, capable de contenir tout et n'importe quoi. Ce qui nous plaît, au contraire, c'est ce qui est inclassable, et le fait que cela soit inclassable. Nous valorisons des élans impo­pulaires, soupapes de sûreté des hommes, des valeurs et des individus. (...) La révolte est le signe d'une rupture avec tout ordre. Elle a plusieurs visages. La révolte est une chose, la façon dont elle s'exprime en est une autre. II y a la révolte de l'homme sans con­sistance ou du démagogue, qui aggrave encore l'étiolement de l'homme, exaspère son désir de soumission, sa mentalité d'es­clave, sa recherche de la chaleur doucereuse du troupeau. Et il y a la révolte de l'individu rebelle. L'hypocrite et l'intrépide ont de la révolte une conception diamétralement opposée. L'Église a expédié aux enfers tous les “grands hommes” : cette “révolte” déplut à Nietzsche. Je proclame la révolte contre tous les discours établis de la révolte ! »
    On ne saurait trouver mots plus beaux pour décrire la mentalité postmoderne. De Gerd Bergfleth, qu'il nous faut ici présen­ter, nous ne savons rien, pas même son âge. Nous savons seulement qu'il est particulièrement bien vu chez Axel Matthes.
    Mais l'atmosphère n'est pas tout. Il est faux de croire que les auteurs postmodernes ne sont pas des bûcheurs. L'œuvre princi­pale (à ce jour) de Gerd Bergfleth s'intitule “Théorie du gaspillage” (Theorie der Versch­wendung). Il s'agit d'une analyse serrée de la pensée complexe de Georges Bataille (1897-1962), l'un des pères spirituels de la postmodernité… et de Bergfleth. Les livres de Jean Baudrillard, germaniste et sociolo­gue né en 1929, ne sont pas, eux non plus, d'abord facile. Dans le registre des textes édi­tés chez Matthes & Seitz, ils complètent avantageusement ceux de Bergfleth. Baudril­lard est le vétéran de 1968 qui a fait passer dans la postmodernité son expérience du front. Le monumental Dictionnaires des phi­losophes (en 2 tomes volumineux publiés en 1984 par Denis Huisman aux PUF) indi­que que tous les chefs de file, ou presque, du mouvement de 1968 sont naguère passés entre ses mains. Matthes vient d'éditer la tra­duction allemande de sa Gauche divine qui retrace méthodiquement la façon dont la gauche française s'est suicidée entre 1977 et 1984 (donc en partie sous François Mitter­rand). Cette pénible expérience a laissé chez Baudrillard un traumatisme qu'il partage avec tous les auteurs postmodernes ; il pro­fesse pour l'épouvantail appelé “société” un mépris que même un homme de droite nor­malement constitué n'oserait articuler :
    « Le social, l'idée de social, le politique, l'idée de politique, n'ont sans doute jamais été portés que par une fraction minoritaire. Au lieu de concevoir le social comme une sorte de condition originelle, d'état de fait qui englobe tout le reste, de donnée trans­cendantale a priori, comme on a fait du temps et de l'espace (mais justement, le temps et l'espace ont depuis été relativisés comme code, alors que le social ne l'a jamais été — il s'est au contraire renforcé comme évidence naturelle : tout est devenu social, nous y baignons comme dans un placenta maternel, le socialisme est même venu cou­ronner cela en l'inscrivant comme idéalité future - et tout le monde fait de la socio­logie à mort, on explore les moindres péri­péties, les moindres nuances du social sans remettre en cause l'axiome même du social) - au lieu de cela il faut demander : qui a produit le social, qui règle ce discours, qui a déployé ce code, fomenté cette simu­lation universelle ? N'est-ce pas une certaine intelligentsia culturelle, techniciste, rationa­lisante, humaniste, qui a trouvé là le moyen de penser tout le reste et de l'encadrer dans un concept universel (le seul peut-être), lequel s'est trouvé peu à peu un référentiel grandiose : les masses silencieuses, d'où sem­ble émerger l'essence, rayonner l'énergie inépuisable du social. Mais a-t-on réfléchi que la plupart du temps ni ces fameuses masses, ni les individus ne se vivent comme sociaux, c'est-à-dire dans cet espace perspectif, rationnel, panoptique, qui est celui où se réfléchissent le social et son discours ? »
    « Il y a des sociétés sans social, comme il y a des sociétés sans écriture. » L'ex-gauchiste Baudrillard est reconnais­sable à ses “phrases à tiroirs” (nous avons souligné nous-mêmes les passages importants). Mais il nous a amenés au point qui nous intéresse : des « sociétés sans social » : cela même qui passionne Bergfleth. Pour comprendre cette nouvelle constellation, il faut s'abstraire du paysage idéologique auquel est habitué l'homme de droit moyen.
    Bergfleth a été marqué par son maître Georges Bataille dont l'anthropologie repose sur la distinction entre “production” et “gaspillage”. Selon Bataille, l'activité humaine ne se réduit pas entièrement à des processus de production et de reproduction, et la con­sommation doit être scindée en 2 domai­nes distincts. Le premier, réductible, englobe la consommation minimale nécessaire aux individus qui composent une société pour maintenir la vie et assurer la continuation de l'activité productrice... Le second englobe les fonctions dites “improductives” : le luxe, la liturgie funéraire, les guerres, les cultes, la construction d'édifices de prestige, les jeux, le théâtre, les arts, la sexualité perverse (indé­pendante des fonctions purement reproduc­trices). Autant d'activités qui, au moins à l'origine, sont à elles mêmes leur propre fin.
