culture et histoire - Page 1616
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Colloque: Europe-marché ou Europe-puissance - Samedi 26 avril - Paris
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2e journée régionale de Synthèse nationale - dimanche 13 avril 2014 - Lille
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In Memoriam - L'alchimiste
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AFE [Aix] Cercle du mardi 25 mars
L’AFE d’Aix annonce le prochain rdv du cercle Mistral, le mardi 25 mars 2014 à 18h00 sur le thème de "La Monarchie, une idée d’avenir ? " par Hussard.
Renseignements :
aix.etudiants@actionfrancaise.net
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Des Racines et Des Ailes : Château de Versailles - Le Nôtre, un génie français (reportage complet)
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Liberté, égalité, fraternité
I - LIBERTÉ
Il y a quelques mois, nous avons cité et commenté une page du Mythe de la Liberté où Sisley Huddleston montrait que cette mystique menait à l’oppression et à la terreur : « Le vrai symbole de la Liberté, écrivait-il, c’est la guillotine, et je voudrais qu’à l’entrée du port de New-York, à la place de la déesse à la torche, on mît l’échafaud où ont fini toutes les revendications humaines au nom de la Liberté. »
Dans la préface de Romantisme et Révolution, Charles Maurras consacre quelques pages aux trois termes de la devise républicaine. Il le fait dans une autre perspective en allant à l’essence même des principes. Ces pages capitales seront reprises dans Sans la muraille des cyprès… (J. Gilbert, Arles, 1941).
« Des trois idées révolutionnaires que nous avons inscrites sur nos murs, la première, le principe de la liberté politique, constitutif du système républicain, a tué le respect du citoyen, je ne dis pas seulement pour les lois de l’État qu’il considère comme de banales émanations d’une volonté provisoire (comme l’est toute volonté), mais aussi et surtout pour ces lois profondes et augustes, leges natae, nées de la nature et de la raison, où les volontés du citoyen et de l’homme ne sont pour rien : oublieux, négligent, dédaigneux de ces règles naturelles et spirituelles, l’État français perdit prudence, exposé ainsi à fléchir. »
La liberté politique posée comme principe absolu rend les lois de l’État révocables par le suffrage des élus ou le suffrage de tous les citoyens. Elles ne sont plus que des règlements provisoires qu’on observe sans les respecter ; si on ne les approuve pas, on prend son mal en patience en militant pour un changement de majorité au prochain scrutin.
Les républiques antérieures à la Révolution avaient leurs tares, mais elles avaient également leurs freins : la loi naturelle (leges natae), « les lois divines et humaines », comme dit Cicéron, devant lesquelles le Conseil ou le Sénat, les assemblées populaires de l’Agora ou du Forum ne pouvaient que s’incliner avec respect. Au-dessus de la Cité régnait la Loi qui la gardait et la protégeait.
Frénésie destructrice
Avisant un jour dans une galerie de son palais une personne qu’il ne connaissait pas, Henri IV, voulant savoir de quel grand seigneur dépendait ce simple gentilhomme, lui demanda à qui il appartenait. « À moi-même » répondit l’homme avec une certaine impertinence. « Vous avez là un bien sot maître », répliqua le Béarnais. Le citoyen de la République française dépend lui aussi d’un bien sot maître, sa volonté, capricieuse, fluctuante, influençable et malléable.
