culture et histoire - Page 1651
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Demain samedi 18 janvier réunion des Amis de Rivarol
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Éducation nationale, le grand fiasco
Les effets d’annonce du ministre de l’Éducation nationale sont le révélateur de l’échec dans la mission de transmission du savoir.
Il est des vérités qui sont désagréables à entendre. Les effets d’annonce du ministre de l’Éducation nationale sont le révélateur officiel d’un constat affligeant : celui de l’échec d’un des principaux ministères dans sa mission régalienne de transmission du savoir.
La réalité est incontestable et préoccupante : un enfant sur cinq en difficulté, une insécurité permanente, une ghettoïsation de nombreux établissements, un niveau général en chute libre…
Fidèle à ses habitudes, la gauche pseudo-progressiste refuse de voir la vérité en face et n’évoque à aucun moment les raisons du malheureux bilan. Elles sont pourtant flagrantes et se résument en trois points essentiels, trois paramètres néfastes qui, combinés, mènent à l’évident fiasco.
Le premier réside dans une approche pédagogique soixante-huitarde qui a voulu remettre en cause les méthodes qui avaient fait leurs preuves auparavant. Il fallait adoucir les rapports entre l’enseignant et l’élève, l’adulte et l’enfant, et sous des prétextes idéologiques d’un autre temps, transgresser les repères et les traditions. L’obéissance et la discipline étaient perçues alors comme des notions autoritaires qu’il fallait bannir pour faire naître l’homme nouveau, le citoyen éclairé du monde idéal. Vaste blague aux effets dévastateurs !
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Entretien avec Alain de Benoist: Gare à la logique hygiéniste imposée par l’État maternel thérapeutique !
Vous venez de publier aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux « Les démons du bien« , essai dont la première partie se veut une critique radicale de la tyrannie des bons sentiments. A quoi attribuez-vous l’émergence de ce néo-cléricalisme ?
À l’esprit du temps. Mais l’esprit du temps n’est jamais que la résultante d’une tendance de fond. À partir du XVIIIe siècle, la montée sociale de la classe bourgeoise a simultanément marginalisé les valeurs aristocratiques et les valeurs populaires, en les remplaçant par ce que Tocqueville appelait les passions « débilitantes » : utilitarisme, narcissisme et triomphe de l’esprit de calcul. La vogue de l’idéologie des droits de l’homme a, de son côté, permis à l’égoïsme de se draper dans un discours « humanitaire » dont la niaiserie est le trait dominant. L’accélération sociale et la montée de l’insignifiance ont fait le reste.
L’un des traits caractéristiques de « l’empire du bien » est cet envahissement du champ politique par le lacrymal et le compassionnel qui fait qu’à la moindre catastrophe ayant une portée médiatique, les ministres se précipitent désormais pour exprimer leur « émotion ». C’est également révélateur de la submersion de la sphère publique par le privé. La vie politique bascule du côté d’une « société civile » appelée à participer à la « gouvernance » par des « demandes citoyennes » qui n’ont plus le moindre rapport avec l’exercice politique de la citoyenneté. Il est désormais beaucoup mieux vu (et aussi plus rentable) d’être une victime qu’un héros.
Parallèlement, la marchandisation de la santé va de pair avec la médicalisation de l’existence, c’est-à-dire avec un hygiénisme dogmatique qui se traduit par une surveillance toujours plus grande des modes de vie. Elle prescrit socialement des conduites normalisées, cherchant ainsi à domestiquer toutes les façons d’être qui se dérobent aux impératifs de surveillance, de transparence et de rationalité. On assiste à l’instrumentalisation de la vie humaine au travers d’une logique hygiéniste imposée par l’État maternel thérapeutique.