    Dès lors, l'humanité poursuit 2 objec­tifs : l'un, négatif, consiste à maintenir la vie (ou à éviter la mort) ; l'autre, positif, con­siste à accroître son intensité. Ces 2 objectifs ne sont pas contradictoires. Mais l'intensité ne peut être accrue sans risque, si bien que l'intensité à laquelle aspire la majo­rité (ou le corps social) est subordonnée au désir de se cramponner à la vie et à ses œuvres...
    Cette antithèse intensité/durée, chère à Georges Bataille, nous apparaît le moteur le plus puissant de la pensée postmoderne (l'opposition cioranienne entre l'Être et le Néant apparaît, elle, plus légère). Bergfleth fait sienne cette impulsion et la met en forme à sa manière. Sa “théorie du gaspillage”, telle qu'il l'expose dans Ich gestatte mir die Revolte (“Je m'offre le luxe d'une révolte”, anthologie éditée par Matthes), contient 2 réflexions capitales :
    Première réflexion :
    « ... Le gaspillage de l'homme par lui­même reste possible. Il se distingue essentiellement du gaspillage industriel, chosifié. Dans sa forme la plus générale, l'auto­gaspillage est identique à la césure car celle­-ci n'est rien d'autre que le mouvement de dépassement et de sortie de soi-même. Elle n'est pas un acte philosophique ; elle suppose à chaque fois l'engagement de l'homme total. S'il existait une chose qui s'appelât “l'essence de l'homme”, on pourrait voir dans ce sacrifice une perte d'essence mais l'auto-gaspillage signifie précisément que cette essence est perdue à jamais. C'est parce que l'homme est dénué de fondement qu'il peut transgresser lui-même. En dépit du mythe tout-puissant de la production, les possibilités de ce gaspillage de l'homme par lui-même sont, aujourd'hui encore, immen­sément riches. Ce sont, pour n'en citer que les formes essentielles : la catégorie des dépenses agonales : compétitions, jeux de toutes sortes ; les formes de l'investissement effectif : rire, pleurer, etc. ; les formes symboliques : la littérature, l'art et la musi­que ; les formes “excessives” proprement dites : les diverses formes de l'ivresse, de la danse, de l'érotisme, de l'orgie. Enfin et sur­tout, ce que j'appellerais les formes actuel­les du sacré : la révolte, le sacrifice révolu­tionnaire, la fête de la mort comme vie en train de vivre, s'offrant comme expérience directe. Dans toutes ces formes, je gaspille ce que je suis, non ce que j'ai... »
    Seconde réflexion :
    « Le gaspillage n'a jamais été charitable, et aucune raison n'est là pour le justifier. L'absence de salut est une autre composante de l'homme, et pas seulement cette absence mais la passion de cette absence. Toute la civilisation humaine montre qu'il existe un besoin inextinguible d'excès et d'émotion, aspiration qui résulte, en définitive, de la conscience de la mort. Sachant qu'il doit mourir, l'homme doit sans cesse se prouver qu'il sait mourir, il doit introduire la mort dans l'existence et tenter l'impossible : réa­liser cette absence de fondement qui est dans sa nature. Tout gaspillage est fondé sur cette absence, sur le non-espoir constitutif de l'homme, qui toujours le pousse aux extrê­mes. Cependant, la menace extrême est aussi sa possibilité la plus haute et s'il ne recule pas, cette possibilité se mue en une folle béa­titude. Aujourd'hui, c'est plutôt le contraire qui semble s'être produit : la mort a cessé d'être une possibilité suprême ; elle est deve­nue une réalité de masse, et toute une société anxieuse a les yeux fixés sur sa propre sur­vie et celle de l'humanité. Mais la réalité n'est pas la possibilité et la survie n'est pas la vie. La mort, toute puissante sous le règne ensor­celeur de la production, est toujours la mort des autres : la mort-production procède d'un refoulement de la mort sans doute sans équi­valent dans l'histoire. La seule chose qui n'arrive jamais dans cette subversion pres­que parfaite, c'est la mort de soi, et si un renouveau de la vie est encore possible, c'est là, au point creux de cette logique, qu'il devra s'amorcer. Si la mort évacuée n'ap­porte que la mort, il nous faut d'abord apprendre à mourir pour pouvoir vivre. La volonté de survie à tout prix est une catégo­rie du darwinisme social : elle est suspecte de meurtre. La sécurité n'est pas là où l'on cherche fébrilement la sûreté, elle se trouve là où l'on est assez sûr pour se permettre de la gaspiller. » (Passages soulignés par l'auteur).
    Le lecteur n'est pas tenu de souscrire aveu­glément à tous les propos de Bergfleth. Il devrait pourtant prêter l'oreille à ce sermon insolite. On se demande souvent : “Que faire de la postmodernité ?” La réponse est sim­ple : après 1945, les conservateurs ont trop misé sur la durée, négligeant l'autre pôle de la vie que Bergfleth nous rappelle avec insis­tance. “On ne vit pas seulement de pain”. Cette vieille sagesse a été oubliée. C'est la cause de toutes les défaites conservatrices dans notre société de bien-être.
    Armin Mohler, éléments n°60, 1986. (tr. fr. : Jean-Louis Pesteil)
    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAuZuyEFEbMQYqcAb.shtml
    Source : http://vouloir.hautetfort.com/archive/2010/10/index.html