Pendant longtemps, le poids du passé préserva la République de l’exercice complet de la Liberté, les lois naturelles furent respectées malgré de sérieuses entorses sociales et morales, parce qu’on ne pensait pas à les violer par principe. Mais depuis plusieurs dizaines d’années la démocratie est entrée au plus intime des moeurs ; elle atteint et dépasse le niveau de la démocratie politique. Une frénésie de bafouer, de détruire a saisi notre société. Les lois les plus élémentaires de la famille, les lois fondamentales de la Vie et de la Mort sont remises en cause. Après avoir désacralisé le mariage, par exemple, la liberté politique absolue veut le faire descendre au-dessous de l’accouplement des animaux. Ne sollicitons pas un texte de Maurras au-delà du raisonnable ; il n’a pas pensé au PACS ou au mariage entre personnes du même sexe, mais il a bien discerné que la Liberté, dans son essence, menait à la ruine et à la mort : « Il ne faut pas dissimuler que l’on court le risque de voir ainsi s’éteindre l’homme même, l’homme politique et l’homme raisonnable, l’homme artiste et l’homme chanteur. Qui prolonge la double courbe romantique et révolutionnaire ouvre à l’Esprit une ample liberté de mourir. »
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2742 – du 21 février au 5 mars 2008 -
La "Révolution Orange" et ses conséquences chaotiques
Georges Feltin-Tracol - Réflexions à l'Est - Si près de l'Ours - L'Ukraine, un État par défaut ? - La "Révolution Orange" et ses conséquences chaotiques - p. 88 à 90
Des trois cofondateurs slaves de la C.E.I., l'Ukraine est l’État qui a subi les désordres politico-économiques les plus constants. Au contraire du Bélarus qui, dés 1994, restaura l'ordre avec le président Alexandre Loukachenko, et de la Russie à partir de 1999 avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine , l'Ukraine pâtit toujours de l'incurie d'une classe politique kleptocratique inféodé aux oligarques locaux venus des centres industriels de l'Est (Dniepropetrovsk par exemple). Ce désordre chronique semble néanmoins compensé par une vitalité civique plus élevée chez les Ukrainiens que chez leurs cousins russes ou bélarussiens quand bien même reste fort un sentiment individualiste replié sur la seule cellule familiale. Ainsi, en février et mars 2001, après que la police eut retrouvé le cadavre du journaliste Guéorgui Gongadzé qui enquêtait sur la corruption, des milliers d'Ukrainiens manifestèrent en plantant des tentes sur le place Maïdan de Kyiv. Ils réclamaient la démission du président Léonid Kouchma. Par delà son échec, ce vaste mouvement de protestation préfigurait la célèbre "Révolution Orange" de l'hiver 2004-2005.
On a beaucoup glosé sur cette révolution de couleur paradigmatique des actions similaires survenues en Serbie, en Géorgie et au Kirghizistan. Des observateurs avisés y ont vues les manœuvres d'officines para-institutionnelles étasuniennes ainsi que la main du magnat de la finance apatride internationale, George Soros. C'est juste, mais pas tout à fait exact. La "Révolution Orange" provient de la convergence d'une échelle aspiration populaire au changement, d'un ras-le-bol général à l'encontre de Kouchma et de son dauphin, Viktor Ianoukovytch, et de l'appui discret - et efficace - d'organismes semi-clandestins subventionnés par l'Occident. En effet, des cénacles atlantistes jugeaient l'occasion appropriée pour évincer un "pion" de Moscou, refouler durablement l'influence russe de cet "étranger proche" et placer au pouvoir un dirigeant plus sensible aux sirènes euro-atlantistes... Soumis à la fois à une pression populaire considérable et à l'action des diplomaties occidentales, Kouchma organisa un troisième tour de scrutin présidentiel qui vit la victoire du nationalisme modéré anti-russe Viktor Iouchtchenko sur Ianoukovytch.
Mais, très rapidement, les jeux politiciens les plus stériles recommencèrent avec, au sommet, une lutte violente à trois entre le président Iouchtchenko et ses premiers ministres successifs, Ioula Timochenko et Viktor Ianoukovytch, ce qui plongea l'Ukraine dans une forme particulière de cohabitation mouvementée et délétère...
L'incompétence du gouvernement de Iouchtchenko, ses atermoiements, ses louvoiements, son inconsistance politique et sa volonté d' "ukrainiser" au plus vite l'Est russophone avivèrent les tentions entre les deux parties principales de l'Ukraine. Les polémiques s'aggravèrent, alimentées par les querelles mémorielles autour de l'Holodomor (le génocide - famine de 1932 - 1933) , du rôle de la résistance nationaliste ukrainienne pendant la Seconde Guerre mondiale (alliée objective des forces de l'Axe ou hostile à la fois aux Allemands, aux résistants polonais et aux Soviétiques ?) et de la figure controversée (et si attachante) de Stepan Bandera.