L’évolution du langage est également significative. On préfère parler désormais de « fractures sociales » – aussi accidentelles en somme que les fractures du tibia – que de véritables conflits sociaux. Il n’y a plus d’exploités, dont l’aliénation renvoie directement au système capitaliste, mais des « déshérités », des « exclus », des « défavorisés », des « plus démunis », tous également victimes de « handicaps » ou de « discriminations ». La notion de « lutte contre-toutes-les-discriminations » a d’ailleurs elle-même remplacé celle de « lutte contre les inégalités », qui évoquait encore la lutte des classes. Dans 1984, George Orwell expliquait très bien que le but de la « novlangue » est « de restreindre les limites de la pensée » : « À la fin, nous rendrons impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. » Le politiquement correct fonctionne comme la « novlangue » orwellienne. L’usage de mots détournés de leur sens, de termes dévoyés, de néologismes biaisés ressortit de la plus classique des techniques d’ahurissement. Pour désarmer la pensée critique, il faut sidérer les consciences et ahurir les esprits.
Les médias ne cessent de dénoncer la menace de l’« ordre moral », tout en nous faisant en permanence la morale. Paradoxe ?
C’est tout simplement qu’une morale en a remplacé une autre. L’ancienne morale prescrivait des règles individuelles de comportement : la société était censée se porter mieux si les individus qui la composaient agissaient bien. La nouvelle morale veut moraliser la société elle-même. L’ancienne morale disait aux gens ce qu’ils devaient faire, la nouvelle morale décrit ce que la société doit devenir. Ce ne sont plus les individus qui doivent se conduire de façon droite, mais la société qui doit être rendue plus « juste ». L’ancienne morale était ordonnée au bien, tandis que la nouvelle est ordonnée au juste. Alors même qu’elles prétendent rester « neutres » quant au choix des valeurs, c’est à cette nouvelle morale, fondée sur le devoir-être (le monde doit devenir autre chose que ce qu’il a été jusqu’ici), qu’adhèrent les sociétés modernes. Nietzsche aurait parlé de « moraline ».
L’essentiel de votre livre porte sur la théorie du genre, dont tout le monde parle en ce moment. Vous avez été l’un des premiers intellectuels à en faire une critique argumentée. Une fois de plus, à quoi attribuer ce phénomène venu des USA ? Et d’abord, de quoi s’agit-il exactement ?
La théorie du genre est une théorie qui prétend déconnecter radicalement l’identité sexuelle du sexe biologique. Le sexe, remplacé par le « genre » (gender), serait une pure construction sociale. Cette théorie repose sur un postulat de « neutralité » de l’appartenance sexuelle à la naissance : il suffirait d’élever un garçon comme une fille pour en faire une femme, ou d’élever une fille comme un garçon pour en faire un homme. Ceux qui sont d’un avis différent sont accusés de propager des « stéréotypes » (on oublie qu’un stéréotype n’est jamais qu’une vérité empirique abusivement généralisée). Cette théorie a pour effet de confondre les deux sexes et de rendre plus difficile à chacun d’eux d’assumer son identité.
La théorie du genre est en fait insoutenable. Non seulement son postulat d’une « neutralité sexuelle » originelle ne correspond pas à la réalité, mais on constate que l’appartenance sexuée favorise dès la plus petite enfance, avant tout conditionnement, des comportements spécifiques à chaque sexe. Cela ne signifie pas que les constructions sociales ne jouent aucun rôle dans la définition de l’identité sexuelle, mais que ces constructions sociales se développent toujours à partir d’une base anatomique et physiologique. La théorie du genre confond par ailleurs le sexe biologique, le genre (masculin ou féminin), l’orientation sexuelle et ce qu’on pourrait appeler le sexe psychologique (le fait qu’un certain nombre de femmes ont des traits de caractère masculins, et un certain nombre d’hommes des traits de caractère féminins). Reposant sur l’idée qu’on peut se créer soi-même à partir de rien, elle relève en fin de compte d’un simple fantasme d’auto-engendrement. Il faut pourtant la prendre très au sérieux. Dans les années qui viennent, c’est en référence à elle que l’on va voir se multiplier à l’infini les accusations de « sexisme ». -
FTP - Saint Michel Archange
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"Plus c’est moche, mal joué, mal écrit, plus c’est de l’art !"