  • Jean Zay au Panthéon : une provocation immense

    Communiqué spécial du Comité National d’Entente relatif au « Panthéon », présidé par le Général de corps d’armée (2s) Dominique Delort :

    "Nous condamnons,

    Depuis la Révolution, 75 hommes et femmes ont été honorés par la Nation pour avoir marqué l’histoire de France. Les choix ont été difficiles à faire et parfois des familles s’y sont opposées comme celles de Péguy et de Camus.

    Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay devraient faire leur entrée au Panthéon le 27 mai 2015, lors de la journée nationale de la Résistance, selon la déclaration faite par le Président de la République lors de son discours en hommage à la Résistance, le 21 février 2014 au Mont Valérien.

    ZLes trois premiers sont des résistants et répondent à l’objet de cet hommage, il n’en est pas de même pour Jean Zay. Certes il a été interné avant d’être lâchement assassiné en juin 44 mais tant d’inconnus et de célébrités sont morts les armes à la main ou dans des camps d’extermination, après des faits de résistance, que cela ne fait pas de lui un héros. Il n’y a pas si longtemps à propos du capitaine Dreyfus l'ancien garde des Sceaux, Robert Badinter, déclarait : « Dreyfus est une victime, certes d'un courage exceptionnel, mais une victime, et le propre du héros c'est d'avoir le courage de choisir son destin ». Jean Zay est une victime.

    En cette année du Centenaire de la Grande guerre la provocation est ailleurs. Elle est immense, elle est inoubliable. L’auteur ne l’a jamais reniée, l’aurait-il fait qu’il est des fautes inexcusables, celle de l’atteinte au symbole par excellence de notre patrie, de notre pays, de notre nation, le Drapeau.