Aux élections présidentielles de 2010, la division du camp "Orange" entre le président sortant Iouchtchenko et son Premier ministre Timochenko, favorisa la victoire relative du "pro-russe" Ianoukovytch (5). Favorable à Ioula Timochenko, Andriy Okara estime que "l'élimination de Viktor Iouchtchenko ouvre de formidables perspectives pour le développement de l'identité ethno-culturelle ukrainienne. Mais, contrairement à ce que le président a voulu faire en cinq ans, cette identité doit être forte, sans complexes, plutôt que geignarde (6)". L'Ukraine n'intégrait-elle pas l'Union douanière eurasienne avec le Bélarus, la Russie et le Kazakhstan ? En effet, si Ianoukovytch et son Parti des régions bénéficient d'une audience maximale dans les zones russophones, il ne faut pas percevoir le nouveau président ukrainien comme l'agent de Moscou à Kyiv. Ianoukovytch est soutenu par l'homme le plus riche d'Ukraine (et 148efortune au monde), Rinat Akhmetov, le président de S.C.M. Holdings. Dans son sillage suivent d'autres oligarques dont les intérêts économiques et financiers ne correspondent pas à ceux de leurs homologues russes. Les oligarques russes aimeraient reconstituer à leur profit les anciens combinats soviétiques. Les oligarques ukrainiens, tout russophones qu'ils soient, regardent avec gourmandise le fructueux partenariat à venir avec l'Union européenne. Il est intéressant de noter qu'à peine investi président, Ianoukovytch fit sa première visite officielle non pas ua Kremlin, mais à Bruxelles auprès de la C omission européenne. il n'hésita pas à apparaitre très europhile aux médias occidentaux. Dans le même temps, les fragiles armatures étatiques ukrainiennes sont rongées par une corruption généralisées qui entrave lourdement les dynamisme économique. La corruption se révèle néanmoins indispensable pour survivre face à une législation touffue, inextricable et inapplicable qui étouffe toute véritable activité marchande. Les plus pénalisés en sont les P.M.E., les entreprises artisanales et les épiceries. Sans craindre d'asphyxier tout secteur privé véritable, les oligarques et leurs affidés cherchent à s'emparer des branches économiques les plus dynamiques, les plus prospères et les plus juteuses d'Ukraine. Mutatis mutandis, on retrouve à Kyiv, Kharkiv, Odessa ou Sébastopol une situation comparable à la Tunisie de Ben Ali d'avant la "Révolution de jasmin".
Conscient d'avoir été mal élu et du marasme économique, Viktor Ianoukovytch tente de restreindre les libertés publiques, dont celle de la presse. on sait peu que Ianoukovytch a nommé le patron d'une puissante chaîne de télévision privée à la direction des services secrets... L'actuel président essaye d'imposer une "verticale du pouvoir" à la Poutine. Mais l'Ukraine n'est pas la Russie. Le tropisme européen y est plus grand. En réponse à ces manœuvres grossières, la populations ukrainienne réagit parfois avec virulence quand elle est aidée par les mouvements nationalistes autonomes. Alors, demain la révolution ?
Des commentateurs se le demandent en prétextant de la double nature de l’Ukraine. Si, à Oujhorod et à Lviv, l'atmosphère est encore mitteleuropéenne avec une forte prégnance hasbourgeoise, à l'Est, en revanche à Donetsk ou à Louhansk, le visiteur se sent déjà dans les plaines eurasiennes. Le destin de l'Ukraine est-il l’éclatement en une Galicie (ou Ukraine occidentale) de langue ukrainienne et en une Ukraine orientale russophone plus ou moins rattachée à la Russie ? Probablement pas, car, malgré leurs différences, les Ukrainiens sont attachés à l'unité nationale. En 1991, lors du référendum sur l'indépendance entérinée à 90%, de nombreux russophones votèrent oui. Ce tiraillement entre l'Est et l'Ouest peut être dépassé par un attrait vers le Sud correspondant à la monté en puissance régionale de la Turquie.
L'Ukraine, la Turquie, l'Union européenne (avec la Roumanie et la Bulgarie) et à la Russie sont les grandes puissances du pourtour de la Mer Noire. On peut imaginer que, soucieuse de na pas choisir entre l'Europe et la Russie, l'Ukraine accepte en dernière analyse une forte aspiration avec la Turquie et se serve dans cette nouvelle perspective la présence en Crimée des Tatars pour en faciliter cette orientation la mise en œuvre. Cette orientation vers le Sud, ne lui éviterait toutefois pas de reconsidérer ses apports avec la Russie.
Source : L'heure Asie : http://lheurasie.hautetfort.com/archive/2014/03/21/la-revolution-orange-et-ses-consequences-chaotiques-5327940.html
Georges Feltin-Tracol http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAVupZAulevNdwnET.shtmlLien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
« La Quatrième Guerre mondiale » de Costanzo Preve
« L’Europe n’a donc devant elle que deux voies, comme Hercule à la bifurcation du chemin : ou bien accepter l’hégémonie absolue (le leadership) des Etats-Unis et en devenir un appendice touristique et “humanitaire”, ou bien chercher la voie d’une autonomie stratégique réelle, eurasiatique ou même euro-centrique (…) »
« La première opération symbolique à accomplir dans cette Quatrième Guerre mondiale doit donc viser, du moins en ce qui concerne l’Europe, à remplacer la manipulation “politique” gauche/droite par la nouvelle opposition bien explicite entre partisans de l’euro-atlantisme et de l’empire américain, d’une part, et partisans de l’eurasisme qui résistent à cet empire, d’autre part. » Changer de paradigme, voici ce que propose l’auteur de « La Quatrième Guerre mondiale (*) » : une analyse originale des événements historiques du dernier siècle et qui décrit la tentative de l’empire américain de s’étendre à l’ensemble du monde. Un livre à mettre en parallèle avec « Le Siècle de 1914 » de Dominique Venner (**).