10 ans après Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet a sorti en octobre dernier un autre film mémorable L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet. Il accorde à 20 minutes un entretien décapant sur le cinéma français dans lequel il revient sur les critiques injustes que lui a values Amélie Poulain :
"Je rentrais de deux ans à Los Angeles, et je me suis dit, c’est beau Paris, on se rend plus compte. Alors j’ai voulu le montrer en le faisant carte postale, petit drapeau à la Jacques Tati, accordéon… Après on me l’a reproché… Bah oui les gars, c’est fait exprès! Bien sûr que ce n’est pas réaliste, évidemment. De toute façon moi, le cinéma réaliste ne m’intéresse pas (…)
Voilà. On m'a aussi dit de mes longs-métrages, comme Amélie, que c'était de la pub. Ca me dérange pas, c'est péjoratif dans la bouche de certains critiques mais c'est un compliment pour moi, parce qu'au niveau de la forme, je dis bien de la forme, souvent la pub est plus novatrice que le long-métrage français.
Le long-métrage français, c’est quand même à 90% l’apothéose de la laideur et ça ne dérange personne. J’appelle ça le syndrome de la Pyramide du Louvre et des chiottes Decaux. La pyramide du Louvre, en verre, ça ne peut pas être plus beau et ça avait fait tout un scandale. Les chiottes Decaux, c’était des horreurs, mais je n’ai jamais lu une critique négative. La laideur ne dérange personne et la beauté choque, et ça c’est très français.
Moi je m’en suis toujours pris plein la gueule pour l’esthétisme, depuis Delicatessen, avec Caro ça nous faisait rigoler, Télérama écrivait qu’on avait le don de rendre laid tout ce qui est beau, c’est formidable quand même. Et aux Etats-Unis on disait le contraire. C’est encore la tradition de la nouvelle vague qui nous pourrit la vie, ça dure depuis soixante ans. Plus c’est moche, plus c’est mal monté, mal filmé, mal joué, mal sonorisé, mal écrit, plus c’est de l’art! Et dès que ça devient un peu léché, c’est suspect… enfin, chez une certaine presse."
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L’infréquentable Pierre-Joseph Proudhon
Que connaît-on de la pensée de Pierre-Joseph Proudhon, deux cents ans après sa naissance, le 15 janvier 1809 ? Une formule : « La propriété, c’est le vol ! », mais guère plus. Celui que Charles Augustin Sainte-Beuve décrivait comme le plus grand prosateur de son temps, ou Georges Sorel comme le plus éminent philosophe français du XIXe siècle, ne trouve plus asile que dans les librairies libertaires et sur les rayonnages d’érudits. A la différence d’autres penseurs et écrivains de la même époque — Karl Marx, Auguste Comte, Jules Michelet, Victor Hugo ou Alexis de Tocqueville —, les grandes maisons d’édition le dédaignent.
Le centenaire de sa naissance, en 1909, n’était pourtant pas passé inaperçu. Le président de la République, Armand Fallières, s’était rendu à Besançon, lieu de naissance de Proudhon, pour inaugurer une statue en bronze du « père de l’anarchisme ». Les sociologues durkheimiens (1), les juristes, les avocats républicains de la laïcité, des théoriciens du syndicalisme révolutionnaire et même des royalistes antiparlementaires s’intéressaient alors à lui.
Mais la vague anarcho-syndicaliste reflue rapidement. Les intellectuels et ouvriers qui appréciaient Proudhon avant la Grande Guerre tentent après la révolution russe de le transformer en un anti-Marx. Les pacifistes favorables à la création de la Société des Nations invoquent ses idées fédéralistes. De leur côté, des partisans de Vichy récupèrent certains aspects corporatistes de sa pensée afin d’asseoir la légitimité de leur régime. Cela ne suffit pas à sauver la statue de Proudhon, fondue par les nazis durant l’Occupation, mais le crédit du penseur auprès des progressistes s’en trouva durablement affecté.