    Il faut avoir entendu ou lu «... Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement, Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes… Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs ….»

    Nous condamnons totalement un éventuel transfert des cendres de Jean Zay au Panthéon. Il est des injures qui ne se rachètent pas et qui ne peuvent s’oublier au moment de prétendre au Panthéon. Certains diront qu’à 20 ans il a commis une faute et qu’il était bien jeune mais 20 ans c’est déjà assez vieux pour mourir pour la France pendant la Grande Guerre, la Résistance et la Libération, aujourd’hui lors des opérations extérieures, en Afghanistan, au Mali, en RCA !

    Il est hautement préférable de transférer les cendres d’un Résistant, d’un Français Libre, d’un Soldat de la 1ère armée, métropolitain ou « indigène », inconnu, aux côtés de ceux qui sont la mémoire de la France. Les Français s’y retrouveront comme aussi tous les adhérents des associations patriotiques et du monde combattant ici présentées."

    Michel Janva

  • C’était un 14 mars : prise de Cholet par les Contre-révolutionnaires

    72658785_p.pngCette journée de 1793, quelques jours seulement après le début du soulèvement des paysans vendéens, ceux-ci sont parvenus à s’organiser et à se trouver des chefs en les personnes de Jacques Cathelineau (simple colporteur et sacristain de Pin en Mauges) et de Jean-Nicolas Stofflet (garde-chasse).
    L’Armée catholique et royale, dont de nombreux membres ne sont armés que de faux, parvient, ce jour du 14 mars 1793, à prendre Cholet, ville importante.

    Les 3 pôles d’insurrection vendéenne :
    * L’armée du Marais autour de Léger
    * L’armée d’Anjou autour de Cholet
    * L’armée du centre dans le bocage

    Source

    Après cette première prise de Cholet et avec un chef à son image, l’armée paysanne progresse vers Chalonnes-sur-Loire (au sud d’Angers) puis Thouars.

    La Guerre de Vendée, que Napoléon qualifiera de Guerre de géants a commencé…

    Six mois après la prise de Cholet, les Bleus emmenés par Kléber et Marceau, parviendront à récupérer la cité, après des combats acharnés.
    En mars 1794, Stofflet reprend la ville. Louis Turreau la fera alors entièrement brûler…