Polémia.
Costanzo Preve (1943-2013) est un philosophe italien qui se définissait comme un marxiste « hérétique » et qui était un très fin connaisseur de la philosophie de Marx mais aussi de celle d’Aristote lequel était, à son sens, le maître penseur de la communauté. Costanzo Preve a écrit une centaine de livres dont seuls quelques-uns ont été traduits en français. Un de ses ouvrages, intitulé Eloge du communautarisme, a été publié en 2012 par les éditions Krisis, tandis que les éditions Armand Colin avaient publié son Histoire critique du marxisme en 2011. Les éditions Astrée viennent de faire paraître La Quatrième Guerre mondiale qui est un livre récent publié en Italie en 2008 dans lequel Preve fait une analyse de la montée en puissance de l’ « empire occidental » et de l’extension de sa domination culturelle au cours du siècle écoulé.
Première et Deuxième Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale a été l’occasion pour la jeune puissance américaine de s’inviter sur la scène européenne et elle lui a permis de prendre le leadership de nations européennes exténuées auxquelles elle a imposé sa vue du monde. Cette guerre marque donc le début d’un processus de domination géopolitique, économique et culturelle du monde qui n’est pas encore achevé et qui a pour objectif d’imposer la création d’une société mondiale uniformisée dans laquelle s’épanouira un capitalisme absolu (la logique de ce que Preve appelle « capitalisme absolu » est celle de l’incorporation intégrale de la décision politique dans la pure reproduction capitaliste).
« Quant à la deuxième guerre (…), elle ne fut en rien pour les Etats-Unis une guerre “antifasciste”, selon la fable politiquement correcte, mais une guerre géopolitique pour la conquête permanente de l’Europe et du Japon », conformément aux analyses des géopoliticiens anglo-saxons pour lesquels la puissance qui contrôle le heartland eurasiatique, c’est-à-dire le centre du continent qui s’étend de l’Atlantique au Pacifique, domine le monde (théorie énoncée par Halford Mackinder au début du siècle dernier). En conséquence, les Etats-Unis se devaient d’empêcher la conquête de cet espace par l’Allemagne, indépendamment de la nature de son régime politique.
Troisième Guerre mondiale
La période qui débute en 1945 et s’achève en 1991 correspond à ce qu’on appelle la guerre froide mais Costanzo Preve souligne que ce fut aussi une période de guerres chaudes ; pendant cette période il y eut presque en permanence des conflits au cours desquels les protagonistes étaient soutenus, les uns, par les Américains, et les autres par les Soviétiques.
Cette Troisième Guerre mondiale, faussement froide, s’inscrit en fait dans la continuité de la Deuxième, laquelle prolongea la Première. C’est parce que les Etats-Unis n’acceptaient pas que son allié soviétique de la veille dominât le heartland eurasiatique qu’ils menèrent cette guerre d’un genre inédit de 1946 jusqu’à l’écroulement de l’adversaire en 1989.
Quatrième Guerre mondiale
Au cours des années 1990, les Etats-Unis ont cru que leur domination allait pouvoir s’étendre non seulement à tous les pays du centre et de l’est de l’Europe, mais aussi à l’ancienne Union soviétique. Le livre de Zbigniew Brzezinski intitulé Le Grand Echiquier, publié en 1997, traduit parfaitement le sentiment et les intentions américaines. Brzezinski, qui pensait alors que les Etats-Unis avaient atteint l’objectif fixé par Mackinder, n’avait pas imaginé qu’un homme, Vladimir Poutine, allait renverser la table et changer le cours de l’histoire (lire à ce sujet les analyses d’Aymeric Chauprade). Depuis l’an 2000, Vladimir Poutine a restauré l’Etat russe et a redonné des couleurs à sa puissance militaire et à son système économique, ce qui déplaît terriblement aux Etats-Unis et à tous leurs « vassaux » (dixit Brzezinski). La renaissance d’une Russie patriotique et très conservatrice, réfractaire à l’idéologie et à la culture occidentales, constitue un obstacle majeur pour le projet « messianique » d’unification de l’humanité.