D’autant que l’après-guerre favorise en France la domination intellectuelle du marxisme à gauche et relègue au second plan d’autres sources, pourtant très riches, de la pensée sociale du XIXe siècle. Exit Proudhon, donc, qui cherchait un moyen terme entre la propriété privée (appropriation exclusive des biens par des particuliers) et le communisme (appropriation et distribution égalitaire des biens des particuliers par l’Etat).
D’où sort ce précurseur d’une « troisième voie » anarchiste ? Né d’un père tonnelier-brasseur et d’une mère cuisinière, Proudhon se montre très doué pour les lettres classiques avant de devoir, en raison des problèmes financiers de sa famille, abandonner ses études pour travailler comme imprimeur. Grâce aux encouragements de certains Francs-Comtois, il obtient une bourse de trois ans de l’Académie de Besançon pour poursuivre des recherches linguistiques et philologiques. Proudhon mesure alors les écarts de classe et d’expérience qui le séparent des membres de cet institut censés suivre ses recherches, à Paris. Il perçoit aussi les limites des tentatives de théoriciens libéraux de la Restauration et de la monarchie de Juillet pour asseoir la souveraineté sur les « capacités » supérieures des possédants.
C’est l’époque du suffrage censitaire : qui possède vote pour élire quelqu’un qui possède encore plus que lui. Face au droit inviolable et sacré de propriété, la réalité de la misère, celle du paupérisme, contredit les espoirs des libéraux lorsqu’ils cherchent, au même moment, à enraciner l’ordre social dans le droit civil des particuliers.
Après les journées de juin 1848, il devient l’homme le plus diabolisé de son temps
Convaincu que la distribution des richesses au sein de la société importe davantage que la représentation politique, Proudhon ne voit pas dans l’élargissement du suffrage prôné par les républicains une solution suffisante au problème des inégalités sociales. Cette constatation l’amène à l’économie politique.
Il estime que la valeur d’une chose doit être évaluée selon son « utilité », c’est-à-dire ses effets sociaux, réels et matériels. Ses contemporains économistes, soucieux de la circulation des richesses à travers les échanges, la définissent indépendamment des besoins de subsistance des producteurs. « Les produits s’échangent contre les produits », dit alors Jean-Baptiste Say (1767-1832). Ce qui revient à dire que la vente des marchandises est favorisée par le commerce d’autres marchandises et que, en dernière instance, les produits valent ce qu’ils coûtent. Assise sur des conventions, la valeur n’a pas de base fixe.
Selon Proudhon, elle s’étalonne par conséquent à l’aune de son utilité. Bien entendu, l’idéal de l’équilibre entre production et consommation reste souhaitable, mais, pour y arriver, le produit vendu et le travail que ce produit incorpore doivent se trouver constamment en adéquation. Or la nature juridique de la propriété fait obstacle à des échanges égalitaires car la richesse reste concentrée entre les mains des propriétaires, rentiers et capitalistes. Il conviendrait donc de lire la loi des débouchés de Say (l’offre crée sa demande) d’une manière beaucoup plus révolutionnaire.
Curieusement, ces thèses attirent des économistes libéraux contemporains, tel Adolphe Blanqui, frère de Louis Auguste, le révolutionnaire. Leur caractère iconoclaste paraît en mesure de jeter un pont entre la critique des socialistes (auxquels Proudhon reproche d’écrire des amphigouris néochrétiens exprimant des sentiments vagues et bien-pensants, comme la fraternité) et celle des économistes, juristes et philosophes de l’ordre établi.