    http://www.contre-info.com/

  • ALGER 1830 Une colonie fiscale turque

    Suite au voyage de M. Sarkozy en Algérie et aux débats qu’il a suscités, il nous a paru opportun de nous interroger sur ce qu’était ce pays avant la colonisation. Nous avons demandé à J.-P. Péroncel-Hugoz, qui fut correspondant du Monde à Alger, et dont les livres témoignent d’une profonde intelligence de tout ce qui a trait au monde musulman, de nous éclairer à ce sujet. Nous le remercions de nous avoir adressé la précieuse analyse suivante.
    En 1830, l’Algérie n’existait pas. La France allait l’inventer. Le mot même d’”Algérie” a été forgé par nous. On ne connaissait alors que “la Régence d’Alger”, abri de pirates et corsaires islamo-méditerranéens, colonie fiscale ottomane depuis le XVIe siècle. Le pouvoir turc ne contrôlait guère que la bande côtière jusqu’à Médéa, et encore seulement les localités où le sultan-calife de Constantinople entretenait des soldats, souvent d’ailleurs chrétiens renégats, anciens captifs convertis par intérêt à l’islam : les fameux “Turcs de profession”... De temps en temps, une mehalla, cohorte armée, partait en quête de l’impôt dû à la Sublime-Porte. Les Juifs indigènes, eux, interdits de port d’armes, en tant que dhimmis de l’islam (“protégés-assujettis”), et majoritairement citadins, ne pouvaient échapper au fisc auquel ils devaient en particulier un impôt appliqué à eux seuls (et aux chrétiens libres, s’il y en avait eu) : la gizya. Les Arabo-Berbères, de même foi que les Turcs, et donc supportant sans trop rechigner l’autorité de leur coreligionnaire, le dey, adoubé par Stamboul, se faisaient en revanche tirer l’oreille pour verser la taxe impériale. Il fallait aller la quérir dans les douars ou les médinas, au besoin par le cimeterre. On ne parlera jamais pour autant de “colonialisme” ottoman (ni a fortiori arabe bien que celui-ci ait auparavant lésé ou détruit les cultures berbères...), bien que cette domination n’ait laissé derrière elle que quelques forteresses, minarets, villas et recettes de sucreries, tandis que la colonisation française, si bénéfique en matière de santé, travaux publics, distribution d’eau ou extension des terres arables se trouve sans cesse sur la sellette. Pourtant, loin d’avoir pris l’allure d’un “génocide” (comme celui des Amérindiens par les Anglo-Saxons), la mainmise française sur l’Algérie fit passer la population autochtone, en un gros siècle, de 3 millions à 9 millions d’âmes...
    Dû à notre philanthropie chrétienne armée de nos thérapeutiques, ce bienfait démographique, qui explique d’ailleurs notre éviction finale du pays, ne sera jamais au grand jamais reconnu par les Algériens car il provient de non musulmans. Il n’y a pas d’autre explication. Au reste, ce comportement socio-confessionnel est général et normal en Islam. Il est exacerbé en Algérie par l’échec absolu du “socialisme islamique” au pouvoir depuis l’indépendance en 1962, échec que Ben-Bella, Boumediène, Bendjedid, et à présent le président Bouteflika n’ont pu masquer qu’en menant à hauts cris en permanence le procès du “colonialisme” français, face auquel la France officielle n’a jamais réagi, en dépit des munitions historiques à sa disposition.
    Alger en 1830 était aussi l’un des derniers ports nord-africains - sinon le dernier depuis que l’Empire chérifien en 1818 avait mis fin à l’activité corsaire de Salé -, conservant une activité de “course” en Méditerranée avec abordages de nefs commerçantes et enlèvements de civils sur le littoral des États chrétiens, d’où un marché d’esclaves en Alger, l’esclavage étant, on le sait, licite en islam. Charles X, roi très-chrétien s’il en fut, brûlait de réduire ce “nid de pirates”. Il y fut encouragé par le coup d’éventail intempestif que le dey d’Alger donna un jour de 1827 à notre consul à propos - et c’est là où la France, pour une fois, était fautive - d’une dette du Directoire pour une livraison de blé que lui avait alors fourni la Régence. Le rachat de ladite dette par deux hommes d’affaires israélites, Bacri et Busnach, avec en outre peut-être un tripatouillage souterrain de Talleyrand, explique que le dossier ait traîné jusqu’à la fin de la Restauration et doive être signalé comme l’une des causes de l’expédition de 1830 à Sidi-Ferruch. Vu le contexte international de l’époque, si la France n’était pas à ce moment-là intervenue militairement en Alger, l’envieuse Albion (en concurrence ou en tandem, peut-être avec l’Espagne, laquelle n’avait quitté Oran, à la suite d’un séisme, qu’à la fin du XVIIIe siècle) y serait probablement allée, et le Maghreb ne serait pas aujourd’hui aussi largement francophone : deux Tunisiens sur trois, un Algérien sur deux, un Marocain sur trois utilisent à présent la langue de Bugeaud et Lyautey...
    Péroncel-Hugoz* L’Action Française 2000 n° 2739 – du 3 au 16 janvier 2008
    * Ancien correspondant du Monde en Alger, directeur de “La Bibliothèque arabo-berbère” chez Eddif, à Casablanca, Péroncel-Hugoz vient de publier Petit journal lusitan (Le Rocher, Monaco).

  • Les identités plutôt que le P.I.B.!

     

    Plus de quatre ans après le référendum interdisant les minarets, le peuple suisse fait encore des siennes. Il vient d’adopter de justesse des mesures de préférence nationale et de limitation des flux migratoires. D’abord abasourdie par ce résultat non prévu par les sondages, la grosse presse a violemment critiqué le choix souverain des Helvètes et leur prédit une future régression économique.

     

     

    Il est intéressant de relever que les arguments de part et d’autre du Léman et du Jura ne correspondent nullement. Journalistes stipendiés et Commission eurocratique de Bruxelles mettent en avant l’économie et la morale tandis que les Suisses rappellent que l’immigration pèse sur la tranquillité publique, entraîne la saturation des infrastructures ferroviaires et routières, oblige la construction de nouveaux bâtiments qui réduit une surface agricole utile peu étendue du fait du relief, favorise la hausse du prix du m2, ce qui contraint de nombreux ménages suisses à venir clandestinement s’installer dans leurs résidences secondaires du pays français de Gex.