Pour Preve, la caractéristique la plus intéressante du messianisme états-unien est d’être :
…un messianisme dépourvu de véritable promesse messianique. Les promesses messianiques regardent en général le présent comme une réalité imparfaite, inepte, corrompue, qui doit être « rachetée » par l’avènement final d’une autre réalité, qui restaurera en quelque sorte le monde originel. Il n’y a rien de semblable dans le messianisme des Etats-Unis. Il est vrai que ce messianisme se fonde sur un projet d’homogénéisation globale du monde entier, qui est justement l’objet de l’actuelle Quatrième Guerre mondiale ; il est vrai aussi que cette homogénéisation n’a pas encore été réalisée, et qu’il s’agit de la mener à terme ; mais son projet suit son cours, il est présent sous nos yeux, il est déjà manifeste, c’est « La maison sur la colline », visible de partout dans le monde entier : l’impérialisme des Etats-Unis.
En tant que catégorie historique, la nation, en particulier sous sa forme moderne d’existence qui est celle de l’Etat-Nation, demeure inassimilable à l’Empire américain en tant que tel. Du moment que l’Empire américain trouve son origine dans un Etat-Nation particulier, les Etats-Unis, messianique et expansionniste, la destruction de toutes les autres nations du monde doit s’accomplir (…), en ruinant sur un plan géopolitique la souveraineté des autres, en ne conservant que certaines caractéristiques exotiques pour le seul marché touristique (…). Le processus prendra fin quand les nations ne seront plus que de simples ressources pour le marché touristique ; alors pourra commencer le dernier stade de leur existence, par l’adjonction de la langue anglaise obligatoire aux « dialectes nationaux » en voie de dépérissement.
L’hostilité que l’hyperclasse mondiale (pour laquelle les Etats-Unis sont le bras armé et le modèle) voue à la Russie est une conséquence du rejet par cette dernière du processus d’homogénéisation voulu par la première. La Russie apparaît de plus en plus clairement comme le principal môle de résistance au processus d’homogénéisation de l’humanité voulu par l’oligarchie occidentale, ce qui explique l’hostilité permanente et l’hystérie qui frappe fréquemment les « élites » et les médias occidentaux comme c’est le cas depuis quelques mois au sujet de l’affaire ukrainienne.
Vers un nouveau paradigme
« L’Europe n’a donc devant elle que deux voies, comme Hercule à la bifurcation du chemin : ou bien accepter l’hégémonie absolue (le leadership) des Etats-Unis et en devenir un appendice touristique et “humanitaire”, ou bien chercher la voie d’une autonomie stratégique réelle, eurasiatique ou même euro-centrique. »
La caste des politiciens qui tirent les ficelles, tant à Bruxelles que dans les capitales nationales, a choisi la première voie ; ainsi, en France, nous n’avons jamais connu un tel suivisme que celui de François Hollande, lequel prend clairement ses ordres à Washington. Mais, d’une part, de nombreux peuples européens ne partagent plus l’engouement de leurs « élites » pour les Etats-Unis (en France, en Espagne, en Allemagne… les opinions favorables aux Etats-Unis sont très minoritaires) et, d’autre part, le leader occidental donne des signes de faiblesse et de déclin, au moins relatif, ce qui permet d’envisager un futur retournement des peuples européens contre le projet d’uniformisation de l’humanité dans le cadre d’une société « capitaliste absolue » ; mais nous n’en sommes pas encore là, tant s’en faut.Pour combattre efficacement ce projet, il convient de ne pas se tromper sur le sens du combat qui doit être mené :
La première opération symbolique à accomplir dans cette Quatrième Guerre mondiale doit donc viser, du moins en ce qui concerne l’Europe, à remplacer la manipulation « politique » gauche/droite par la nouvelle opposition bien explicite entre partisans de l’euro-atlantisme et de l’empire américain, d’une part, et partisans de l’eurasisme qui résistent à cet empire, d’autre part.
En effet, le simulacre de démocratie que nous octroie l’hyperclasse est articulé autour de la compétition entre ce que les médias appellent la droite et la gauche, lesquelles ne sont que deux factions qui sont au service de son projet mondialiste. Pour Costanzo Preve, il est essentiel d’en finir avec cette opposition factice qui dissimule et, surtout, qui nous fait oublier les vrais enjeux.