Sur ce terrain, Marx lui-même a apprécié la théorie de la plus-value que Proudhon formulait dans Qu’est-ce que la propriété ? (1840) : « Le capitaliste, dit-on, a payé les journées des ouvriers ; pour être exact, il faut dire que le capitaliste a payé autant de fois une journée qu’il a employé d’ouvriers chaque jour, ce qui n’est point du tout la même chose. Car, cette force immense qui résulte de l’union et de l’harmonie des travailleurs, de la convergence et de la simultanéité de leurs efforts, il ne l’a point payée. Deux cents grenadiers ont en quelques heures dressé l’obélisque de Louqsor sur sa base ; suppose-t-on qu’un seul homme, en deux cents jours, en serait venu à bout ? Cependant, au compte du capitaliste, la somme des salaires eût été la même. Eh bien, un désert à mettre en culture, une maison à bâtir, une manufacture à exploiter, c’est l’obélisque à soulever, c’est une montagne à changer de place. La plus petite fortune, le plus mince établissement, la mise en train de la plus chétive industrie, exige un concours de travaux et de talents si divers, que le même homme n’y suffirait jamais. »
Sans doute Marx partageait-il aussi la critique que Proudhon avait faite de ce que, dans ses manuscrits de 1844, il appellerait le « communisme grossier ». La rupture entre les deux hommes, qui se fréquentaient à Paris, intervint en 1846. Marx ne tarda pas à exprimer ses sarcasmes envers un auteur qui préférait, comme il le lui écrivit dans sa lettre de rupture, brûler la propriété « à petit feu ». Il considérait le désir de Proudhon de réconcilier prolétariat et classe moyenne pour renverser le capitalisme comme l’inclination d’un « petit-bourgeois constamment ballotté entre le capital et le travail, entre l’économie politique et le communisme ».
A la suite de la révolution de 1848 et de l’instauration de la IIe République, Proudhon est élu député et siège à la commission des finances de la Chambre. Il y réclame la création d’une banque nationale, capable de centraliser la finance ; la monnaie, gagée sur la production, n’y aurait qu’une valeur purement fiduciaire (le franc est alors gagé sur l’or). Il réclame aussi la réduction des taux d’intérêt, d’escompte, et celle des loyers et des fermages. Après les journées de Juin (2), ces propositions lui valent le statut d’homme le plus caricaturé et diabolisé de son temps par la presse bourgeoise.
Les projets proudhoniens de réforme se soldant par un échec, leur auteur va mener une réflexion sur les apories de la représentation politique. A ses yeux, l’expérience de la IIe République a représenté l’émergence d’une oligarchie élective au sein de laquelle les députés ne sont pas de réels mandataires, le consentement des citoyens aux lois n’étant qu’indirectement exprimé lors des élections législatives.
La plupart du temps, le peuple demeure donc impuissant face à ses délégués, qu’il ne peut sanctionner qu’en refusant de les réélire. De fait, la coupure entre élus et électeurs se creuse rapidement. Et Proudhon témoigne : « Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle une Assemblée nationale pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. » (Les Confessions d’un révolutionnaire, 1849.)
Le prolétariat devrait créer des associations fondées sur le principe de mutualité
Mais son analyse va au-delà de ce simple constat : il estime que la Constitution de 1848 confère trop de pouvoir exécutif au président de la République et que l’évolution vers une dictature est inéluctable. Emprisonné pour avoir dénoncé l’affaiblissement de l’Assemblée et les menées de Louis Napoléon Bonaparte (3), déçu ensuite tant par la couardise de la bourgeoisie face au coup d’Etat du 2 décembre 1851 que par la popularité du régime impérial dans les classes populaires, Proudhon observe avec amertume, de sa cellule, l’installation du Second Empire (lire « [16665] », les extraits de ses carnets inédits).