     

    Par son vote cinglant du 9 février 2014, le peuple suisse s’attaque au cœur même de la globalisation, à savoir la libre circulation des biens, des capitaux et des individus. À l’idéal d’open society colporté par les oligarchies mondialistes et leurs larbins médiatiques, les citoyens de la Confédération helvétique préfèrent les vertus de la société fermée. Véritable pied-de-nez aux altermondialistes et aux libéraux libertaires progressistes, cette décision devrait aussi faire réfléchir tous les chantres du libéralisme conservateur, du national-libéralisme et du conservatisme libéral sur leur engagement idéologique. Soit ils avalisent les mantra libéraux, acceptent l’ouverture illimitée au monde et condamnent l’initiative helvétique – ils s’affirmeraient dès lors comme la faction droitarde et con-conservatrice du mondialisme -, soit ils approuvent cette votation et doivent par conséquent abandonner leur foi naïve dans le libéralisme pour retrouver un conservatisme anti-libéral de bon aloi.

     

    Ce dilemme ne se limite pas à la seule question immigratoire. Il tend à se généraliser avec des problématiques saillantes autour de la G.P.A. et du mariage inverti, voire avec le travail du dimanche chaudement approuvé par quelques têtes de linottes libérales-conservatrices.

     

    La limitation de l’immigration risque de nuire aux performances économiques de la Suisse. Et alors ? À rebours des incantations maladroites de certains décroissants « de gauche », la remise en cause radicale de la « Mégamachine » ne proviendra pas des catastrophes climatiques ou du dérèglement météorologique, mais d’une véritable prise de conscience identitaire, soucieuse des paysages et d’un enracinement indéniable à travers des communautés charnelles d’appartenance.

     

    Organisme de guerre aux ordres de l’Infâme, l’agence de notation Moody’s menace de retirer son triple A à la Suisse qui a si mal voté. Elle juge en effet que « limiter l’immigration est susceptible d’affecter le potentiel de croissance du pays, sa richesse et sa solidité économique dans son ensemble (Le Figaro, 19 février 2014) ».

     

     

    Qu’une société fermée fasse perdre plusieurs points de P.I.B. et de croissance n’est pas dramatique si elle parvient à s’auto-suffire et, surtout, à maintenir sa cohésion ethno-civique interne. Contrairement à ce qu’avance Laurence Fontaine qui célèbre le marché dans le quotidien gaucho-libéral Libération, le marché, ce facteur de déstabilisation des cadres traditionnels organiques, n’est pas primordial. Elle a en revanche raison d’asséner que « le marché est la condition sine qua non pour avancer vers l’égalité des droits (entretien avec Laurence Fontaine, « Le marché peut être progressiste, les pauvres doivent en profiter », Libération, 22 – 23 février 2014) ». Le marché n’est donc pas ce « prussianisme renforcé », auteur d’un ordre concret comme le soutient Jacques Georges (« Vive le marché ! », mis en ligne sur Europe Maxima, 17 octobre 2009). Avec la mondialisation, il est devenu ce corrupteur de toute sociabilité tangible désintéressée. Combattre son hégémonisme exige une révolution culturelle intégrale.

    Outre la nécessaire relocalisation des activités économiques, la réhabilitation de l’artisanat et de la paysannerie bio, un discours identitaire sérieux se doit de promouvoir le salaire de citoyenneté, la réduction draconienne du temps de travail à trente ou trente-deux heures ainsi que le retour concerté à la terre et la déconcentration démographique assumée des grandes agglomérations. Dans la recherche indispensable de l’auto-suffisance alimentaire, les milliers d’intermittents du spectacle, de journalistes, d’étudiants en psycho, etc., serviraient utilement dans les campagnes bien loin d’une artificialité urbaine grégaire.

     

    La défense des identités signifie enfin le rejet total de la démonie de l’économique. Cela réclame une force d’âme remarquable capable de se déprendre de l’imaginaire de la consommation et du productivisme. Il faut désormais avertir les masses hébétées et droguées de matérialisme douceâtre qu’elles se sauveront que si elles redeviennent des peuples fiers d’eux-mêmes. Comme les Suisses du centre de la Confédération…

     

     

    Georges Feltin-Tracol

     

     

    http://www.europemaxima.com

  • Entretien avec Alexis Arette, auteur de Fils d’homme, je t’ai fait sentinelle

    « Lorsque les responsables
    deviennent des privilégiés,
    si le vice est le soutien
    de leur prospérité,
    ils feront tout pour garder le pouvoir
    jusqu’au déluge ! »

    Entretien avec Alexis Arette, auteur deFils d’homme, je t’ai fait sentinelle (Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

    Quel sens donnez-vous au mot « Sentinelle » tiré de l’ordre donné par Dieu au Prophète Ezéchiel : « Fils d’homme, je t’ai fait sentinelle » ?

    La réponse est dans la Bible. La Sentinelle, c’est l’homme lucide, à qui Dieu fait devoir d’annoncer l’ennemi, c’est-à-dire l’avancée des périls dans la société. Bainville disait « On a toujours les conséquences ! », et il n’est pas du tout certain que la phrase que l’on a prêtée à Louis XV : « Après moi le déluge ! » ne soit pas celle d’un visionnaire qui se sentait impuissant devant la perversité du siècle. De bonnes connaissances et l’exercice de la logique devraient établir des lois de sauvegarde, mais lorsque les responsables deviennent des privilégiés, si le vice est le soutien de leur prospérité, ils feront tout pour garder le pouvoir jusqu’au déluge ! Aujourd’hui, ni Soljenitsyne, ni Xavier Emmanuelli, ni Maurice Allais ne sont perçus comme sentinelles, et la République des repus continue d’appliquer le précepte mortel de Rousseau : « Écartons les faits, ils n’ont rien à voir à l’affaire » !

    Qu’apporte de nouveau ce livre par rapport à vos précédents ouvrages ?

    Des documents. Ils constituent la preuve que nous avons eu de tout temps des sentinelles et que, généralement, elles ne sont pas écoutées. Mais nous avons les textes de leurs prévisions. Il était bon de les réunir pour examiner leurs concordances. Il ne peut y avoir de science historique qu’à la lueur des concordances. Et c’est pour cela qu’après le déluge qui se prépare, l’« empirisme organisateur » de Charles Maurras retrouvera la place qui lui est due. Et si le langage religieux qu’emploient les sentinelles du passé peut paraître anachronique à notre époque, il faut se souvenir que l’on ne peut absolument pas juger le passé sur nos critères d’aujourd’hui, mais aussi que les lois du Décalogue restent le fondement justicialiste, c’est-à-dire le « garde fou » de la cité.

    Peut-on vraiment accorder quelque crédit à des « prophéties » ?

    Quant Edgar Cayce, « prophète » laïque s’il en fut, prédit, au moment où la Russie Soviétique occupe la moitié de l’Europe, que le régime tombera, et que la Russie sera un rempart du monde chrétien, on est obligé de dire, en voyant Poutine faire ostensiblement le signe de la croix, que Cayce avait bien « vu » l’avenir. Quant une religieuse, à l’époque où la Monarchie française semble donner le bon ton à l’Europe, prédit sa chute et l’exécution du Roi, il faut bien admettre qu’elle a reçu des dons qui ne sont pas communs.

    Par ailleurs, il faut considérer aussi que les « voyants » sont parfois dotés de pouvoirs exceptionnels, comme les « bilocations », par exemple. Mais depuis la découverte de la « relativité » par Einstein, le temps n’est plus une donnée impénétrable, et les vrais visionnaires arrivent à s’y mouvoir. Mais bien sûr, il y a aussi les charlatans…

    Croyez-vous vraiment que l’on puisse changer le cours funeste des évènement ?