Bruno Guillard, 19/03/2014
(*) Costanzo Preve, La Quatrième Guerre mondiale, éditions Astrée, 2013, 216 pages.
(**) « Le Siècle de 1914 / Utopies, guerres et révolutions en Europe au XXe siècle »
par Dominique Venner
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Spinoza le maudit
Pour avoir assimilé Dieu à la Nature, et douté de l'immortalité de l'âme, le jeune homme est exclu, à 23 ans, de la communauté juive d'Amsterdam.
Il y a foule, ce 27 juillet 1656, dans la grande synagogue d'Amsterdam, située sur le quai du Houtgracht. Les visages sont graves. Depuis des jours et des jours, dans la communauté juive, on commente l'événement. Spinoza, le jeune, le fils, celui qui a repris les affaires de son père Michaël, l'honorable marchand, décédé il y a deux ans, va être solennellement exclu de la communauté. Dans un instant, devant l'Arche, tous entendront le texte rapporté de Venise par Rabbi Mortera. Le jeune homme a seulement 23 ans. Pour en arriver là, il s'est montré singulièrement obstiné. Les juifs d'Amsterdam ne sont pas particulièrement rigides ni sévères. Il y a une cinquantaine d'années qu'ils se sont installés dans la ville, venant pour la plupart du Portugal, comme les Spinoza, où les familles s'étaient réfugiées quand la reine Isabelle avait décidé, en 1492, de les expulser d'Espagne. Ils ne sont pas encore officiellement citoyens hollandais, mais, à titre de "groupe étranger", ils bénéficient de la tolérance religieuse de l'Union d'Utrecht. De fait, la communauté et ses écoles ont prospéré. Et de nombreux courants d'idées traversent ces groupes de négociants, médecins et banquiers. Pour se faire exclure solennellement, il faut y avoir mis du sien.
Ce n'est évidemment pas mortel, comme de se faire brûler, si c'était une affaire d'hérésie catholique à Rome. Sans doute est-ce aussi moins terrible que d'être embastillé ou torturé. Malgré tout, le herem, qui existe depuis le début de l'ère commune, est un châtiment grave. Le terme désigne une chose dont on ne doit pas faire usage, ou une personne avec laquelle on ne doit avoir aucun contact. Par extension, le mot s'emploie pour le texte rédigé pour écarter un membre de la communauté en raison de son inconduite. Celui qui est ainsi frappé ne peut ni vendre ni acheter, ni enseigner ni recevoir un enseignement. Nul ne peut lui adresser la parole, et il n'est plus admis à participer à aucun des rites. Heureusement, cette mort symbolique est généralement temporaire. Dans le cas de Baruch Spinoza, aucune des mesures ne sera jamais rapportée. Et les paroles prononcées sont d'une dureté particulière. Voici que l'on commence à lire quelques mots de préambule : "Les Messieurs du Maamad vous font savoir qu'ayant eu connaissance depuis quelque temps des mauvaises opinions et de la conduite de Baruch de Spinoza, ils s'efforcèrent par différents moyens et promesses de le détourner de sa mauvaise voie."
On dit que pour tenter de convaincre le jeune Spinoza d'abandonner ses convictions, les rabbins ont discuté pied à pied avec lui. Ses anciens maîtres, ceux de l'école Talmud Torah où il avait été un si brillant élève, qui connaissait toujours les textes et comprenait aussitôt tous les commentaires, sont venus pour tenter de le fléchir, voire de l'intimider. En vain. Ils tentèrent d'obtenir au moins son adhésion de façade : qu'il vienne normalement à la synagogue, et l'on ferait comme si rien n'était. A bout d'arguments, l'un d'eux aurait proposé à Spinoza 1 000 florins pour qu'il se fasse voir de temps en temps. Sa réplique : même avec dix fois plus il ne viendrait pas, car il ne cherche que la vérité, non l'apparence.
Il faut donc employer les grands moyens. "Ne pouvant porter remède à cela, recevant par contre chaque jour de plus amples informations sur les horribles hérésies qu'il pratiquait et enseignait et sur les actes monstrueux qu'il commettait et ayant de cela de nombreux témoins dignes de foi qui déposèrent surtout en présence dudit Spinoza qui a été reconnu coupable ; tout cela ayant été examiné en présence de Messieurs les rabbins, les Messieurs du Maamad décidèrent que ledit Spinoza serait exclu et écarté de la nation d'Israël à la suite du herem que nous prononçons maintenant en ces termes :
"A l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés. (...) Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit maudit à sa sortie. Veuille l'Eternel ne jamais lui pardonner. Veuille l'Eternel allumer contre cet homme toute sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi ; que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël l'affligeant de toutes les malédictions que contient la Loi." La fin du document parachève la rupture : "Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits."
ON dit qu'un excité aurait tenté de poignarder ce fier jeune homme. Il n'aurait été blessé que superficiellement, mais aurait conservé de longues années son manteau troué par le poignard pour se souvenir des méfaits du fanatisme. Qu'a-t-il donc fait pour susciter tant de colère ? Avec ses grands yeux noirs, son visage long, sa peau mate, son air si doux, personne ne pourrait l'imaginer dangereux. Il passe d'ailleurs pour très calme, ne se met jamais en colère, ne rit jamais de manière bruyante ou inconsidérée. Tout le monde sait qu'il est d'une intelligence remarquable, comprend tout très vite et retient l'essentiel avec la plus grande exactitude. Qu'a-t-il dit pour être si rudement traité ? Quelles idées lui valent de se retrouver seul contre tous ? Le jeune Spinoza a-t-il été exclu de la communauté pour avoir explicitement soutenu que l'immortalité de l'âme est un mythe ? Ou bien que Dieu et la nature sont deux noms pour une seule et même réalité ? Ou encore que notre volonté n'est pas libre ? C'est probable, mais il n'y a pas moyen de le savoir avec certitude. Faute de documents, nous ne savons pas ce que disait, pensait Baruch Spinoza au moment de son exclusion de la communauté juive d'Amsterdam. Il est possible de le conjecturer à partir de ce qu'il écrira plus tard et des milieux qu'il fréquente à l'époque, mais une marge d'incertitude demeure. On le voit dans une série de cercles connus pour leur critique de la religion, comme l'école de Franciscus Van Enden, où il découvre en apprenant le latin les penseurs de l'Antiquité. Le jeune Spinoza est également en relation, à cette époque, avec des marchands érudits et des médecins formés aux sciences nouvelles, lecteurs de Descartes et amateurs de philosophie. Il baigne évidemment dans le climat d'effervescence intellectuelle et de liberté spirituelle qui caractérise Amsterdam dans le milieu du XVIIe siècle.
Seule certitude : il se retrouve seul contre tous, non pour une affaire de mœurs ou une malversation, mais à cause de ses convictions philosophiques. C'est en philosophe qu'il refuse de les abandonner, et assume les conséquences de son exclusion. Pierre Bayle lui attribue même une Apologie, aujourd'hui perdue, pour justifier sa sortie de la synagogue. Selon des témoignages de contemporains, le jeune homme aurait dit, en parlant du sort qui lui était réservé : "On ne me force à rien que je n'eusse fait de moi-même si je n'avais craint le scandale." Il aurait même ajouté, ce qui ne manque pas d'ironie provocatrice : "J'entre avec joie dans le chemin qui m'est ouvert, avec cette consolation que ma sortie sera plus innocente que ne fut celle des premiers Hébreux hors d'Egypte." Spinoza n'est pourtant pas parti. Selon toute vraisemblance, il est resté dans la ville d'Amsterdam, bien que les historiens perdent sa trace quelque temps. Ses amis ont dû subvenir à ses besoins, devenus extrêmement modestes. Il a songé à gagner sa vie comme peintre. Ses capacités en dessin sont connues, bien qu'aucune preuve tangible ne nous soit conservée. Finalement, le philosophe s'est tourné vers l'artisanat scientifique : la fabrication de lentilles pour lunettes et microscopes. Il y acquiert une notoriété importante et peut en vivre durant la majeure partie de son existence.