A sa libération, en 1852, il s’élève contre la concentration des richesses — liée aux concessions des chemins de fer et aux connivences des spéculateurs à la Bourse — entre les mains de quelques-uns. Proudhon doit, en 1858, s’exiler en Belgique afin d’éviter un nouvel emprisonnement après la publication de son ouvrage anticlérical De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise. Il ne regagne Paris qu’à la fin de sa vie, plus pessimiste que jamais quant au caractère « démocratique » du suffrage universel.
Dans ses derniers écrits avant sa mort, le 19 janvier 1865, il dénonce même l’inutilité des candidatures ouvrières. Le prolétariat devrait rompre avec les institutions « bourgeoises », créer des associations fondées sur le principe de mutualité et institutionnaliser la réciprocité. Bref, inventer une « démocratie ouvrière ».
Si on laisse de côté certains aspects des conceptions de Proudhon (antiféminisme, misogynie, voire antisémitisme), hélas fréquents chez les socialistes du XIXe siècle, sa pensée demeure d’actualité. Notamment compte tenu du climat de scepticisme face au fonctionnement du système démocratique dans les pays capitalistes avancés. Car il n’est pas certain que les intérêts des classes populaires et travailleuses soient aujourd’hui mieux « représentés » par les partis politiques qu’à l’époque de Proudhon...
Dans toutes les tentatives actuelles visant à « moderniser » le socialisme, existe-t-il une place pour une idéologie prônant une rupture de classe radicale mais pacifique ; exigeant l’organisation de la société en fonction d’une division du travail mutualiste et visant à une moindre différenciation des salaires ; recherchant la justice en se souciant de l’économie ; préférant la représentation socioprofessionnelle à un suffrage universel toujours susceptible de dégénérer en césarisme ; déclarant la guerre aux spéculateurs et aux grandes fortunes ; prêchant un fédéralisme radicalement décentralisateur et non point libre-échangiste ? Ou Proudhon n’est-il surtout destiné qu’à ceux, plus marginaux et moins médiatisés, qui préfèrent les cercles libertaires aux plateaux de télévision ?
En attendant l’improbable venue du président de la République à Besançon pour célébrer, le 15 janvier 2009, le bicentenaire de la naissance de Proudhon, on peut simplement espérer que ce penseur et ce militant retrouve une partie de la renommée qui était la sienne il y a cent ans.Edward Castleton
Edward Castleton est l’éditeur du livre de P.-J. Proudhon, Carnets inédits : journal du Second Empire, CNRS Editions, Paris, à paraître en février. -
[AF Provence] Session de formation à l'occasion du 80e anniversaire du 6 février 34 : la diversité des moyens de luttes aujourd’hui
SAMEDI ET DIMANCHE 8-9 FEVRIER 2014, session de formation organisée par la Fédération Provence Alpes Cote d’Azur, en périphérie de Marseille, sur
la diversité des moyens de luttes aujourd’hui
SOUS LES PAVÉS, LA RAGE !
80 ans après les émeutes populaires du 6 février 1934, il s’agit d’orienter toujours davantage notre stratégie vers la prise du pouvoir
Le thème exact des conférences vous sera indiqué très prochainement.
Les sections limitrophes sont invitées à mobiliser leurs militants pour cette session.
Le dimanche, une visite de Martigues et de la maison de Maurras sera organisée.
Pour plus d’informations : marseille@actionfrancaise.net
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La guerre de quatrième dimension de l'oligarchie contre les peuples
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Goldofaf - on est pas pret de se taire [RIF]
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A la Droite de Julius Evola
Je sais par expérience que dans la mouvance le baron Evola est connu même si bien souvent sa pensée est en partie mécomprise quand elle n’est pas caricaturée. A titre d’exemple, bien des catholiques lui reprochent le paganisme dont il s’est fait le thuriféraire dans son ouvrage majeur, écrit durant sa jeunesse, qu’est « impérialisme païen ». C’est pourtant omettre que son auteur a renié l’ouvrage par la suite, allant jusqu’à s’opposer à sa réédition. C’est oublier aussi que Julius Evola finit par reconnaître au Catholicisme un lien privilégié avec ce qu’il nomme Tradition.