    Je n’ai pas craint, en cours d’ouvrage, de me répéter pour l’affirmer. J’ai montré la puissance de la pensée dans la formation par exemple des « ectoplasmes ». Et si, malheureusement, je suis tributaire d’une pensée folle qui me fait déplacer des objets sans le vouloir, la télékinésie consciente existe bien, même si les cas sont rares. Il n’est pas jusqu’à l’efficacité des « placebo » qui ne manifeste la puissance de la foi ! Avec la parole du Christ : « Si vous aviez la foi comme un grain de Sènevé, vous déplaceriez les montagnes », nous sommes entrés dans un domaine que l’on croyait réservé à la sorcellerie ! Et bien, il existe aussi un domaine inconnu de la « Bonne Pensée » qui vous fait « magicien ». Et c’est par l’Oraison que la pensée humaine redevient à l’image de la pensée divine : Créatrice ! Oui, on peut décider de gravir une montagne au lieu de la descendre ! Oui, l’ouverture du troisième œil est peut-être pour demain !

    Vous dénoncez la Franc-Maçonnerie avec insistance dans votre livre. Englobez-vous, dans vos réserves, toutes les obédiences maçonniques, ou seulement certaines ? Nombre de Franc-Maçons se déclarent « croyants », chrétiens notamment…

    On peut être « croyant » en croyant à n’importe quoi. Être chrétien, c’est différent et catholique encore autre chose. En fait, l’exposé des idéaux franc-maçons est conforme aux grandes vertus tirées de l’Évangile, mais la pratique en est souvent contraire. Il suffit de lire le ministre Vincent Peillon pour savoir que la destruction de la religion catholique est son but, afin d’instaurer à la place la religion maçonnique. Mais ce citoyen n’est que l’expression du « Grand Orient » qui a supprimé la référence au « Grand Architecte de l’Univers, » et qui, de ce fait, n’a plus rien à voir avec les Maçons bâtisseurs de Cathédrales.

    Certaines obédiences comme la Grande Loge Nationale Française sont restées strictement « spiritualistes » et même proches du catholicisme, comme les Rose-croix. Il résulte de cette diversité « évolutive » que c’est surtout par prudence que l’Église a porté un jugement d’ensemble négatif… Pour ma part, c’est la part « sataniste » de la maçonnerie que je combats. Mais j’observe avec beaucoup d’attention l’évolution des obédiences. Car l’Esprit souffle où il veut !

    Fils d’homme, je t’ai fait sentinelle d’Alexis Arette, éditions de L’Æncre, collection « Patrimoine des Religions », dirigée par Philippe Randa, 362 pages, 35 euros.

    BON DE COMMANDE

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  • A lire et à faire lire : « Jean Bastien-Thiry, De Gaulle et le tyrannicide »

    jean-bastien-thiry-de-gaulle-et-le-tyrannicide-abbe-rioult.jpgAlors que nous commémorions hier la mort du lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, rappelons la sortie, il y a quelques mois, d’un petit livre à lire.

    Sous la plume de l’abbé Rioult, il s’agit d’une excellente étude historique et morale, appuyée sur la doctrine de Saint Thomas d’Aquin concernant le « tyrannicide », à propos de l’action de ce militaire chrétien.
    Était-elle morale ? Bien sûr…

    Jean Bastien-Thiry, De Gaulle et le tyrannicide, aspect moral d’un acte politique. 62 pages, 8 €. Editions des Cimes. Disponible ici.

    « Le 22 août 1962, à Clamart, un attentat visait le chef de l’État et manquait de peu son objectif.
    Ce fut la plus fameuse tentative de meurtre à l’encontre du général De Gaulle.

    Le 11 mars 1963, son instigateur, le colonel Jean Bastien-Thiry, était fusillé. Il est le dernier en France à avoir été victime de ce procédé.

    « Comment un homme, doté de profondes convictions catholiques et d’un bagage culturel supérieur, a-t-il pu en arriver là ? » se demanda la presse de l’époque.

    Quant au motif de « tyrannicide » que Jean Bastien-Thiry a avancé pour justifier moralement « l’opération Charlotte Corday », était-il acceptable ?

    L’auteur répond ici à ces questions. En s’appuyant sur les réflexions de Saint Thomas d’Aquin – le « Docteur commun » de l’Église –, il étaye solidement son analyse par d’utiles et implacables rappels historiques.

    Nous sommes invités ici à réouvrir un douloureux procès, qui souleva des interrogations morales et politiques de la plus haute importance. »

    http://www.contre-info.com/a-lire-et-a-faire-lire-jean-bastien-thiry-de-gaulle-et-le-tyrannicide#more-31881