Cinq ans après le herem, en 1661, on le retrouve établi à Rijnsburg, petite bourgade célèbre aujourd'hui pour sa culture des tulipes, qui est à l'époque un fief de la libre-pensée. On visite encore sa maison : à l'étage, la chambre ; au rez-de-chaussée, deux petites pièces. Dans l'une, Spinoza lit et écrit ; dans l'autre, se tient son atelier de polissage des lentilles, activité solitaire et précise. L'artisan-philosophe migre bientôt pour Voorburg. Le mathématicien et astronome Huygens écrit à son frère, en 1667 : "Les lentilles que le Juif de Voorburg avait dans ses microscopes avaient un poli admirable." Dirk Kerkrinck, médecin renommé, écrit pour sa part : "Je possède un microscope de toute première qualité fabriqué par ce Benedictus Spinoza, ce noble mathématicien et philosophe." Le solitaire, entouré malgré tout d'un cercle d'amis, ne s'occupe pas seulement de verres. Il taille aussi, et polit, et ajuste des concepts. Habitant de simples chambres meublées, mangeant peu, fumant de temps à autre une pipe avec ses hôtes, il renonce à la succession de son père, refuse l'argent de ses disciples et décline en 1673 l'offre d'une chaire de philosophie à Heidelberg. Car cet obscur devient vite célèbre. Ses entretiens avec quelques élèves aboutissent, en 1661, au Court traité, son premier ouvrage oublié. Il rédige le Traité de la réforme de l'entendement et travaille, dès cette époque, à l'Ethique, dont rien ne sera publié de son vivant. Nombreux et solidaires, les concepts sortant de son atelier philosophique découragent un exposé hâtif. On pourrait malgré tout considérer qu'il y a, dans sa pensée, trois formules liées qui disent l'essentiel.
Deus sive Natura, Dieu, c'est-à-dire la Nature. Cette formule constitue le socle, en quelque sorte, de toutes les analyses spinozistes. Le bouleversement dans la conception de Dieu est radical : Dieu n'est plus une personne ni une Providence. Il n'est plus pur esprit ni séparé du monde. Pis, ou mieux, comme on voudra : Dieu-la-Nature n'a ni libre arbitre ni volonté. Substance infinie, sans commencement ni fin, sans extérieur, il englobe tout, et en lui tout a lieu en raison de la nécessité. Il n'y a donc pas d'exception humaine au règne des lois naturelles et du déterminisme. D'où la deuxième formule-clé : "L'homme est une partie de la nature." Là encore, pas d'effet sans cause, de liberté souveraine, de choix arbitraire. Nos désirs comme nos décisions sont déterminés par des causes qui pourront être biologiques, sociologiques, psychiques. Si nous nous croyons libres, c'est que nous ignorons ces causes qui nous déterminent. "L'enfant croit désirer librement le lait." Les passions des hommes et les effets de leurs désirs ne doivent donc plus faire l'objet de condamnation ou d'éloge mais d'analyse et d'étude rationnelle. Cessons de juger, tentons de comprendre comment ça marche. Si l'on rapproche pour finir la première formule, "Dieu, c'est-à-dire la Nature", et "L'homme est une partie de la Nature", on en déduit aisément que l'homme est une partie de Dieu. C'est pourquoi Spinoza peut écrire : "Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels" et déboucher sur une forme de sagesse où se conjoignent rationalité et mystique.
On ne saurait oublier la dimension politique de son œuvre, qui le porte à chercher le type de régime où la pensée n'est pas soumise à obéissance. Le Traité théologico-politique est le second texte publié avant sa mort, sous un anonymat vite démasqué. Sa question centrale : pourquoi les hommes se battent-ils pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur liberté ? Quand il meurt, le 21 février 1677, de phtisie sans doute, Spinoza est suivi, le 25, par six carrosses jusqu'à la fosse commune. Quelques mois plus tard, un don anonyme permet l'impression, sans nom d'auteur ni d'éditeur, de ses Opera posthuma, qui regroupent l'Ethique, un Traité politique (sa dernière œuvre, restée inachevée), le Traité de la réforme de l'entendement, ses lettres, et un Traité de grammaire hébraïque. Assez pour devenir l'un des penseurs les plus importants de l'histoire de l'humanité sans cesser pour autant d'être, à sa manière, seul contre tous. Mais il pense que c'est le lot de ceux qui s'attachent à la vérité, puisque, comme il l'écrit lui-même : "Une chose ne cesse pas d'être vraie parce qu'elle n'est pas acceptée par beaucoup d'hommes."
En savoir plus
Colerus, Lucas, Vies de Spinoza. Deux des plus importants témoignages de l'époque sur la personnalité du philosophe, dans une réédition contemporaine et accessible (Editions Allia).
Spinoza et le spinozisme, de Pierre-François Moreau. La meilleure introduction actuelle, par un spécialiste incontestable (PUF, "Que sais-je ?", n° 1422).
Spinoza, de Steven Nadler. Etude biographique la plus récente et la plus détaillée (Bayard, "Biographie", traduit de l'anglais par Jean-François Sené).
Parmi les traductions françaises de l'Ethique, celle de Bernard Pautrat (Seuil) est une des plus recommandables.Source : Le Monde : | 23.07.03 | 12h57 -
Alain de Benoist. 4-ième Theorie Politique
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