Le baron se revendiqua de la Droite (« Destra »), celle là même que l’on ne peut écrire qu’avec une majuscule et qui s’oppose frontalement à la Gauche. Dès les premières pages de l’essai majeur qu’est « les hommes au milieu des ruines », il met en exergue la discontinuité historique – la notion de « catastrophe » en mathématique – que constitua la révolution française. Est donc de Droite, celui qui refuse bien évidemment la révolution française mais aussi tous les principes qui lui sont attenants. On comprend dès lors par exemple, l’opposition du Baron à l’idée de Nation qui, dans ce qu’elle a de massique et d’égalitaire, heurte le régime de castes (noblesse – clergé – tiers état) qui existait auparavant.
On ne peut contester la sincérité du Baron qui croit être dans le vrai quant à son appartenance à la Droite. J’ai pour autant de sérieux doutes dont je vais vous faire part.
René Rémond, dans la dernière réactualisation de son ouvrage majeur que fut « Les droites en France » considéra, ce qui semble difficilement contestable, que l’une des lignes de fracture majeure entre droite et gauche fut, en plus de l’adhésion à la République – les deux faits sont liés - le positionnement par rapport à l’Eglise. Très longtemps, le vote de droite fut clérical, au point d’ailleurs que le dimanche, jour de l’élection, bien des curés n’hésitèrent pas à appeler durant la messe, leurs paroissiens à voter pour le candidat de droite, ce alors que le vingtième siècle était déjà bien avancé. Réciproquement, la Gauche, bien longtemps, fut viscéralement anticléricale, « bouffeuse de curés » dénonçant, avec fierté d’ailleurs, les influences délétères de la « calotte ».
Il est à mes yeux deux points essentiels sur lesquels le baron Evola est de Gauche:
1) Dans le schème indoeuropéen trifonctionnel, la caste supérieure n’est autre que celle des penseurs. Platon par exemple, se situe dans cette lignée. Or force est de constater que Julius Evola se réclame sans contestation possible de la seconde caste, à savoir celle des guerriers. En ce sens, il favorise et initie de facto la chute qui va mener à long terme vers la victoire de la strate la plus basse qui n’est autre que la plèbe.
2) Si le Baron a renié son ouvrage de jeunesse « impérialisme païen », il n’en a pas moins écrit aussi « Le Mystère du Graal et l'idée impériale gibeline ». A nouveau, le choix est clair : l’opposition à l’époque médiévale – nous sommes ici très loin de la révolution française même si on peut considérer que celle-ci s’annonce déjà - entre guelfes et gibelins n’est autre déjà de celle de la Droite et de la Gauche. Là où la Droite défend des valeurs universelles (ne pas confondre avec « planétaires » ou « mondialistes ») qui sont immuables, éternelles et transcendantes, la Gauche défend déjà des intérêts particuliers, ici locaux, qui heurtent aussi bien l’ordre naturel que la suprarationalité.
Bien souvent l’homme de droite (sans majuscule) aujourd’hui effectue un constat trivial quant la nature humaine. Même si ses analyses sont simplistes voire vulgaires, il part du principe que la nature humaine est un invariant et qu’on ne pourra la changer. A contrario, l’homme de gauche tente de changer l’homme, considérant que l’on peut modifier la donne : on revient à la distinction classique entre le pessimisme de la droite et l’optimisme de la gauche, résumés assez bien par la formule connue : « pour la gauche, l’homme est responsable mais pas coupable. Pour la droite l’homme est coupable mais pas responsable. ». Ce qu’ignorent, aussi bien l’homme de droite comme l’homme de gauche d’aujourd’hui, c’est que par le constat qu’ils effectuent quant à la nature humaine, ils en reviennent essentiellement à ce que fut originellement Droite et Gauche.Philippe Delbauvre http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFlAllZEulHOXIsGve.shtml